jc
25/09/2019
C'est une coquille dans le texte de PhG ("où il n’est pas inutile d’avoir l’oreiller attentive" ) qui m'a amené à formuler cette expression.
Pour moi "avoir l'oreiller attentif" c'est écouter ses rêves, c'est-à-dire sa voix intérieure. Le Système refuse systématiquement (c'est le cas de le dire) toute la Tradition Immémoriale, tout ésotérisme, toute métaphysique. Je suis de plus en plus convaincu que c'est ce qui le perdra.
PhG souligne l'indépendance d'esprit de Jacques Sapir par rapport au PC. Des quelques articles de lui que j'ai parcourus je n'ai pas senti en lui la moindre trace d'ésotérisme; selon moi c'est un "antiSystème" c'est-à-dire un antiSystème qui se bat contre le Système avec les mêmes armes intellectuelles que le Système (positivisme, empirisme, etc.), un antiSystème emprisonné par les guillemets du Système.
PhG a brisé ses propres guillemets et, symboliquement, "cette évasion eut lieu en 1985, précisément en mars 1985, exactement le 9 mars 1985"¹.
Repérer les véritables antiSystème n'est pas chose aisée comme on le voit dans le milieu philosophique.
Je m'efforce sur ce site de convaincre qu'il ne faut pas oublier ceux des matheux qui ont "l'oreiller attentif":
Thom: "Une grande partie de mes affirmations relèvent de la pure spéculation: on pourra sans doute les traiter de rêveries ... J'accepte le qualificatif; la rêverie n'est-elle pas la catastrophe virtuelle en laquelle s'initie la connaissance? Au moment où tant de savants calculent de par le monde, n'est-il pas souhaitable que d'aucuns, qui le peuvent, rêvent," (Dernières phrases de SSM)
"Au moment où tant de savants calculent de part le monde": Le règne de la quantité.
"N'est-il pas souhaitable que d'aucuns, qui le peuvent, rêvent?": Les signes des temps [immémoriaux].
¹: https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu
jc
24/09/2019
Si on examine le conflit structure/fonction dans les sociétés (en Biologie c'est plus difficile¹) on voit qu'on commence toujours par la fonction: c'est en vue d'atteindre un but qu'elle s'est fixé que la société se structure. Ainsi une famille s'organise pour construire une maison qui a pour fonction d'abriter ladite famille, deux communes s'organisent pour établir un pont sur la rivière qui les sépare, etc., pont qui a pour fonction de faciliter les échanges : c'est la fonction qui crée l'organe. Mais, la roue cosmique tournant, le "pour" se change insensiblement en "parce que", c'est la structure qui détermine la fonction: on fait comme ça "parce que" l'on a la structure "pour", sclérose autant psychologique que technologique. La roue cosmique tournant toujours -merci à Guénon pour l'expression- il arrive un moment catastrophique où la structure, devenue inadaptée, s'effondre, et le cycle recommence. (Ne serait-ce pas comme ça qu'il faudrait voir la destruction créatrice de Schumpeter?)
Il me paraît aisé de généraliser au cas précis de cet article (et sans doute à de nombreux autres cas) les concepts de stratégies "K" et de stratégies "r" dégagés initialement à des seules fins biologiques et écologiques ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_%C3%A9volutif_r/K ), la stratégie US étant visiblement K (et celle de la Chine?) et la stratégie de l'Iran et des Houthis visiblement r.
Je rappelle à ce propos l'une des citations thomiennes, pour moi fondamentale car elle licite l'usage d'analogies et l'approche anthropomorphe:
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés; ainsi l'emploi de vocables anthropomorphes en Physique est foncièrement justifié." (SSM, conclusion)
¹: Cf; ES chapitre 5: "Le plan général de l'organisation animale", chapitre qui, au vu de la citation ci-dessus, pourrait peut-être valoir dans d'autres situations.
jc
24/09/2019
Le conflit Unité/Diversité. (j'ai jadis proposé -et je propose toujours- comme devise pour la RF à venir: Unité-Harmonie-Diversité.)
Dans ce conflit les catastrophes sont la séparation et l'union, alias l'analyse et la synthèse. Je crois que, en général (sinon toujours?), la catastrophe abrupte est la séparation. Pour Thom l'acte fondateur sépare¹ (pour Aristote c'est l'entéléchie et Thom écrit que c'est par cette "petite phrase" qu'il a compris l'aristotélisme -"dans la mesure où je crois l'avoir compris", ajoute-t-il), alors que, pour lui, les morphologies de jonction renvoient souvent à des actes finalisés.
J'aime requalifier une analyse en différenciation (avec un c) et une synthèse en (ré)intégration pour me rappeler qu'il s'agit de perdre le moins possible dans le cycle analyse/synthèse, en souvenir de l'analogie, pour moi génialissime, de Thom entre différenciation cellulaire et différentiation des fonctions (SSM, 2ème ed., p.34). Car une l'analyse indéfinie sans se préoccuper de la synthèse revient à prendre une attitude
réductionniste:
"Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses." (Thom)
Qu'en est-il du problème du conflit unité/diversité dans le cas des sociétés animales? Dans des sociétés animales suffisamment organisées les individus sont constamment tiraillées entre leur "moi" individuel et leur "moi" collectif, leur "nous". Je verrais bien le degré de sauvagerie/civilité d'une société calculé comme le rapport entre ceux qui, devant un évènement imprévu, se comportent en "nous" et ceux qui se comportent en "je". Je crois que le "There is no society" de Margaret Thatcher ainsi que l'ultra-libérale constitution-traité de Lisbonne de l'UE expliquent presqu'à eux seuls le délitement de la société actuelle: Unité-Harmonie-diversité se décline en une devise moins vendeuse mais néanmoins équivalente Communisme-Harmonie-Individualisme: s'il n'y a pas de communisme il n'y a pas de société. Le fait que certains aient une tendance naturelle à se dévouer pour la collectivité ne peut être qu'un mystère pour des gens comme Margaret Thatcher -en fait dans le système de pensée du Système-: Guénon le dit très bien dans le chapitre "Unité et uniformité" de "Le règne…" (entre autres). Selon moi on devrait réfléchir à deux fois (au moins) avant de porter un libéral au pouvoir.
Remarque technique: Thom a fait le choix du morphologique fondant le logique. Les logiciens formalistes modernes ont fait le choix inverse en voulant fonder le morphologique dans la logique booléenne par les "fameux" diagrammes de Venn avec comme conséquence une confusion entre leur "et" et leur "ou" et le "et" et le "ou" du langage naturel: cf. la fin de l'article "Les mathématiques modernes…" de AL. Il est clair pour moi que le bon choix est celui fait par Thom (qui dit dans le "chapeau" que son article est arrivé jusque sur le bureau du président libéral Pompidou, sans y avoir évidemment aucune chance de succès).
jc
24/09/2019
Au point où je suis de mes lectures, je classe Guénon parmi les Idéologues, le "i" majuscule renvoyant à celles des Idées de PIaton qui concernent la Géométrie (Dieu, toujours, fait de la Géométrie), négligeant les Idées qui concernent le Beau, c'est-à-dire qui font appel à la sensibilité. Entre esprit de géométrie et esprit de finesse, Guénon a choisi l'esprit de géométrie; selon moi sa métaphysique s'en trouve complètement déséquilibrée, quasi hémiplégique, pour cette raison.
Je crois au contraire que l'un des conflits fondamentaux est là, entre rationalité et sensibilité, conflit symbolisé par un Dieu-Janus androgyne bifrons masculin/féminin, et que l'un des problèmes fondamentaux qui nous est posé est de réguler harmonieusement ce conflit -selon la recommandation d'Héraclite-.
Quelles pistes le matheux peut-il suivre pour réguler ce conflit. J'en vois deux:
1: La piste que je qualifie de piste Lacan-Petit: pour tenter de se mettre dans la peau des choses, on qualifie l'esprit de géométrie de masculin et on le place sur la face extérieure d'une sphère et l'esprit de finesse de féminin que l'on place sur la face d'intérieur. Jean-Pierre Petit est le premier découvreur d'une méthode qui permet de retourner la sphère (par invagination): cf. https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf
2: la piste MQ (Mécanique Quantique): la géométrie c'est le déplacement du corpuscule dans l'espace et la sensibilité c'est la vibration de l'onde dans le temps; on passe de l'un à l'autre par transformée de Fourier. On notera que, de ce point de vue, le Dieu-Déesse bifrons est une idéalisation irréaliste à cause du principe d'incertitude d'Heisenberg (qui est en fait un théorème de maths). Le conflit finesse/géométrie se transmuant en conflit son/image -mathématiquement arithmétique/géométrie- et sa régulation en une harmonisation, en un ballet? Dans ce cas le problème de Kac (peut-on entendre la forme d'un tambour et peut-on en voir le son?) entre en scène. Lire ou relire "Le temps changé en espace" de "Le règne…" avec cette idée en tête?
Le problème fondamental n'est peut-être pas tant de retrouver l'Unité que de retrouver l'Harmonie.
jc
23/09/2019
Le conflit Nature/Culture.
La nature est une bonne fille. Elle est tolérante. Jusqu'au moment où ... Une fois la catastrophe abrupte passée, catastrophe qui a pour mérite (pour fonction?) de forcer la culture à s'interroger sur les fondamentaux, la culture reprend doucement sa propre voie exploratoire (sa progression…), voie qui a d'autant plus de chances de s'écarter de la voie naturelle d'autant plus que la société oublie de regarder du côté du passé, de la Tradition. Puis la roue cosmique tourne jusqu'à ce que, à nouveau, la nature impose une abrupte correction à la culture.
Thom a écrit un article sur l'innovation, sur cet apparemment irrépressible besoin exploratoire des êtres vivants. Voici pour la nième fois le dernier paragraphe:
"Décourager l'innovation
Les sociologues et les politologues modernes ont beaucoup insisté sur l'importance de l'innovation dans nos sociétés. On y voit l'indispensable moteur du progrès et -actuellement [années 1980]- le remède quasi-magique à la crise économique présente; les "élites novatrices" seraient le coeur même des nations, leur plus sûr garant d'efficacité dans le monde compétitif où nous vivons. Nous nous permettrons de soulever ici une question. Il est maintenant pratiquement admis que la croissance (de la population et de la production) ne peut être continuée car les ressources du globe terrestre approchent de la saturation. Une humanité consciente d'elle-même s'efforcerait d'atteindre au plus vite le régime stationnaire (croissance zéro) où la population maintenue constante en nombre trouverait, dans la production des biens issus des énergies renouvelable, exactement de quoi satisfaire ses besoins: l'humanité reviendrait ainsi, à l'échelle globale, au principe de maintes sociétés primitives qui ont pu -grâce, par exemple, à un système matrimonial contraignant- vivre en équilibre avec les ressources écologiques de leur territoire (les sociétés froides de Lévi-Strauss). Or toute innovation, dans la mesure où elle a un impact social, est par essence déstabilisatrice. En pareil cas, progrès équivaut à déséquilibre. Dans une société en croissance, un tel déséquilibre peut facilement être compensé par une innovation meilleure qui supplante l'ancienne. On voit donc que notre société, si elle avait la lucidité qu'exige sa propre situation, devrait décourager l'innovation. Au lieu d'offrir aux innovateurs une "rente" que justifierait le progrès apporté par la découverte, notre économie devrait tendre à décourager l'innovation ou, en tout cas, ne la tolérer que si elle peut à long terme être sans impact sur la société (disons, par exemple, comme une création artistique qui n'apporterait qu'une satisfaction esthétique éphémère -à l'inverse des innovations technologiques, qui, elles, accroissent durablement l'emprise de l'homme sur l'environnement). Peut-être une nouvelle forme de sensibilité apparaîtra-t-elle qui favorisera cette nouvelle direction. Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophique.
Le cycle considéré ici est à deux temps: l'un où la culture domine la nature et l'autre où la nature reprend ses droits. Les cycles de la Tradition et ceux des physiciens modernes semblent plutôt être à quatre temps. Certains voient des cycles à six temps: voir Pierre Gallais et son "L'hexagone logique et le roman médiéval" (le beau rôle y est bien évidemment à la culture…).
Le conflit IA/IN (intelligence artificielle/Intelligence naturelle peut bien entendu être traité de la même façon. Selon moi le basculement s'amorcera lorsque l'on réalisera que ce n'est pas le cerveau qui est un ordinateur, mais c'est l'ordinateur qui est une pâle imitation du cerveau, lamarckisme oblige.
Les mathématiques ont-elles véritablement un rôle là dedans? Thom: "C'est [la mathématique] le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité." (fin de SSM)
jc
23/09/2019
Guénon se réfère constamment aux principes pour justifier son argumentation, sa rhétorique. Comme il ne rappelle pas systématiquement ces principes le lecteur débutant est obligé de les découvrir au fil de ses lectures. (Et ce lecteur -moi en l'occurrence- ne sait guère si ces principes sont ceux de la Tradition ou seulement ceux de l'auteur.) Guénon se dit métaphysicien (et selon moi il l'est très certainement). Mais il y a des principes qui varient selon le sens qu'on donne au préfixe "méta". C''est en général "au delà" qui est retenu. Mais il m'apparaît nettement que Guénon a choisi "au-dessus" (comme PhG, métaphysicien à ses heures, avec son "intuition haute"). Si bien que son ésotérisme (je parle de Guénon) se double d'un élitisme certain, rappelé très fréquemment. Ce "au-dessus" est réservé par Guénon à l'intuition intellectuelle; l'auteur le précise sans équivoque dans la note du bas de la dernière page de "Le symbolisme de la croix":
"Il va de soi que le mot « sensation » n’est pas pris ici dans son sens propre, mais qu’il doit être entendu, par transposition analogique, d’une faculté intuitive, qui saisit immédiatement son objet, comme la sensation le fait dans son ordre ; mais il y a là toute la différence qui sépare l’intuition intellectuelle de l’intuition sensible, le supra-rationnel de l’infra-rationnel." (Je ne l'ai pas vu employer le terme de "supra-sensible".)
D'autre part -et en cohérence avec sa position face à l'intuition sensible- Guénon refuse toute forme d'anthropomorphisme. Sans que cela remette nécessairement en cause ses intuitions, cela rejaillit sur son argumentation, sur sa rhétorique. Ainsi il lui arrive d'argumenter avec la logique booléenne (par ex. une double négation équivaut à une affirmation). Qu'est-ce qui licite cet usage? La Tradition? J'ai lu de plusieurs sources que la notion de vérité était complètement étrangère à la pensée chinoise. Quelles sont les raisons qui justifient l'utilisation de la logique booléenne, entièrement on-off donc entièrement quantitative au sens que Guénon donne à ce mot, dans une argumentation métaphysique?
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Confucius disait il y a longtemps déjà qu'une image vaut mille mots. Thom le répète plusieurs siècles plus tard et le précise dans l'envoi de son "Apologie du logos" (p.33) "il [le modèle de l'agressivité du chien] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle." Or ce modèle n'est autre que celui de la fronce qu'on trouve sur ce site dans l'article de François Roddier "Vers un effondrement de civilisation"¹ dans une situation métaphysique, et dans bien d'autres situations cette fois physiques sur son blog dans d'autres situations cette fois essentiellement physiques (on pourra commencer par le billet 120 http://francois-roddier.fr/Mines-2018/assets/player/KeynoteDHTMLPlayer.html#0 ).
Je propose donc de mettre à l'essai le principe général suivant:
Lorsque deux actants sont en conflit, ce conflit se résout par une alternance de domination entre ces deux actants. En général l'une des transitions est douce et l'autre abrupte. Ces deux transitions sont catastrophiques au sens de la théorie des catastrophes et l'une d'entre elle (non pas les deux) peut être catastrophique au sens usuel. Lorsque l'on prend par exemple pour actants l'union et la séparation, c'est la séparation qui est perçue comme abrupte et parfois déchirante (c'est le cas de le dire).
On pourra consulter mon récent commentaire "Dans cette lutte prodigieuse…" pour ma première expérimentation de ce nouveau(?) principe métaphysique.
Les tests à effectuer ne manquent pas.
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Pour terminer un mot sur la transcendance et l'immanence.
Wikipédia: "L'immanence est un terme philosophique qui, en parlant d'une chose ou d'un être, désigne le caractère de ce qui a son principe en soi-même, par opposition à la transcendance qui indique une cause extérieure et supérieure."
Il me semble que Guénon se place au niveau des Idées (platoniciennes ou néo-platoniciennes), niveau qui, selon cette option métaphysique, transcende (domine) le niveau sensible. Le niveau auquel il se place contient-il en lui-même son propre principe? Son point de vue à lui est-il immanent ou non? Si la réponse est non alors, selon moi, cela signifie qu'il ne s'est pas placé au point de vue adéquat.
Pour moi seuls deux "êtres" ont un caractère immanent: le Tout et le Rien². Et de ces deux "êtres" on ne peut rien dire d'autre, ce sont des "êtres" seulement en puissance: ainsi le Tout est souvent nommé Dieu tout puissant (et le rien Satan impuissant?). Selon moi, se placer en position immanente c'est se placer du point de vue de Dieu ou du point de vue de Satan.
Pour moi le bon point de vue est le point de vue divin au sens ci-dessus: il faut hisser son niveau d'intelligence pour tenter de se mettre le plus possible "dans la peau de Dieu". il faut se placer à un point de vue qui intègre à la fois l'intelligible et le sensible, le supra et l'infra de Guénon, il faut essayer d'être un Dieu à deux têtes, un Dieu Janus. L'inclassable Jean-Pierre Petit l'a proposé pour la Physique moderne (voir ses superbes vidéos Janus, disponibles sur la toile), c'est à dire pour la métaphysique moderne puisqu'il s'agit d'une théorisation de la "réalité" physique (où le terme est pris en son sens moderne) en rajoutant une équation à celle de la relativité générale d'Einstein (résultat qui reste à valider; car ça se saurait si ça avait déjà été le cas!). Reste à faire la même chose avec la métaphysique "classique", traditionnelle, celle qui théorise la physique aristotélicienne, physique étant pris au sens de science de la nature en général, en particulier du vivant. Selon moi seul Thom est à présent sur les rangs (mais il est décédé en 2002).
¹: https://www.dedefensa.org/article/vers-un-effondrement-de-civilisation
jc
22/09/2019
Il me semble à peu près clair que les USA vont devoir se pencher rapidement sur le fonctionnement de leur système militaire de défense¹, et en particulier sur ce qui peut être délégué à des sociétés privées et ce qui doit rester régalien. En arrière plan c'est l'efficacité du système capitaliste US qui est en jeu.
Tout récemment j'ai regardé une émission TV sur la WWII. L'efficacité du système américain (fordisme et capitalisme) y a été présentée comme déterminante dans l'issue de la guerre. Il est vrai que les chiffres communiqués au bon peuple sont impressionnants (par ex. le nombre d'avions et de porte-avions construits aux USA pendant la guerre). Ce qui me semble certain c'est que les entreprises privées qui ont participé à l'effort militaire ont donné naissance à un lobby au sein du CMI, soulevant un problème que Eisenhower dénoncait déjà publiquement dans son discours de fin de présidence.
Si les américains prennent conscience de ça pendant la période préélectorale (sous l'impulsion de Tulsi Gabbard?) et votent en conséquence, ça pourrait créer un choc affectif dans la société américaine dont l'onde de choc pourrait faire de sérieux dégâts.
¹: Bien entendu l'ombre d'Orwell rôde plus que jamais: la défense c'est l'attaque (et l'économie c'est la dépense)
jc
22/09/2019
Tout est dans le titre.
jc
22/09/2019
J'écrivais ceci dans un précédent commentaire:
" On notera que ces deux critères d'identité apparaissent chez Thom comme chez Guénon dans l'étude du problème métaphysique de l'individuation. C'est bien naturel, au fond; [il ne peut] y avoir individuation que s'il y a une volonté ésotérique et une réalité exotérique qui
limite son expansion, qui lui résiste: "Dans cette prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice"..."
(Je commence par rappeler que la citation, due à Daniel Rops à propos du "Balzac" de Rodin) rassemble les matériaux de mon [PhG] travail" qui sera développé dans le tome III de "La Grâce…")
Est-ce bien si naturel que ça qu'il y ait une volonté ésotérique et une réalité exotérique? Il m'a fallu ma lecture toute fraîche de Guénon dont l'un des principes métaphysiques d'usage constant est l'opposition aristo-platonicienne matière/forme pour faire le rapprochement entre forme et volonté créatrice¹ dans la citation de Rops. Le problème se reformule donc métaphysiquement ainsi: est-ce que c'est la forme qui anime la matière ou bien est-ce que c'est la matière qui aspire à la forme? Formulé ainsi on voit tout de suite, en se mettant dans la peau de ces choses, qu'il y a d'un côté une expiration (force qui anime = souffle) et de l'autre côté une inspiration, ce qui incline à penser que non seulement la réponse ne peut être tranchée, mais aussi qu'il faut penser le problème cycliquement. Est-ce la glaise informe qui supplie Rodin de lui donner une forme ou, au contraire, est-ce Rodin qui impose une forme à une matière rétive?
Du peu que j'ai lu de Guénon il me saute aux yeux que ce dernier est pour un forme supérieure qui s'impose à une matière inférieure. Qu'en est-ll de Thom? Celui-ci met en épigraphe de l'un des chapitres de SSM le célèbre (car célébré) "Et le verbe s'est fait chair" du premier évangile de Saint Jean et écrit par ailleurs: "Car le modèle de la théorie des catastrophes offre une réalisation mathématique du schème hylémorphique d'Aristote. La « forme », définie comme la singularité algébrique d'un potentiel (c'est l'« essence » du processus) se déploie sur la matière, qui va subir les catastrophes préinscrites dans le déploiement de la singularité. Un tel schéma assure la transition entre le « logique » et le « morphologique » entre eidos et morphè.". Ces deux citations laissent penser que Thom a la même position de Guénon. Mais la citation suivante suggère qu'il pense aussi le contraire, voire qu'il a changé d'avis: "Au lieu de fonder la Géométrie dans le Logique, on cherchera à fonder le Logique dans la Géométrie." (ES, p. 16). Ce qui est pour moi certain c'est que Thom a parfaitement conscience du balancement entre un mouvement de déploiement de la la singularité -le centre organisateur- et un mouvement de repli vers ce même centre organisateur. À ce sujet j'aime bien la métaphore des marins anglais qui partaient de la pointe de Start Point au sud de l'Angleterre, déployaient leurs voiles à l'aventure en direction des étoiles (starbord=tribord) pour ultérieurement revenir (ou non²) au port de départ (port=babord).
Quelque soit la position prise, il me semble acquis qu'il s'agit d'un conflit entre deux actants. Dans le schéma catastrophiste thomien général, ce conflit est régulé par le cycle de prédation: les deux transitions entre les deux états sont catastrophiques mais, une figure du cycle relevé en 3D sur une fronce montre qu'il y a une transition douce et une transition brutale. Dans le cas particulier considéré ici la catastrophe brutale a toujours été jusqu'à présent -je crois- dans la transition du pouvoir de l'élite vers le pouvoir du peuple.
Que donnent les considérations générales ci-dessus lorsqu'on les applique à la politique? "Vox eliti vox populi" ou "Vox populi vox eliti"?
Sur ce sujet précis la position de Guénon conforte sa position générale, métaphysique: il suffit de lire "Le principe d'individuation" de "le règne…" et/ou "Individualisme", "Le chaos social" de "La crise…" pour s'en convaincre. Machiavel, dont on dit qu'il est l'un des pères de la conception moderne de l'état, était de l'avis contraire¹: « Ce n’est pas sans raison qu’on dit que la voix du peuple est la voix de Dieu. On voit l’opinion publique pronostiquer les événements d’une manière si merveilleuse, qu’on dirait que le peuple est doué de la faculté occulte de prévoir et les biens et les maux.»
Quelque soit la position prise, il me semble indiscutable qu'il s'agit d'un conflit entre deux actants. Dans le schéma catastrophiste thomien général, ce conflit est régulé par le cycle de prédation: les deux transitions entre les deux états sont catastrophiques mais, une figure du cycle relevé en 3D sur une fronce montre qu'il y a une transition douce et une transition brutale³.
¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Vox_populi
² Platon, Socrate ou Aristote: "Il y a les vivants, les morts et les marins sur la mer"
³: https://www.dedefensa.org/article/vers-un-effondrement-de-civilisation
jc
21/09/2019
Je suis content de lire les propos d' Alastair Crooke concernant l'empathie, propos repris par PhG, car c'est la définition que Thom donne de l'intelligence: "L'intelligence est la faculté de s'identifier à autre chose, à autrui". C'est une définition limpide (et il est intéressant de la confronter à celle de Wikipédia).
L'empathie se décline en sympathie (le chat, prédateur a de la sympathie pour la souris) et en antipathie (la souris, proie, a de l'antipathie pour le chat). Je crois qu'il faut qualifier cette empathie de basique, car partagée par l'homme avec une bonne partie des animaux.
Voici comment Thom voit le fonctionnement du psychisme pour les animaux tels que le chat. Selon Thom le cycle de prédation (Thom parle de lacet de prédation) se déroule comme suit. Au début du cycle le chat est repu: il est au repos et il est lui. Puis vient l'appétit, choc affectif qui e déforme la figure de régulation du moi du chat, choc affectif qui a pour effet de décentrer son "moi" sur une souris virtuelle (il se met virtuellement dans la peau d'une souris, il est virtuellement sa proie car il désire plus sa proie que lui-même), et qui déclenche une action réflexe, celle de se mettre en quête d'une souris réelle. Lorsqu'il la perçoit par l'un de ses sens (deuxième choc affectif) il la prend en chasse puis le choc affectif de la capture déclenche une cascade d'actions réflexe (ingestion, digestion, somnolence, endormissement, rêve, puis réveil par la faim) qui bouclent le cycle. Thom associe ce cycle à la catastrophe "fronce". Mais il y a une autre sorte d'empathie (déclinée en principe en sympathie mutelle chez les humains), c'est l'attirance sexuelle, beaucoup plus complexe, que Thom associe aux catastrophes "ombilic" (elliptique, hyperbolique et parabolique¹).
J'ajoute que, toujours pour Thom, le psychisme de toute société, considéré comme une entité -c'est-à-dire suprahumainement pour Guénon, cf. le chapitre "Principe d'individuation" de "Le règne…"-, est celui d'un animal. En fait c'est en partie pour souligner ce point que j'ai détaillé le cycle de prédation animale selon Thom (l'autre partie étant de faire ressortir les "mots-clé" "catastrophes thomiennes" et "choc affect qui déforme la figure de régulation du "moi" du chat): la plus belle civilisation humaine reprend très vite ses réflexes animaux si ses besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits (famine par exemple). Peut-être le cycle traditionnel des civilisations décrit par Guénon s'explique-t-il par analogie avec le cycle de prédation décrit ci-dessus? Un psychisme pour les civilisations?
Citations thomiennes complémentaires:
1: "C'est la faculté pour l'observateur de se mettre dans la peau des choses qui serait à l'origine des grands progrès scientifiques."
2: "Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses."
Je suis tous les jours un peu plus convaincu que la véritable intelligence c'est effectivement l'empathie. Il importe selon moi prioritairement de faire évoluer l'éducation pour détecter les gens véritablement intelligents. Ça ne se fera pas à coup de QCM (questions à choix multiples) corrigées par une intelligence artificielle. Pour Thom, en mathématiques rien ne vaut la géométrie pour évaluer l'intelligence d'un élève: s'il est clair qu'une intelligence artificielle est capable d'évaluer l'aptitude d'un élève à l'algèbre élémentaire, je ne suis pas du tout convaincu qu'il en aille de même pour la géométrie.
Thom: "C'est parce que la mathématique débouche sur l'espace qu'elle échappe au décollage sémantique créé par l'automatisme des opérations algébriques."
Quant à évaluer la véritable intelligence d'un élève en sciences du vivant, Thom en doute très fortement:
"Rien de plus facile que de concevoir une machine qui calcule, voire même qui pense, qui médite. Mais une machine qui souffre et qui jouit, ça c'est tout à fait impossible à imaginer."
Remarque pour le fun: François Cavanna, rédacteur en chef de "Charlie" (ou "hara-kiri"), ayant gagné haut la main, en direct à la TV, un test de QI devant un parterre de sur-diplômés répondtai à l'animateur qui lui demandait comment il avait fait: "C'est très simple, il suffit de se mettre dans la peau du con qui a posé les questions". François Cavanna avait compris ce qu'était la véritable intelligence.
¹: (Prudemment je rappelle d'abord la citation thomienne suivante: "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".)
On dit parfois qu'un rapport sexuel réussi envoie au septième ciel. Un choc affectif engendre une onde de choc d'autant plus importante que le choc initial est important, onde qui se propage dans le circuit nerveux. Les tirs de bombes atomiques, par exemple sur l'atoll de Bikini, engendrent une onde de choc qui se développe sous forme du hélas bien connu champignon atomique. La septième et dernière catastrophe élémentaire est la catastrophe ombilic parabolique appelée parfois catastrophe champignon.
Thom: "On sait le rôle étendu que Freud a attribué au symbolisme sexuel (dans les rêves notamment); il faut bien admettre que si les formes géométriquement dynamiques représentant les processus sexuels se rencontrent dans tant d'objets de la nature animée ou inanimée, c'est parce que ces formes sont les seules structurellement stables dans notre espace-temps à réaliser leur fonction fondamentale comme l'union des gamètes après transport spatial. On pourrait presque affirmer que ces formes préexistent à la sexualité, qui n'en est peut-être qu'une manifestation génétiquement stabilisée." (SSM, 2ème ed. p.97)
On sait que les princes du simulacre ont détourné l'attention du bon peuple en lançant la mode du bikini. Ils n'avaient peut-être pas pensé qu'ils n'effaceraient pas ainsi complètement la trace de ces barbares essais: la catastrophe champignon est également appelée catastrophe phallus impudicus… (SSM, 2ème ed., p.190)
jc
20/09/2019
En .3 j'ai écrit que, pour moi Guénon est un "pr" uésotérique, c'est-à-dire un métaphysicien qui rejette dans sa façon de penser tout ce qui peut concerner le monde sensible, matériel, considéré comme satanique, ainsi que tout ce qui a un rapport avec le psy. Et j'ai noté que ce n'était pas le cas de Thom.
Je note ici que ce n'est certainement pas non plus le cas de PhG: pour lui la matière n'est pas le mal (dans sa typographie la matière n'est pas la Matière, n'est pas le Mal). J'ai en effet remarqué un paragraphe à la fin du tome II de "La Grâce…" où il écrit que la Matière n'est pas toute la matière, que je considère seulement comme un indice (dans l'attente du tome III). Mais mon jugement s'est affermi tout récemment lorsque j'ai mis le mot -que je crois juste- qui m'éclaire sur tout un passage du même tome concernant le "persiflage" (passage jusque là assez nébuleux pour moi). Ce mot est "psychisme": pour moi PhG s'intéresse au psychisme des sociétés -et je constate qu'il s'y intéresse de plus en plus-.
En résumé Thom est donc pour moi à la fois un exotérique et un ésotérique (pour PhG j'attends le tome III pour savoir s'il est un ésotérique "impur" -car intégrant le psy-, ou carrément à la fois un exotérique -comme Thom-, admettant que le psychisme d'une société est gouverné, en partie au moins, par le monde sensible, le monde réel-, alors que Guénon est seulement(?) un ésotérique "pur".
De ce que j'ai lu de l'oeuvre de Guénon j'ai retenu en particulier son insistance à faire référence au symbolisme (en particulier de la croix). Or pour Thom le symbolisme naît du conflit entre le réel -le monde sensible, exotérique- et le monde imaginaire (celui des métaphysiciens "purs", des ésotériques).
Thom:
"Selon notre point de vue, le symbolique est issu du conflit entre deux critères d'identité. Il existe en effet deux manières radicalement différentes d'envisager l'identité d'un être :
a) Pour un être spatial, matériel, l'identité peut être définie simplement par le domaine (connexe) d'espace-temps que cet être occupe. En effet, deux objets matériels sont impénétrables l'un à l'autre, comme deux solides. L'identité d'un homme, son nom propre, peut être considérée comme définie par la localisation spatio-temporelle du domaine occupé par son corps. (L'identité « civile » réduit cette localisation aux lieu et date de naissance.)
b) Pour un être de type abstrait, comme une qualité, par exemple, l'identité ne repose plus sur une base spatiale. Une même couleur, vert par exemple, peut être trouvée simultanément en deux endroits différents de l'espace ; la définition même de la qualité est parfaitement indépendante de la localisation spatio-temporelle des objets qui la possèdent. Ici l'identité est de nature sémantique, elle fait appel à la » compréhension » d'un concept.
À partir du moment où la « qualité d'être », le statut ontologique qu'on accorde à un être, est plus de nature sémantique que de nature spatiale, alors rien ne s'oppose à ce que cet être puisse apparaître simultanément – sous des apparences d'ailleurs diverses – en des lieux différents de l'espace. D'où les faits de » participation » que Lévy-Bruhl avait qualifiés de prélogiques, mais qui, en fait, s'expliquent très naturellement dans le cadre d'une logique « intensive », qui met plus l'accent sur la compréhension des concepts que sur leur extension, comme le fait la logique moderne. C'est du conflit – de la dialectique – entre ces deux critères d'identité que naît l'imaginaire²."
(On notera que ces deux critères d'identité apparaissent chez Thom comme chez Guénon dans l'étude du problème métaphysique de l'individuation. C'est bien naturel, au fond; y avoir individuation que s'il y a une volonté ésotérique et une réalité exotérique qui
limite son expansion: "Dans cette prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice").
C'est la position de Thom. Quel est, au fond, le problème? Le problème est de savoir d'où viennent nos intuitions: de l'intérieur de nous ou de l'extérieur de nous, par le biais de la contemplation ou par celui de la méditation et du rêve (ou des deux à la fois, ou autre)? La citation qui revient comme un leitmotiv dans l'oeuvre philosophique de Thom est héraclitéenne: "Le maître, dont l'oracle est à Delphes ne dit ni ne cache, il signifie", que Thom traduit en: "La nature nous envoie des signes qu'il nous appartient d'interpréter". La position de Thom, de ce que je prétends en comprendre, est que l'origine de nos intuitions -de nos idées- est un choc affectif³ réel qui peut être d'origine exotérique comme ésotérique, choc dont la réalité fait que, dans les deux cas,c'est la réalité qui est à l'origine de l'idée.
¹: On notera que ces deux critères d'identité apparaissent chez Thom comme chez Guénon dans l'étude du problème métaphysique de l'individuation. C'est bien naturel, au fond; y avoir individuation que s'il y a une volonté ésotérique et une réalité exotérique qui
limite son expansion, qui lui résiste: "Dans cette prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice"...
²: Note (importante pour moi): compte tenu du début de la citation il me semble le dernier mot de la citation doit être "symbolique" et non "imaginaire". (Je ne connais pas l'origine de la citation.)
³: Dans son article "Topologie et signification" (MMM) Thom cite le poète (métaphysicien?) Baudelaire:
" La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers. "
(Mon commentaire: il y a des gens plus sensibles que d'autres, certains poètes sont de ceux-là, ils ont un sixième sens.)
⁴: "L'affectivité "déforme" la figure de régulation de l'organisme en la compliquant.' (ES, p.73)
jc
20/09/2019
(PhG titre son dernier paragraphe: "Bon signe : nous n’y comprenons pas grand’chose".)
Dans ce qui suit je me focalise sur la deuxième partie du titre (en notant cependant au passage que par la première PhG veut peut-être suggérer que le signe est un signe des temps¹).
PhG nous indique la voie à suivre dans l'article du glossaire "La crise de la raison (humaine)" où l'on relève un "La sagesse aujourd'hui c'est l'audace de la pensée."
La politique est en crise; elle dégénère un peu plus tous les jours en politique politicienne où seule compte la rhétorique (l'art de convaincre) et où les sophistes sont devenus rois ("notre" enfumeur en chef en est un exemple typique). L'état des lieux de la façon de penser des "modernes" ("La crise de la raison humaine" renvoie immédiatement à "La crise du monde moderne") est, selon moi, parfaitement décrite par le mathématicien/philosophe Gilles Châtelet dans "Vivre et penser comme des porcs".
René Thom a proposé une autre façon de penser, et j'ai relevé tout récemment la petite pépite que voici qui éclaire le propos précédent concernant les rhéteurs et les sophistes:
"On ne cherchera pas à fonder la Géométrie dans la Logique mais bien au contraire on regardera la logique comme une activité dérivée (et somme toute bien secondaire dans l'histoire de l'esprit humain), une rhétorique."
L'état des lieux de la façon de penser des "modernes" ("La crise de la raison humaine" renvoie immédiatement à "La crise du monde moderne") est, selon moi, parfaitement décrite par le mathématicien/philosophe Gilles Châtelet dans "Vivre et penser comme des porcs". Cette façon thomienne de penser, je la résume ainsi: "Vivre et penser comme des cochons". Je justifie.
Thom propose une pensée embryologique: "La pensée conceptuelle est une embryologie permanente" et ajoute
"(...) il ne faudrait pas croire que la stabilité de la signification est due à l'invariance d'une forme inerte, comme un symbole d'imprimerie – point de vue auquel voudrait nous réduire toute la philosophie formaliste. Il faut au contraire concevoir que tout concept est comme un être vivant qui défend son organisme (l'espace qu'il occupe) contre les agressions de l'environnement, c'est-à-dire, en fait, l'expansionnisme des concepts voisins qui le limitent dans l'espace substrat : il faut regarder tout concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis."
citation dans laquelle on voit apparaître le cochon en associant l'émission de pseudopodes à une éjaculation et le phagocytage à une réception des spermatozoîdes (ou du pénis) par le vagin.
Thom: "La voie de crête entre les deux gouffres de l'imbécillité d'une part et le délire d'autre part n'est certes ni facile ni sans danger, mais c'est par elle que passe tout progrès futur de l'humanité".
À la fin de SSM Thom prévient:
"Si certaines de mes considérations, en Biologie notamment, ont pu paraître au lecteur confiner au délire, il pourra, par une relecture, se convaincre qu'en aucun point, je n'ai, j'espère, franchi ce pas."
Utile précaution une fois qu'on a lu, entre autres, le paragraphe consacré aux automatismes du langage (par ex. "Le gamète émis par le concept n'est autre que le mot (le nom correspondant). L'émission verbale apparaît ainsi comme un véritable orgasme.") qui me fascine tant, surtout depuis que j'ai lu que la plume de PhG fonctionnait ainsi ("il suffit d'un mot, d'une phrase (...) C'était un instant de bonheur fou".
Pour Thom l'intelligence c'est l'empathie: il faut s'identifier à autrui (ex: le chat aime la souris). Il ajoute que l'identification doit être autant que faire se peut en quelque sorte amoureuse, il faut se mettre dans la peau de l'être aimé (ex: l'homme et la femme). Ce qui justifie mon "Vivre et penser comme des cochons" (bien entendu pour la seule mise en regard du "Vivre et penser comme des porcs de Châtelet).
Cette façon outrageusement anthropocentrée et analogique de penser est justifiée par Thom et érigée en principe:
"Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés; ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en Physique est foncièrement justifié."
L'oeuvre philosophique de Thom concerne principalement la Biologie (je justifie le qualificatif de philosophique par le fait qu'il s'agit d'une biologie théorique et non d'une biologie expérimentale). À la parution de SSM certains ont vu Thom comme étant à la physique ancienne, aristotélicienne, l'analogue de ce que sont Newton, Maxwell, Einstein, etc. à la physique moderne. Pour moi ces savants qui arrivent à théoriser la physique sont étymologiquement des métaphysiciens (mais malgré le titre complet des "Principia" de Newton, je crois que les physiciens modernes resteront dans l'histoire des idées comme des physiciens et non comme des métaphysiciens. Par contre il me semble que quiconque s'emploie à théoriser la physique aristotélicienne est un métaphysicien; ainsi, lorsque Thom écrit que "Les livres II et III de la physique d'Aristote sont l'un des sommets de l'esprit humain", je me demande s'il ne veut pas signifier par là que Aristote s'y hisse au niveau métaphysique. De ce qui précède il va pour moi sans dire que si Aristote se hisse dès sa Physique au niveau métaphysique (réaliste à la fois au sens vulgaire et au sens philosophique) alors Thom s'y hisse également dès SSM.
Ces préliminaires établis on peut alors, à partir des principes thomiens précités, faire de la métaphysique en situation, précisément ici de la métaphysique appliquée à l'US Navy (sous forme d'ontologie appliquée à l'être US Navy), la métaphysique étant dorénavant entendue comme étant au delà de la physique aristotélienne, c'est-à-dire au delà de la science profane de la vie sur terre et dans l'univers.
Le premier problème qui se pose est celui de l'individuation, problème métaphysique s'il en est²; l'individuation de l'être US Navy résulte évidemment de la fonction qui lui est assignée par l'être suprême, ici l'État US: l'être US Navy, dorénavant considéré comme être vivant, a pour mission de défendre les intérêts de l'être suprême sur mer, l'US Navy doit se structurer pour réaliser cette fonction (sans aucun échappatoire rhétorique possible c'est ici la fonction qui crée l'organe²).
Ensuite, puisque, conformément aux principes édictés plus haut, chacun s'identifie à l'US Navy "le plus amoureusement possible", on peut laisser divaguer son imagination en petit cochon et s'intéresser au genre: masculin ou féminin?. On voit qu'il y a une partie naturellement masculine, la partie navigante (émission de projectiles -d'avions pour les porte-avions) et une partie à terre naturellement féminine (cale de radoub, chantiers navals) et on voit apparaître le principe métaphysique aristotélicien "premier selon l'être, dernier selon la génération" (pour construire des bateaux il faut d'abord construire des chantiers navals), et les rapports de type masculin/féminin entre l'être suprême et la partie à terre de la Navy. Etc.
Pour en venir à l'article de PhG et précisément au fragment de phrase:
"une énorme crise ontologique de l’US Navy elle-même face à l’US Navy, entre sa puissance en train de s’effilocher, avec ses nouveaux mastodontes de 100 000 tonnes entre promesse du renouveau et très-possible “JSFisation” de la toute-puissante classe Gerald S. Ford, et ses interrogations au milieu du labyrinthe d’installations navales dépassées ou en nombre insuffisant",
on a maintenant en interne un rapport de mère à fils qui a tout intérêt à être bon pour que la liaison de la Navy à terre, en position féminine, avec l'État en position masculine soit féconde de bons navires. Etc.
"Dans cette lutte prodigieuse entre la matière rétive et la volonté créatrice."
¹: Il faut lire "Le règne de la quantité..." jusqu'à la fin pour savoir quelle signification Guénon attribue aux signes des temps.
²: Traité par Guénon dans "Le règne…" et par Thom dans "Apologie du logos".
³: Cf. le court métrage "René(e)s de Godard sur Thom, à 40', disponible sur la toile.
jc
19/09/2019
Dans "Le règne…" (chap. "Principe d'individuation"), dans "La crise…" (chap. "Individualisme") et aussi vraisemblablement dans "Les états multiples de l'être" (que je n'ai pas lu, ni même parcouru) le métaphysicien Guénon étudie en profondeur le problème fondamental de l'individuation -en particulier en politique, point que Guénon développe dans les chapitres "Unité et uniformité" et "Le chaos social-. C'est évidemment un problème fondamental en morphogenèse et j'ai trouvé intéressant de confronter ce que Guénon écrit dans les chapitres précités à ce que Thom écrit dans l'article "Individuation et finalité" que l'on trouve dans son "Apologie du logos".
jc
19/09/2019
Dans mes précédents commentaires de cet article on a vu deux points de convergence -deux points seulement, mais selon moi fondamentaux- entre les pensées de Guénon et Thom: ils sont tous deux essentialistes et penseurs du continu. De plus, outre l'article "Les mathématiques modernes: une erreur mathématique et philosophique?", la citation suivante montre non seulement que Thom n'est pas un moderne mais aussi qu'il argumente en faveur de la "Tradition immémoriale":
"Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, de Héraclite à Platon nous ont-ils laissé tant de vues d'une si grandiose profondeur? Il est tentant de penser qu'à l'époque l'esprit était encore en contact quasi direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des Sophistes, de la Logique aristotélicienne, de la Géométrie euclidienne, la pensée intuitive fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. (...) Il était donc fatal que le problème de la signification s'effaçat devant celui de la structure de la déduction." (MMM, "Topologie et signification", note terminale)
De ce que j'ai parcouru et lu de Guénon je retiens son refus qui m'apparaît comme quasi viscéral de tout ce qui relève du monde sensible -refus qui est peut-être également celui de toute la pensée traditionnelle?-: il suffit de parcourir les chapitres concernant la psychologie (par exemple) pour s'en convaincre. C'est un point -selon moi également fondamental- sur lequel Thom et Guénon diffèrent profondément, la citation ci-dessus le montrant déjà amplement. Thom est un intuitif qui n'hésite pas à enraciner ses intuitions métaphysiques dans le sensible, au contraire de Guénon pour qui le monde sensible m'apparaît perçu comme inférieur, voire satanique (et, peut-être pour ces raisons, indigne de son intérêt). Le dernier message de Thom, à savoir la dernière phrase de ES, son deuxième et dernier livre majeur, est "Seule une métaphysique réaliste peut donner du sens au monde". La théorie de l'analogie issue de sa théorie des catastrophes est pour Thom un puissant moyen d'investigation métaphysique dont le métaphysicien Guénon ne pouvait évidemment pas disposer.
Pour Thom l'intelligence est la faculté de s'identifier à autre chose ou à autrui, d'où il suit que, pour lui, la sensibilité est plus primitive, plus profonde, que l'intelligence "pure", voire que l'intelligence c'est la sensibilité¹: moins il y a de choses à s'interposer entre la pensée et le monde, mieux c'est (cf. la citation initiale). On a vu dans un commentaire précédent que l'intelligence exige le continu -pour pouvoir faire des liens entre des êtres, des choses, des concepts, etc.-. Thom va encore plus loin dans la qualité des liens requis selon lui pour une bonne intellection, en allant jusqu'à parler d'identification amoureuse:
"Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'attitude analytique-réductionniste ; or pour découvrir la bonne stratégie, il faut s'identifier à l'un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a, préalablement, cassé de manière irréversible ?
Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l'imbécillité des choses."
¹: Peut-être Thom aurait-il ainsi accepté la formulation de l'encyclique "Laudato si": "La réalité est supérieure à l'idée"?
jc
19/09/2019
Dans le chapitre II de "Le règne…" Guénon distingue deux sortes de quantités et s'interroge sur la question de savoir quelle est la bonne notion:
"Une autre question se pose encore : la quantité se présente à nous sous des modes divers, et, notamment, il y a la quantité discontinue, qui est proprement le nombre, et la quantité continue, qui est représentée principalement par les grandeurs d’ordre spatial et temporel ; quel est, parmi ces modes, celui qui constitue plus précisément ce qu’on peut appeler la quantité pure ?".
L'option de la quantité continue est soutenue par Descartes alors que Guénon s'applique à montrer que la bonne option est l'option de la quantité discrète -du nombre- défendue par saint Thomas d'Aquin. Guénon remarquera dans un chapitre ultérieur que Descartes soutient en fait l'option de la quantité discrète puisqu'il considère l'espace comme constitué de points repérés par ses trois coordonnées, mais, à ma connaissance, il n'explore pas plus avant l'option de la quantité continue. C'est pour moi tout-à-fait étrange parce que Guénon a bien vu (son ouvrage "Les principes du calcul infinitésimal" en témoigne) que l'infinie densité des nombres que les matheux appellent réels ne suffit pas pour assurer la continuité de la "droite réelle". Même infiniment resserrés les uns contre les autres, un ensemble de points ne saurait former un continu; tout argumentation qui se fonde sur cette hypothèse ne saurait résoudre les paradoxes de Zénon, la résolution de ces paradoxes exigeant le continu. C'est ce que montre Guénon dans "Les principes…", en démontant les arguments de Leibniz, l'un des pères fondateurs du calcul infinitésimal.
Thom, penseur du continu affiché, fait le même constat quant aux paradoxes de Zénon: seul un penseur du continu peut penser le mouvement.
Deux questions se pose alors: un penseur de discret peut-il penser le continu? et un penseur du continu peut-il penser le discret?
Ce qui précède concernant les paraxodes de Zénon montre que la réponse à la première question est négative: un penseur du discret ne peut établir des continuités, il ne peut faire apparaître des liens, il ne peut être intelligent, le discret ne peut conquérir le continu. L'ordinateur et le robot sont archétypiques des penseurs du discret: ils ne sauraient être intelligents¹.
L'argumentation de la réponse, positive, à la deuxième question est plus délicate. En effet la notion de quantité continue est une notion mystique par excellence, qui renvoie immédiatement à une notion d'homogénéité dont on ne voit pas comment on pourrait extraire du discret.Mais l'exemple des singularités que sont en optique les foyers, les caustiques et les focales indiquent la voie à suivre: le discret émerge du continu par la singularité. La théorie thomienne des catastrophes prend sa source dans la théorie des singularités. La conquête du discret par le continu est possible à condition d'avoir un éclairage; De là vient, probablement, l'importance du soleil dans toutes les civilisations: Guénon y fait allusion à de multiples reprises, ainsi que Thom. Par exemple:
Thom: "L'univers des formes visuelles n'existe que grâce à la fondamentale irréversibilité du rayonnement solaire, et ce n'est pas sans raison qu'on a fait du Soleil un Dieu !"
Guénon: "Les rayons solaires font apparaître les choses qu’ils éclairent, les rendent visibles, donc peuvent être dits symboliquement les « manifester » ; si l’on considère un point central dans l’espace et les rayons émanés de ce centre, on pourra dire aussi que ces rayons « réalisent » l’espace, en le faisant passer de la virtualité à l’actualité, et que leur extension effective est, à chaque instant, la mesure de l’espace réalisé."
L'expérience phénoménologique première est la discontinuité. Mais la discontinuité ne peut se percevoir que par rapport à un fond continu: ontologiquement l'être premier ne peut qu'être le continu.
De ce que j'en connais par mes premières lectures ce sont le oppositions matière/forme et puissance/acte qui dominent la pensée guénonienne. Pour Thom c'est l'opposition discret/continu qui domine toute la pensée (pas seulement mathématique, via l'opposition algèbre/géométrie).
Deux citations pour terminer, l'une de Thom, l'autre de Grothendieck -plus poétique, à propos de l'opposition discret/continu, citations qui ont pour but accessoire de sensibiliser les guénoniens sur le fait que les mathématiques contemporaines s'éloignent de plus en plus de celles décrites dans l'article Wikipédia sur "Le règne…", article que, par ailleurs, je trouve tout-à-fait remarquable.
Thom: "(...) où se trouve le monde réel, l'univers concret où nous vivons ? La réponse est simple : le monde concret se trouve immergé dans cet abîme, qui sépare le vrai continu, celui que nous procure l'intuition immédiate du temps, du faux continu pseudo-numérique que nous fabriquent les Logiciens et autres théoriciens des fondations de la Mathématique. " Rappel (cf. plus haut): le faux continu pseudo-numérique dont parle Thom n'est que du discret maquillé.
Grothendieck: "C’est le thème du topos qui est ce “lit”, ou cette “rivière profonde” où viennent s’épouser la géométrie et l’algèbre, la topologie et l’arithmétique, la logique mathématique et la théorie des catégories, le monde du continu et celui des structures “discontinues” ou “discrètes”. Il est ce que j’ai conçu de plus vaste, pour saisir avec finesse, par un même langage riche en résonances géométriques, une “essence” commune à des situations des plus éloignées les unes des autres provenant de telle région ou de telle autre du vaste univers."
¹: Dans son article "Les mathématiques modernes: une erreur pédagogique et philosophique?" (AL) -que les guénoniens pourraient requalifier en "La crise des maths modernes"- En un certain sens Thom leur associe les banquiers:
"On a beaucoup trop insisté, depuis cinquante ans, sur la reconstruction du continu géométrique à partir des entiers naturels (par la théorie des coupures de Dedekind ou la complétion du corps des rationnels). sous l'influence de traditions axiomatiques et livresques on a vu dans le discontinu l'être premier des mathématiques: "Dieu créa les entiers, et le reste est l'oeuvre de l'homme". Cette maxime de l'algébriste Kronecker témoigne plus de son passé de banquier enrichi dans les manipulations monétaires que de sa clairvoyance philosophique."
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