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Article : On commente la nouvelle de la guerre corrompue

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  26/05/2003

L’Irak, défaite de l’armée russe
par Sylvaine Pasquier
 
Les stratèges de Moscou sont déçus: les militaires irakiens formés par leurs soins n’ont pas tenu longtemps face aux forces américano-britanniques. Du coup, l’état-major rumine sur la vétusté de son système de défense

A Moscou, stratèges, haut gradés et spécialistes des services secrets ont le moral en berne, laminé par la guerre d’Irak. Du début à la fin, les faits ont démenti avec constance leurs prévisions. Au point que Vladimir Poutine, exaspéré, s’en serait pris sans ménagement, le mois dernier, à des responsables de la Défense. La plupart avaient annoncé qu’il faudrait au moins de trois à six mois aux Américains et aux Britanniques, confrontés à une farouche résistance, pour se rendre maîtres du terrain. Selon l’hebdomadaire Argumenti i Fakti, un expert du renseignement militaire (GRU) aurait estimé le coût humain de la prise de Bagdad à 5 000 morts dans les rangs de la coalition et jusqu’à 500 000 parmi les Bagdadis! Un tel pronostic relève des conceptions en vigueur dans l’armée russe, où l’on ne se soucie guère d’épargner les vies, en particulier celles des civils. A Moscou, la seule méthode connue pour s’emparer d’une ville où les dispositifs militaires sont enchâssés dans le tissu urbain reste le pilonnage aérien. Appliquée à Grozny avec les résultats que l’on sait, cette approche date de la Seconde Guerre mondiale. Elle fait l’impasse sur les innovations technologiques, système de visée laser ou guidage par satellite, qui permettent aujourd’hui de limiter la casse. Les difficultés budgétaires de la Défense russe ne sont pas seules en cause: nombre de généraux tiennent les «bombes intelligentes» et autres missiles de précision pour de «coûteux gadgets et non pas de véritables armes», note le chroniqueur militaire Pavel Felgenhauer. Dans l’arsenal hérité de l’Union soviétique, il en existait, précise-t-il, quelques exemplaires - certes, déjà anciens - dont les fédéraux ont tenté l’utilisation en Tchétchénie. Faute d’avoir reçu la formation nécessaire, ils ont été incapables de les faire fonctionner.

Des comparaisons dévastatrices

Peu impressionné par la campagne de la coalition - «Rien d’exceptionnel, ni dans le courage des troupes ni dans l’art de la guerre» - le général Leonid Ivachov, ancien responsable de la coopération internationale au ministère de la Défense, remâche sa frustration: «S’il y avait eu parité des moyens, l’Irak aurait gagné.» Fidèle à la tradition dont il est issu, il porte un regard sévère sur l’armée américaine: «C’est un corps expéditionnaire aux effectifs limités, sans autre culture que celle de l’offensive. Lorsqu’il lui faudra affronter une véritable résistance, il subira des pertes colossales.»

Peu avant la chute de Bagdad, un général à trois étoiles à la retraite, Vladislav Achalov, vantait l’excellence de la défense irakienne, dépositaire de l’«expérience de combat» acquise par l’URSS. Et de rappeler que 6 500 conseillers militaires soviétiques étaient encore sur place au début des années 1990. Dans les dix jours précédant la guerre, lui et l’un de ses homologues se trouvaient sur les bords du Tigre, où leur était décernée une médaille au nom de Saddam Hussein. Distinction méritée: des sources irakiennes leur prêtent un rôle de «relais officieux» entre Moscou et le régime déchu, contournant les sanctions onusiennes… Au reste, ces ex-putschistes de 1991 contre Gorbatchev avouent avoir effectué une vingtaine de séjours en Irak depuis cinq ou six ans.

Les experts militaires poussent le pouvoir à tirer les leçons du conflit pour enfin réformer l’armée russe

Incrédules devant la brutale débandade des troupes de Saddam Hussein, les esprits forts ont voulu n’y voir qu’une feinte, utilisée autrefois par le prince Mikhaïl Koutouzov contre Napoléon - attirer l’ennemi dans le piège urbain pour mieux le décimer. A défaut, les faucons moscovites affirment aujourd’hui que les Etats-Unis ont acheté leur victoire en soudoyant le haut commandement irakien. Ce tir de barrage n’empêche pas l’opinion de se poser des questions. Pourquoi les forces fédérales s’enlisent-elles depuis près de quatre ans en Tchétchénie, où elles perdent des milliers d’hommes, alors que vingt jours auront suffi à la coalition, au prix de moins de 200 morts dans ses rangs, pour l’emporter en Irak? Comparaisons dévastatrices. Les plus lucides des experts militaires poussent le pouvoir à tirer les leçons du conflit, si amères soient-elles, pour enfin réformer l’armée russe, projet qui fait long feu depuis plus de dix ans.


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