jc
18/07/2019
À propos de: PhG: "Leur force est celle de la Vérité face au simulacre."
Je radote, bien sûr. Mais les citations suivantes, que j'ai faites et refaites, s'enracinent en moi.
Thom:
- "Ce qui limite le vrai, ce n'est pas le faux, c'est insignifiant."
- "C’est-à-dire que pour nous, la question de l’acceptabilité sémantique d’une assertion est un problème ontologiquement antérieur à celui de sa vérité. La vérité présuppose une signification. L’idéal des logiciens (et de certains mathématiciens) d’éliminer la signification au bénéfice de la seule vérité est un contre-sens philosophique."
- "Mais la distinction Vrai-Faux n'a guère d'intérêt métaphysique. Elle n'engage pas la structure de l'être."
- "Le problème important – en matière de philosophie du langage – n'est pas celui de la vérité (affaire d'accident, Sumbebèkos dirait Aristote), mais bien celui de l'acceptabilité sémantique, qui définit le monde des « possibles », lequel contient le sous-ensemble (éminemment variable) du réel."
- "(...) la vérité d'une assertion n'est pas un problème pertinent en ce qui concerne son expression linguistique. L'implication marche en sens inverse : toute expression, pour être vraie (ou fausse) doit nécessairement être linguistiquement bien formée, et être susceptible de recevoir un sens (dans un contexte assez général, non fabriqué ad hoc)."
Même chez PhG la vérité s'efface devant le sens, ontologiquement premier:
PhG: " « Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou. » (https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu)
La lutte du vrai contre le faux n'est-elle pas nécessairement précédée par la lutte du sensé contre l'insensé, du signifiant contre l'insignifiant?
Il m'apparaît de plus en plus nettement que notre contre-civilisation sombre dans l'insensé et dans l'insignifiance (et pour moi le "progrès" de l'intelligence artificielle¹ en est peut-être le plus manifeste symptôme).
¹: Thom: "(...) si nous continuons à priser par-dessus tout l'efficacité technologique, les inévitables corrections à l'équilibre entre l'homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques." (Fin de la conclusion d'un article sur l'innovation)
patrice sanchez
16/07/2019
avec cette actu sidératrice et ô combien anxiogène, ces histoires de parasites, de poux, de morpions, de routes et de déroutes, qui nous font sérieusement regretter les histoires insouciantes à Toto de notre enfance… Ces pathétiques dirigeants qui ne dirigent rien si ce n'est l'agenda des forces du mal en voie d'auto dissolution et de zombification avancée !
Plus que le mortel ennui d'une vie répétitive, c'est une indifférence, une absence de résistance à l'actu auxquelles nous devrons nous astreindre pour la sauvegarde de notre intégrité mentale !
Eteignez tout et lisez le bouquin de Baricco, Soie : Plus que le mortel ennui d'une vie répétitive, c'est une indifférence, une absence de résistance à la vie que Baricco suggère en ouvrant son roman par quelques phrases laconiques, purement énonciatives. Au début, Hervé Joncour fait penser à un spectateur repu qui se refuserait à intervenir dans la pièce qui se joue, et qui pourtant parle de lui.
Voyageur en quête d'œufs de vers à soie, il se voit contraint, pour sauver les industriels de son village, d'effectuer une expédition "jusqu'au bout du monde". Or, en 1861, la fin du monde, c'est un Japon qui sort à peine de son isolationnisme, et, qui plus est, de mauvaise grâce. Et c'est au Japon que la vie du héros prend un tour nouveau en croisant celle d'une femme mystérieuse.
À la fin du roman, plusieurs années se sont écoulées, qui ont paru un battement de cils raconté en douceur par une voix neutre qui a fait défiler sous nos yeux, tels des panneaux de papier de riz, les séquences successives de cette vie impalpable traversée par des personnages d'ombre subtile. —Sana Tang-Léopold Wauters
Quatrième de couverture
Vers 1860, pour sauver les élevages de vers à soie contaminés par une épidémie, Hervé Joncour entreprend quatre expéditions au Japon pour acheter des œufs sains. Entre les monts du Vivarais et le Japon, c'est le choc de deux mondes, une histoire d'amour et de guerre, une alchimie merveilleuse qui tisse le roman de fils impalpables. Des voyages longs et dangereux, des amours impossibles qui se poursuivent sans jamais avoir commencé, des personnages de désirs et de passions, le velours d'une voix, la sacralisation d'un tissu magnifique et sensuel, et la lenteur, la lenteur des saisons et du temps immuable.Soie, publié en Italie en 1996 et en France en 1997, est devenu en quelques mois un roman culte - succès mérité pour le plus raffiné des jeunes écrivains italiens.
patrice sanchez
16/07/2019
Bonjour JC, un siècle avant, le Philosophe au marteau écrivait dans :" Par delà le bien et le mal."
« Nous qui avons une autre croyance, — nous qui considérons le
mouvement démocratique, non seulement comme une forme de
décadence de l’organisation politique, mais aussi comme une forme de
décadence, c’est-à-dire de rapetissement chez l’homme, comme le
nivellement de l’homme et sa diminution de valeur : où devons-nous
diriger nos espoirs ? — Vers les nouveaux philosophes, — nous
n’avons pas à choisir ; vers les esprits assez forts et assez primesautiers
pour provoquer des appréciations opposées, pour transformer et
renverser les « valeurs éternelles » ; vers les avant-coureurs, vers les
hommes de l’avenir qui, dans le présent, trouvent le joint pour forcer la
volonté de milliers d’années à entrer dans des voies nouvelles.
Enseigner à l’homme que son avenir, c’est sa volonté, que c’est affaire
d’une volonté humaine, de préparer les grandes tentatives et les essais
généraux de discipline et d’éducation, pour mettre fin à cette
épouvantable domination de l’absurde et du hasard qu’on a appelée
jusqu’à présent « l’histoire » — le non-sens du « plus grand nombre »
n’est que sa dernière forme. Pour réaliser cela il faudra un jour une
nouvelle espèce de philosophes et de chefs dont l’image fera paraître
ternes et mesquins tous les esprits dissimulés, terribles et bienveillants
qu’il y a eu jusqu’à présent sur la terre. C’est l’image de ces chefs qui
flotte devant nos yeux. Puis-je en parler à voix haute, ô esprits libres ? —
Les circonstances qu’il faudrait en partie créer, en partie utiliser pour
leur formation ; les voies et les recherches hypothétiques par lesquelles
une âme s’élève à une hauteur et à une force assez grandes pour
comprendre la contrainte d’une telle tâche, une transmutation des
valeurs, qui tremperait à nouveau la conscience de l’homme,
transformerait son coeur en airain, pour lui faire supporter le poids d’une
telle responsabilité ; d’autre part la nécessité de pareils guides, les
risques épouvantables à courir si ces guides se mettent à faillir, à
dégénérer ou à se corrompre — ce sont là les soucis réels qui nous oppressent, vous le savez bien, ô esprits libres ! ce sont là des pensées lointaines, lourdes comme des orages suspendus sur le ciel
de notre vie. Il est peu de douleurs comparables à celle de voir un
homme extraordinaire sortir de sa voie et dégénérer, de deviner et de
sentir cet écart. Mais celui dont l’oeil rare sait discerner le danger
général de la dégénérescence de « l’homme lui-même » — celui qui,
pareil à nous, a reconnu l’énorme hasard qui jusqu’ici fit de l’avenir de
l’homme un jeu — un jeu où n’intervint pas la main, pas même le « doigt
de Dieu » ! — celui qui devine la fatalité cachée dans la stupide candeur
et l’aveugle confiance des « idées modernes », plus encore dans toute la
morale chrétienne européenne : — celui-là souffre d’une anxiété à nulle
autre pareille, car il saisit d’un regard tout ce qu’on pourrait tirer encore
de l’homme en suscitant une réunion et un accroissement favorables
des forces et des devoirs. Il sait, avec toute l’intuition de sa conscience,
combien de possibilités résident encore dans l’homme, combien souvent
déjà le type homme s’est trouvé en face de décisions mystérieuses et de
voies nouvelles. Il sait encore mieux, d’après ses souvenirs les plus
douloureux, à quels obstacles misérables se sont pitoyablement brisés
jusqu’à présent les devenirs les plus hauts. L’universelle
dégénérescence de l’homme, — qui descend jusqu’à ce degré
d’abaissement que les crétins socialistes considèrent comme « l’homme
de l’avenir » — leur idéal ! — cette dégénérescence et ce rapetissement
de l’homme jusqu’au parfait animal de troupeau (ou, comme ils disent, à
l’homme de la « société libre »), cet abêtissement de l’homme jusqu’au
pygmée des droits égaux et des prétentions égalitaires — sans nul
doute, cette dégénérescence est possible ! Celui qui a réfléchi à cette
possibilité, jusque dans ses dernières conséquences, connaît un dégoût
que ne connaissent pas les autres hommes et peut-être connaît-il aussi
une tâche nouvelle ! »
Nous n'aurons d'autre alternative que de radicaliser nos pensées, et pendant que tous ces pauvres hères qui ont choisi le camp du mal s'enfonceront toujours plus avant dans l'ignominie et l'abjection jusqu'à finir dans la fosse septique de l'Histoire, nous ne pourrons que nous élever jusqu'à la libération de nos mentals qui s'ouvriront automatiquement à la spiritualité de la libre pensée retrouvée ... telle est ma vision de ce passage transitoire obligé, de ce chaos non pas créateur, mais bien plutôt libérateur de notre pleine Humanité, le principe spirituel zarathoustrien et quantique des vases communiquants de la fin d'un Monde vers un Devenir à créer en somme !
Alex Kara
16/07/2019
Merci Nicolas Bonnal pour ce parallèle très éloquent et très recherché.
Il est tellement éloquent qu'on se demande comment on a pu, à nouveau, en arriver là.
Peut-être il y avait-il une sagesse plus profonde que la séléction lorsque les Lettres Classiques étaient au centre de l'apprentissage des élites. Au-delà des "erreurs du passé à ne pas reproduire" (tiens tiens) il y avait sans doute le sens de la grandeur, et celui tout aussi important celui de la démesure.
Aujourd'hui, ce savoir n'intéresse plus du tout ceux qui gouvernent, car leurs références cuturelles sont en vérité très pauvres, en un sens elles sont aussi démocratiques que le McDo ou André Rieu. Je repense ici au film "Idiocracy" (treize ans déjà) où le président et son peuple baignent ensemble dans une stupidité et frivolité partagées au Colisée.
Dans l'enseignement des Lettres, peut-être il y a-t-il eu dès le départ le culte de la forme (la mécanique grammairienne) au lieu de celui du fond : on trouve plus facilement des enseignants du premier type que du second.
Aujourd'hui le "prof" (dixit) est perçu comme un minable, qui ne mérite même pas son SMIC et demi. Le signe du succès c'est le nombre de likes et bien sûr toute la camelote que les $ peuvent acheter, alors le "prof" et son Thucydide…
Audiard faisait dire dans "Un Taxi pour Tobrouk" (1961) : " Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche." Mais peut-être marche-t-elle vers le désert le plus aride, là où les intellos vont peut-être attendre le coucher du soleil et les étoiles pour mieux s'orienter.
Les civilisations construites sur l'équilibre ont toutes été conquises, dépouillées, avilies puis déculturées par cette Athènes moderne, aussi comment pourraient-elles avoir eu raison, et Athènes avoir eu tort ?
EricRobertMarcel Basillais
16/07/2019
En réponse au ''Fascisme Libéral'' de l'OUEST, la RUSSIE convoque ''l'Union Internationale Antifa '' : alors : , la PESTE ou EBOLA ? faites vos jeux, rien ne va plus dans le joli monde des MOTS.
jc
15/07/2019
Je suis en train de lire un papier "Grothendieck et la liberté"¹ par le mathématicien Laurent Lafforgue (avec en vue la perspective de répondre à Patrice Sanchez…). Pour moi tout-à-fait en phase avec le papier du jour de PhG, car j'y trouve:
"Pour qualifier l'état de cette civilisation qu'il appelle «civilisation techniciste», Grothendieck emploie les mots «effritement», «nivellement», «érosion», «avachissement», «décomposition», «pourriture». La civilisation techniciste lui paraît connaître un processus de décomposition rapide, inséparable du caractère férocement déspiritualisé qui la distingue de toutes celles qui l'ont précédée. Une telle civilisation privée d'âme est condamnée à disparaître au bout de quelques siècles, l'homme ne pouvant vivre à la longue en ignorant ses besoins religieux et sa nature spirituelle. La seule consolation est de penser que d'ici quelques générations cette civilisation pourrissante apparaîtra sans doute comme l'utile matière brute qu'une oeuvre créatrice intense, à laquelle tous les hommes sont appelés, doit transformer en le terreau vivant de l'homme pleinement humain et d'une humanité enfin humaine."
Comme a dit, je crois, PhG, ces gens ne sont pas seulement corrompus, ce sont aussi et surtout les corrupteurs.
¹: https://www.laurentlafforgue.org/textes/GrothendieckLiberte2.pdf
Olivier Laperche
14/07/2019
Il y a quand même un possible avantage pour les US et pour sa communication.
En effet, si le F35 se trouve être vulnérable et n' est donc pas le super système d aviation de guerre comme initialement propagandé.
Et bien, cela sera du fait d'Erdogan et de sa trahison, car des pilotes turcs se sont déjà formés dessus…. La communication US l'incriminera.
jc
13/07/2019
(Dans l'optique d'une théorisation de l'Histoire (majusculée)')
Thom distingue deux types de catastrophes: catastrophes de conflit et catastrophes de bifurcation. Pour l'homme de la rue, la catastrophe de conflit est naturelle -la vie est un perpétuel conflit, conflit universel, héraclitéen- dans lequel nous choisissons ou sommes choisis constamment; alors que la catastrophe de bifurcation paraît plus mystérieuse (qui actionne l'aiguillage de la bifurcation?). Pour Thom c'est l'inverse, c'est la catastrophe de bifurcation qui est banale et la catastrophe de conflit qui est mystérieuse: Il en explique la raison dans un article intitulé "La notion de programme en biologie" (AL pp.159 bas et 160 haut): pour lui la compréhension de la catastrophe de bifurcation n'exige qu'une compréhension locale -le nez sur le carreau- du processus en cours, alors que la catastrophe de conflit nécessite une compréhension globale, une hauteur de vue par rapport au processus en train de se dérouler.
(Mathématiquement il suffit de connaître le tableau de variation de sa dérivée -et donc ses singularités, ses zéros- pour connaître les extrémas locaux d'une fonction. Il n'existe pas de procédure locale permettant de déterminer les extrémas absolus de la fonction.
Un modèle hydraulique montre métaphoriquement ce qui se passe pour les catastrophes de bifurcation. On a au départ un paysage montagneux avec lacs et un mouvement tectonique lent qui vide lentement certains lacs et en remplit d'autres par catastrophes locales. Le modèle de la balance montre, lui, métaphoriquement ce qui se passe pour les catastrophes de conflit: lorsque le minimum absolu passe d'un actant à un autre, le fléau de la balance passe rapidement et violemment d'un côté à l'autre.
Il me semble qu'on a là un critère qu permet de différencier les scientifiques et historiens minusculés d'une part et les Scientifiques et Historiens majusculés d'autre part. Selon ce critère on comprend pourquoi les Historiens sont rares : il faut de l'intuition -une sorte d'instinct, de sixième sens, une sorte d'organe de Corti¹ que PhG a, selon moi, assurément.
Ce sixième sens, qui permet de décider si l'on est face à une catastrophe de conflit ou une catastrophe de bifurcation, permet de prévoir si l'on aura affaire à une évolution lente et douce -peu catastrophique au sens usuel- comme le sont les catastrophes de bifurcation, ou rapide et brutale -catastrophique au sens usuel- comme le sont les catastrophes de conflit.
Application au conflit en cours entre les "Full Spectrum Dominance" et les "Full Spectrum Defense"?
¹: AL p.160
jc
12/07/2019
(Je radote…)
Pour Thom l'assertion de nature translogique "Le prédateur affamé est sa propre proie" est à la base de l'embryologie animale".
L'évolution des choses -la diminution du nombre de riches de plus en plus riches, etc.- donne un certain sens à l'assertion de nature translogique "Le capitaliste affamé est sa propre proie". Ce tourbillon crisique est-il à la base d'une embryologie sociétale?
Pour Thom une assertion comme "Le chat mange la souris" est standard -business as usual-. En cas de manque de souris, le tourbillon crisique se creuse pour le chat de plus en plus affamé qui devient de plus en plus sa propre proie. Ainsi, selon moi, en est-il actuellement de Trump et de l'élite US. Comment sortir de ce tourbillon crisique? Thom donne sa réponse en examinant le cas du chimpanzé en manque de banane: son affectivité déforme la structure de régulation standard de son organisme (le conflit à deux actants prédateur-proie) modélisé par la catastrophe "fronce" pour passer à la vitesse supérieure, c'est-à-dire à la catastrophe "papillon", catastrophe à trois actants, le troisième actant réalisant une poche de compromis entre les deux actants "standards" initiaux (ici le Shah et Mickey).
Dans cette optique qui va s'installer dans la poche de compromis prévue par la théorie thomienne? L'ONU? L'OTAN? L'EU? la Russie? La Chine?
Thom: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés."
jc
11/07/2019
Dans mon rangement des choses, le "classique" idéal de perfection rime avec légitimité et naturalité alors que le "moderne" idéal de puissance renvoie à légalité, voire à artificialité. Pour moi, la puissance "moderne" doit être considérée comme une dégénérescence de la puissance aristotélicienne, cette dernière étant perçue par Aristote -je crois…- comme étant en attente -en stand by, diraient les anglais- en vue de l'acte, comme la matière est en attente en vue de la forme qu'elle va prendre, ou comme les homéomères sont en attente en vue des anhoméomères. C'est l'idéal de puissance, cause finale qui donne sa raison d'être à la puissance aristotélicienne, alors que l'idéal de puissance moderne est devenu une fin en soi.
La citation à suivre de Talleyrand, trouvé sur ce site, renvoie pour moi à la théorie des lieux naturels d'Aristote, la France ayant grâce à lui regagné son lieu naturel après les péripéties directoriales et napoléoniennes: “La maison de Bourbon seule, pouvait noblement faire reprendre à la France les heureuses proportions indiquées par la politique et par la nature. Avec la maison de Bourbon, la France cessait d’être gigantesque pour devenir grande. Soulagée du poids de ses conquêtes, la maison de Bourbon seule, pouvait la replacer au rang élevé qu’elle doit occuper dans le système social ; seule, elle pouvait détourner les vengeances que vingt ans d’excès avaient amoncelées contre elle.”
Je crois que dans le rangement thomien les forces naturelles -celles répertoriées par les physiciens n'étant que la partie émergée de l'iceberg- sont naturellement structurantes. Ce sont ces forces qui sont au principe de la forme -et non l'inverse-; pour Thom c'est l'airain qui devient anneau d'airain sous l'action de forces structurantes ((je crois qu'en ce sens on peut dire que Thom est matérialiste).
Pour lui ces forces structurantes agissent sur tous les substrats: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés." (SSM, 2ème ed., conclusion)
PhG vers une théorisation de l'Histoire?
Dans son article "Thèmes de Holton et apories fondatrices" (AL), Thom note p.481 que l'histoire "est fondamentalement aporétique parce qu'elle est essentiellement descriptive. C'est seulement lorsqu'elle se soucie de théoriser en tant que matériau de la sociologie qu'elle rencontre des problèmes: ainsi du rôle de l'individu dans le devenir historique." Je subodore que ce n'est pas le cas de l'Histoire (majusculée) telle que PhG la conçoit.
Dans son article "Révolutions, catastrophes sociales?" (AL) Thom oppose le gouvernement par le pouvoir de contrainte (physique, économique, etc.) au gouvernement par le pouvoir sémiologique et défend la thèse "qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique." (p.437)
Quelle aporie fondatrice pour l'Histoire (majusculée)? (Pour la sociologie Thom propose "l'opposition entre la permanence de la société -en particulier la structure du pouvoir- et la fluence continuelle des individus qui fait problème.")
jc
11/07/2019
Que l'on analyse la méthode de l'historien ou celle du scientifique on se heurte au problème de l'objectivité: parmi les faits historiques ou scientifiques, quels sont ceux qui peuvent être qualifiés d'objectifs?
C'est un problème aussi fondamental que redoutable. Traditionnellement étudié par les philosophes, il a débouché sur la célèbre querelle des universaux posée par Porphyre, disciple de Plotin, séparant la communauté philosophique en deux: les réalistes (les Idées -I majuscule- existent absolument, indépendamment de ceux qui les pensent) et les nominalistes- (les idées -i minuscule- n'existent que relativement à ceux qui les pensent). La coupure galiléenne a confirmé le divorce Science/Philosophie, la Science s'emparant de l'objectivité et la philosophie se réfugiant dans la forteresse de la subjectivité.
Que ce soit en Histoire ou en Science la notion d'objectivité renvoie à celle de fait. Qu'est-ce qu'un fait historique, qu'est-ce qu'un fait scientifique, qu'est-ce qu'un fait?
Dans un article intitulé "La méthode expérimentale" Thom cite (AL p. 617) un certain abbé Louis Castel: "La méthode des faits, pleine d'autorité et d'empire, s'arroge un air de divinité qui tyrannise notre créance et s'impose à notre raison. Un homme qu raisonne, qui démontre même, me prend pour un homme: je raisonne avec lui; il me laisse la liberté de jugement; et ne me force que par ma propre raison. Celui qui crie "Voilà un fait" me prend pour un esclave."
Pour moi l''universitaire -en histoire comme en sciences- applique la méthode des faits, en quelque sorte par définition (cf. les quatre discours de Lacan), L'Histoire comme la Science lui échappe, en quelque sorte par définition.
Thom enfonce le clou et esquisse le contour du Scientifique -majusculé-:
"Lorsqu'on a compris -à la suite de T.S.Kuhn- le caractère "automatique" du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde -et cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du "hard fact", se sont-ils jamais demandés ce qu'est un fait? Faut-il croire -ce qu'insinue l'étymologie- que derrière tout fait il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un "sujet" résisstant sur lequel le fait nous apprend quelque chose? Telles sont les questions que notre philosophe [celui que Thom, adepte de la philosophie naturelle, appelle de ses voeux] devra constamment reposer, insufflant une quelconque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. bien sûr la Science n'a pas besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit."
Que l'expérimentateur perturbe l'objet étudié commence à faire son chemin en physique moderne, physique quantique oblige; et amène naturellement à considérer l'objet d'étude en sujet d'étude. Ceci change beaucoup de choses, car cela nous force pratiquement à considérer l'objet de l'étude comme un être comme nous, à savoir comme un être vivant.
Thom: "L'intelligence, c'est la capacité de s'identifier à autre chose, à autrui."
Le fait, pour les physiciens -et surtout les biologistes!- modernes d'avoir refusé cette identification a conduit au mécanisme et au scientisme.
Thom: "Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d'expérimentateurs a sa source dans l'e analytico-réductionniste; or découvrir la bonne stratégie, c'est s'identifier à l'un facteurs permanents du système. Il s'agit là presque d'une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu'on a -préalablement- cassé de manière irréversible?
Toute la science moderne est ainsifondée sur le postulat de l'imbécillité des choses."
Pour moi, ce qui précède -qui concerne la Science- vaut mutatis mutandis pour l'Histoire.
PhG: "« De la relativisation inévitable de l'histoire : de l'échec de la méthode scientiste à la nécessité du prophétisme »
PhG prophète? Ou PhG théoricien de l'Histoire? La différence n'est peut-être pas si grande si l'on se souvient que, selon une étymologie actuellement bien oubliée, un théorème est, avant tout,l'objet d'une vision.
Didier Favre
10/07/2019
Un système créé sur la base de la méthode cartésienne ne supporte pas la contradiction.
Si ses défenseurs sont au pouvoir, ils écraseront en toute bonne conscience leurs opposants. La bonne conscience des premiers en devient sans limites et leur permet absolument tous les actes qu’un esprit fertile peut imaginer. Aller contre ces gens est aller contre la méthode.
Comparer à cela, le blasphème le plus atroce est comparer une blague d’un goût légèrement douteux à la Shoah dans le pire sens du terme. C’est aller contre tout le progrès humain établit par cette fameuse méthode. Le seul blasphème de cette importance connu dans la religion chrétienne est le blasphème contre l’Esprit.
La méthode de Descartes est l’Esprit-Saint de la Modernité. Dans les deux cas, le système de pensée s’effondre totalement. Dans les deux cas, son auteur se met en dehors et même en opposition totale avec les défenseurs de ces idées. Dans les deux cas, les esprits humains sont inspirés par la méthode ou l’Esprit Saint. Dans le premier cas, René Descartes joue le rôle du Christ. Dans le second cas, le Christ a envoyé l’Esprit. Nous sommes dans le même schéma de pensée.
Un homme donne le premier schéma. C’est, à mon avis, de la gnose de très haut niveau. Son porteur du savoir se pose en guide pour toute l’humanité. Dans le second cas, une personne, l’Esprit-Saint, se pose en guide pour toute l’humanité. Dans le Christianisme, cette personne est Dieu.
Le Dieu qui oriente la pensée humaine dans le second cas a été remplacé par une création d’un esprit humain, de très grande qualité mais humaine, qui se pose assez grand pour remplacer Dieu. Il a même tenté par sa méthode de connaître Dieu et son existence. Il en a résulté un être abstrait et totalement lointain des humains que Descartes nommait Dieu.
Descartes a remplacé une personne proche des hommes par une façon de réfléchir en la supposant si bonne que tous les humains sensés pourraient l’employer et résoudre les problèmes réels que nous rencontrons tous.
Les dégâts de cette méthode se voient dans la situation de notre Occident.
L’un d’eux est l’invention de la guerre totale. Le niveau auquel se situe la pensée cartésienne autorise ses acteurs à commettre tous les crimes contre leurs opposants.
Un autre est la division radicale des humains en partis irréconciliables. Les deux partis se donnent un système par la méthode. Ils leurs sont si importants qu’ils ne peuvent pas y renoncer sans renoncer à ce qui leur sert d’identité.
Cette division radicale peut se répéter à l’infini entre les humains. Nous sommes proches d’une expression qui me sidère « la guerre de tous contre tous » qui en devient imaginable.
Un troisième dégât est la technologie la plus poussée associée à la guerre. Verdun illustre bien ce problème. Je retrouve ici le problème de l’affrontement des principes avec le système de PhG.
Un quatrième est la perte de tout sens de la vie. Chacun peut, en appliquant la méthode, créer avec certitude sa vie et celle de toutes les personnes sous leurs ordres. La vie du créateur est sa création. Pourquoi n’en vivre qu’une ? Pourquoi choisir telle ou telle vie ? Ses subordonnés cessent d’avoir une influence sur leurs vies. Ils sont aux ordres.
Un cinquième est le fait que l’auteur du système soumet tous les humains qu’il peut et détruit tous les autres. Le système étant parfait selon son approche de la réalité, tout opposant est fou ou maléfique car il refuse le progrès certain que le système apporte.
Un sixième est que le système est une création humaine, donc imparfaite. Il va échouer à plus ou moins brève échéance. L’échec ne peut pas être admis dû à une cause interne comme une incohérence. Il ne peut qu’être dû à des agents externes qui sapent l’efficacité du système. Je salue ici Staline.
Un septième est qu’un système ne peut pas accepter être la cause de malheurs. Ils en deviennent simplement insolubles. Quand il s’agit d’une pollution radio-active, il serait souhaitable d’en être averti pour pouvoir au moins prendre quelques précautions. Dans le système, cela est impossible.
Un huitième est que le système ne peut pas accepter une interférence du monde extérieur à lui-même. Nous sommes proches ici de ce que PhG nomme simulacre. Nous en sommes encore plus proches si je considère que le système aboutit à des reconstructions de la réalité. Elles se font généralement avec un minimum d’observations de terrain et en négligeant les détails gênants.
Un neuvième est la croyance délirante (à mon avis) que tout objet créé par ce système est bon, vertueux et positif. Quand je pense aux moyens les plus récents de faire la guerre, un doute me saisit. La dernière est l’idée de bombe au cobalt. Elle anéantirait l’humanité si elle était utilisée.
Un dixième est la croyance que la nature contient des ressources infinies et qu’il est impossible de l’altérer gravement. La méthode est un travail fait par un esprit isolé qui considère que les lois scientifiques sont valables dans toutes les circonstances qu’il peut imaginer. Par exemple, l’air est respirable. Cette proposition fort acceptable est battue en brèche par une importante pollution. La première entre dans la méthode de Descartes. La seconde n’est pas considérée quand l’industrie associée est bâtie par la même méthode. Elle ne fait pas partie du problème.
Un onzième est donné par la vision moderne de l’argent. C’est le moyen d’avoir de relations humaines rationnelles, positives, équilibrées, inclusives, sans racisme ou toute autre ségrégation. L’argent donne une mesure facile à définir de tout ce qui est humainement connu. L’argent est donc rationnel. Il faut tout soumettre à l’argent. En plus, il rejette par lui-même toutes les distinctions irrationnelles basées sur la couleur de la peau, l’origine, la religion et les habitudes sexuelles.
Un douzième est le fait que tout ce qui n’entre pas dans le cadre de la méthode est autorisé. Il n’y a plus de limites. Nous avons ici une définition très moderne de la liberté. Tant que l’irrationnel est limité aux individus, tout va bien dans ce monde.
PhGr parle du déchaînement de la matière. J’interprète cette idée comme une application sans bornes morales des technologies inventées grâce à la méthode et qui détruit tout ce qui n’est pas issu de cette méthode.
alain pucciarelli
09/07/2019
On peut aficher une tristesse certaine face à ces dérives qui broient des petits bourgeois hélas influents, sans racine, quand on mesure le désespoir d'une majorité de citoyens ici et outre Atlantique. Voilà au moins un succès absolu des "grands médias" et de notre école détruite depuis au moins trente ans (quarante?) par le politiquement correct. Quand il sera temps de demander des comptes, nous n'aurons que des "innocents" pleunichards pour répondre du désastre. Et chez les Politiques, et dans les Médias, et chez les enseignants. Pour les parents, hélas, on zappe. Un cataclysme et en face, du vent. Voilà ce qui se dessine. Que faire d'une société de victimes? J'ai honte pour mon pays. On ablate? Ah non, c'est fascho.
EricRobertMarcel Basillais
09/07/2019
Le cas USA est effectivement très SPECTACULAIRE-MARCHAND pour ne pas être un bon sujet. Mais, il me semble, le cas de la Chine ou de l'Inde ou du Japon est largement aussi important du fait même du déclin de l'Atlantique. Mais eux ne font rien de sensationnel sur Twitter.
Par ailleurs, soyons honnêtes : TRUMP était le bon cheval face à Clinton en termes de Paix Mondiale. Tout compte fait il n'a déclaré aucune NOUVELLE guerre ! Pas mal pour un Président USA pris, de surcroît, dit-on, dans le piège de Thucidyde ...
FG
09/07/2019
Bonjour,
Je réagis à une citation que vous utilisez pour appuyer votre propos.
J'avoue être toujours aussi perplexe à lire ces considérations floues et absconses sur l'antiracisme ou sur ce qui est désigné par l'acronyme LGBTQXYZ.
Goldanel semble dire que l'on court aujourd'hui le risque d'être ostracisé si l'on déblatère une ignominie raciste. Et vous semblez être d'accord avec lui. Et l'on semble comprendre que c'est absurde.
Concernant les LGBTQXYZ, vous avez commis récemment un article sur le sujet, article, pardonnez moi, que je trouve abscons et sans intérêt.
Sur l'antiracisme. Prenons Finkelkraut. Il est toujours invité partout. Il déblatère des dégoulinures racistes et suprémacistes en continu. Et il est toujours invité partout. Idem pour Zemmour. Aussi je pose la question : quelles sont les bases factuelles permettant de donner un tant soit peu de corps aux propos de Goldanel ? Et surtout, quel apport en définitive à vos analyses ?
Sur la cinquième colonne Système des LGBTQ. Je ne parviens toujours pas à comprendre quoi que ce soit à votre propos. Que ces problématiques soient instrumentalisées par le Système, c'est certain. Mais c'est ignoble. C'est cela qui est ignoble. Cette instrumentalisation. Mais je ne lis pas cela dans vos propos. Je lis que l'ignominie, c'est d'aller dans le sens d'une société plus ouverte, plus inclusive, plus pacifiée en fin de compte. Et j'y vois là de votre part une faute d'analyse qui ne vous ressemble pas.
Nous manquons de visions, en Occident, et de visionnaires. On se rend compte qu'il n'y en a jamais eu beaucoup dans l'histoire, en définitive, ou qu'en tout cas, on ne s'en est que rarement rendu compte sur le moment. Et là, de suite, une chose dont je suis certain, c'est que ce ne sont pas des Finkelkraut ou des Goldanel qui vont pouvoir nous aider à imaginer un futur gratifiant, ni plus simplement à nous aider à comprendre le présent.
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