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Article : Musk, héritier de Guillaume Faye ?

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Crise de la raison humaine ?

jc

  11/01/2025

[ J'ai découvert Guillaume Faye et l'archéofuturisme en parcourant quelques uns des nombreux articles qui lui sont consacrés sur le site Euro-synergies.hautetfort (que Dedefensa m'a fait découvrir). J'ai retenu que l'archéofuturisme de Faye était à rapprocher du post-modernisme de Maffesoli, ainsi que ce que j'ai trouvé dans Wikipédia :

"[Faye] fait l’éloge de la « mentalité européenne » faustienne qui se manifesterait dans « […] la cathédrale de Reims, l’escalier à double révolution du château de Chambord, les dessins de Vinci, les BD de Liberatore et de l’école bruxelloise, ou du design des Ferrari ou les réacteurs germano-franco-suédois d’Ariane 5 »

En mettant en rapport l'escalier à double vis de Chambord et le design des Ferrari*, Faye pose le problème du rapport entre art et technique, sachant que l'art français est la traduction du tèknè grec, ainsi que le problème du rapport entre physique archaïque (phusis) et physique moderne, entre physician et physicist.
]

Trump est-il archéofuturiste ?

Un coup d'œil au titre du papier et à la dernière phrase du chapô indique très vraisemblablement la position de PhG, à savoir : non. Position que je partage et précise : Trump est pour moi un Big Now, il est archéofuturiste à l'expresse condition que passé et futur soient réunis et confondus dans le présent. Son temps est le Kairos grec (Trump opportuniste).

Musk est-il archéofuturiste ?

Pour moi Musk est un matérialiste progressiste pour qui les seuls progrès qui vaillent sont les progrès techniques (au sens moderne du terme). Son temps est le Chronos grec.

Thom est-il archéofuturiste ?
 
Si Thom peut être qualifié d'archéofuturiste c'est parce que son temps est l'Aïon grec, le temps de l'éternité (le temps qui passe, immobile, de "En attendant Godot"). Car pour lui les causes temporelles "initiale" et  "finale " s'effacent devant les causes matérielle et formelle qui, je crois, seules comptent pour lui :

"L'attitude matérialiste, traditionnelle en Science, consiste à dire que l'existence précède l'essence (en fait, l'existence implique l'essence) ; le modèle de la théorie des catastrophes en Morphogenèse va à l'encontre de cet axiome, car il présuppose que, dans une certaine mesure, l'existence est déterminée par l'essence, l'ensemble des qualités de l'être. On peut y voir une résurgence du schème aristotélicien de l'hylémorphisme : la matière aspirant à la forme."

Thom commence un article sur l'innovation** où il commence par rappeler que pour lui c'est l'art qui imite la nature et non l'inverse :

"Encore une fois, comme le disait Aristote, ce n’est pas la nature qui imite l’art, c’est l’art qui imite la nature. C’est parce que nous avons implicitement le schéma de la pompe réalisée dans le cœur que nous avons pu ultérieurement construire des pompes technologiques. Et maintenant, les gens vous disent, le cerveau, c'est un ordinateur ! On continue…" ,

Article qu'il conclut en titrant "Il faut décourager l'innovation" dont la dernière phrase est :

"Si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques."

[ Dans cette dernière phrase, Thom fait la distinction entre catastrophe au sens usuel et catastrophe en son sens.

Parmi les articles sur Faye figure un article de Robert Steuckers intitulé "Guillaume Faye et la convergence des catastrophes” dans lequel "le mathématicien et philosophe français René Thom" est cité à contresens. (Alain de Benoist a également cité Thom en le liant à celui de Prigogine (à propos d'émergence), alors que leurs philosophies des sciences sont diamétralement opposées, "déterministe" pour Thom, "hasardeuse" pour Prigogine.)

Je pense qu'à notre époque où la science moderne bricole le génome et le cerveau, il serait bon que les philosophes contemporains pénètrent plus avant la pensée thomienne. La lecture de "Aux frontières de l'esprit humain : le jeu"*** me paraît être une bonne entrée en matière à l'heure où l'IA bat les meilleurs joueurs humains d'échecs et de go. ]

Crise de la raison humaine ( https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie ) ?

* : Personnellement je préfère associer l'escalier "Léonard" de Chambord à la double hélice du génome plutôt qu'aux escalators géants du métro de Newyork. Je pense que PhG ne me désavouera pas, lui qui sait faire la distinction entre la cathédrale de Reims et les tours de Dubaï.

** : Sur le problème de l'innovation, Encyclopaedia Universalis, vol.17, Organum, pp. 81-82.

*** : Dernier chapitre de "Modèles mathématiques de la Morphogenèse" (2ème ed., ne figure pas dans la première) dont voici un extrait de la fin :

"Toute la science moderne est fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses. Si ce postulat paraît assez bien fondé en Physique (où les difficultés théoriques proviennent le plus souvent du nombre infini des êtres à considérer), il n'en va plus de même en biologie (ni a fortiori dans les sciences humaines). Les phénomènes d'adaptation de certaines espèces vivantes devant nos traitements d'extermination chimiques ou biologiques devraient nous inciter à plus d'humilité. Plutôt que de les attribuer stupidement au hasard néo-darwinien de mutations favorables bien promptes à se réaliser, on ferait mieux de se demander si là aussi des structures simulatrices de l'intelligence humaine ne sont pas engagées. L'idée qu'il pourrait y avoir dans la nature des instances dont le comportement imiterait -tout en l'excédant- notre propre intelligence et ferait ainsi obstacle à nos desseins les mieux fondés, une idée n'est pas sans provoquer en nous un réel malaise. Car alors nos capacités de progrès dans le dévoilement de la nature s'évanouiraient et un monde bien triste, un monde sans eu s'installerait, véritable tombeau de l'humanité. Ici, inutile d'évoquer l'existence d' "extra-terrestres" qui nous domineraient. Il nous suffit d'imaginer qu'il existe des êtres de nature abstraite, quasi-platonicienne, qui puissent jouer ce rôle. Toute science avertie devrait accepter cette possibilité et se tenir prête à relever le défi."

Archéofuturisme ou archéoavenirisme ?

jc

  12/01/2025

PhG distingue le futur et l'avenir en citant de temps à autre Fabrice Hadjadj :

» “En un mot, le futur est relatif à ce qui va, l’avenir à ce qui vient, et il faut que ce qui va soit ouvert à ce qui vient, sous peine d’une vie qui meurt en se fixant dans un programme. Cette subordination du futur à l’avenir marque aussi la supériorité et plus encore la surprise de l’avenir par rapport au futur. "

Hoffmeister fait, à mon avis, une distinction sinon analogue du moins en rapport lorsqu'il écrit :

"L’archéofuturisme propose que l’avenir de l’humanité doit rejeter le progressisme linéaire en faveur d’un modèle cyclique…" ,

phrase qui se termine et se poursuit par :

"où les principes archaïques sont ravivés et fusionnés avec des technologies de renouvellement du monde. Les projets d’Elon Musk sont des prouesses d’ingénierie et des vecteurs d’une philosophie qui réveille les différentes âmes ethniques de l’humanité tout en la propulsant vers les étoiles." ,

alors que Hadjadj poursuit :

"Quand le monde ne va pas, quand, sous nos yeux, il court à sa perte, cela n’empêche pas le royaume de venir : sa grâce ne dépend pas de nos mérites, elle présuppose même plutôt notre condamnation.” .

Hoffmeister place Trump en position de conservateur et Musk en position de futuriste. Si je suis d'accord avec lui en ce qui concerne Musk, je ne suis pas en ce qui concerne Trump. Car pour moi Trump n'est pas un conservateur, c'est quelqu'un qui s'est emparé du parti conservateur (comme jadis Mitterrand s'est emparé du parti socialiste). Trump est pour moi un archaïque en ce sens que c'est un instinctif "Big Now" qui agit et/ou réagit dans l'instant, comme un animal. C'est pour moi un penseur "génétique".

En introduisant Guillaume Faye comme grand philosophe et essayiste, PhG laisse entendre par son titre que Musk pourrait également en être un.

Que Musk pense et ait une pensée audacieuse me semble indiscutable. Mais sa pensée est-elle sage? Pour moi cela mérite argumentation.

C'est une argumentation que je ne trouve pas dans l'article d'Hoffmeister. Quid de celle de PhG, qui a jadis écrit :  "La sagesse aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée"?

[ PS : Il y a eu jadis sur ce site toute une série de dialogues entre Philippe Grasset et Jean-Paul Baquiast, dialogues nés du livre du dernier cité intitulé "Le paradoxe du sapiens", pour moi  en rapport avec l'archéofuturisme.

La différence de position -que j'imagine…- entre Faye, Hoffmeister et Baquiast d'une part et Grasset d'autre part apparaît dans "Le grain de sable divin"* où PhG oppose la cathédrale de Reims aux tours de Dubaï, tours que je renomme -pour les mettre au goût du jour- en l'archaïque tour Trump et en la future (et futuriste) tour Musk, évidemment plus grosse** que la tour Trump.

* : https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin

** : On attendrait plutôt "plus haute", mais le qualificatif est choisi pour souligner la vulgarité que m'inspire ces deux personnages dorénavant aux manettes du bloc occidental. ]




 

Crise de la raison humaine ?.1

jc

  12/01/2025

Je reprends à mon compte la remarque de Jacques Ellul selon laquelle toutes les civilisations ont, d'une manière ou d'une autre, sacralisé la nature, alors que "notre" contre-civilisation sacralise ce qui la profane, à savoir la technique.

Pour moi, c'est là que commence le délire de notre contre-civilisation, qui est une contre-civilisation globale car, qu'ils le veuillent ou non, les leaders du monde actuels sont tenus prisonniers par la technique sous peine de disparition, qu'il s'agisse de la Russie de Poutine, de la Chine de Xi ou de l'Amérique de Biden/Trump.

Dans l'article Dedefensa sur la crise de la raison humaine*, il y a un passage qui m'a intrigué quand je l'ai lu (et maintes fois relu), passage qui s'éclaire pour moi à la lumière des lignes ci-dessus :

"Lorsqu’un officiel chinois, représentant de l’ambassade, lui fit remarquer que la Chine et de nombreux pays d’Asie ne partageaient pas cet enthousiasme pour bien des raisons, et que les partisans du système occidentaliste pourraient “avoir des surprises, dans quelques années, lorsqu’ils verraient l’évolution de cette région”, – entendant par là que cette évolution ne serait pas celle du “système TINA”, – le silence [ du représentant UK ] pour toute réponse…

(...)

Nous pouvons dire notre conviction que l’intervenant se trompait, qu’il se trompe en croyant qu’un modèle de civilisation asiatique rénové s’imposera rapidement, à côté du modèle occidentaliste, éventuellement pour le concurrencer et le remplacer.

Ce n’est nullement que ses arguments de fond ne soient pas justifiés et excellents; ils le sont, ceci et cela, et plus qu’à leur tour. Mais l’intervenant ignore deux choses: combien le modèle occidentaliste est, à la fois, plus puissant qu’il ne croit et plus proche de l’effondrement catastrophique qu’il ne croit. Cela implique simplement que nous sommes tous concernés, que nous sommes tous impliqués, que nous sommes tous révoltés, que nous sommes tous prisonniers."

Pour moi il ne s'agit pas seulement du TINA thatchérien et reaganien que les élites occidentales en place tentent de maintenir "coûte que coûte". Il s'agit plus profondément de la crise de la rationalité occidentale, crise issue des Lumières, il s'agit de la remise en cause de "notre" déesse Raison qui, telle un cancer, a gagné le monde "qui compte".

Jusqu'à quand le sacré sera-t-il prisonnier du profane ? Jusqu'à quand serons-nous prisonniers de cette déesse Raison ?

Le fait que toutes les civilisations aient sacralisé la nature nous donne une piste à explorer, à savoir la piste "naturelle". C'est la voie suivie par René Thom qui propose "une métaphysique réaliste pour redonner du sens au monde" -dernière phrase de "Esquisse d'une Sémiophysique"-, en précisant qu'il s'agit d'une métaphysique minimale.

En d'autres termes Thom propose une religion susceptible de relier tous les humains parce que concernant "seulement" la nature d'une part et parce que minimale d'autre part; et par suite susceptible d'être qualifiée de religion universelle (καθολικός en grec ancien), c'est-à-dire en quelque sorte de néo-catholicisme athée :

"Selon beaucoup de philosophies Dieu est géomètre. Il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu" ("Infini opératoire et réalité physique" -article de 1989 que je n'ai pas lu-).

Cette religion susceptible de relier tous les humains pourrait, il me semble, intéresser des philosophes comme Alexandre Douguine à la pensée de René Thom.


* : https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie