Stephane Eybert
21/08/2008
Le virtualisme dans lequel s’est enfermé l’Ouest vertueux dans la forme d’une OTAN otanitruante, est la meilleure chose qui pouvait arriver aux Russes. Voila l’Ouest emprunté, géné aux entournures, et prétendant qu’il se porte à merveille. Un enemi faible et divisé qui crie sa supériorité et son unité doit être un spectable d’une rare saveur pour le public fin et connaisseur que sont les Russes.
Les Russes n’ont plus besoin d’un Pacte de Varsovie. Ils ont maintenant le Pacte d’Evere, qu’on leur a fort gracieusement offert.
Leur intérêt va être de faire perdurer cette construction otanesque paralysant l’Ouest dans une posture d’agression impuissante.
On voit ainsi les Russes provoquant puis apaisant, jouant d’une imprévisibilité, savourant cette attention énervée dont ils sont l’objet.
La sclérose psychologique de nos élites occidentales nous fait toujours référence à cette URSS balourde qui nous arrangeait tant. Mais plutôt que d’attendre le retour de l’Ours, c’est un chat qui revient nous voir. Et il est joueur en diable! Serait il qu’il y prend du plaisir..? Pauvre petite souris occidentale. En plus de la voir impuissante, la voila le spectacle du monde entier qui rit de la façon dont on la fait danser. Le chat, sage et sûr de sa force, ne saurait l’abimer. Il préfère de loin sa compagnie si profitable.
Ni ANDO
21/08/2008
La dichotomie Occident/Russie est très artificielle, cette notion d’“Occident” ressemble davantage à un cache-sexe politique, permettant d’embrigader les pays d’Europe dans le sens voulu par les Etats-Unis, qu’il ne correspond à une réalité facile à définir. C’est une expression très manipulatoire. Il existe un monde européen, une culture européenne, une histoire européenne, toutes choses dont font partie les Russes et la Russie, ce qui est bien moins le cas de nos colonies d’Amérique (qui constituent quand même un rameau un peu raté du monde européen). Les Russes ne sont pas en opposition avec un monde européen dont il font partie. Ils sont simplement en butte depuis 1991 avec un establishment atlantiste qui a décidé de ne pas admettre la Russie dans le club des puissants, en tant qu’égal. Une autre interprétation serait que la Russie, qui n’a pas abdiqué sa vocation de grande puissance, entend désormais peser directement sur les affaires européennes, au détriment direct des intérêts des Etats-Unis. Rôle de grande puissance qui reste tout de même à asseoir: les défis qui restent à résoudre en Russie sont autrement plus compliqués à affronter que l’anéantissement en trois jours d’une armée géorgienne financée et entraînée par des instructeurs étasuniens et israéliens: désastre démographique non encore résolu (même si il y a un mieux du fait d’une politique familiale toute nouvelle en Russie), système de santé précaire, état général de santé de la population inquiétant, gigantesque écart des salaires lourd de conflits sociaux gravissimes, présence d’un quart-monde n’ayant pas profité de la croissance des dernières années, une armée qui reste à moderniser dans sa base matérielle (mais elle a un moral élevé, patriotisme russe oblige), hypertrophie du secteur énergétique dans la composition du PIB, etc. S’agissant du conflit géorgien, il manque à certains commentateurs de la presse française un minimum de culture historique. C’est la Russie impériale qui a “fait” la Géorgie en soustrayant celle-ci à l’oppression ottomane. Russes et Géorgiens ont toujours vécu en bonne intelligence, l’Etat russe monarchique a souvent confié des fonctions d’Etat importantes à des personnalités géorgiennes. Il est probable que l’instrumentalisation de ce petit pays par Washington (le but affiché étant ni plus ni moins l’éviction de la Russie du Caucase du sud, du sud dans un premier temps) a joué un rôle important dans la dégradation des rapports étatiques. Par ailleurs, la Russie était déjà une grande puissance européenne au 18 ième siècle, en un temps où l’on n’exploitait ni le pétrole ni le gaz à une échelle significative. Il faut aussi rappeler que la Russie joue désormais le rôle de locomotive économique de toute l’Europe de l’Est , influence qui est maintenant sensible en Pologne, Tchéquie et bien sûr dans les Etats baltes. L’Europe de l’Ouest ne dispose pas de levier de pression économique. C’est au contraire la Russie qui voit ces leviers émerger progressivement et comme par magie (premier marché automobile européen dans 4/5 ans, PIB qui aura dépassé celui de l’Allemagne en 2025 selon un think tank étasunien, premier secteur énergétique mondial, des ressources de toute nature en quantités colossales, un peuple doué et dynamique, etc. ) . La Russie va reconstituer son “empire” (sa zone d’influence exclusive) non par ses chars mais par sa puissance économique et financière qui n’en est qu’aux prémices de son essor. La contre-offensive russe à l’attaque géorgienne marque un tournant majeur: une puissance s’affirme, tandis que celle des Etats-Unis décline. Si les Etats de l’Ouest européens continuent de lier leur sort à celui de leurs anciennes colonies d’Amérique ils risque sans doute d’être eux-mêmes entraînés dans ce déclin. Les cartes se redistribuent. Une nouvelle configuration émerge. C’est passionnant à observer!.
M. Rpley s'amuse
21/08/2008
Qui est responsable de la politique russe des USA ?
William Pfaff
Paris, 19 août 2008 - Une convaincante explication de lorigine et du développement de la guerre entre la Russie et la Géorgie est donnée par le New York Times, qui attribue la responsabilité de la guerre à ce quil décrit charitablement comme « mauvais calcul, signaux mésinterprétés, présomption ».
La seule chose quelle ne précise pas est le responsable en dernier ressort dune politique américaine envers la Russie qui, depuis leffondrement de lUnion soviétique, fut agressive, militairement dominatrice et menaçante pour lintégrité de la Russie, sans le moindre but discernable. Le classique commentaire occidental accuse les gouvernements de lOTAN davoir sous-estimé « La détermination de la Russie à dominer sa sphère traditionnelle dinfluence. »
Cest faux. La Russie fut étonnamment tolérante devant le succès de lOuest dans ses efforts dannexion de sa « sphère traditionnelle dinfluence », si ce terme désigne le Pacte de Varsovie qui jusquen 1991 était la contrepartie communiste de lOTAN, maintenant des troupes pour appliquer ce que lon appelle la doctrine Brejnev, qui soutenait que ladhésion au Pacte de Varsovie et au le « bloc socialiste » serait irréversible.
Mikhail Gorbachev la inversée. Il a retiré ses troupes de lAfghanistan.
LOTAN fut redéfini par le premier président George Bush, ainsi quil le raconte dans ses mémoires, comme « instrument politique de la stabilité de lEurope » plutôt que force daffrontement militaire. Dans ces termes Gorbatchev accepta lunification de lAllemagne au sein de lOTAN. Les États du Pacte de Varsovie ont été invités à suivre leur propre chemin, et ils lont fait dans lOTAN.
Le président Bill Clinton promit à Boris Ieltsine que lélargissement de lOTAN sarrêterait aux États dEurope de lEst annexés au bloc soviétique par larmée russe pendant et juste après le seconde guerre mondiale. Ainsi, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne, particulièrement victimes de la guerre froide furent parmi les premiers admis à lOTAN.
En 2004, la deuxième administration Bush, notamment Condoleezza Rice, pourtant expert soviétologue qui aurait dû être mieux instruite, a brutalement rompu ces accords en provoquant ladmission dans lOTAN de la Bulgarie, la Roumanie, la Lettonie, la Lituanie et lEstonie (entre autres), ces trois derniers parties intégrantes, sinon volontaires, de lUnion soviétique pendant la deuxième guerre mondiale. Ni Clinton, ni le premier Président Bush, qui ont fait ces promesses, nont protesté.
Ensuite sont venues les « révolutions de couleur », parrainées par les Américains, en Géorgie et en Ukraine, linstallation de gouvernements pro-américains, suivie par les efforts de ladministration Bush pour obtenir de lOTAN quelle leur attribue formellement un Military Action Plan for membership, une initiative fort heureusement bloquée par lAllemagne et la France. Et en février de cette année, le Kosovo, serbe depuis le 12e siècle, fut illégalement déclaré nation indépendante par les États-Unis et lUnion européenne.
Ce fut le tournant décisif pour la Russie [souvenez-vous du discours de Munich du colonel Poutine]. Maintenant, les États-Unis et lUE ont non seulement unilatéralement démembré la Serbie mais ont tenté de faire de deux États historiquement liés à la Russie des satellites de lOuest. La Géorgie et lUkraine navaient pas été seulement partie de lUnion soviétique, mais aussi de la Russie tsariste.
LUkraine est au cur de lhistoire russe. Sa capitale, Kiev, fut au centre de la principauté Rus au Moyen-Age, de laquelle la Russie moderne descend, et a toujours été connue sous le nom de « la mère des villes russes »
La Géorgie a une histoire caucasienne complexe et tourmentée de conflit avec des pouvoirs voisins, mais au 18ème siècle, volontairement, son monarque devint un vassal du Tsar en échange dune protection. Depuis, la Géorgie fit intégralement partie de lhistoire russe. Staline lui-même, et son puissant chef de la police secrète Lavrenti Beria (qui, croit-on, a assassiné Staline pour mettre fin à la dernière grande purge stalinienne) étaient tous deux Géorgiens, de même que dautres grands leaders bolcheviks.
On peut comprendre quun hystérique et démagogique nationaliste géorgien comme Mikhail Saakashvili puisse penser quil pourrait effacer la longue dissidence ethnique dans son pays en attaquant les gardiens de la Paix russes légalement stationnés dans les enclaves afin de protéger les dissidents. Mais qui, à Washington, est le promoteur de cette stratégie dhostilité politique et militaire dencerclement de la Russie ? Quel intérêt concevable de lOccident cela peut-il servir ?
Il sagit dune politique insensée, apparemment destinée à intimider la Russie, mais pourquoi ? Dans un souci de perpétuer les tensions internationales afin soutenir les forces qui, avec Bush et Cheney, promurent des règles exécutives constitutionnellement irresponsables aux États-Unis ?
Cest une question très grave, quoique traitée dans la presse américaine, comme si les États-Unis nétaient pas en train de jouer avec de la dynamite. La Russie est une puissante nation nucléaire avec des intérêts nationaux légitimes [pourquoi cette nation naurait-elle pas dintérêts légitimes ?]. La Russie nest plus cet État messianique et idéologique avec des ambitions mondiales quétait lUnion soviétique. Ces adjectifs décrivent les États-Unis aujourdhui, ainsi que la politique menée envers la Russie par les administrations des deux Bush et de Clinton.
Le conseil le plus judicieux que jaie entendu est venu de la part des Européens [merci, merci], adressé à dautres Européens. Il est de rompre avec cette politique américaine dagression insensée et de confrontation avec la Russie, et de suivre les succès de la médiation Sarkozy en Géorgie avec un effort pour établir des termes européens pour résoudre cette crise, en ignorant les États-Unis.
Saakachvili nest pas de nature à constituer un obstacle. Son peuple pourra bientôt se débarrasser de lauteur de ce fiasco, qui a humilié son propre pays, lOTAN et les États-Unis ainsi bien. Peut-être un ami anticipera-t-il une citoyenneté indignée en offrant à Saakashvili une bouteille de scotch et un pistolet chargé, et en fermant à clef la porte du bureau. Bush et Rice seront bientôt sortis de scène mais qui sait ce qui va suivre.
Linitiative européenne est sensée. Oublions Washington et approchons la Russie avec une proposition pour une nouvelle relation constructive avec lEurope, larbitrage et la résolution de ses problèmes avec la Pologne, lUkraine et la Géorgie de la même manière que ces questions furent traitées au sein de lEurope. Il faudrait une Europe très courageuse pour le faire, mais les États-Unis sur leur cours actuel peuvent la laisser sans beaucoup de choix.
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