jc
05/02/2020
Qu"est ce que le thatchérisme? Pour moi, au fond, c'est: "And, you know, there's no such thing as society. There are individual men and women and there are families". Autrement dit la société, pour MT, se réduit aux individus et aux familles, c'est une société désintégrée, déchaînée.
Selon moi il faut penser la société thatchérienne comme PhG pense la matière déchaînée -qu'il nomme la Matière et qu'il associe à la Mort-, il faut penser la société thatchérienne (et aussi à la société macronienne) comme une société moribonde (sinon déjà morte) mais prête à renaître des ses cendres, telle le phénix. C'est peut-être ce que s'apprête à faire Bojo (faire renaître l'UK des cendres du thatchérisme), peut-être inconsciemment, par inconnaissance de la métahistoire.
En termes thomiens (tout se ramène au conflit discret/continu); une phase de déchaînement, de déstructuration, d'éparpillement, de discrétisation, d'analyse, de fibration de la société est en effet métahistoriquement suivie d'une phase de réenchaînement, de restructuration, de rassemblement, de réunification, de synthèse, d'amalgamation.
Dans un récent commentaire j'ai associé (et j'associe encore) le peuple à la matière et la populace à la Matière:
"Vox populi vox Dei" d'une part et "Vox populaci vox Satani" d'autre part (en latin de poubelle de cuisine). La voix de Boris contre celle de Margaret?
PhG associant la Matière au Mal, ce qui précède suggère d'associer le Mal au discret et le Bien au continu. D'un point de vue profane je pense qu'il y a un fond de vérité: le discret "pur" c'est 0 contre 1, c'est l'informatique, l'intelligence artificielle, etc. Mais d'un point de vue sacré l'opposittion discret/continu renvoie, en mathématiques, à l'opposition arithmétique/géométrie, et je me garde et me garderai bien de dire que l'arithmétique c'est le Mal, car peut-être s'apercevra-t-on un jour que "Tout est Nombre", comme le prophétisait Pythagore.
(Pour scientifiques. La fonction constamment égale à 1 est la plus continue qui soit. La "fonction" Delta de Dirac, qui en est sa transformée de Fourier, est la plus discontinue, la plus discrète, qui soit.)
jc
04/02/2020
Parcourant pour la première fois "La structure des mythes¹" de Claude Lévi-Strauss , je trouve que l'épigraphe et la conclusion méritent d'être reproduits ici:
« On dirait que les univers mythologiques sont destinés à étre pulvérisés a peine formés, pour que de nouveaux univers naissent de leurs débris. » Franz BOAS, introduction à : James Teit, "Traditions of the Thompson River Indians of
British Columbia," Memoirs of the American Folklore Society, VI (1898), p. 18
CLS: "Les pages qui précèdent conduisent à une autre conception. La logique de la pensée mythique nous a semblé aussi exigeante que celle sur quoi repose la pensée positive, et, dans le fond, peu différente. Car la différence tient moins à la qualité des opérations intellectuelles qu'à la nature des choses sur lesquelles portent ces opérations. Voilà d'ailleurs longtemps que les technologues s'en sont aperçus dans leur domaine : une hache de fer n'est pas supérieure à une hache de pierre parce que l'une serait « mieux faite »
que l'autre. Toutes deux sont aussi bien faites, mais le fer n'est pas la même chose que la pierre.
Peut-être découvrirons-nous un jour que la même logique est à l'oeuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique, et que l'homme a toujours pensé aussi bien. Le progrès - si tant est que le terme puisse alors s'appliquer - n'aurait pas eu la conscience pour théâtre, mais le monde, où une humanité douée de facultés constantes se serait trouvée, au cours de sa longue histoire. continuellement aux prises avec de nouveaux objets."
L'Histoire Humaine, "continuellement en prise avec de nouveaux objets", en puzzle géant permanent?
Les mathématiques, celles d'André Weil comme celles de René Thom, sont hors substrat ("la même logique est à l'oeuvre dans la pensée mythique et dans la pensée scientifique").
¹: http://www.ali-aix-salon.com/Claude%20Levi-Strauss%20%20La%20structure%20des%20mythes.pdf
alain pucciarelli
04/02/2020
Fort long papier pour un "président" qui apparaît comme une simple courroie de transmission des oligarchies européiste et anglosaxonne. Le "système" évitera sans doute aussi longtemps que possible l'élection d'un vrai politique, apte à penser en terme d'intérêt national et susceptible de traduire ses pensées en actes. M. Macron peut dire ce qu'il veut, au fond cela n'a aucune importance, nul ne le prend plus au sérieux chez ses alter ego. Seuls nos "grands médias" lui servent encore la soupe. La France est financièrement, économiquement, militairement et politiquement face à un désastre sans précédent. Il sera bientôt loisible d'user du terme "effondrement" pour qualifier sa triste situation.
jc
03/02/2020
Commentaire de la parabole de Rodin. (Mode d'emploi, c'est-à-dire tentative de décodage par et pour scientifique.)
PhG commence par reconnaître qu'il a un peu laissé le lecteur sur sa faim en ce qui concerne la distinction matière/Matière en conclusion du tome II (tome III, pp.107 et 108). Il précise ensuite sa position sur une vingtaine de pages.
Le scientifique de formation (et toujours en formation) que je suis voit les choses ainsi.
Pour me fixer les idées, je me représente la matière déchaînée, que PhG nomme Matière, concept métaphysique, comme idéalisation d'un matériau (au sens usuel) déchaîné, c'est-dire amorphe, déstructuré, informe en ce sens qu'il prend la forme du récipient qui le contient: bouteille remplie de gaz, de liquide, de sable fin et sec, etc.).
Par opposition la matière (m minuscule), également concept métaphysique -la substance pour Aristote et Guénon (p.110)- idéalise pour moi un matériau enchaîné, c'est-à-dire tonique, structuré, comme un bloc de granite, de tuffeau ou de glace, voire de glaise dont on fait les statues, etc.). Ces matériaux étant de la forme en puissance (sous forme de statue par exemple), leur idéalisation métaphysique est alors vue comme étant toute puissante, ou, de façon plus parlante, totipotente (puisque cette matière-oeuf-(unité-primordiale?)-totipotente peut s'actualiser en pratiquement n'importe quelle statue¹). C'est ainsi que je vois "physiquement" la différence, abyssale, entre les concepts métaphysiques de Matière et de matière.
Mathématiquement je vois la matière comme la somme amalgamée² -le terme anglais de pushout³ est plus suggestif- de toutes les statues idéales en lesquelles elle -la matière- peut s'actualiser, ce qui en fait un "presque tout" d'une complexité infinie⁴, alors que la Matière reste ce qu'elle est, à savoir un "presque rien"⁵.
Pour moi, socialement -politiquement-, la matière totipotente correspond au peuple, et la Matière à la populace. Reste à trouver des Rodin qui émergent dudit peuple et qui lui donnent une bonne forme, c'est-à-dire, en l'occurrence, une bonne organisation sociale…
¹: "Rodin est une des mille et mille mains de la transcendance dans cette "lutte prodigieuse" entre Bien et Mal." (p.120)
²: https://fr.wikipedia.org/wiki/Somme_amalgam%C3%A9e
³: On peut peut-être, dualement, voir la forme des métaphysiciens comme un pullback, un produit fibré de complexité infinie…
⁴: Cf. "la montée en dimension 3" par amalgame d'un carré et d'un cercle dans https://www.dedefensa.org/forum/liran-enjeu-de-la-guerre-civile-us (Autorité spirituelle et pouvoir temporel.1.1)
⁵: "La Matière… qui n'est certainement pas toute la matière…" (p.125)
jc
03/02/2020
Dans l'hypothèse d'une tentative d'organisation bottom-up de la société, un problème crucial est celui de la compréhension du rôle de la monnaie locale (en vue de sa maîtrise locale). Quelle est la taille maximum du village Astérix (ou du petit Liré...) qui permet une organisation harmonieuse sans nécessité de monnaie (simple troc de biens et de services)?
Le problème fondamental que je vois est alors d'instaurer des monnaies d'échange (de biens, de services, etc.) au sein d'une communauté complètement autarcique (un monde clos) constituée de quelques villages, avec pour objectif d'obtenir une communauté apaisée (mais pas uniforme!).
Je pense que la tradition, celle que nous rapportent les anthropologues des sociétés dites primitives, peut être utile à ce sujet. La plus vieille monnaie d'échange -"des monnaies d'échange (etc.)"- faite pour apaiser les relations intercommunautaires, vieille comme le monde, est le mariage. Claude Lévi-Strauss nous a fait part à ce sujet de profondes réflexions¹ auxquelles le mathématicien André Weil² a apporté sa contribution.
Thom (lettre à Benoît Virole): "Après tout l'échange commercial don + contre-don est socialement assez fondamental, mais il n'existe aucune singularité de codimension < 4 qui le réalise ...". Le problème de l'échange véritable (don et contre-don) est redoutable.
¹: Cf. "Structures élémentaires de la parenté".
²: L’article d’André Weil « Sur l’étude algébrique de certains types de lois du mariage » est paru en 1949, comme appendice à la première partie des « Structures élémentaires de la parenté ».
jc
03/02/2020
(Plus sur l'origine des sondeurs? Qui les finance?)
Extraits de la constitution française:
Titre I: De la souveraineté, Article 2: "Son principe (de la république] est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
TItre II: Le président de la république. Article 5: Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.
Comment peut-on être en véritable démocratie (ou même seulement en Vième république) lorsque des traités (visiblement inconstitutionnels!) sont signés qui imposent la dépendance nationale?
(Il est clair pour moi que l'oligarchie mondiale actuelle cherche à organiser le monde antidémocratiquement et top-down (car top-down?) par la gouvernance des grandes entreprises privées (en Europe Charles Michel et Ursula von der Leyen ont été élunommés¹ pour ça):
https://brunobertez.com/2020/01/23/editorial-le-complot-au-grand-jour-pour-remplacer-la-republique-des-citoyens-par-la-gouvernance-inclusive-des-tres-grandes-entreprises/ )
"Que se passera-t-il lorsqu'une majorité de citoyens de la première démocratie du monde, de sa plus grande économie et de sa plus puissante armée, perdra la foi en ses fondements mêmes ? "
Peut-être se retournera-t-elle, comme jadis, vers la grande nation ?
Slogans de manifs véritablement démocratiques:
- À l'arrêt: Bottom - Up, Bottom - Up ... , Démo - Cratie, Démo -Cratie ...
- En marche (La Démocratie en marche): La - Dem, La - Dem…
- (Revendication première): Une TV, Une TV ...
¹: Participe passé du verbe élunommer (néologisme forger pour s'adapter à fausse démocratie, c'est-à-dire à la démocratie "représentative").
jc
03/02/2020
J'ai écrit récemment (je ne sais déjà plus où) que PhG, esprit de finesse, a un "coeur qui a ses raisons que la raison ne connaît point", et peut peut-être passer là où Thom, esprit de géométrie, rend son tablier. Autrement dit, pour moi, la vision thomienne du monde éclaire -sinon explique- une partie de la métahistoire (les cycles, par exemple ceux du Manvantara), mais est, à ma connaissance, muette devant les intuitions supra-humaines de PhG (la théorie thomienne de l'analogie ne va pas, je crois, jusque là!).
Un indice pour donner envie de se plonger dans le thriller du tome III ?
"Les deux cas [9/11 et 4/15] nous apparaissent donc similaires dans leur identité: il s'agit bien d'une attaque métahistorique." (p.97)
PhG, qui souffre déjà, souffrira encore plus si j'en dis plus: le sujet doit encore demeurer un temps anonyme…
jc
02/02/2020
Avant cette globalisation qui impose des monnaies globales (euro pour l'Europe, dollar pour le monde), il y avait des monnaies locales (franc, mark, lire, etc.), et des mécanismes de régulation plus contraignants qu'actuellement (droits de douanes, taux de change, etc.).
Je suis tous les jours un peu plus convaincu qu'il suffit de revenir aux monnaies locales pour régler la plus grande parties des problèmes qui se posent à la société occidentale (sinon mondiale). Mes connaissances de ces choses (et mon intérêt pour elles) sont nettement insuffisantes pour préciser mon point de vue (par exemple, faut-il une seule monnaie locale ou deux -une monnaie d'échange de biens et une monnaie d'échanges de services- comme le préconise François Roddier¹?). Mais qu'un habitant d'un village de la Beauce doive payer sa farine produite sur place en équivalent dollar par un cours déterminé à Chicago est pour moi, je pèse mes mots, délirant.
Pour moi la monnaie familiale ne peut être que le bisou (le poutou dans le Sud). Le fait d'avoir 500.000 monnaies villageoises, 50000 monnaies communales, 2000 monnaies cantonales, 100 monnaies départementales et 10 monnaies provinciales peut sembler délirant. Mais tout ça peut être géré sans problème par une unique carte bancaire: il suffit de s'arranger pour que chacun ait intérêt à régler ses "achats" dans la monnaie la plus locale possible.
Bien entendu les 10%, les1% et les 0.1% vont être vent debout contre cette façon de voir les choses qui va les priver de leur moyen de racketter le monde.
Remarque: Après une période de dérégulation liée à la globalisation, je pense souhaitable et nécessaire qu'il y ait une période de repli local maximale, repli culturel, économique, sexuel, etc. Mais cette période ne pourra durer éternellement, interdits de l'inceste sexuel et des scléroses économique, culturelle, etc. obligent.
La Girondine: "Allons enfants de la matrie, que chacun retrouve ses racines, puis qu'un sang nouveau abreuve nos sillons." : la société doit respirer, principe de bipolarité oblige.
¹: Cf. http://francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html
mumen
02/02/2020
Depuis l’assassinat de Soleimani il est devenu extrêmement délicat de trouver un scénario qui soit cohérent avec l’hypothèse d’un Trump perçu comme résistant à l’état profond par des manœuvres savantes et outrées, pourquoi pas en accord secret avec les grands dirigeants de ce monde. L’exercice oblige à bien trop de contorsions pour être simplement audible dans un monde nettement policé par une rationalité dépravée, cela au moins est certain.
Mais quelque chose demeure, pourtant, une constante qui semble indéboulonnable : quoique Trump dise ou fasse les résultats de ses gestes tendent à correspondre à ses promesses électorales. Pour ce coup-ci, on-a jamais vu autant de bases U.S. sur le point de fermer leurs portes et je ne parle pas de l’Afghanistan.
Vous citez E.J. Magnier, je cite E.J. Magnier (reseauinternational.net/comment-liran-en-est-venu-a-bombarder-des-bases-us-et-comment-trump-a-evite-une-guerre-totale) :
« La magie s’est retournée contre le magicien et Trump a offert à l’Iran un immense cadeau en lui permettant de bombarder son armée et de le défier ouvertement. Trump n’a pas osé annoncer le nombre de victimes la première semaine. Le Pentagone a commencé à dévoiler une partie de la réalité chaque semaine. Les USA, et non pas l’Iran, montrent ainsi qu’ils ont peur. »
La question pas si secondaire, à laquelle je ne prétends pas répondre, est de comprendre si la magie de Trump s’est retournée contre lui, comme l’affirme ici Magnier, ou par lui, contre cette autre chose qui est, rappelons-le quand même, son ennemi déclaré en campagne.
jc
02/02/2020
Acte fondateur.
Thom:
- "Les actes finalisés comportent donc souvent une morphologie de jonction (c'en est presque une caractéristique contrairement à l'acte fondateur, qui, lui, « sépare » comme l'entéléchie d'Aristote)." (ES, p. 222)
- "Aristote dit quelque part que l'entéléchie sépare. Pour moi ça a été la formule qui m'a fait réellement comprendre l'Aristotélisme, du moins dans la mesure où je prétends pouvoir le comprendre."
Thom semble ainsi exclure les unions comme actes fondateurs, pour Aristote et aussi, je crois, pour lui-même. L'acte fondateur d'un foyer, d'un parti politique, d'une société, etc., est-il une union ou une séparation? Un moment de réflexion montre qu'on est tout de suite au rouet de l'oeuf et de la poule -ce qui n'étonnera pas les "cyclistes"-; ainsi, pour fonder -en s'unissant- un nouveau foyer, l'époux et l'épouse doivent au préalable se séparer de leur précédent foyer (celui de leurs parents respectifs).
Il saute aux yeux qu'il est préférable de symboliser l'acte fondateur par une union yin plutôt que par une séparation yang. Ainsi une sculpture "à la Balzac de Rodin" de deux flammes "d'apparence humaine" enlacées pourra symboliser l'acte fondateur de la "Première Démocratie" (succédant à la Vème République), enchâssée dans un tétraèdre¹ (solide de Platon auto-dual, symbole du feu) sous l'arc de triomphe reconverti en arc du triomphe de l'amour.
¹: en verre
jc
02/02/2020
(Précisions sur l'opposition politique légalité-légitimité dans le cadre général du 13.1 .)
L'opposition légalité-légitimité renvoie à l'opposition logique intuitionniste-logique paraconsistante.
La logique intuitionniste conserve le principe de non-contradiction (mais viole le principe du tiers exclu) alors que c'est l'inverse pour la logique paraconsistante qui conserve le principe du tiers exclu mais viole le principe de non-contradiction. Il en résulte qu'une notion de vérité est possible en logique intuitionniste¹ alors qu'elle est impossible en logique paraconsistante.
Cela ouvre le chemin à une justice à deux vitesses: l'une "de première instance", légitime, conciliante, yin, agoniste², l'autre "d'appel", légale, tranchante, yang, antagoniste.
¹: De là suit que les matheux "mainstream" choisissent la logique intuitionniste pour pouvoir prouver ce qu'ils ont conjecturé.
²: L'agonisme se distingue de l'antagonisme par par sa volonté de ne pas exclure l’adversaire. https://fr.wiktionary.org/wiki/agonisme
jc
02/02/2020
L'opposition syntaxe-sémantique (qui recoupe l'opposition vérité-réalité et, en politique, l'opposition légalité-légitimité) recoupe en mathématiques l'opposition arithmétique-géométrie (que je personnalise en opposition Grothendieck-Thom).
Thom: "C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques." (citation que je place systématiquement dès qu'il est question du décollage sémantique du JSF ou, dorénavant, du 737 Max, et ... de DC)
Ici encore il faut, j'en suis convaincu, avoir à l'esprit la citation d'Élie-Bernard Weil: "Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance. La seule excuse, c'est que presque tout le monde considère que c'est là l'enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux!"
Si je me convaincs un peu plus tous les jours qu'il faut commencer par la sémantique, la réalité, la légitimité, la géométrie, Thom, je soupçonne que la syntaxe, la vérité, la légalité, l'arithmétique, Grothendieck n'ont pas dit leur dernier mot¹.
¹: À l'heure du bilan (1998?) Thom fait un pas dans ce sens: "C'est la rencontre de mathématiciens soviétiques comme Arnold (souvent férocement critique de mes procédés rustres) qui m'a fait comprendre à quel point la théorie des singularités tire son origine de structures profondes (polynômes de Dynkin, carquois de Gabriel, théorie des tresses, immeubles de Tits) ..."
jc
02/02/2020
En parcourant le tome III-1 je suis tombé , haut de p.76, sur un "... de vérité (de réalité)" qui m'inspire le commentaire suivant.
Les rapports entre la vérité et la réalité sont ambigus. Quel est le concept premier? Certains¹ (les formalistes constructivistes, les syntacticiens…) diront que la vérité précède la réalité, alors que les sémanticiens diront le contraire.
Il est clair pour moi que PhG est d'abord un sémanticien:
"Il suffit d'un mot… toujours à l'arrivée il y avait un sens…" (p.53).
De même que Thom:
"C’est-à-dire que pour nous, la question de l’acceptabilité sémantique d’une assertion est un problème ontologiquement antérieur à celui de sa vérité. La vérité présuppose une signification. L’idéal des logiciens (et de certains mathématiciens) d’éliminer la signification au bénéfice de la seule vérité est un contre-sens philosophique."
Aussi, à la réflexion, je trouve choquante l'expression "vérité de situation", à laquelle je préfère "réalité de situation". Car la vérité renvoie pour moi au logos alors que la situation renvoie au topos (en mathématiques "topologie" est un néologisme qui se substitue depuis 1847 à l'ancien "analysis situs"). (Mais peut-être, j'y pense en écrivant ces lignes, l'expression "vérité de situation" est-elle voulue par l'auteur pour provoquer chez le lecteur un effet Janus?)
Thom a fait une carte du sens² sur laquelle figure en abscisse l'axe faux -> vrai et en ordonnée l'axe insignifiant -> signifiant (le temple des mathématiques se trouvant au centre -organisateur bien sûr!- de la carte). On y voit couler le fleuve du sens, fleuve qui sépare le vrai du faux. Thom ne bannit donc pas complètement la vérité mais, pour lui, si celle-ci obéit à certains principes, c'est-à-dire respecte une certaine syntaxe, ce ne sont pas les principes édictés dans l'organon d'Aristote³:
"... le problème important -en matière de philosophie du langage- n'est pas celui de la vérité (affaire d'accident, Sυmbebèkos dirait Aristote), mais bien celui de l'acceptabilité sémantique, qui définit le monde des "possibles", lequel contient le sous-ensemble (éminemment variable) du réel." (ES, p.16)
Je pense que ce clivage fondamental se retrouve un peu partout, en particulier en politique: les top-down seront séduits par une constitution formelle, une légalité, les bottom-up par le sens à donner à la société (pourquoi nos réunissons-nous?), une légitimité.
À ce propos -comme à d'autres…- je pense qu'il ne faut pas perdre de vue -ce que j'ai tendance à oublier- la citation suivante d'Élie-Bernard Weil:
"Il faut apprendre ou réapprendre à penser toujours d'une manière bipolaire et de ne pas céder à l'attrait d'une pensée unipolaire, branchée sur un pôle dominant -ce qu'on appelle aussi « pensée unique » de nos jours -une tentation qui fait immanquablement plonger dans l'erreur et l'impuissance.
La seule excuse, c'est que presque tout le monde considère que c'est là l'enjeu de la rationalité : trouver le bon pôle. Faux!" (Cf. aussi à ce sujet le site http://tiersinclus.fr/ que je trouve excellent.)
¹: Par exemple Paul Jorion, qui a écrit "Comment la vérité et la réalité furent inventées" (Gallimard)
²: http://strangepaths.com/forum/viewtopic.php?t=41
³: "Dans cette confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure de la limite des procédés formels, il pourra oublier les problèmes de la non-contradiction. Car ... c'est dans l'intuition que réside l'ultima ratio de notre foi en la vérité d'un théorème -un théorème étant avant tout, selon une étymologie aujourd'hui bien oubliée, l'objet d'une vision."
jc
01/02/2020
Pour organiser une société humaine on a deux grandes options: l'option top-down ou l'option bottom-up. Bien que je n'y connaisse strictement rien, il me semble que les sociétés modernes ont, dans leur immense majorité, une organisation top-down. (Dans le cas de la Suisse, cas qui m'intéresse tout particulièrement, l'organisation a été initialement bottom-up (confédération de cantons en 1291) pour, me semble-t-il, ultérieurement évoluer vers une fédération (constitution fédérale(?) en 1848).)
Pourquoi cette immense majorité d'organisations top-down? À mon avis pour une raison de stabilité, les élites (même les spirituelles…) ne pouvant concevoir qu'une société bottom-up puisse être stable dans le temps. Pour eux la cohésion sociale doit nécessairement venir d'en haut (en montant parfois jusqu'au ciel dans les théocraties) et, sauf exception théocratique ou cohésion assurée par une communauté d'intérêts (économiques ou militaires), l'unité de la société est assurée par un pouvoir central fort, par une constitution¹, et par le biais de l'inusable "diviser pour régner", biais qui a le grand inconvénient d'être un moyen qui s'oppose frontalement à la fin recherchée (préserver l'unité).
Ce qui précède montre que, dans cette logique, une organisation bottom-up est préférable, l'unité de la société -disons française- étant assurée plus sainement comme état final d'un processus d'union -d'un amalgame- à chaque strate (famille, village, commune, canton, département, province, France), avec à sa base, l'amour d'un homme et d'une femme.
Il vaudrait peut-être la peine d'examiner cette possibilité de plus près.
¹: « Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée un atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme. » — Alexandre Soljenitsyne
jc
01/02/2020
Coomaraswamy(?): « …le gouvernement traditionnel de l'Inde est bien moins centralisé et bien moins bureaucratique que n’importe quelle forme de gouvernement connue des démocraties modernes. On pourrait même dire que les castes sont la citadelle d’un gouvernement autonome bien plus réel que ce qu’on pourrait réaliser par le décompte de millions de voix prolétaires. Dans une très large mesure, les diverses castes coïncident avec les corps de métier. »
NB: "Et de défendre le modèle corporatif…"
Je pense que le modèle des castes de l'Inde traditionnelle est beaucoup plus naturel que le modèle occidental actuel. Sans rien y connaître en éthologie je pense que les sociétés d'abeilles (ou celles de fourmis) sont arrivées à une sorte de maturité, alors que les sociétés humaines en sont aux premiers tâtonnements¹ (comme le montre "notre" contre-civilisation occidentale actuelle). Et, sans rien y connaître non plus sur l'histoire des civilisations, je suspecte l'organisation sociale traditionnelle de l'Inde comme étant l'une parmi les plus raffinées. Je pense -intuitions embryologiques thomiennes obligent- que tout n'est pas faux dans "Le meilleur des mondes" d'Aldous² Huxley (élite spirituelle, brâhmanes, en alpha).
¹: Thom: "Ici se pose le problème de savoir comment la cervelle humaine, anatomiquement et physiologiquement si peu différente de la cervelle des Vertébrés supérieurs, a pu réaliser cette architecture compliquée, cette hiérarchie de champs dont les animaux paraissent incapables. Je crois, personnellement, que tout tient en une discontinuité de caractère topologique dans la cinétique des activités neuroniques ; dans le cerveau humain s'est réalisé un dispositif simulateur des singularités auto-reproductrices de l'épigenèse qui permet, en présence d'une catastrophe d’espace interne Y et de déploiement U, de renvoyer le déploiement U dans l'espace interne Y, réalisant ainsi la confusion des variables internes et externes. Un tel dispositif n'exige pas de modification considérable des supports anatomiques et physiologiques." (SSM, 2ème ed., p.309)
²: À ne pas confondre avec son frère Thomas, darwinien notoire.
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