Ni Ando
06/05/2017
La notion de "vide" telle qu'elle est communément utilisée en Europe et dans les pays de tradition européenne appartient à la famille des concepts indéfinis, sans réelle vertu opérationnelle, et dont se délectent les classes intellectuelles supérieures dont font partie les technocrates. C'est une chausse-trappe bien connue qu'en Occident on confond le mot qui désigne la chose avec la chose elle-même càd que l'on finit par considérer que le concept a sa propre vie, une forme d'autonomie, qui prime ce qu'il est supposé désigner. Le vide n'est pas le rien et le vide est toujours "quelque chose". Si le vide était le rien il ne serait pas possible de le désigner car il n'existe pas de mot qui puisse nommer quelque chose qui "n'existe pas" avec quelque chose qui existe. Les Bouddhistes contournent cette difficulté sémantique en utilisant le "ni-ni": pour indiquer qu'une chose n'"existe pas" (dans cette approche de pensée l'"existence" s'apparente à l'identité, une chose qui existe a sa propre identité, une chose qui n'existe pas n'a pas d'identité spécifique même si elle a bien sûr une apparence formelle) il suffit de dire qu'elle est ni être ni non-être car le "non-être" est encore quelque chose. A titre d'exemple, dans le zen cette notion de "ni être-ni non être" a une simple fonction utilitaire, elle n'est pas quelque chose que l'on poursuit à la manière du nihiliste qui considère que le "vide", le "néant" a sa propre substance qui pourrait être désirable en soi. Ce qui est une impasse car elle revient à vouloir imposer l'immobilité de la pierre à ce qui est sans cesse vivant et fluctuant.
Cette dureté de la pierre conceptuelle est aussi le discours politicien technocratique occidental, de Lénine à aujourd'hui, qui renvoie surtout au désir de manipuler l'esprit de l'autre avec des arguments d'autorité. Les couches populaires manient mal le concept ou maladroitement, sur ce plan là il est facile de les dominer.
Le "ni être ni non être" est en effet utilitaire dans le zen car son objectif est, en dévaluant la pensée conceptuelle, celle qui se concentre sur le mot et oublie ce que ce mot désigne, est de libèrer de la place pour autre chose et c'est cet autre chose qui est recherché, à savoir le flux du vivant. On s'en rend compte en général à l'heure de sa propre mort quand, terrorisé ou apaisé, il faut se dépouiller de tout ce qui n'est pas notre être avant de n'être plus. Pourquoi attendre ce moment pour s'en rendre compte?.
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