François Vuille
06/10/2019
Il me parait bien inutile comme Français du dehors (à quelques kilomètres à vol d’oiseaux seulement du territoire) d’en rajouter suite à vos commentaires concernant votre ancienne passion, actuellement en pleine zone hiver pour la France. Chez-moi le désamour fut très soudain, et si oppressant, qu’il date de l’arrivée du Président Sarkosy qui se baladait très tôt le matin pour son petit ‘’Footing’’ avec ses gardes du corps portant des gilets NYPD. Avec le grand début des attentats, et de la propaganda de la TV et de la presse système, digne de la plus noir période soviétique mais en plus vicieux. La suite des présidents farfelus, et leurs députés, même en marche ! n’est pas parvenue à me faire remonter la pente. Né dans un pays limitrophe juste après la guerre j’ai toujours porté fièrement mon prénom ‘’François’’. Aujourd’hui, dès que je communique avec des personnes d’autres cultures et qui n’ont jamais manqués leurs éternels plaisanterie : ‘’François Mitterand, ou François 1er’’ heureusement jamais ‘’François Hollande’’, ça m’attriste ! Pour être plus claire mon prénom d’ont j’étais si fier durant toute ma jeunesse m’est devenu pesant. Mon deuxième prénom ‘’Jacques ‘’ est ces derniers jours accolé à celui de Chirac. J’ai bien tenté avec une très grande émotion pour ce dernier Président, bien Français au sens le plus franchouillard et pas forcément négatif !! de regarder ses obsèques à la TV, mais il m’a fallu presser le bouton. Il n’y en avait que pour Emanuel montrant sa personne attristée, posant comme une statue durant de bien trop long moment. Chrétien de par mon origine mais pas pratiquant ma dernière grosse déprime date de l’incendie ‘’accidentel’’ de notre dame. Et pour les quelques belles années qu’il me reste à vivre, merde! il faudra faire avec, je me prénomme François.
jc
06/10/2019
Du règne de la quantité à celui de la qualité, du règne de l'idéal de puissance à celui de la perfection, du règne de la démocratie quantitative (la thermocratie du mathématicien/philosophe Gilles Châtelet) à celui de la démocratie qualitative, etc. .
Une notion qui me semble fondamentale est celle d'archétype. Quel est, socialement, l'humain archétype?
D'un point de vue moderne, quantitatif, l'humain archétype, l'humain auquel il faut tenter de s'identifier et auquel il faut essayer de ressembler, c'est l'humain moyen (de taille moyenne, de poids moyen, d'intelligence moyenne, etc.) décrit par Châtelet dans "Vivre et penser comme des porcs". On ne s'étonnera alors pas que, dans la démocratie quantitative actuelle -un citoyen, une voix-, on élise au suffrage universel un président ordinaire¹.
Le point de vue qualitatif est évidemment tout autre. Mais la notion de démocratie qualitative est nécessairement liée à celle d'individu archétype, individu auquel chaque membre essaye de ressembler, idéal de perfection oblige, assurant ainsi la cohérence et l'unité de ladite société. Il s'agit évidemment d'un problème métaphysique, précisément ontologique sinon hénologique: qu'est-ce que l'être archétype au sein d'une société donnée? Il me semble que ce problème selon moi incontournable est abordé par Guénon dans son "Les états multiples de l'être" (j'ai tenté de commencer à lire ce qu'il contient, mais à ce jour ça ne me parle pas encore²).
Thom (dont les sept catastrophes élémentaires sont autant d'archétypes):
- "Peut-être conviendrait-il, en Biologie notamment, de relativiser le principe d'individuation ; il n'est pas impossible que l'individu, le « self », présente une structure hiérarchique complexe, avec des ‘moi’ emboîtés l'un dans l'autre, soit spatialement, soit dans les espaces internes du métabolisme. Les modèles catastrophistes de la prédation (qui identifient partiellement prédateur et proie) vont dans le même sens."
- "En ce qui me concerne, je préfère croire à un réel – non globalement accessible parce que de structure stratifiée – dont l'herméneutique de la TC [Théorie des Catastrophes] permettrait de dévoiler progressivement les « fibres » et les « strates ». Mais tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en « couches » d'être exigera :
i) L'emploi de mathématiques pures spécifiques – parfois bien difficiles – dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles des sciences de la signification ;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers positivismes et pragmatismes ont depuis bien longtemps occultée."
¹: "Carrément vulgaire, très ordinaire", chante Souchon.
²: Pour reprendre une expression des shamans de Giraudeau (cf. le .14)
jc
06/10/2019
Comment améliorer le principe (expérimental) Guénon-Thom, principe de régulation "à deux temps" dans le cas d'un conflit à deux actants?
Je pense qu'un "tradi" objectera que le cycle "à quatre temps" est plus principiel que le cycle précité "à deux temps" qui n'en est qu'un avatar, comme le suggèrent les quatre temps archétypiques d'un Manvantara, ou bien le point de vue moderne (les quatre temps archétypiques régulateurs du conflit source chaude/source froide -Principe de Carnot).
Le modèle thomien initial (autour de 1970) de son lacet -alias cycle- de prédation (selon lui à la base de l'embryologie animale), lié à la catastrophe élémentaire "fronce", est à deux temps, la première catastrophe étant la catastrophe de perception, la seconde étant celle de capture. Conscient de l'insuffisance de ce modèle, Thom l'a revisité ultérieurement, en doublant la mise, c'est-à-dire en faisant apparaître une deuxième fronce "copli" dans son nouveau modèle, et donc deux nouvelles catastrophes, initialement cachées¹, catastrophes "psychiques" (ésotériques) qui contrebalancent les deux catastrophes "physiques" (exotériques) initiales².
Ce nouveau modèle biologique, archétypique pour Thom, est-il transposable aux sociétés et aux civilisations? Cela ne fait aucun doute pour Thom³ selon son principe fondamental qui revient souvent au fil de mes commentaires:
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés, ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en Physique est foncièrement justifié" .
C'est dans cet esprit que j'ai parcouru les chapitres XXVI ("Chamanisme et sorcellerie") et XXVII ("Résidus psychiques") de "Le règne…", Le passage suivant du début du chapitre XXVI et les quelques citations thomiennes qui suivent montrent la grande concordance⁵ entre les points de vue des deux auteurs:
"Si nous nous en tenons à la considération des éléments subtils, qui doivent être ainsi présents en toutes choses, mais qui y sont seulement plus ou moins cachés suivant les cas, nous pouvons dire qu’ils y correspondent à ce qui constitue proprement l’ordre « psychique » dans l’être humain ; on peut donc, par une extension toute naturelle et qui n’implique aucun « anthropomorphisme », mais seulement une analogie parfaitement légitime, les appeler aussi « psychiques » dans tous les cas (et c’est pourquoi nous avons déjà parlé précédemment de « psychisme cosmique »), ou encore « animiques », car ces deux mots, si l’on se reporte à leur sens premier, suivant leur dérivation respectivement grecque et latine, sont exactement synonymes au fond. Il résulte de là qu’il ne saurait exister réellement d’objets « inanimés », et c’est d’ailleurs pourquoi la « vie » est une des conditions auxquelles est soumise toute existence corporelle sans exception ; c’est aussi pourquoi personne n’a jamais pu arriver à définir d’une façon satisfaisante la distinction du « vivant » et du « non-vivant », cette question, comme tant d’autres dans la philosophie et la science modernes, n’étant insoluble que parce qu’elle n’a aucune raison de se poser vraiment, puisque le « non-vivant » n’a pas de place dans le domaine envisagé, et qu’en somme tout se réduit à cet égard à de simples différences de degrés."
Thom a beaucoup écrit sur la distinction vivant/non vivant et a même proposé un modèle de l'origine de la vie⁶. Quelques citations:
- "La synthèse ici entrevue ["Topologie et signification", MMM] des pensées vitaliste et mécaniste n'ira pas sans un profond remaniement de nos conceptions du monde inanimé."
- "(...) la science veut construire la vie à partir de la mécanique, et non la mécanique à partir de la vie."
- "(...) l'animé sait exploiter les régularités naturelles pour stabiliser des connexions qui dans le monde inanimé seraient accidentelles, non génériques. Il y a donc là (en principe) une possibilité formelle de caractériser l'état de vie, problème qui jusqu'à présent a défié la pensée biologique." (ES, p. 222).
Remarque finale: Je termine par un extrait de "Cher amour" (p.40) de l'acteur contemporain Bernard Giraudeau, extrait qui illustre bien l'abîme qui sépare la pensée traditionnelle de la pensée moderne, c'est-à-dire l'abîme qui sépare la pensée vivante, chamaniste, animiste, des "tradi", de la pensée mécaniste, des modernes:
"Il y a peu une équipe de recherche plus hardie a voulu en savoir plus sur la pharmacopée amazonienne. Ils ont demandé aux shamans comment ils pouvaient reconnaître la bonne plante sans l'expérimenter sur les hommes et faire quelques dégâts. Les shamans ont répondu: on n'a pas besoin de tuer des animaux ou des gens pour savoir si une herbe ou racine est efficace. Alors comment faites-vous? Nous nous asseyons devant la plante choisie, en silence, le temps nécessaire, et elle nous parle. Les chercheurs sont repartis marris."
¹: Cf. ES (1988), pp.81 à 86 (Dynamique de la prédation, ou lacet de prédation "revisited").
²: Thom: "(...) pour réellement théoriser la biologie, il faut faire du rêve une fonction biologique, ce qui introduit l'imaginaire au cœur même de la dynamique biologique. Cet imaginaire serait alors consubstantiel au concret biologique, à la réalité biochimique. Nous verrons que tel pourrait bien être le cas."
³ Cf. "Le psychisme d'une société" (SSM,.2ème ed. p.323).
⁴: Les chapitres XXVI et XXVII d'une part et XXXIII, XXXIV, XXXV d'autre part.
⁵: Hormis ce qui concerne l'anthropomorphisme, la possibilité formelle de caractériser l'état de vie, et, bien entendu, le "mathématisme universel" cher à Thom.
⁶: SSM, 2ème ed. pp.282 à 286.
jc
05/10/2019
J'en profite pour redire, à propos du .13, mon intuition de la chose, en tant que matheux.
Pour moi la matière et la forme d'une part, et la puissance et l'acte d'autre part, c'est la même chose, une fois que l'on s'est placé au "bon" point de vue, le point de vue Janus. Géométriquement et métaphoriquement je vois dans les deux cas les entités en conflit comme les deux faces d'une surface qui n'en a qu'une (surface unilatère). Aussi je vois ce "bon" point de vue comme le point "divin" où placer son oeil, point singulier symbolisé par un DDJ, un Dieu/Déesse/Janus.
Je suis convaincu qu'en relisant attentivement "Le règne…" -entre autres- on y trouverait des argumentations mathématiques qui gagneraient à être rerédigées -sinon repensées- dans le cadre de la géométrie projective¹. Lacan, dans sa période géométrique, la dernière, fait un usage constant du plan projectif et de ses représentations (cross-cap, surface de Boy, etc.) dans l'espace bilatère usuel², et je placerais volontiers l'oeil divin au point triple de la surface de Boy.
Je n'ai vu Thom considérer des espaces projectifs que dans l'article "Structures cycliques en sémiotique" (AL), ce qui tend à me faire douter de mon intuition à ce sujet, car Thom, géomètre professionnel (à la différence, abyssale, de Guénon et Lacan), était évidemment au top niveau des connaissances contemporaines en la matière.
Imaginer le plan projectif n'est pas aisé pour moi³. Mais c'est mieux que rien pour appréhender et manipuler les concepts principiels que sont la matière, la forme, la puissance et l'acte tels que je les intuite. Pour finir je rappelle à ce propos les deux citations thomiennes suivantes:
- "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il [le modèle géométrique par Christopher Zeeman de l'agressivité du chien] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." (AL, p.33)
- "[La mathématique] est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité." (SSM, 2ème ed., p.321)
¹: Les espaces projectifs des matheux sont unilatères.
²: Cf . https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf
³: Mais ça l'est pour Jean-Pierre Petit.
jc
05/10/2019
La différence Thom/Guénon.
Selon moi Guénon voit tout éloignement du principe comme une division irréversible, une sorte d'atomisation déstructurante qui conduit inéluctablement à la mort par dissolution -par entropisation, dirait sans doute un PhG qui semble sur cette même longueur d'onde si on en juge par la chute de nombre de ses articles quotidiens-. Et, de ce que j'ai cru en comprendre, c'est ainsi qu'il (Guénon) voit la matérialisation, pour lui satanique. Thom voit, il me semble, les choses du même oeil pour le monde eukaryote, mais non pour le monde prokaryote qui, lui, resterait indéfiniment sur l'arête du cratère), lorsqu'il écrit¹:
"Il est typique de voir que la cellule immortelle, la cellule prokaryote, comme disent les biologistes, la cellule qui vit par elle-même, en principe
ne fabrique pas d'artefacts. En tous cas je ne vois pas ce qui pourrait jouer le rôle d'un artefact dans la physiologie d'une cellule. Et de même tous ses instruments, ses outils, ses organes sont tous réversibles. On peut se demander de ce point de vue si l'apparition de l'artefact n'est pas quelque chose qui est fondamentalement lié au caractère multicellulaire, au caractère composé des organismes, et si donc cette prolifération des
artefacts n'est pas le premier symptôme de la mort." (1979)
Fin du monde par néantisation ou seulement fin d'un monde, et donc, en quelque sorte, éternel retour?
À cet instant je vois métaphoriquement le principe guénonien installé au sommet d'un pic montagneux, tout éloignement du principe étant une chute irréversible (et la chute de certains chapitres de "Le règne…" -entre autres- confirme cette impression). Alors que, toujours à cet instant du discours, je vois métaphoriquement le principe thomien installé sur la ligne de crête d'un cratère, tout écart au principe étant une chute irréversible qui se termine par la mort.
Mais en y regardant de plus près, Guénon, cycliste dans sa vie métaphysique courante, m'apparaît logiquement comme devant être un partisan de l'éternel retour (le dernier chapitre de "Le règne…" est intitulé "La fin d'un monde" et non "La fin du monde"). Cela signifie-t-il que, pour lui, le nouveau monde va surgir des ruines de l'ancien, mort par entropisation. Comme remarqué plus haut c'est ce que laisse penser la chute de plusieurs des chapitres de "Le règne…"? Non, parce qu'il entrevoit avec une grande audace intellectuelle -de mon point de vue- une conversion sans dissolution-entropisation de l'ancien monde en le nouveau dans le chapitre "Le temps changé en espace". (Peut-être PhG entrevoit-il quelque chose de cet ordre, lui qui nous annonce dans le tome III de "La Grâce…" une partie intitulée "Le réenchantement de Dieu".)
Toujours en y regardant de plus près, Thom, quant à lui, n'est pas, à mes yeux, un partisan inconditionnel de l'éternel retour, un cycliste². J'espère ne pas déformer sa pensée jusqu'au contre-sens en présentant les choses comme suit, après avoir rappelé son analogie -pour moi génialissime- entre différenciation biologique et différentiation mathématique³ où la citation "mais il subsiste toujours à l'intérieur de l'animal une lignée de cellules totipotentes" m'apparaît comme fondamentale.
La métaphore suivante illustre, je crois, assez bien la situation: ce sont les fonctions analytiques (au sens des matheux) qui jouent le rôle des cellules totipotentes (la lignée germinale sur l'arête du cratère), en ce que leur analyse (au sens courant du terme) est réversible, c'est-à-dire que la synthèse exacte -sans altération- est possible (par (ré)intégration). (Plus précisément, en utilisant le vocabulaire guénonien, les fonctions analytiques, non manifestées car définies globalement, "en puissance", se manifestent localement, "en acte", dans le voisinage d'un point par leur développement en série entière au voisinage de ce point⁵.) Bien entendu il ne s'agit que d'une métaphore, la réalité mathématique étant considérablement plus difficile (et dépasse largement mon niveau).
¹: Cette citation mériterait, très certainement selon moi, d'être méditée par nos modernes progressistes, qu'ils soient artificiers (ère du technologisme) ou artéfacteurs (ère de la communication, du virtualisme et de l'IA).
²: Cf. les citations du .11
³: Cf. le .10
⁴: La plus simple des fonctions analytiques étant la fonction exponentielle qui reste manifestement elle-même lorsqu'on la différencie puisqu'elle est égale à sa dérivée.
⁵: L'exemple classique d'une fonction non analytique -c'est-à-dire dont la synthèse ne redonne pas la fonction de départ- est la fonction exp(-1/x²), qui est infiniment plate à l'origine (c'est-à-dire que la fonction et toutes ses dérivées s'annulent) si bien que sa synthèse donne la fonction identiquement nulle -nulle en tout point- qui n'est pas la fonction de départ. Pour reprendre une expression chère à PhG on peut dire que le développement en série de Taylor à l'origine de cette fonction l'a faite mourir par entropisation: elle s'est dissoute en la fonction nulle.
jc
04/10/2019
Le conflit sacré/profane.
Dans le schéma général de régulation du conflit sacré/profane il me semble à peu près clair que c'est la transition sacré/profane qui est douce et la transition profane/sacré qui est abrupte. Car je vois ce conflit comme analogue au conflit fonction/structure: au début le sacré a une fonction qui exige une structure pour fonctionner (par ex. des temples pour y recevoir les fonctionnaires, les grands prêtres; c'est la fonction qui crée l'organe), et, la roue cosmique tournant inexorablement, le sacré se profane (se "profanise", écrit Guénon) doucement, imperceptiblement, comme la fonction s'efface doucement, imperceptiblement devant la structure qui, également insensiblement, est progressivement utilisée à d'autres fins. Jusqu'à l'inéluctable catastrophe abrupte -roue cosmique oblige- qui est ici une dissolution dans le néant -une néantisation, une entropisation, -dirait sans doute PhG-.
C'est dans cet esprit que j'ai lu le chapitre XVI ("La dégénérescence de la monnaie") de "Le règne…", chapitre qui se termine par
"(...) le terme réel de la tendance qui entraîne les hommes et les choses vers la quantité pure ne peut être que la dissolution finale du monde actuel."
Mais c'est également comme ça que je vois la désacralisation, la profanation du nombre (entier, le seul considéré comme véritable par les Anciens Grecs, les autre nombres étant seulement "de raison", c'est-à-dire rationnels). Car il y a un abîme entre les nombres sacrés, qualifiés, des "tradi", en particulier des pythagoriciens, mais aussi très vraisemblablement d'un Évariste Galois et d'un Alexandre Grothendieck et les nombres profanes, sans qualité, manipulés par les banquiers modernes. "Dieu créa les nombres entiers et le reste est l'oeuvre de l'homme", a dit un jour le mathématicien algébriste "moderne" Kronecker, à ses heures banquier enrichi par la spéculation.
jc
04/10/2019
La connaissance traditionnelle peut-elle progresser?
L'analogie entre le principe de régulation cyclique traditionnel d'un conflit à deux actants et le lacet de prédation thomien lié à la catastrophe "fronce" (que Thom considère comme étant à la base de l'embryologie animale) donnant naissance à ce que j'appelle le principe de Guénon-Thom¹ suggère la possibilité d'une évolution dans le sens d'une progression dans la connaissance des principes traditionnels utilisés par Guénon et les "tradi".
Quelques citations thomiennes à ce sujet, à éventuellement méditer, tirées du début recueil de 90 pages extraites de l'oeuvre de Thom collectées par Michèle Porte²:
- "(...) si la science progresse, c'est en quelque sorte par définition. Alors que l'art et la philosophie ne progressent pas nécessairement, une discipline qui ne peut que progresser est dite scientifique. De là on conclura que le progrès scientifique, s'il est inévitable, ne peut être le plus souvent qu'illusoire. (1968, La science malgré tout…) "
- "J'appelle « progrès essentiel » en Science toute modification de la nomologie qui permet une résorption considérable de l'accident qui lui est
expérimentalement attaché."
- "Il faut en effet se convaincre d'un point : à la suite des progrès récents de la Topologie et de l'Analyse différentielles, l'accès à une pensée qualitative rigoureuse est désormais possible ; nous savons (en principe) définir une forme, et nous pouvons déterminer si deux fonctions ont, ou non, le même type topologique, la même forme. " (1968)
- "Ainsi la fonction originelle d'une philosophie de la nature sera-t-elle de rappeler constamment le caractère éphémère de tout progrès scientifique
qui n'affecte pas de manière essentielle la théorie de l'analogie."
- "(...) une vision plus claire du programme métaphysique de la théorie des catastrophes : fonder une théorie mathématique de l'analogie, qui vise à compléter la lacune ouverte par Galilée entre quantitatif et qualitatif. " (1990, AL)
- "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science
depuis la coupure galiléenne. " (1976, Le statut épistémologique de la théorie des catastrophes)
- "Finalement, le problème de la démarcation entre scientifique et non scientifique n'est plus guère aujourd'hui qu'une relique du passé ; on ne le
trouve plus guère cité que chez quelques épistémologues attardés – et quelques scientifiques particulièrement naïfs ou obtus. (1988, La science et l’intelligible)
¹: Guénon se serait très certainement opposé à cette appellation (avec raison selon moi, car l'appropriation d'une idée par un individu prépare, dans une société individualiste qui prône le capitalisme individuel, le brevetage de l'idée et le paiement de royalties lors de son utilisation). Car il écrit ce qui suit dans le chapitre "Individualisme" de "La crise…":
"Dans une civilisation traditionnelle, il est presque inconcevable qu'un homme prétende revendiquer la propriété d'une idée, et, en tout cas, s'il le fait, il s'enlève par là même tout crédit et toute autorité, car il la réduit ainsi à n'être qu'une sorte de fantaisie sans aucune portée réelle : si une idée est vraie, elle appartient également à tous ceux qui sont capables de la comprendre ; si elle est fausse, il n'y a pas à se faire gloire de l'avoir inventée. Une idée vraie ne peut être « nouvelle », car la vérité n'est pas un produit de l'esprit humain, elle existe indépendamment de nous, et nous avons seulement à la connaître ; en dehors de cette connaissance, il ne peut y avoir que l'erreur ; mais, au fond, les modernes se soucient-ils de la vérité, et savent-ils même encore ce qu'elle est ? "
²: https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf
jc
04/10/2019
Transformation de la CIA?
En consultant Wikipédia j'apprends que la CIA a été créée en 1947 et je constate que si l'article est très disert sur l'organisation de l'agence, elle est très discrète sur sa fonction originelle ("La CIA, placée sous l'autorité directe du Président des États-Unis, avait initialement la compétence de collecter et évaluer les informations.").
Dans le cadre général du principe "Guénon-Thom" de régulation d'un conflit à deux actants appliqué à la CIA avec la fonction et la structure comme actants, la structure finit toujours par prendre le pas sur la fonction principielle, la roue cosmique tournant inexorablement.
J'ai reparcouru le chapitre XII "La haine du secret" de "Le règne…" avec cette idée en tête et avec l'idée qu'une structuration est une solidification, une rigidification (chapitre XVII "Solidification du monde"), suggérant que tout ça ne peut que se terminer par un effondrement, un démantèlement.
De la stratégie K à la stratégie r? https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_%C3%A9volutif_r/K
jc
04/10/2019
Retour sur le conflit permanence/changement, c'est-à-dire sur le conflit conservatisme/progressisme, symbolisé par le conflit cyclicité/linéarité-arborescence. Éternel retour ou non? (Je rappelle que pour moi la cyclicité est féminine -XX- (tous en rond avec moi -ou autour de moi) alors que la linéarité est masculine -XY¹- (tous en rang -ou en rangs en cas d'arborescence- derrière moi).)
En examinant ce conflit dans le cadre général d'un conflit à deux actants la question qui se pose est de savoir comment on passe de la permanence au changement (et réciproquement) , du conservatisme au progressisme, de la cyclicité à la linéarité. De ce point de vue il est clair que la catastrophe abrupte est la transition permanence -> changement, conservatisme -> progressisme, cercle -> droite (transition qui nécessite une coupure, une séparation).
Métaphoriquement et géométriquement on peut visualiser le problème ainsi: on a un cratère de volcan (éteint ou non), la permanence cyclique maximale étant représentée par le parcours cyclique indéfiniment itéré sur la ligne de crête du cratère -ou n'importe quelle ligne de niveau- (les scientifiques parlent de dynamique hamiltonienne) et le changement linéaire maximal étant représenté par le parcours linéaire -tout schuss ou péniblement selon le sens- le long d'une ligne de plus grande pente (les scientifiques parlent de dynamique de gradient). La transition se fait continûment par des spirales (que les skieurs font naturellement). On a ainsi une image de la vie en associant le temps d'un tour de cratère à un battement de coeur: cent ans à un battement par seconde donne le nombre total de tours au cours d'une vie.
Comment penser dans ce cas la catastrophe permanence -> changement qui nous précipite dans le trou²? Thom propose un schéma mathématique général dans lequel la bifurcation de Hopf semble jouer un rôle central³, où il part de la dynamique de gradient pour aboutir à une dynamique récurrente (hamiltonienne), où il rejoue donc la catastrophe de précipitation à l'envers, c'est à dire la catastrophe, plus bénéfique selon notre point de vue, de naissance, de sortie du trou.
Quant à la position de Thom vis-à-vis du problème initial je remets ci-dessous quelques citations qui suggèrent qu'il n'est pas nécessairement adepte inconditionnel de l'éternel retour:
- "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel."
- "(...) il y a une certaine incompatibilité entre l'immortalité de l'individu et les possibilités évolutives ultérieures de l'espèce. La mort serait alors le prix à payer pour préserver toutes les possibilités de perfectionnement futur de l'espèce."
- "Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote [à suivre] suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
¹: Cf. la toile à propos du symbolisme des lettres. Le symbolisme y=f(x) des matheux est fait pour suggèrer et rappeler une variable x parfaitement uniforme , déformée en y (symbolisant la bifurcation) par la fonction f.
²: Thom: "La mort d'un être vivant se manifeste par le fait que la dynamique de son métabolisme local passe d'une configuration récurrente à une configuration de gradient : c'est, typiquement, une catastrophe généralisée".
³: Cf. ES pp. 63 à 65.
jc
04/10/2019
Mon formatage -et je crois ne pas être le seul à avoir été formaté ainsi- me conduit pavloviennement à considérer que le pouvoir spirituel est au-dessus du pouvoir temporel (typiquement, selon moi, le cas de Guénon). Or en rêvassant à qui plébisciter comme pouvoir politique spirituel, je me suis aperçu que je n'y voyais pas beaucoup de femmes, ce qui, à la réflexion, ne m'a pas étonné plus que ça, au fond, puisque je considère que les femmes sont beaucoup plus dans le réel, le concret, les pieds sur terre, que les hommes qui, eux, ont plus facilement les yeux tournés vers le ciel (et souvent la tête dans les nuages, voie dans la brume).
Qu'est-ce que ça donne lorsqu'on traite le problème "à la Guénon-Thom" comme un conflit entre pouvoir¹ temporel et pouvoir¹ spirituel? Pour moi le pouvoir spirituel est céleste, masculin alors que le pouvoir temporel est terrestre, féminin. À la lecture des chapitres XXI ("Caïn et Abel") et XXIII ("Le temps changé en espace") de "Le règne…", j'interprète "(...) la revanche finale d’Abel sur Caïn" comme une revanche de la femme sur l'homme puisque pour moi Abel est en fait Abelle. De ce point de vue le pouvoir céleste se requalifie en temporel et le pouvoir terrestre se requalifie en spatial.
En France -et peut-être même en Europe et en Occident- la guillotine symbolisant la fin du pouvoir céleste, spirituel, masculin, Guénon-temporel et annonçant l'avènement d'un pouvoir terrestre, temporel, féminin, Guénon-spatial?
Peut-être faudrait-il analyser en ce sens le "La réalité est supérieure à l'idée" de l'encyclique "Laudato si"? Guénon ne cesse-t-il pas de nous répéter que la roue cosmique ne cesse, inexorablement, de tourner?
¹/ Le terme "autorité" me semble mieux adapté parce "auto" renvoie à l'idée d'immanence, de roc immuable qui tire de lui-même son propre principe.
eric b.
03/10/2019
... je voulais juste rendre à Winston ce qui appartient à Churchill mais l'histoire du taxi dont Eden s'extrait est de lui…( ça fait un moment que je voulais vous le signifier… (l'âge aidant, je me demande si je ne suis pas devenu fainéant)...
jc
03/10/2019
Il est temps de boucler cette série de commentaires de type "divan psychanalytique", série entamée pour répondre à ce "nous" qui s'adresse peut-être à nous (PhG: "(...) en évoluant dans ce magasin cosmique du Règne de la Quantité on peut y trouver du matériel métaphysique pour porter des coups terribles au Règne de la Quantité. A nous de le trouver…";
En reparcourant "Le règne…" de plus près, j'ai conforté mon intuition première que, pour Guénon, la matière est le Mal et que c'est la matière des matérialistes modernes (l'immense majorité des scientifiques contemporains, biologistes et écologistes compris¹). Il me semble que Guénon en aurait facilité la lecture s'il avait typographiquement distingué la matière "inerte" des modernes et la matière au sens aristotélicien, distinction typographique que fait PhG dans le tome II de "La Grâce.." (dont le lecteur attend des éclaircissements dans le tome III).
Pour moi le mal profond qui ronge notre civilisation jusqu'à en devenir contre-civilisation est, pour reprendre une expression de Jacques Ellul, d'avoir désacralisé la nature (qu'ont toutes sacralisé, sous une forme ou sous une autre, les civilisations qui l'ont précédée), pour sacraliser ce qui la désacralise, à savoir la technique et le règne de la quantité: écart abyssal entre matière aristotélicienne, matière qualifiée, et matière des modernes, matière quantifiée.
Je crois que la régulation cyclique du conflit tension/relâchement que l'on peut observer "naturellement" (prédation-ingestion/digestion-déjection) et expérimenter "culturellement" (moteurs à explosion, admission-compression/détente-échappement) peut s'ériger en principe métaphysique général, valable pour tout couple d'actants en conflit; ce que fait Guénon, qui applique constamment ce principe cyclique. La jonction entre les "tradi" et les scientifiques essentialistes (il y en a eu au moins un: Thom) se fait alors avec la théorie thomienne des catastrophes, et avec la catastrophe "fronce" comme archétype (les matérialistes modernes pourront se contenter du cycle de Carnot pour valider expérimentalement ce principe métaphysique).
Àprès avoir fait accepter ce principe métaphysique, ce qui n'est pas utopique car tout être de bon sens -sans être nécessairement ni métaphysicien ni scientifique- peut le valider expérimentalement (comme une mère qui résout le conflit entre deux de ses enfants se disputant le même jouet par un "à chacun son tour") on a alors un outil puissant pour traquer tous les dogmatismes qui occultent, sciemment ou non, l'un des deux actants dans un conflit binaire. Personnellement j'en vois deux qui me brûlent les yeux:
- l'un, très contemporain, est le conflit individualisme/communisme, où le communisme est totalement occulté et où l'individualisme triomphe donc, avec ses avatars que sont le capitalisme individuel et le néo-libéralisme;
- l'autre à une toute autre échelle de temps, puisqu'à l'échelle d'un Manvantara, est le conflit homme/femme où, symboliquement depuis le meurtre d'Abel(le) par Caïn, la place de la femme dans la société est très souvent dévaluée, voire complètement occultée là où elle devrait absolument, selon moi, ne pas l'être (cas des actuels pouvoirs spirituels -ou ce qu'il en reste).
Voilà ce que j'ai trouvé chez Guénon et ce que ça m'a inspiré.
¹: Toujours cette barrière actuellement infranchie entre le biochimique et le biologique?
jc
03/10/2019
Je parcours les chapitres dans le désordre, au gré de mes motivations du moment. Aussi mon "à ma surprise" du .9 est grandement relativisé par la lecture des chapitres suivants¹ où l'on retrouve les arguments de mon .9 ainsi que bien d'autres. Un matheux est bien entendu spécialement attiré par le titre "De la sphère au cube" du chapitre XX ", chapitre qui commence par:
"Après avoir donné quelques « illustrations » de ce que nous avons désigné comme la « solidification » du monde, il nous reste encore à parler de sa représentation dans le symbolisme géométrique, où elle peut être figurée par un passage graduel de la sphère au cube ; (...)". On notera, sans surprise pour moi car déjà remarquée ailleurs auparavant², la profonde analogie des visions guénonienne (et traditionnelle) et thomienne, avec les mots-clé oeuf, embryon et différenciation:
Guénon: "C’est donc là, pourrait-on dire, la forme la plus universelle de toutes, contenant en quelque façon toutes les autres, qui en sortiront par des différenciations s’effectuant suivant certaines directions particulières ; et c’est pourquoi cette forme sphérique est, dans toutes les traditions, celle de l’« Œuf du Monde », c’est-à-dire de ce qui représente l’ensemble « global », dans leur état premier et « embryonnaire », de toutes les possibilités qui se développeront au cours d’un cycle de manifestation."
Thom: "On va revenir avec un peu plus de détail, sur le mécanisme formel qui, à mes yeux, commande toute morphogenèse. Expliquons-le de manière assez élémentaire, par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part et une série de Taylor à coefficients indéterminés d'autre part. Le développement d'un embryon peut se décrire grosso modo de la manière suivante: à partir d'un oeuf "totipotent" se séparent au cours du temps des masses cellulaires qui acquièrent des spécialisations histologiques irréversibles (en principe); mais il subsiste toujours à l'intérieur de l'animal une lignée de cellules totipotentes, la lignée germinale, qui aboutira à la formation de cellules reproductrices (gamètes) dans l'individu adulte. Or, considérons d'autre part une fonction différentiable de deux variables x, y, nulle à l'origine x=0, y=0, dont on va former les développements limités jusqu'au troisième ordre (par exemple) (...)"
Mais l'analogie s'arrête là car rien n'est plus lisse, plus homogène, plus uniforme qu'une sphère (le bord d'une boule) alors que la fonction considérée par Thom est à un nombre aussi grand que l'on veut de variables cachées ce qui fait que sa cellule totipotente (on "oeuf du monde") est représentée par un être mathématique infiniment plus riche que la sphère considérée par Guénon, infinie richesse qui justifie sa qualification de "totipotente". Cette différence considérable -qui renvoie à la différence entre Unité et uniformité examinée par Guénon au chapitre VII- est liée au saut considérable dans la difficulté mathématique à faire apparaître, à ce propos de la cellule-totipotente-oeuf-du-monde, des figures anguleuses comme le carré ou le cube. On pourra consulter le chapitre 5 des leçons de mathématiques contemporaines par le mathématicien Yves André aux musiciens de l'IRCAM, en particulier la fin où l'on voit apparaître les solides "anguleux" de Platon, celui qui a ma faveur étant l'icosaèdre associé au système de racines E8 et à la dernière des singularités de Du Val, pour moi "sacrée" x²+y³+z⁵=0.
¹: Guénon termine le chapitre XVIII par "(...) il est temps d’en venir à d’autres considérations qui se rapportent plus directement à la question de la « solidification » du monde."
²: Cf. le .8
jc
03/10/2019
Commentaire du chap. XVII "Solidification du monde" de "le règne…", en partant de l'idée, avant même de lire le chapitre, que la solidification est vue comme une tension qui s'oppose à un relâchement, le conflit étant régulé par le principe métaphysique "à chacun son tour" séparé par deux catastrophes, l'une douce et l'autre abrupte¹.
Dans ce conflit tension/relâchement la catastrophe abrupte se produit souvent à la transition tension -> relâchement, l'exemple "moderne" qui vient immédiatement à l'esprit étant celui du moteur à explosion où il y a une phase de tension (admission-compression) suivie d'une phase de relâchement (détente-échappement). Ce conflit se trouve régulé un peu partout dans la nature animée: inspiration/expiration des poumons, systole/diastole du coeur, prédation-ingestion/digestion-déjection²,
Dès le chap. I de "La crise…" Guénon nous montre qu'il est évidemment pleinement conscient de ce principe d'alternance³ absolument fondamental:
"En effet, il y a lieu d'envisager en toutes choses, comme nous l'indiquions déjà précédemment, deux tendances opposées, l'une descendante
et l'autre ascendante, ou, si l'on veut se servir d'un autre mode de représentation, l'une centrifuge et l'autre centripète et de la prédominance de l'une ou de l'autre procèdent deux phases complémentaires de la manifestation, l'une d'éloignement du principe, l'autre de retour vers le principe, qui sont souvent comparées symboliquement aux mouvements du cœur ou aux deux phases de la respiration." .
Dans "Solidification du monde" Guénon identifie pratiquement "matérialisme" et "solidification" ("Au lieu de parler de « matérialisation » comme nous venons de le faire, on pourrait aussi, en un sens qui est au fond le même, et d’une façon peut-être plus précise et même plus « réelle », parler de « solidification » ;"), le matérialisme (au sens moderne) renvoyant à une fermeture, un enfermement⁴, contribuant à une dissolution finale⁵, omettant, à ma surprise, de développer l'aspect de rigidification, de mise en tension, conduisant plutôt à une catastrophe abrupte, ce que je tente brièvement dans ce qui suit.
Car notre contre-civilisation "culturelle" s'est progressivement rigidifiée en s'éloignant du principe "naturel" (pour reprendre le langage guénonien). Les exemples modernes ne manquent pas: spécialisation des tâches dues au technologisme (fordisme, toyotisme), normalisations en tous genres, avec une accélération et une diversification vertigineuses (déluge législatif) depuis l'avènement et la montée en puissance de la quincaillerie électronique⁶.
À l'échelle d'un Manvantara cette rigidification est visible beaucoup plus tôt: complexification du langage, passage de l'oral à l'écrit, sédentarisation, etc. Thom note à ce propos en note finale de l'article "Topologie et signification" (MMM) comment la pensée intuitive et la vision directe se sont progressivement rigidifiées en pensée instrumentale et technique de la preuve:
"Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé des vues d'une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des Sophistes, de la Géométrie euclidienne, de la logique aristotélicienne, la pensée intuitive a fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve.(...)"
¹: Cf. mon commentaire "Métaphysique expérimentale (.0)"
²: ce dernier exemple montrant que la catastrophe abrupte peut dépendre du point de vue auquel on se place.
³: Alors que les "pères" de l'Europe libérale./ (libérale-Tina) ne l'ont manifestement pas été en élaborant "nos" traités constituants.
⁴: "(...) la vérité est que la conception matérialiste, une fois qu’elle a été formée et répandue d’une façon quelconque, ne peut que concourir à renforcer encore cette « solidification » du monde qui l’a tout d’abord rendue possible, et toutes les conséquences qui dérivent directement ou indirectement de cette conception, y compris la notion courante de la « vie ordinaire », ne font que tendre à cette même fin, car les réactions générales du milieu cosmique lui-même changent effectivement suivant l’attitude adoptée par l’homme à son égard. On peut dire véritablement que certains aspects de la réalité se cachent à quiconque l’envisage en profane et en matérialiste, et se rendent inaccessibles à son observation ; (...) C’est pourquoi il est des choses qui ne pourront jamais être constatées par des « savants » matérialistes ou positivistes, ce qui, naturellement, les confirme encore dans leur croyance à la validité de leurs conceptions, en paraissant leur en donner comme une sorte de preuve négative, alors que ce n’est pourtant rien de plus ni d’autre qu’un simple effet de ces conceptions elles-mêmes ; ce n’est pas, bien entendu, que ces choses aient aucunement cessé d’exister pour cela depuis la naissance du matérialisme et du positivisme, mais elles se « retranchent » véritablement hors du domaine qui est à la portée de l’expérience des savants profanes, s’abstenant d’y pénétrer en aucune façon
qui puisse laisser soupçonner leur action ou leur existence même, tout comme, dans un autre ordre qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec celui-là, le dépôt des connaissances traditionnelles se dérobe et se ferme de plus en plus strictement devant l’envahissement de l’esprit moderne."
⁵: "(...) un pas de plus vers la dissolution finale."
⁶: Terminologie qui revient souvent sous le clavier thomien.
mumen
02/10/2019
J'adore ça, quand vous faites dans la dentelle un poil rigolarde !
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