Léa
23/03/2017
Pardonnez-moi, Philippe Grasset, mais là où vous voyez des "forces de résistance nées de la Tradition et opérationnalisées sous une forme antiSystème" aux USA, je ne vois que des conflits internes au système, la fragmentation que René Guénon appelait "dissolution finale dans la pure multiplicité".
J'en prends une phrase de l'interview de Casey pour illustration parfaite, je cite, "instead of 220 nation states we should ideally have about seven billion. Everybody should be a sovereign individual."
Nous avons nombre des marques de l'antitradition que Guénon dénonçait dans cette courte phrase : l'individualisme, la dispersion dans la multiplicité, le règne des minorités ici poussé à son terme logique, la minorité composée d'un seul individu contre tous les autres (chacun des autres étant également seul contre tous).
Bref, le système s'effondre sous le poids de ses propres contradictions paroxystiques, de ses fractures internes et de ses divisions… comme l'avait prédit Guénon.
En revanche, je ne sais plus si j'ai pêché ça dans La Crise du monde moderne, dans Le Règne de la quantité ou dans les deux.
Bonne soirée et merci d'avoir mis la grille de lecture guénonienne en avant dans vos analyses !
jc
24/03/2017
Pour moi la séparation Système/antiSystème recoupe la séparation discret/continu et la séparation pensée extensionnelle/ pensée intentionnelle.
Selon moi "Au lieu de 220 nations, nous devrions en avoir idéalement 7 milliards. Chacun devrait être un individu souverain." (Casey) et
"Dans tous les cas la réponse de la nature est dans la discrétisation." (Roddier) trahissent une même façon de penser typiquement extensionnelle, typiquement Système. Et je n'arrive pas à imaginer que Trump & co. (dont Bannon) puissent avoir une pensée fondamentalement différente, c'est-à-dire fondamentalement antiSystème au sens ci-dessus. Pour moi tous ces gens barbotent dans le même marigot-Système bassement matérialiste (cf. le paragraphe suivant).
La pensée extensionnelle a secrété sa rationalité (réductionnisme, atomisme, numérisation, calculabilité) et la logique formalisée (formolisée!) concomitante (syllogisme & co.). Cette pensée nous contraint à voir le monde d'une certaine façon, une façon-Système (TINA dans ce cadre), une façon matérialiste dans laquelle la matière est envisagée comme une matière inerte, imbécile.
L'adoption d'une pensée intentionnelle permet une nouvelle vision du monde, une vision antiSystème inversée par rapport à la vision Système. Cette pensée intentionnelle, conceptuelle, secrète une nouvelle rationalité, une nouvelle logique "vivante" ("la pensée conceptuelle est une embryologie permanente") qui nous permet de nous glisser, nous êtres vivants, dans la peau des choses. Dans cette vision c'est le continu qui précède ontologiquement le discret, c'est l'unité qui précède ontologiquement la diversité, cette dernière s'obtenant par différenciations successives à partir de l'unité primordiale.
La vision-Système règne actuellement quasiment sans partage (cf. les citations de Casey et de Roddier). Je suis convaincu que la vision anti-Système est plus intelligible que la vision-Système (ce qui n'est pas difficile puisque la vision-Système postule pratiquement son inintelligibilité -c'est, selon moi, la raison essentielle de l'inéluctabilité de son effondrement-).
Cette nouvelle vision du monde comme socle de la civilisation à venir?
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