OFJ
22/01/2020
Pour compléter cette réflexion, je suggère de relire l'article de Frédéric Lordon en date du 3 mai 2017, publié entre les deux tours de la présidentielle, dans "le monde diplomatique". (https://blog.mondediplo.net/2017-05-03-De-la-prise-d-otages)
En voici un bref extrait : ..." D’un côté, donc, le FN, de l’autre Macron, qui est comme le candidat optimal pour la phase finale de la décomposition, dont il ne faut alors pas méconnaître les bonnes propriétés stratégiques objectives. C’est sans doute un propre des situations de grande crise que la nécessité historique trouve toujours les agents individuels qui lui conviennent pour s’accomplir. Ici particulièrement. Car Macron s’annonce comme l’accélérateur de tous les processus. Fabriqué par l’oligarchie comme réponse à la crise, il est le meilleur agent de l’approfondissement de la crise. ..."
Et Trump, avec ses gros sabots, bien que sur un registre très différent de celui de Macron, est lui aussi un révélateur du système.
Néanmoins, il y a me semble t-il des distinctions notables entre les 2 personnages, notamment : l'un est élu par les deplorables, l'autre par des bobos ; l'un semble patriote, l'autre veut détruire la France ; l'un est dénigré par les medias français, l'autre est encensé par eux.
Bref, si ces deux là sont effectivement des révélateurs du système, des accélérateurs de crise, très clivants, et si tous deux suscitent de la haine, encore faudrait-il préciser qui les hait, parmi leurs concitoyens (on n'ose utiliser ce mot pour Macron), parmi les medias, dans d'autres pays (qui et dans quels pays), etc…Et du coup, je m'interroge : si c'est bien le système qui est haï à travers Macron, n'est-ce pas le système qui hait Trump, lequel le rend fou ?
Jeroen Ducos
23/01/2020
Si Trump et Macron (et accessoirement Hillary et Fillon) font l'objet d'une haine à leur égard, celle-ci est complètement différente, même diamétralement opposée. C'est-à-dire que Trump est l'objet d'une haine que vous pourriez appeler haineSystème, c'est-à-dire que tout élément du Système ou voulant s'afficher comme tel, se doit d'afficher haut et fort sa haine inconditionnelle à l'égard de Trump, qu'il doit associer à son incurable bêtise, son inculture crasse et sa folle impulsion à la destruction totale de la planète, par bellicisme ou par son désintérêt totale pour la pensée écologiquement correcte. Par contre, hors Système, Trump ne déclenche pas systèmatiquement un rejet et encore moins une haine (l'Américain moyen qui ne s'inscrit pas dans une relation Système - antiSystème ayant tendance encore aujourd'hui, 3 ans après la campagne, à voir en Trump un moindre mal par rapport à Hillary-la-folle, ou tout au moins la potentiellement folle), et il va même générer une certaine admiration à mesure que la personne se rapproche de la position antiSystème.
De son côté, tant Macron qu'Hillary ou même Fillon, sont et étaient chacun à leur manière des chouchous du Système (Macron étant plus Bloc-BAO compatible qu'un Fillon ayant montré bien avant les élections qu'il regardait Poutine avec des yeux de Chimène, une attitude qui l'aurait presque rendu trumpien si elle ne datait pas d'avant l'apparition de Trump dans le panorama politique Etatsunien). S'ils déclenchent vis-à-vis de leur personne une telle haine auprès d'un public tant horsSystème que antiSystème, c'est précisément parce qu'ils s'inscrivent complètement, bien qu'avec leurs nuances respectives, dans le Système et qu'ils représentent chacun à leur manière une menace existentielle bien réelle, ou du moins perçue comme telle, par toute personne qui ne ferait pas partie du Système (sachant que la haine, sentiment très fort, mélange d'une amour dévoyé avec une grosse dose de peur, la haine donc n'apparaît que quand l'objet de la haine représente une menace existentielle réelle ou perçue comme telle sur la source de la haine).
On a donc un Trump, objet d'une haineSystème, parce qu'il représente une menace existencielle réelle ou perçue comme telle par le Système, faisant de lui le candidat antiSystème par excellence, alors qu'il s'inscrit plutôt dans sa politique au sein du Système. Et un Macron, objet d'une haine des horsSystème ou antiSystème, parce qu'il représente pour eux une menace existentielle réelle ou perçue comme telle, faisant de lui le candidat Système par excellence, même s'il est condamné à n'évoluer désormais que de plus en plus hors du Système, voire même contre le Système. En effet, Macron en tant que représentant de la France est condamné à se positionner contre Trump de manière ostentatoire (position Gaullienne traditionnelle) à la différence de Merkel, qui doit le faire de la manière la plus discrète possible, ou encore d'un Boris Johnson, meilleur allié en toute circonstance. En se positionnant contre Trump, figure considérée comme antiSystème par le Système, Macron pourrait espérer être considéré comme faisant partie du Système par le dit Système, mais Trump n'étant antiSystème que dans le discours et pas dans les faits, Macron se risque à glisser à chaque fois plus hors du Système, jusqu'à peut-être finir considéré comme antiSystème par le Système s'il venait par exemple à se rapprocher de Poutine !
jc
25/01/2020
PhG: Je ne suis pas devin, qu’on se le dise.
Mais si! Nous sommes tous devins, nous sommes tous des herméneutes, nous devinons tous (ou devrions tous tenter de deviner) les signes que "Mère Nature" nous envoie, que ce soit consciemment (parfois?) ou inconsciemment (très souvent). Marie accomplit ainsi vaillamment "sa longue et lourde tâche" de chienne beauceronne en devinant les signes que la Nature lui envoie.
(Mais nous autres modernes avons choisi d'autres voies, comme celle tracée par Emmanuel Kant pour les scientifiques -eux seuls?- dès le début de la préface à la deuxième édition de "Critique de la raison pure":
"La raison, tenant d’une main ses principes, qui seuls peuvent donner valeur de lois à des phénomènes concordants, et de l’autre l’expérimentation qu’elle a conçue d’après ceux-ci, doit s’approcher de la nature, certes pour être instruite par elle, mais non toutefois comme un élève, prêt à entendre tout ce que le maître veut, mais en la qualité d’un juge en exercice, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu’il leur soumet." )
Thom n'est pas du tout sur la longueur d'onde kantienne en ce qui concerne les mathématiciens: "Je verrais volontiers dans le mathématicien un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront plus tard à ouvrir le dialogue avec elle et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo. Et où, me direz-vous, le mathématicien pourrait-il entendre la réponse de la nature? La voix de la réalité est dans le sens du symbole." (MMM, "De l'icône au symbole", conclusion)
jc
25/01/2020
Wiki: "La divination est la pratique occulte et métaphysique visant à découvrir ce qui est inconnu : l'avenir, le caché, le passé, les trésors, les maladies invisibles, les secrets, les mystères, etc. et cela par des moyens non rationnels."
Les matheux passent leur temps à ça: découvrir un énoncé (conjecturer) puis le prouver. Jeu de devinettes, bourdonnement dans le vide¹, sauf lorsqu'on a la conscience ou l'intuition d'engager le dialogue avec Mère Nature (cf. la citation de Thom dans mon commentaire précédent) auquel cas on peut peut-être parler de divination.
La citation préférée (de loin) de Thom est héraclitéenne: "Le Maître dont l'oracle est à Delphes ne dit ni ne cache, il signifie.", que Thom traduit en "La Nature nous envoie des signes qu'il nous appartient d'interpréter", et que je traduis par ce que je pense être dans l'esprit de Guénon et de PhG: "Dieu nous envoie des signes des temps qu'il nous appartient identifier et dont nous avons ensuite à deviner la signification".
Ne serait-ce que pour cette simple raison il faut lire le tome III-1 de "La Grâce de l'Histoire" (1€ en format kindle)
¹: Je ne serais pas étonné d'apprendre un jour que le départ de Grothendieck de la communauté mathématique (au début des années 1970) ait eu un rapport avec le "bombinans in vacuo" de la citation thomienne de mon précédent commentaire. Car Grothendieck consacre un livre ("La clef des songes") à dire comment il dialogue avec Dieu.
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