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Les quatre cavaliers de l'eschatologie

Article lié : La “Mort Noire”

jc

  26/04/2020

Selon moi toujours cette confusion entre eschatologie (fin d'un monde) et apocalypse (dévoilement d'un nouveau monde). À mes yeux néophytes -j'ai vaguement entendu parler de ça dans ma jeunesse, sans y prêter attention- il s'agit ici d'une allégorie de fin de monde -la paix par la mort-, de signes des temps au sens de Guénon, et non d'une allégorie de dévoilement d'un nouveau monde.

A. Crooke: "Depuis les Lumières, l'Occident s’est habitué à penser qu’il contrôle à la fois la nature et notre environnement."

L'Occident a fait fausse route avec sa prétendue rationalité (les principes logiques aristotéliciens et le scientisme post-galiléen). PhG a consacré un long article de son glossaire à cette question¹. La rationalité n'étant guère autre chose qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire -selon la jolie expression de Thom- il nous appartient dorénavant de rejeter cette vérité "aristotélicienne" qui
n'est guère plus qu'une rhétorique et cette réalité "objective" post-galiléenne qui n'est guère mieux que du scientisme. Il nous faut revenir aux sources premières de l'intelligibilité, ce que tente de faire Thom avec sa théorie des catastrophes, théorie de l'analogie qui permet des audaces de pensée -pour reprendre la jolie expression de PhG¹- bien supérieures à celles de Eudoxe et Aristote.

A. Crooke: "Et maintenant, de manière inattendue, la complexité de la nature nous frappe en pleine face."

Thom: "Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d'une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi-direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des Sophistes, de la Géométrie euclidienne, de la Logique aristotélicienne, la pensée intuitive a fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve." (MMM, Topologie et signification, note finale)

Bernard Giraudeau: "Il y a peu, une équipe de recherche plus hardie a voulu en savoir plus sur la pharmacopée amazonienne. Ils ont demandé aux shamans comment ils pouvaient reconnaître la bonne plante sans l'expérimenter sur les hommes et faire quelques dégâts. Les shamans ont répondu: on n'a pas besoin de tuer des animaux ou des gens pour savoir si une herbe ou une racine est efficace. Alors comment faites-vous? Nous nous asseyons devant la plante choisie, en silence, le temps nécessaire, et elle nous parle. Les chercheurs sont repartis marris." (Cher amour, p.40)


¹: https://www.dedefensa.org/forum/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-humaine-1




 

Aux temps des calamités

Article lié : La “Mort Noire”

Olivier le verseau

  25/04/2020

Cette “ peur de glisser dans un Abîme sans espoir” n’est que la conséquence de la disparition de la foi en une puissance supérieure, en dieu si l’on préfère.

Et si la nature reprend ses droits, c’est que l’homme s’est laissé aller à son hybris et n’a pas respecté ses devoirs.

Aux temps des Cathédrales... oui on y revient toujours à ce Temps hors du temps.

Et la peste noire comme la grippe du Kansas (dite espagnole, mais bien originaire des États-Unis d'Amérique) sont comme des signes de notre destin.

La noire pour la fin de ce beau Moyen-âge, et la grippe de 1918 comme l’apothéose de la grande guerre dans l’esprit macabre. (“une “Danse Macabre” pour les désespérés, …")

Bon nous sommes encore loin des 50 à 100 millions de morts de la grippe de 18/19 puisqu’à ce jour J de 2020 nous sommes à 200 000 morts de par le monde (au doigt mouillé).

Mais en ce bon temps des fusées Musk et autres gadgets transhumanistes, ce nombre à l’époque des nombres et “du règne de la quantité”, peut paraître hors norme…

En évoquant notre belle époque, entre deux commentaires politico-économiques, ma fille âgée de 16 ans me demandait ce soir si elle allait vivre longtemps dans un tel monde et me disait qu’elle aimerait revenir à un monde plus sain et vrai (je résume). Comme on dit parfois, “allez on ferme”... avant de pleurer…

 Bon, on n’a pas pleuré et nous sommes allés dîner… (fin de la parenthèse familiale).

Et “si nous tombions tous”, la symbolique de la chute de l’ange, avec l’orgueil (ou hybris) en toile de fonds …

Oui, moi aussi, “je dois l’admettre : je ne sais pas ce qui se passe. Je sais que c'est un moment crucial de choix pour l’humanité... “

Néo-capitalisme

Article lié : The World After, selon Max

jc

  25/04/2020

Je pense qu'il faut séparer le capitalisme immobilier du capitalisme mobilier. Dans les deux cas il y a un lien d'appartenance. Je vois le lien immobilier comme une appartenance de l'individu à l'immobilier (néo-capitalisme, usus?) -typiquement à la terre qui l'a vu naître et à laquelle il retournera-, alors que je vois le lien mobilier comme la possession de ce mobilier par l'individu (capitalisme actuel, abusus?) -typiquement l'or-.

https://www.dedefensa.org/forum/paroles-de-villiers  (PFD.14)

Ontogenèse: du rejet au projet.1

Article lié : De l’ontologie de l’antiSystème

jc

  25/04/2020

Après réflexion nocturne je me demande si la phase de rejet, eschatologique et "obscure", n'est pas plutôt une phase substantielle et topocratique, la phase de projet, apocalyptique et "éclairée", devenant alors la phase essentielle et logocratique, avec l'apparition d'une  lumière qui brille dans la nuit qui donne vie, souffle, au projet.

Thom:

- "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté."

- "Pour moi, la mathématique, c'est la conquête du continu par le discret."

- "Cette opposition entre une singularité créée comme un défaut d'une structure propagative ambiante, ou une singularité qui est source de l'effet propagatif lui-même pose un problème central qu'on retrouve pratiquement à l'intérieur de presque toutes les disciplines scientifiques. La Physique contemporaine admet plutôt le premier aspect [le second?]: la particule est source d'un champ qu'elle génère; Einstein, en Relativité Générale, verra plutôt dans la particule la singularité d'une métrique de l'espace-temps. On retrouve ici cette aporie fondamentale du continu et du discret qui est au cœur de la mathématique. On retrouvera cette même aporie jusqu'en psychologie: est-ce que nous parlons parce que nous pensons, ou au contraire est-ce que nous pensons parce que nous parlons? (1986, Philosophie de la singularité)

Grasset: "« Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi…» ("La Grâce de l'Histoire", tome III-1, p.53)

Compte tenu de ces citations, je pense que l'ontogenèse de ce .1 est plus (embryo)logique que celle du .0: la phase "obscure" est une phase topocratique de tension qui crée la singularité, singularité qui est le logos (le mot, la phrase…) que le logocrate (PhG!) déploie dans la phase "éclairée", phase prophétique et apocalyptique.
 

Ontogenèse: du rejet au projet

Article lié : De l’ontologie de l’antiSystème

jc

  24/04/2020

Dans toute ontogenèse il y a, je crois, d'abord une phase négative, phase de rejet de l'ancien être, ici le Système, qui commence par l'abandon par certains de l'ancien paradigme -phase Ron Paul pour PhG- et qui se termine par une ontogenèse négative de réunion des déçus du Système sur un but, une cause finale, ontogenèse fonctionnelle, "en puissance": "Delenda Est Systema"; phase "Donald Trump" que Thom désigne sous le nom de phase de catastrophe silencieuse pendant laquelle l'antiSystème gagne en compétence. Phase eschatologique, "obscure", prophétique, essentielle, logocratique?

Puis, initiée par un choc catalyseur -ici l'épidémie de coronavirus qui met brusquement en pleine lumière les tares et les tarés du Système-, débute la phase positive de l'ontogenèse, phase de projet, phase structurelle, "en acte", pendant laquelle le nouvel être antiSystème gagne en performance. C'est la phase dans laquelle nous entrons actuellement, il me semble, conformément aux idées lamarckiennes de Thom: "Dans les sociétés c'est la fonction qui crée l'organe¹, ça ne fait aucun doute". Phase apocalyptique, "éclairée", substantielle, topocratique?


¹: https://www.psynem.org/Art_psychanalyse/Preuves/Rene_Thom_Jean-Luc_Godard    (à 39'45)


 

PDF.0.0

Article lié : Paroles de Villiers

jc

  24/04/2020

Le rôle du chef.

Pour moi c'est indubitablement de gérer au mieux, pour la collectivité, les ennuis lorsqu'ils se présentent à elle. Charles de Gaulle a été incontestablement un chef en ce sens, et Emmanuel Macron, tout aussi incontestablement, n'en est pas un.

Puisqu'il est question de deutérostomie dans le .0 (pour moi de façon tout-à-fait sérieuse), je ne peux m'empêcher de terminer -pour le fun mais pas que- par  http://www.imagesetmots.fr/pages/litterature/chef.htm  qui illustre, selon moi, assez bien la situation actuelle de la déviance conjointe de l'autorité spirituelle et du pouvoir temporel: le principe d'une réalité supérieure à l'idée, cher à l'actuelle gérontocratie vaticane, étant remplacé actuellement par le principe d'une réalité déviante supérieure à l'idée déviante -le scientisme-, le pouvoir temporel (Macron, Trump…) ayant le dernier mot (tout cela sans compter la déviance de l'idée même de démocratie).

 

PDF.0

Article lié : Paroles de Villiers

jc

  23/04/2020

[Je m'aperçois que plusieurs PFD ont été orthographiés PDF, portant à confusion puisque pour moi PFD = Principe Fondamental de la Démocratie et PDF = Première Démocratie Française]

Je prône une constitution embryologique pour cette Première Démocratie Française, par analogie entre corps humain et corps social, analogie licitée par ma citation thomienne favorite: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés".

Par quoi commencer? Par le Verbe ou par la Chair? Est-ce ontologiquement d'abord une affaire d'idéalistes et de logocrates ("Au commencement était le Verbe") ou d'abord une affaire de matérialistes et de topocrates ("Au commencement était la Chair")? Sujet dont j'ai déjà débattu ici sporadiquement. La lecture du Blog à Lupus¹ m'a fait découvrir un mot que je ne connaissais pas: deutérostome (ou
deutérostomien); et j'ai appris que les humains étaient, paraît-il, deutérostomiens, c'est-à-dire que lors de l'embryogénèse l'anus se forme avant la bouche. Je me suis alors replongé dans ES où Thom propose un plan général de l'organisation animale. Il en parle (p.79) tout en contestant cette antériorité "dans le détail". Je pense que c'est une excellente introduction pour une réflexion sur la constitution de la PDF, constitution que je perçois depuis quelques temps comme bottom-up.

Dans son PGOA (Plan Général d'Organisation Animale) Thom pense que nous avons deux cerveaux, l'un, prédateur, situé près de la bouche, l'autre proie situé le long de la moelle épinière. Si nous sommes deutérostomiens alors cela conforte mon idée que le cerveau-proie est situé au bas de la moelle épinière, près des parties excrétrices qui excrètent le bon grain, c'est-à-dire les gamètes (éventuellement fécondées, chez la femelle) et aussi l'ivraie, et que c'est ainsi le cerveau-proie, siège des émotions, qui mène la danse, plutôt que le cerveau-prédateur, comme on le pense actuellement.

¹: https://leblogalupus.com/2020/04/19/le-confinement-total-est-un-moyen-dachever-le-processus-dappauvrissement-des-classes-moyennes-et-des-ouvriers-occidentaux-que-le-libre-echangisme-mondialise-a-bien-entame-%c2%a8par-y/

10 millions de barils

Article lié : Notes sur la ruée hors de l’or noir

Dominique Larchey-wendling

  23/04/2020

10 millions de barils en moins n'ont pas suffit à sécuriser le prix du pétrole. Pour sauver l'industrie du Shale Oil US, il faut rétablir le prix à un niveau élevé, soit en rétablissant la demande (mais ça va être dur avec Covid-19), soit en détruisant l'offre. A votre avis, quelle sera la cible? Téhéran sous embargo ne contribue pas assez pour qu'une mise hors jeu est un impact significatif. Moscou est trop dangereux. Alors il reste ... Riad. Et si on attaque l'Iran, que fera-t-il si ce n'est paralyser le détroit d'Ormuz et par là même, impacter la production Saoudienne. La vrai cible sera logiquement l'Arabie Saoudite.

PFD.17

Article lié : Paroles de Villiers

jc

  23/04/2020

Performance et compétence.

La crise du Covid19 met en évidence la dramatique perte de performance du Système -l'οἰκονομία, l'administration de la maison, étant réduite au minimum- et la non moins dramatique incompétence de ses dirigeants, et on s'aperçoit à ce propos que le principe de Peters vaut non seulement pour la compétence mais aussi pour la performance: manque criant de compétence de la seule autorité acceptée dans nos sociétés modernes, à savoir l'autorité scientifique et manque criant de performance du pouvoir temporel -l'exécutif-.

Mais dans un cadre plus général je crois que toute perte de performance est compensée par un gain silencieux¹ de compétence, parce qu'une perte de performance du pouvoir "actuel" (temporel) met en lumière tout un nouvel univers de possibles (on aurait pu faire comme ci ou comme ça) qui est un gain de compétence du pouvoir "potentiel" (spirituel). J'ai envie d'ériger en principe que le jeu permanent de l'échange entre actualisation (alias rigidification, voire cadavérisation lorsqu'en phase "vieillesse") et potentialisation est un jeu à somme nulle. C'est l'un des principes fondamentaux de la pensée de Stéphane Lupasco, et il m'a convaincu, au sens près².

Pour moi la potentialisation n'est pas une entropisation, c'est un amalgame, un retour à l'Unité primordiale toute puissante par gain progressif de compétence, retour à partir duquel tout redevient possible: Unité primordiale = Chaos primordial = Vie toute puissante = Énergie vitale maximale; et l'actualisation n'a pas pour but la vie, mais la mort: progrès (au sens moderne) = énergie vitale consommée et/ou consumée, Cosmos = mort. Il y a actuellement une lutte (à mort…) entre les arrière-gardistes rigidifiants et incompétents (E. Macron, etc.) qui cherchent encore et toujours à progresser dans l'ancien monde selon l'ancien mode -sans avoir sans doute conscience qu'ils précipitent la fin de ce monde-là-, et les avant-gardistes, pour l'instant sous le voile, qui attendent et/ou préparent l'apocalypse.

Pour moi le big-bang de la grande crise de l'effondrement du monde qui s'en va est un mal nécessaire qui a pour but de libérer l'énergie vitale nécessaire au monde qui vient: dans le sempiternel cycle conjonction-compression-(explosion)-détente-disjonction, valable pour les moteurs à explosion comme pour les Manvantaras³, j'attends l'explosion libératrice qui débouchera sur le nouvel âge d'or d'une elle nouvelle civilisation qui atteindra son apogée à la fin de son été -la fin de l'âge d'argent- avant de décliner à l'âge de bronze et de mourir à la fin de l'âge de fer -là où nous nous trouvons actuellement dans le cycle précédent-.

Vers la fin de la concentration rigidifiante des pouvoirs spirituel et temporel? (En France, fin d'un hard-jacobinisme cadavérisant si bien symbolisé par Emmanuel Macron, remplacé par un soft-girondinisme localisant?)


¹: Thom parle à ce propos de catastrophe silencieuse: "C'est le phénomène de "catastrophe silencieuse", sans effet morphogénétique immédiat, mais qui s'exprime en Embryologie par le "gain de compétence" " (MMM, "Une théorie dynamique de la morphogenèse", ed. 1974, p.267).
²: Pour Lupasco l'actualisation (qu'il appelle hétérogénéisation) va vers la vie et la potentialisation (qu'il appelle homogénéisation et qu'il associe à l'entropisation) va vers la mort. Je pense que l'actualisation va vers la vie jusqu'à son apogée, sa maturité, puis décline pendant la vieillesse jusqu'à la mort, pendant que la potentialisation suit le chemin inverse et antagoniste.
³: https://www.dedefensa.org/article/vers-un-effondrement-de-civilisation

Par Toutatis !

Article lié : SST victime de Covid-19

patrice sanchez

  23/04/2020

Tout à fait cher Mr Grasset, le ciel est en train de s'occuper aux petits oignons de la pensée dégénérée qui n'a que trop régné, et pour paraphraser ce cher Nietzsche, nous assistons aux commentaires désespérés des anti systèmes us, qui ne veulent pas voir pour se rassurer, que leur système reposant sur une machiavélique imposture est en train de sombrer corps sans âme dans la fosse septique de l'Histoire !
A propos de cette pensée tordue, je suis tombé dernièrement sur un texte passionnant que je me permets de vous joindre, c'était il y a 5 siècles et de toute évidence nous assistons à l'éternel retour de l'apocalypse ! : « La partie supérieure de l’Univers » et « la matière première » : cosmos et renovatio mundi chez Loys Le Roy et Giordano Bruno 
Dans le dernier livre de son traité, Loys Le Roy, l’humaniste de Coutances livre une description sans concessions de la crise mondiale qui domine son époque – qu’une interprétation traditionnelle attribue à la punition divine pour les péchés et les vices humains. Il est intéressant de relire ces passages à la lumière du Lamento Ermetico
contenu dans le dialogue Spaccio de la bestia trionfante de Giordano Bruno, composé dix ans après le traité de Le Roy. Le philosophe italien y reprend un passage de l’Asclepios publié par Marsile Ficin, une prophétie qui annonce au « malheureux » siècle présent le retour imminent de l’ancienne sagesse, la renovatio mundi. Mais en se démarquant du texte hermétique, Bruno pose à la base du
dialogue entre responsabilité et nécessité, entre raison et providence, la même vertu sur laquelle Le Roy avait fondé le renouveau de la communication entre Dieu, l’homme et la nature : la justice.
Je veux insister ici sur l’opportunité d’explorer la présence de Le Roy chez Bruno, et
ce pour deux raisons, aussi bien historiques et théoriques51. En premier lieu, l’ouvrage de Le Roy est publié quelques années avant l’arrivée de Bruno à Paris, dans le même entourage culturel que va fréquenter le philosophe italien, le Collège
Royal. Regius, impliqué dans la vie politique et Professeur au Collège dès 1572, a certainement influencé avec les idées exposées dans ses pamphlets ce milieu intellectuel auquel Bruno va se mêler dès son premier séjour parisien, en 1582,
lorsqu’Henri III le nomme « lettor straordinario e provvisionato », en l’inscrivant donc parmi les lecteurs royaux. De plus, en 1585 le lettré ferrarais Ercole Cato, un des fondateurs de l’Académie des Intrépides, dont le nom est attaché à sa traduction de
la Demonomania de Jean Bodin52, publiait dans l’imprimerie vénitienne d’Aldo Manuzio sa traduction italienne du traité de Le Roy. Il est donc fort probable que dans le milieu parisien, entre 1582 et 1586, Bruno ait pu entrer en contact avec les
écrits de Regius.
Se dessine alors une hypothèse fascinante. Chez Giordano Bruno l’intuition de Le Roy trouve son accomplissement : le progrès coexiste avec le cycle des vicissitudes, ce rythme selon lequel la substance cosmique génère continuellement de nouvelles
formes de la matière universelle. Pour Bruno le temps cyclique vicissitudinal coexiste
avec l’idée de l’homme faber, créateur actif qui participe à la réalisation de toutes les
possibilités de la matière vitale infinie, en accumulant des connaissances toujours
nouvelles : « Ce qui est maintenant caché, viendra avec le temps en evidence, et s’esmerveilleront nos successeurs que l’ayons ignoré », avait écrit
quelques années auparavant Louis Le Roy53.

On entend un écho significatif de Regius chez Bruno dans un passage d’un des dialogues les plus célèbres du philosophe de Nola, Spaccio de la bestia trionfante. Publié à Londres par les presses de Charlewood en 1584, il traite de la réforme
voulue par Jupiter pour mettre fin à la décadence qui frappe le monde céleste. Luther et les réformés ont porté à des conséquences extrêmes le renversement des lois de la nature, la dolenda secessio inaugurée par le christianisme. Mais la « vieillesse du monde » – le cycle hébraïco-chrétien, suivant les mots de Bruno – est en train de s’accomplir et, après la nuit des pédants et des sophistes, voilà que pointe à l’horizon la lumière de la vérité, la renaissance. Portée par des images de vieillesse, de difformité, de crise, la description du concile voulu par le roi de
l’Olympe conduit à l’analyse des racines de cette décadence qui, dans cette Europe
déchirée par des conflits féroces, menace toute la société humaine. Á cela, Bruno
oppose sa nova filosofia, finalisée à retrouver la dimension spatiale originaire où la
communication entre l’humain et le divin est manifestation : il faut remonter aux
racines de l’histoire de l’humanité, renverser le rapport entre le christianisme et la sagesse antique, se ressaisir de l’unité perdue entre l’homme, la nature et Dieu. La renovatio mundi dérive de la restauration des langages et des lois qui distinguent et
régulent le monde naturel et le monde humain.
Confronté à la crise de son époque, Bruno répond en relisant et en actualisant l’ancienne prophétie d’Hermès. Dans le troisième dialogue du Spaccio le philosophe insère un long passage qu’on appelle « La lamentation d’Hermès ». Le Trismégiste aurait prophétisé l’abandon de l’Égypte, jadis le temple du monde, par la divinité ; à ces temps de ténèbres, de guerres, de désordres, sans religion, à un déluge d’eau
et de feu succèdera la restauration du monde ancien. Pour Bruno, Luther et les Réformés ont porté aux conséquences les plus extrêmes le renversement des lois de la nature, en accomplissant la dolenda secessio engagée par le Christianisme.
Dans son Spaccio, Bruno interprète ce temps de crise comme un renversement de valeurs auquel s’oppose la renovatio mundi, le rétablissement des justes rapports entre choses et paroles, entre monde naturel et monde artificiel. Eu égard à Luther, sa philosophie représente le pôle opposé de la roue de l’univers, puisque la nova filosofia et la doctrine luthérienne sont, respectivement le bien et le mal, la lumière et
les ténèbres, le savoir ancien et la décadence, la justice et l’injustice. Luther est le premier parmi les angeli nocentes, et les luthériens, considérés comme « la tache » du monde, sont autant d’incarnations de l’Apocalypse. Luther est le pédant qui a bouleversé l’Occident, en avilissant ses coutumes, ses œuvres, sa science, ce qu’avait prédit la Lamentation. La religion égyptienne, par contre, représente la pureté originaire des liens entre l’homme, Dieu et la nature, et c’est donc elle qui enserre le juste salut. La justice universelle est d’ailleurs le fondement commun
entre la religion naturelle des Égyptiens et la religion civile des Romains, qui se trouve finalisée à la « communauté humaine » (umano convitto). Plus
particulièrement, la justitia sola fide, qui transcende les œuvres et les mérites individuels, est le contraire du concept de justice universelle, en cela qu’elle
substitue le désordre à l’ordre, la disharmonie à la concorde, la division, la destruction et la guerre à la paix. C’est de là que dérive la position polémique de
Bruno envers la Réforme qui, en brisant le lien entre le mérite et la grâce, entre la vertu et la justice, a précipité l’Europe dans une crise si profonde.
Bruno identifie donc dans la réactivation de la religion magique des Égyptiens et de la religion civile des Romains l’instrument privilégié qui permettrait d’inverser le cycle de la décadence et de ramener la justice dans la société humaine. Comme l’a montré Michele Ciliberto, dans son Lamento Ermetico (Spaccio iii, 784-786) le philosophe cite mot-à-mot un long passage de l’Asclepio54. Le chercheur a montré
avec exactitude que dans sa version de la «  Lamentation » Bruno utilise le texte ancien de manière fonctionnelle à son propre discours, en éliminant certains passages – qui ne lui semblent pas s’appliquer à son présent – et en ajoutant des
éléments – pour donner un sens nouveau et actuel à la prophétie : Vois-tu, ô Asclépius, [...] un temps viendra où il sera évident que l’Egypte a vainement honoré la divinité ; parce que la divinité, retournant au ciel, abandonnera l’Egypte désertée
[...] Seuls demeureront les anges mauvais, qui, mêlés aux hommes, forceront ces malheureux à oser tout mal comme si c’était justice, donnant prétexte aux guerres, aux pillages, aux fourberies et à toutes les autres choses contraires à l’âme et à la justice naturelle. Ce sera la vieillesse, le désordre et l’irréligion du monde. Mais n’aie crainte, Asclépius, parce qu’après que ces choses auront eu lieu, alors Dieu, seigneur et père, gouverneur du monde, pourvoyeur omnipotent, par un déluge d’eau et de feu, de maladies et de fléaux, ou d’autres instruments de sa justice miséricordieuse, mettra fin sans nul doute à pareille souillure et rendra au monde
son antique visage.55.                                                             
« La partie supérieure de l’Univers » et « la matière première » : cosmos et renovatio mundi chez Loys Le Roy et Giordano Bruno
https://journals.openedition.org/acrh/7888
 

Le précédent de Jacques Sapir

Article lié : L’effondrement, comme allant de soi

Pascal B.

  20/04/2020

Je me souviens que lors de la crise de l'euro en 2011 sur l'antenne de France Culture dans le journal de 12 h 30, Jacques Sapir envisageait une crise fatale pour la zone euro sous 2 ans. 

Remarque étymologique

Article lié : L’effondrement, comme allant de soi

jc

  20/04/2020

PhG: "... on perçoit le ton de Sapir comme très calme, on dirait presque “apaisé”, non pas parce qu’il décrit un territoire d’apocalypse mais parce qu’il rencontre l’évidence, la vérité-de-situation d’une situation extraordinaire et d’une importance cosmique."

Je pense au contraire que le ton de Sapir est apaisé parce qu'il décrit un territoire d'apocalypse en rencontrant l'évidence, la vérité-de-situation d'une situation extraordinaire et d'une importance cosmique. Et je pense, à la lecture de l'article, que le ton de Sapir est effectivement apaisé, si bien qu'on ne pourrait pas non plus substituer "eschatologie" à "apocalypse" dans la phrase introductive.

Sapir nous parle bel et bien d'apocalypse, en commençant à soulever le voile de ce qui, selon lui, se passera après l'incontournable catastrophe eschatologique que sera la sortie de l'euro par la wine-land, à savoir un retour vers plus de souveraineté française (avec ou sans les autres pays latins) et les relocalisations économiques qui iront avec.

Je note que pour lui la catastrophe eschatologique est essentiellement économique, et qu'il passe presque sous silence¹ ce qui pour moi est de très loin la responsable de tous nos maux, à savoir l'organisation-rackett de la finance mondiale, issue de Bretton Woods, de la déconnexion de l'or et du dollar et de la libre circulation quasi-planétaire des capitaux qui a suivi.


¹: Il faut attendre huit lignes avant la fin avec "... il faudra donc s’émanciper de nombreuses règles et directives de l’UE, retrouver notre souveraineté monétaire c’est-à-dire sortir de la zone euro…".

Et en France?

Article lié : Slalom-USA, Covid19-Révolution

Morbihan

  20/04/2020

Si nous prenons en compte les personnes qui ne bénéficieront d'aucun soutien de la part de l'état, et qui se retrouveront réellement apprauvis à l'issue d'un éventuel déconfinement - auto-entrepreneurs, travailleurs au noir, petits agriculteurs, et j'en passe - le mouvement des gilets jaunes pourrait bien ressortir à une puissance sans commune mesure avec celle à laquelle nos gouvernants ont été confrontés il y a peu. Sera-ce un espoir pour nous débarrasser enfin de ces jean-foutre?

Trump: un homme du chaos ?

Article lié : Slalom-USA, Covid19-Révolution

jc

  20/04/2020

PhG: "[Trump] un “homme du chaos” ". Trump est un dinosaure du Système, et à ce titre un homme de l'ancien cosmos (cf. mon précédent commentaire). Mais il a clairement un pied dans l'antiSystème (PhG ne cesse de le répéter). Trump est pour moi typiquement le prédateur qui est sa propre proie (situation de nature translogique qui est pour Thom à la base de l'embryologie animale et qui pourrait bien être, selon ma citation favorite, à la base de l'embryologie sociale US).

Thom représente cette situation par la catastrophe "fronce". J'ai récemment proposé la métaphore d'un tissu froncé, avec ses dinosaures -Macron, Merkel, etc.- coincés au fond du double pli sous deux épaisseurs de tissu, Trump étant, lui, en équilibre instable sur le bord de la partie supérieure de la fronce (en triple épaisseur) surplombant la partie inférieure (en une seule épaisseur). Je pense que la métaphore est encore plus évocatrice si l'on met Trump un pied sur la partie inférieure-Système et un pied sur la partie supérieure-antiSystème. Thom associe à la catastrophe fronce le verbe "changer" et le substantif "faille".

Une faille de San Andreas sociologique, avec sécession de l'État de Jefferson¹?


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_de_Jefferson

L'extinction des dinosaures

Article lié : Slalom-USA, Covid19-Révolution

jc

  20/04/2020

PhG: Dans de telles conditions, la seule possibilité au moins temporaire de sauvegarde pour les citoyens américains, ex-américanistes, c’est un retour au “localisme” jeffersonien, comme sorte de démocratie locale, que divers cas mettent d’ores et déjà  en évidence."

Il n'y a pas si longtemps on parlait en France des dinosaures du parti socialiste; on a vu la suite. Il me semble à peu près clair que les dinosaures des partis républicain et démocrate US sont, dans un avenir proche, promis au même sort. Car la roue cosmique tourne inexorablement et les grands conflits tournent avec elle: le relâchement finit toujours par succéder à la tension -et inversement-, et le chaos finit toujours par succéder au cosmos -et inversement-, c'est-à-dire ici le local finit toujours par succéder au global -et inversement-.

Nous sommes en fin de cycle: au modèle évolutif K¹ qui règne dans le monde des dinausores finit toujours par succéder le modèle évolutif r¹ -et inversement-. Cela vaut en écologie mais aussi en sociologie car "les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés".

Le passage du local au global se fait lentement, insensiblement, mais le passage du global au local est abrupt, catastrophique, eschatologique: c'est un big bang nécessaire car libérateur de l'énergie qui sera utilisée par le cycle suivant, cycle qui produira in fine ses nouveaux dinosaures… ou la sempiternelle perfection.

Les deux modèles se sont opposés dès la création des États Unis: celui de Jefferson avec son parti républicain-démocrate et celui de Washington avec son parti fédéraliste nettement plus mercantile. Un retour du parti de Jefferson? Je n'ai rien trouvé d'autre sur la toile que https://en.wikipedia.org/wiki/Jefferson_%28proposed_Pacific_state%29  (je suis un parfait béotien de la chose).

Quid du positionnement de Tulsi Gabbard?


¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_%C3%A9volutif_r/K