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Du Matérialisme du XIXème au matérialisme du XXIème

Article lié : Opérationnalité de la Nostalgie

jc

  16/06/2019

PhG: "J'ai la majuscule facile."

Dans le tome II de "La Grâce de l'Histoire", PhG fait à plusieurs reprises la distinction entre Matière (majusculée) qu'il associe au Mal et matière (minusculée) dont il dit plutôt du bien et dont il promet de faire l'un des thèmes centraux du tome III¹: "(...) elle [la matière minusculée] n'est certainement pas que le Mal, -comme Rodin justement le démontre, et les cathédrales avec lui, (...)".

Je n'arrive pas à me faire une idée, même imprécise, avec les éléments dont je dispose, de ce que PhG entend par matière; il me faut attendre le tome III avec le guère encourageant:

"(...) certains reprocheront à l’auteur la complexité de ses phrases, voire leur hermétisme. Je me rends bien compte de cette complexité “voire de cet hermétisme” et n’ai aucunement l’intention, ni de m’en expliquer, ni de demander qu’on m’en excuse. Il m’apparaît impossible de traiter le sujet que j’ai choisi autrement que je ne l’ai fait, tout comme il m’apparaît impossible, dans la démarche que je suis, de traiter un autre sujet que celui que je traite. A cet égard, je me perçois entièrement comme un logocrate, comme si les remarques, les reproches, les souffrances que j’imposais à mes lecteurs ne dépendaient pas vraiment de moi."

À la suite d'Aristote et de Thom², je pense que nous sommes un corps-âme; et par suite, je pense aussi que nous ne pouvons pas dissocier sans précaution la matière et la forme, la puissance et l'acte, le sujet d'étude de l'objet d'étude³, l'essence et l'existence, etc., comme le font si facilement les scientifiques (les scientistes?) modernes avec leur prétendue "objectivité".

Pour moi la Matière n'a pas d'âme alors que la matière en a une (la cathédrale de Reims a une âme alors que les tours de Doubaï n'en ont pas): les modernes ont transformé une physique qui avait une âme -la physique aristotélicienne est une physique du vivant, une biophysique- en une physique qui n'en a pas. (Et la pensée contemporaine dominante -la pensée Système- a détruit l'harmonie entre la matière et la forme aristotéliciennes pour en faire la Matière et la Forme modernes (rigidité formalisante des Matérialistes -pour moi typiquement la mélenchonie, mais aussi la macronie, l'attalie, etc.) avec les effets catastrophiques que l'on constate actuellement.)

Je vois le matérialisme (m minuscule) du XXIème siècle comme un néo-aristotélisme, c'est-à-dire un aristotélisme relooké "à la Thom". Au contraire du Matérialisme (M majuscule) du XIXème siècle qui, selon moi, ignore le vivant -voire le nie-, je suis convaincu que ce matérialisme⁴ du XXIème siècle est tout-à-fait écolo-compatible.

Je verrais même bien se constituer un parti politique néo-matérialiste écolo "à visage humain" autour des idées thomiennes, idées que, quant à elles, je qualifierais volontiers de supra-humaines⁵ (il suffit de lire l'oeuvre de Thom pour s'en convaincre).



¹: Cf. le tome II, pp. 412 et 413.

²: Thom: "C'est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l'apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l'être vivant, ils dissolvent l'antinomie de l'âme et du corps en une entité géométrique unique." (SSM, 2ème ed., pp. 320 et 321)

³: Il semble maintenant acquis chez les physiciens "quantiques" que l'on ne peut percevoir sans être également perçu, que le sujet observateur perturbe toujours l'objet qu'il observe -et qu'il est, en retour, toujours perturbé par lui-.

⁴: Jean Largeault: "Thom, qui à la rigueur aurait de la sympathie pour un matérialisme, rejette le réductionnisme qui rattache tous les phénomènes à un seul type de forces naturelles (physico-chimiques)." (AL, préface, p.27)

⁵: Thom (topocrate!): "En dépit de mon admiration pour ce dernier [Aristote], je reste platonicien en ce que je crois à l'existence séparée ("autonome") des entités mathématiques, étant entendu qu'il s'agit là d'une région ontologique différente de la "réalité usuelle" (matérielle) du monde perçu. (C'est le rôle du continu -de l'étendue- que d'assurer la transition entre les deux régions.) (ES pp. 244 et 245)

La contre-essence du Système

Article lié : 2004-2019 : évolution en retour

jc

  15/06/2019

PhG: "Aujourd’hui, la guerre en cours, qui succède à celle de 2004, concerne la mise en cause des racines même, de l’essence (en fait contre-essence) du Système."

En mai 1988 Arbatov, conseiller de Gorbatchev, disait à un intervieweur de Time¹ : « Nous allons vous faire une chose terrible, nous allons vous priver d’Ennemi. », alors que dans le même temps (été 1989) Fukuyama publiait "The end of History?".

Il me paraît maintenant à peu près complètement clair -et je rends grâce à Dedefensa qui a grandement aidé à me clarifier les idées sur ce point- que Fukuyama avait tort (ce n'est pas la fin de l'Histoire mais la fin d'un monde). Mais, pour autant, Arbatov avait-il raison?

La réflexion d'Arbatov me fait penser à la célèbre formule de Berkeley: être c'est percevoir et être perçu; si l'on n'est plus perçu par l'autre car il a disparu (ici l'URSS) alors on n'est, soi-même (ici les USA, devenus depuis USA-zombies), plus. (De ce point de vue la réflexion d'Arbatov signifie qu'il ne tient pas les USA en bien haute estime (USA qui n'ont d'ailleurs pas tardé à s'inventer de nouveaux ennemis -Ben Laden, etc., pour re-être).)

La narrative occidentale n'a cessé d'opposer le camp occidental, camp du bien bien sûr, démocrate et libéral, au camp du mal, camp de la dictature communiste et du goulag. Mais pour moi les deux camps avaient quelque chose en commun -que l'actuelle Russie a peut-être moins, mais que l'actuel USA a gardée intacte-: le matérialisme². Ce monstre qu'a été l'URSS et ce monstre que sont encore les USA (et que le monstrueux UE, toujours à la pointe du progrès, a choisi d'imiter) ont bel et bien existé (existence), et les USA existent encore (peut-être pour plus très longtemps), mais n'ont jamais été (essence).

En logique mathématique (qui fait partie de mon formatage initial) on distingue les formules existentielles ("il existe au moins un "être" ayant une propriété donnée") et les formules universelles ("telle propriété doit être vérifiée par tous les "êtres" "): existence et essence. Tout naturellement alors, lorsque l'on postule ou démontre la vérité d'une formule existentielle, on se pose la question de la constructibilité de l' "être" que sous-tend cette vérité, ce qui conduit à l'intuitionnisme mathématique³ et à l'abandon du principe du tiers exclu; et lorsqu'on postule ou démontre la vérité d'une formule universelle -essentielle-, on se pose la question de sa cohérence, de sa fondationnalité -ou de sa fondamentalité-, ce qui conduit à l'abandon du principe de non contradiction, difficulté qui paraît logiquement insurmontable mais qui ne l'est pas topologiquement⁴.

On voit donc ici se détacher:
- le camp de ceux qui préfèrent d'abord construire, pour éventuellement se poser ensuite la question de savoir si la construction est fondée, camp des matérialistes et des progressistes -au sens usuel du mot progrès-;
- le camp de ceux qui préfèrent d'abord fonder, s'occuper des racines, avant d'éventuellement construire: "Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l'Unité perdue…⁵"

De la diversité à l'unité ou de l'unité à la diversité? Les USA ont choisi pour devise "E pluribus unum". Je préfère "Unité-Harmonie-Diversité", le bon sens des bâtisseurs suggérant qu'il vaut mieux fonder avant de construire. On retrouve ici la citation suivante de Uexhüll, que j'ai trouvée en épigraphe d'un chapitre de SSM:

"Le mécanisme de n'importe quelle machine, telle une montre, est toujours construit de manière centripète, c'est-à-dire que toutes les parties de la montre -aiguilles, ressorts, roues- doivent d'abord être achevées pour être ensuite montées sur un support commun.
Tout au contraire, la croissance d'un animal, comme le Triton, est toujours organisée de manière centrifuge, à partir de son germe; d'abord gastrula, il s'enrichit ensuite de nouveaux bourgeons qui évoluent en organes différenciés.
Dans les deux cas, il existe un plan de construction: dans la montre, il régit un processus centripète, chez le Triton, un processus centrifuge. Selon le plan les parties s'assemblent en vertu de principes entièrement opposés."

Ce qui précède étant posé, quelle est l'essence du Système, autrement dit quelle est sa qualité essentielle? Dit sous cette forme je n'en vois pas puisque je ne vois au Système que des défauts. Dit un peu autrement qu'est-ce qui qualifie le Système? Je trouve que "artificiel" lui va comme un gant; autrement dit l'essence du Système est une contre-essence: l'artificialité. Ceci suggère de fonder l'unité de l'antiSystème autour de la naturalité, c'est-à-dire de faire de la naturalité l'essence de l'antiSystème.

Quand le culturel occidental a-t-il pris à ce point le pas sur le naturel pour en arriver à l'époque présente absolument catastrophique? Sans doute assez tôt. Selon moi, la coupure galiléenne n'a pas été pour rien dans l'évolution du rapport nature/culture, le changement du sens attribué à la physique -aristotélicienne avant, moderne après- en témoigne. Et l'extrait suivant de l'introduction de la deuxième édition de "La critique de la raison pure", pour moi ahurissant, le confirme:

Kant: "Lorsque Galilée fit rouler sur un plan incliné des boules doit il avait lui-même déterminé la pesanteur, lorsque Toricelli (...), alors une nouvelle lumière vint éclairer tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même par ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements selon des lois constantes, ET FORCER LA NATURE À RÉPONDRE À SES QUESTIONS, AU LIEU DE SE LAISSER CONDUIRE PAR ELLE (...)".

Thom fait remonter les prémices de ce basculement nature/culture à Aristote lui-même:

"Il me semble qu'il y a au coeur de l'aristotélisme un conflit latent (et permanent) entre un Aristote logicien, rhéteur (voire même sophiste quand il critique Platon et les Anciens) et un Aristote intuitif, phénoménologue et topologue quasiment malgré lui. C'est avec ce second Aristote (passablement méconnu) que je travaille, et j'ai tendance à oublier le premier. Il a espéré faire la jonction à l'aide du concept de séparation, fondamental dans sa Métaphysique. Dans Met Delta il est dit, dans l'article péras (bord; limite chez Tricot) que "la limite est la substance formelle de la chose et sa quiddité, car c'est la limite de la connaissance, et comme limite de la connaissance c'est la limite de la chose". (C'est presque esse est percipi!) La séparation est-elle purement métaphorique? Si elle a une portée ontologique, alors il faut un substrat étendu -continu- où les choses se découpent. Sinon, la séparation n'est qu'un Gedankenexperiment, sur lequel on ne saurait fonder l'objectivité." (ES, pp.245 et 246)

(On pourra lire -ou relire- à ce propos l'article du glossaire dd&e "La crise de la raison (humaine)", l'un de mes articles préférés.)



¹: https://www.dedefensa.org/article/eh-fukuyama-tout-ca-pour-ca

²: Thom: "L'attitude matérialiste, traditionnelle en Science, consiste à dire que l'existence précède l'essence (en fait l'existence implique l'essence)."

³: À ma connaissance rien à voir avec l'intuition (bergsonnienne par exemple).

⁴: Cf. l'introduction et la conclusion de l'article  (et plus pour les matheux) "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" des philosophes belges Lambert et Hespel, actuellement disponible sur la toile.

⁵: "La Grâce de l'Histoire", tome II, p.342

⁶: C'est moi qui majuscule.

Retrouvons cet esprit chevaleresque grâce à la magie romantique du jeu d’échecs !

Article lié : Edmond Burke et la fin de la chevalerie 

patrice sanchez

  15/06/2019

N’étais-ce pas l’immense champion Garry Kasparov qui avait écrit que le jeu d’échecs est la représentation de la vie à échelle réduite !
Rien d’étonnant si la résistance géopolitique au  nouveau désordre mondial vient de pays où la tradition spirituelle est encore vivace, je veux parler de la Russie et de la Chine,  cette dernière ayant le jeu de Go multimillénaire comme pratique “ chevaleresque-impériale “ de l’esprit … alors que les américains eux sont des joueurs de poker menteurs qui n’ont foi qu’en la force brute et la coercition à l’image de leur géostratégie, d’ailleurs l’esbrouffe du best seller brezinskien ‘‘ le grand échiquier “, transmuté en plateau de jeu de bonneteau, prend tout son sens à la vision de l’état calamiteux du champ de ruines et de désordres planétaire laissé derrière eux, le fruit bien putride d'une centaine d'années de menées plus que machiavéliques.
Si Kasparov (il était né en Azerbadjan et fut surnommé le tigre de Bakou et avait joué sous la bannière russe du temps de l'ère soviètique ... il est en exil depuis 2013 et est un opposant politique au pouvoir poutinien, il a acquis la nationalité croate en 2014 et vit aujourd'hui à New York) est l’immense champion que l’on sait, force est de reconnaître que son éthique et sa morale lui auront fait embrasser le camp géopolitique du mal … En revanche et par une facétie dont le destin et la grande histoire ont le secret,  il est à noter que le seul illustrissime champion américain, Bobby Fischer, juif par sa mère, se sera vu ostraciser aux motifs de complotisme et d’antisémitisme !
Je voulais rendre hommage à ce héros de la résistance de la première heure.  

Je me permettrais, pour finir mon témoignage sur le coté chevaleresque du jeu d'échec, d'emprunter un extrait de mon livre édité il y a quelques années aux éditions l'Harmattan, “ Renaissance d’une apocalypse cérébrale “, l'extrait du chapitre en lien pdf ci-dessous consacré à “ La magie du jeu d’échecs “ !
https://drive.google.com/open?id=0B1gF5uauTY42dTh5WUl3MndrOEE
Ainsi parlait Morrabora,
Morrabora avait mis à profit sa longue période de convalescence pour étudier les hommes, leurs philosophies, leurs histoires, leurs religions, le sens de la vie plus généralement… Et, comme il se livrait à de rudes combats sur
l'échiquier, la pratique assidue de ce jeu de l’esprit avait affûté et aiguisé sa perception de l'existence, son esprit
critique, à la façon d'un sens supplémentaire. Aussi avait-il
acquis une certaine sagesse.
Au cours de ces années d’intenses réflexions prolongées, il avait préféré se faire sa propre vision de l'existence, ce n’est pas en allant chercher des maîtres à penser, mais en étudiant dans son coin, à sa guise, comme il le faisait pour la pratique du jeu d'échecs, qu’il avait voulu comprendre le drôle de monde qui l'entourait, car, avant toute chose, Morrabora voulait être libre.
Il avait compris, mais un peu tard, que ce qu'on lui avait inculqué n'est pas exact, que c’était-là des erreurs quand ce
n'était pas des mensonges éhontés. Morrabora n'avait ni dieu,
ni déesse, mais il ne révérait que Rois, Reines, Tours, Cavaliers, Fous et Pions.
C’est ainsi armé et caparaçonné qu’il décida un jour de faire la lumière sur les motifs qu'ont les hommes pour semer
la division et le chaos, pour s'approprier les richesses matérielles et humaines à bon compte et à viles excuses, pour
exploiter la crédulité des êtres et les asservir.
Et Morrabora réalisa et conclut qu’aujourd’hui, comme
toujours et plus encore que toujours, l'homme est un prédateur pour l'homme, qu’il existe une poignée de richissimes décideurs illuminés qui nous manipulent sans scrupules dans les coulisses. Tout leur est permis. Et cette caste qui s’autoproclame « élite » institue depuis plusieurs années le mensonge en vérité, la corruption en principe de gouvernance.
Et Morrabora conclut aussi que c’est notre liberté qui est menacée, y compris la liberté de nos consciences, notre
liberté de penser qui chaque jour devient un peu plus précaire. Car nous sommes sans cesse trompés, influencés,
par les médias qui, manipulateurs eux-mêmes manipulés, maintenus dans cette servitude volontaire dénoncée par La
Boètie et remise au goût du jour cybernétique, robotique et transhumain.
C’est pourquoi Morrabora, habitué à voir arriver de loin, à anticiper, les attaques sournoises de ses adversaires au jeu
d'échecs et à repérer oxymores, apories et paradoxes, s’étonnait de voir voler au secours des peuples, des Etats qui
eux-mêmes étaient dans un même temps, la cause profonde de tous leurs maux. Dans la logique de sa sagesse
prophylactique échiquéenne, il lui aurait semblé bien plus raisonnable, de prévenir plutôt que de prétendre guérir tout en
maintenant les peuples secourus dans cette dépendance qui est la première cause de tous leurs maux.
Morrabora savait aussi, l’histoire le lui avait appris comme elle l’avait appris à nos gouvernants, qu’il n’est rien de tel
que de bonnes guerres pour relancer les économies. Aussi se demandait-il si la soudaine volonté que manifestait l’empire d’exporter la démocratie chez les peuples opprimés dont le
sous-sol regorge de richesses était vraiment aussi désintéressée qu’il le prétendait.
Et puis Morrabora savait – et cela, c’est le jeu d'échecs, représentation de la vie à échelle réduite, qui le lui avait
appris – qu’il faut parfois savoir attaquer, trancher, jouer avec panache comme il le fait devant l’échiquier. Aussi était-il
révolté de voir des conflits qui s’enlisent, qui s’éternisent, sèment malheur et désolation, du seul fait de la pusillanimité
et de l’incompétence des tacticiens qui, bien souvent, mènent ces guerre par procuration. Liberté de penser, de jouer aux échecs, d’essayer de faire de sa vie la plus belle partie d'échecs, tel était le souhait de Morrabora.
Et c’est aussi la vie qu’il souhaite à chacune et chacun de ses prochains. Aussi voulait-il en ces temps de tous les
dangers, délivrer sa bonne parole.

P.S..Morrabora est mon pseudo utilisé pour jouer aux échecs sur internet, un jeu de mot en clin d'oeil au gambit Morra dont je suis adepte et les grottes high tech de Tora Bora où avait trouvé refuge Fantomas Ben Laden !
 

L'Iran à l'habitude de ces tactiques

Article lié : Des ronds dans l’eau du Golfe

Bernard Scaringella

  14/06/2019

Utopie et oxymore.2

Article lié : Opérationnalité de la Nostalgie

jc

  14/06/2019

Sous-titre: Apologies du logos et du topos.

C'est au départ par jeu et par plaisir du jeu que je me suis auto-promu topocrate (néologisme maison) pour m'opposer au logocrate PhG. Me prenant au jeu j'en arrive aujourd'hui à penser que le point de vue topocratique a un intérêt parce que je crois que l'intelligence artificielle aura beaucoup plus de mal à mimer une intelligence humaine qui s'exprime topocratiquement qu'une intelligence qui s'exprime logocratiquement.

Je pense aujourd'hui que, dans son bouquin "Apologie du logos", Thom fait non pas seulement une apologie du logos et également une apologie du topos (en insistant sur la continuité du passage d'un point de vue à l'autre) avec une préférence marquée pour le point de vue topocratique:

"Ce n'est pas un hasard si, finalement, l'une des meilleures applications de la théorie des catastrophes est encore le modèle de l'agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman. Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente." (AL p.33)

Thom défend l'idée d'une origine géométrique de la structure des langues naturelles (cf. "L'homo loquens", SSM 2ème ed., pp.309 à 315). L'existence d'une telle théorie a son intérêt bien évidemment en général, mais en particulier sur site car PhG y a jadis écrit:

"Ma perception intuitive, – avec moi, vous aurez toujours l’embarras de ce qualificatif redoutable, – m’invite à considérer le darwinisme comme la description d’un processus, mais nullement du sens de ce processus. Hors du jeu de mots inévitable, je parle bien de “sens” selon la définition de «Idée intelligible à laquelle un objet de pensée peut être rapporté et qui sert à expliquer, à justifier son existence» (selon le Robert). Le darwinisme me semble ainsi complètement acceptable dans cette place que je lui accorde d’intuition (quoiqu’avec l’une ou l’autre réserve, dont celle-ci que je cite de seconde main et qui me paraît capitale justement pour le cas signalé ici, – d’après Georges Steiner dans Les Logocrates : «Il est intéressant de signaler que Thomas Huxley¹, vers la fin de sa carrière, en arriva à la conclusion que le darwinisme n’avait offert aucune explication plausible des origines du phénomène du langage»). Par conséquent, je suis (au sens de “suivre”) le darwiniste que vous êtes, mais avec des réserves importantes qui concernent justement le fond de notre débat." (Introduction du dialogue III avec JP Baquiast "Le grain de sable divin").

En fait l'ambition de Thom est de géométriser la pensée, c'est-à-dire, au fond, de donner de l'épaisseur à ce que disait jadis Confucius: "Une image vaut mille mots" (cf. la citation de AL p.33 ci-dessus):

"L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science² depuis la coupure galiléenne." (AL p.409)

Le problème de passer du point de vue topocratique au point de vue logocratique est joliment formulé par Thom: "Comment comprimer la pâte continue des phénomènes dans le moule des actions déjà verbalisées?".


Dieu et le géomètre, même combat.

1. PhG et l'origine divine du langage:

PhG³: "Dans cet extrait [d’un texte en préparation pour le troisième tome de La Grâce de l’Histoire], nous parlons d’une conférence que Georges Steiner donna sur les “logocrates” (conférence à l’UCL de Bruxelles en 1982, repris dans Les Logocrates [George Steiner, L’Herne, Essais et philosophie, 2003]). (Les mots en gras des citations de Steiner le sont par l’auteur.)

« “Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”

» Parmi les “logocrates”, ou ceux qui peuvent s’en approcher, Steiner cite Joseph de Maistre, pour qui bien entendu l’origine ne peut être que transcendantale (Steiner : Pour Maistre, “[i]l existe un accord ontologique entre les mots et le sens parce que toute parole humaine est l’émanation immédiate du ‘logos’ divin.”) ; l’originalité de Maistre, son sens foudroyant de l’Histoire et de la métaphysique de l’Histoire, font que, naturellement, nous dirions par la force des choses divines et comme par une exigence logique de la métahistoire, le langage tient un rôle considérable dans les affaires politiques et historiques des hommes, et en mesure la hauteur, sinon qu’il en est même la mesure, la cause et la conséquence à la fois…

» “[Maistre] fit valoir la congruence essentielle existant entre l’état du langage, d’un côté, la santé et les fortunes du corps politique de l’autre. En particulier, il découvrit une corrélation exacte entre la décomposition nationale ou individuelle et l’affaiblissement ou l’obscurcissement du langage : ‘En effet, toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage… ”

2. Thom et l'origine géométrique du langage: voir plus haut.

3. Thom: "Selon beaucoup de philosophes, Dieu est géomètre; il serait peut-être préférable de dire que le géomètre est Dieu" (extrait de "Infini opératoire et réalité physique", que je n'ai pas lu)

Il ressort pour moi clairement que pour phG comme pour Thom l'origine des langues naturelles est ... naturelle, elle n'est pas culturelle (l'origine d'une langue naturelle ne résulte pas de conventions culturelles entre ceux qui la pratiquent -même si, bien entendu, l'arbitraire du signe -entre autres- joue culturellement d'une langue à l'autre-: pour moi Thom et PhG se placent résolument dans le cadre du réalisme (philosophique) qui seul peut permettre d'espérer retrouver une certaine sacralisation du langage (et non celui du nominalisme qui, lui, permet toutes sortes de logorrhées):

PhG³: "Ce jugement [de Steiner] nous frappe par sa fulgurance et son évidence, lorsqu’on compare le langage d’un de Gaulle et celui d’un président français courant, la hauteur tragique d’une part, la grossièreté primaire ou la mollesse ébahie d’autre part. Il n’y a pas aujourd’hui un seul orateur de la vérité de notre situation crisique dans le champ du politique, sinon le Russe Poutine dans certaines de ses interventions. Cette pauvreté semblable à une campagne dévastée par la sécheresse et réduite aux brûlures infécondes d’une terre massacrée mesure la souffrance de nos contemporains et explique notre empressement à chercher nos références dans notre-passé, comme lieu d’élection d’une éternité perdue, comme seule raison d’être de notre nostalgie… »


¹: Thomas Huxley a été auparavant un fervent supporter de Darwin. (Source Wikipédia)

²: Thom: "Il faudrait beaucoup d'outrecuidance pour croire qu'il existe une frontière stricte et bien définie entre Science et Non-Science."

³: https://www.dedefensa.org/article/du-bon-usage-de-poutine

Rappelons la Définition du mot Utopie

Article lié : Archives-dd&e : la tyrannie de l’utopie

Olivier Montulet

  14/06/2019

https://www.cnrtl.fr
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

UTOPIE, subst. fém.
A. − SOCIOPOLITIQUE
1. Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun. Dégager de tout la vertu, construire des utopies, déranger le présent, arranger l'avenir (...) c'est la liberté de l'Allemand. Le Napolitain a la liberté matérielle, l'Allemand a la liberté morale (Hugo, Rhin, 1842, p. 474).Quand un Thomas More ou un Fénelon, un Saint-Simon ou un Fourier construisent une utopie, ils contruisent un être de raison, isolé de toute existence datée, et de tout climat historique particulier (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 140).
2. P. ext. Système de conceptions idéalistes des rapports entre l'homme et la société, qui s'oppose à la réalité présente et travaille à sa modification. Le peuple remplira tout à la fois le rôle de prince et celui de souverain. Voilà en deux mots l'utopie des démocrates, l'éternelle mystification dont ils abusent le prolétariat (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 315).En opposant ainsi idéal historique concret et utopie, nous ne méconnaissons pas, du reste, le rôle historique des utopies (Maritain, Human. intégr., 1936, p. 140).
3. P. méton.
a) Gén. au plur. Idées qui participent à la conception générale d'une société future idéale à construire, généralement jugées chimériques car ne tenant pas compte des réalités. Utopies sociales, humanitaires. Le socialisme ne finira pas. Mais sûrement le socialisme qui triomphera sera bien différent des utopies de 1848 (Renan, Avenir sc., 1890, p. xv). Il s'apercevait brusquement du degré d'impréparation dans lequel l'avait plongé une longue période d'utopies pacifistes (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 58).
b) Ouvrage qui conceptualise une société idéale à construire. Il y a quelques années, Kautsky écrivait la préface d'une utopie passablement burlesque (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 206).Ils y rédigent d'orgueilleuses biographies ou, comme Fourier, des utopies fastueuses (Mounier, Traité caract., 1946, p. 553).
B. − Au fig. Ce qui appartient au domaine du rêve, de l'irréalisable. Synon. chimère, fiction, illusion, rêve.Rodolphe ganté, avec une canne, chimère! utopie! quelle aberration! Rodolphe frisé! (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 264).Comment veut-on ordonner le chaos qui constitue cette infinie informe variation: l'homme? Le principe: « Aime ton prochain » est une hypocrisie. « Connais-toi » est une utopie mais plus acceptable car elle contient la méchanceté en elle. Pas de pitié. Il nous reste après le carnage l'espoir d'une humanité purifiée (Tzara, Manif. Dada, 1918, p. 17).
− [Avec ell. du déterm.] Un nouvel équilibre devait être trouvé qui permît de libérer les capacités d'initiative et de responsabilité des salariés en leur reconnaissant des droits nouveaux. Était-ce utopie? (Reynaud, Syndic. en Fr., 1963, p. 223).
 

PhG topologue?

Article lié : Archives-dd&e : la tyrannie de l’utopie

jc

  13/06/2019

Après Aristote¹ et Thom², PhG topologue?

PhG: "Le “virtualisme” devient alors, au lieu de ce que nous en fîmes d’abord avant d’évoluer à cet égard, le “bras armé” et l’“acte” du simulacre."

Thom: Axiome ABP³: "l'Acte est le bord de la Puissance"; axiome FBM³: "La Forme est le Bord de la Matière".

Le virtualisme "en acte" comme bord du simulacre "en puissance", et comme mise "en forme" de la matière-simulacre?

Devant la crise de la raison humaine⁴ et l'insuffisance -voire le naufrage- de la logique occidentale, je suis convaincu qu'il y a tout à gagner -et rien à perdre- à compléter -ou remplacer- ses propres rangements logiques par des rangements topologiques.

En topologie générale⁵ un "bon" fermé se compose d'un intérieur ouvert et d'un bord fermé (frontière qui "ferme" l'intérieur); l'intérieur de l'intérieur est encore l'intérieur -tout l'intérieur- alors que le bord du bord est vide¹ -ce n'est rien- (encore le tout et le rien).

PhG: "La sagesse, aujourd'hui, c'est l'audace de la pensée".

Laisser divaguer sa pensée avec des "X est le bord de Y"? "Le Yang est le bord du Yin" me convient tout-à-fait et me semble tout-à-fait d'actualité ("lui est le bord d'elle"...).


¹: http://www.tribunes.com/tribune/alliage/43/thom_43.htm

²: Cf. ES

³: ES p.176

⁴: https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-humaine-1

⁵: Il y a des raffinements en topologie algébrique: https://fr.wikipedia.org/wiki/Topologie_alg%C3%A9brique
 

Tout ou rien

Article lié : Archives-dd&e : la tyrannie de l’utopie

jc

  13/06/2019

(En complément de "Utopie et oxymore.1" -écrit avant de lire cet article-)

Utopie.dde.2004: nulle part, aucun lieu, rien.
Utopie.dde.2019: partout, tous les lieux, tout.

Théorème de topologie mathématique: Dans tout espace topologique d'un seul tenant -connexe en jargon-, les seules parties à la fois ouvertes et fermées sont soit tout (l'espace tout entier), soit rien (l'ensemble vide).

Utopie et oxymore.1

Article lié : Opérationnalité de la Nostalgie

jc

  13/06/2019

Nostalgie, utopie, inconnaissance.

PhG: "En observant les divers aspects du mot “utopie”, une seule chose me retient et me fais finalement adopter le terme, mais bien sûr une chose fondamentale : son étymologie, de ce mot formé par Thomas More à partir du grec “aucun lieu”. Effectivement, et cela est si bien trouvé (moi qui ignorais l’origine du mot “utopie”), – songez-y, que la “nostalgie” soit une “utopie”, c’est-à-dire “aucun lieu”, un nulle part qui représente une sorte de “partout” ; c’est-à-dire, dirais-je en poursuivant ma perception de la définition, “aucun lieu“ dans le présent, ni nécessairement dans le futur que ce présent prétend imposer, mais “partout” (tous les lieux) dans le passé dont la nostalgie rend compte en faisant le choix des plus sublimes et donc en substituant au passé mécanique de nos mémoires, le véritable passé, celui qui suggère des accès à l’éternité …
Ce n’est que dans ce sens que la “nostalgie” me paraît une “utopie”, mais alors quelle puissance, quelle ampleur, quelle hauteur !"

Denys l'Aéropagite: "C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui ⁴échappe à toute inconnaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence.”

                                              ————————————————————-

Lorsqu'on lance un moteur de recherche  sur le mot "logocratie" on constate que ce terme est inconnu du Wikitionnaire. Il apparaît -de façon guère élogieuse d'ailleurs- dans le toupictionnaire¹. Je suppose que George Steiner, auteur de "Les logocrates" a esquissé les contours d'une telle définition. Je retiens celle que donne PhG²: "messager de mots et d’un langage dont je ne me crois aucunement le propriétaire, ni même l’inspirateur."

Jouer avec les mots peut parfois permettre d'ouvrir de nouveaux horizons³. Topos et logos appellent topologie mais aussi logotopie⁴, logocratie appelle topocratie. Ainsi l'utopie, qui concerne le topocrate, appelle l'ulogie (l'oxymore), qui concerne le logocrate.

De même qu'une utopie peut renvoyer soit à "aucun lieu" soit à "tous les lieux" (cf. les citations introductives), de même une ulogie (un oxymore) tel que "A et non A" peut renvoyer soit à une incohérence (version forte du principe de non-contradiction) soit à une plénitude (Dieu, tout puissant, peut tout et (donc) le contraire de tout…; le chat de Schrödinger peut être à la fois vivant et mort…).

Logiquement (logotopiquement?) on est devant l'oxymore comme devant un mur, on ne rien en dire à cause du principe de non-contradiction. Mais c'est possible topologiquement (et c'est même très simple) à condition de remettre en scène -et même en vedette- le concept de frontière honni par les globalistes. Il suffit pour cela de lire l'introduction -très politique!- de l'article "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction⁵" des philosophes belges Lambert et Hespel, que l'on peut résumer grossièrement ainsi: la conciliation des concepts souverains A et non A est possible et se fait sur leur frontière commune. Ce qui exige que ces concepts aient une frontière (et même une frontière commune), c'est-à-dire en langage topologique mathématisé que ce soient des ensembles fermés -ce dont les globalistes ne veulent pas entendre parler avec leur société "ouverte"-.

Dans le rôle absolument crucial, vital, joué par les frontières, Lambert et Hespel rejoignent donc Régis Debray avec sa poétique et politique "Éloge des frontières" et René Thom avec ses axiomes métaphysiques ABP (l'Acte est le Bord de la Puissance) et FBM (la Forme est le Bord de la Matière). Il y a là pour moi des arguments extrêmement puissants et profonds en faveur du souverainisme (et en défaveur du globalisme).


¹: http://www.toupie.org/Dictionnaire/Logocratie.htm (site trotskiste? Toupie est une anagramme du mot utopie, est-il rappelé sur ce site)

²: http://www.dedefensa.org/article/confession-dun-trois-quarts-de-siecle

³: "Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie (...)"
https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu

⁴: "Je dirai la chose ainsi encore : la portée de ce que Lacan peut être amené à nous proposer avec ses élaborations autour des objets mathématiques, tels que la bande de Moebius et l'entrelacs borroméen, est moins de l'ordre de la topologie (élaboration d'un discours sur la question des lieux) que de ce que j'appellerai la logotopie (élaboration de lieux sur la question des discours)."
(René Guitart, Evidence et Etrangeté, p.28, PUF, CIPh, Paris, 2000).

⁵: Disponible actuellement sur la toile.

Finalité

Article lié : A la recherche du Plan perdu...

jc

  12/06/2019

(Un plan de perdu, dix de retrouvés. Pour paraphraser Antoine Blondin¹.)

Qui dit plan dit but, cause finale, finalité. Dans un passé pas si lointain il y avait des plans, des commissaires aux plans qui donnaient leurs instructions pour leur exécution, les sociétés se fixaient des buts et s'organisaient pour les atteindre². Cette époque aux relents lamarckiens semble révolue. Car -je suppose- heurtant de front l'idéologie néo-darwinienne selon laquelle l'évolution se fait sans plan préétabli -l'instruction a mauvaise presse en darwin-land)-, par le hasard des mutations suivi d'une pression sélective.

Comment peut-on espérer qu'une élite formatée par le néo-darwinisme puisse accepter l'idée même de plan? Les mutations sociétales se font dans les start-up et les élites politiques et financières sélectionnent les "bonnes", c'est-à-dire, selon un darwinisme bien compris par elles, à 99% les "bonnes pour elles" -comme, par exemples typiques, l'intelligence artificielle et la robotique-. Voilà comment, selon moi, ça fonctionne actuellement: on fait des "plans en blanc³" -pour la com'- qui s'écrivent au fur et à mesure de leur déroulement (ce qui a l'immense avantage, toujours pour la com', de dire sans mentir -une fois n'est pas coutume- que l'exécution s'est déroulée conformément au plan).

Le JF-35 occidental -voire planétaire- est actuellement en pilotage automatique avec plan de vol en blanc. Pour combien de temps encore?


¹: https://www.dedefensa.org/article/leurope-buissonniere

²: Thom: "Dans les sociétés c'est la fonction qui crée l'organe, ça ne fait aucun doute. Et je crois qu'il en va de même en biologie." (Cf. la vidéo du court-métrage de JL Godard sur Thom, disponible sur la toile, à partir de 39'45)

³: « Si quelqu'un a vu le plan américain, merci de nous en informer ! »

The art of the deal

Article lié : T.C. 75 : La doctrine du « vent-divin »

jc

  12/06/2019

(Titre d'un "best seller" de Trump -que je n'ai pas lu-)

Diviser pour régner est un adage qui a fait ses preuves et il me semble difficile de reprocher à Trump de l'appliquer en préférant les négociations bilatérales aux négociations multilatérales.

En ce qui concerne l'art de la négociation il est clair qu'il faut commencer par maîtriser l'art de la négociation bilatérale avant de se lancer dans celui des négociations multilatérales². Pour moi le problème de Trump et de Macron est qu'ils ne maîtrisent même pas cet art premier de la négociation bilatérale, car, en darwiniens de la plus basse extraction qui soit, ils se comportent exclusivement en prédateurs et jamais en proie. Plus précisément dit ils n'ont pas l'intelligence¹ élémentaire de se mettre dans la peau de l'autre, ils n'ont même pas l'empathie que le chat a pour la souris. (Je constate un peu plus tous les jours que ces gens qui nous dirigent -Trump, Macron et, hélas, beaucoup d'autres- n'ont en fait aucune empathie; ils n'écrasent aujourd'hui que pour écraser comme, peut-être, ils feront tuer demain pour le simple plaisir de faire tuer, sans raison, sans finalité, par seule ivresse d'un pouvoir licité selon eux par le darwinisme grossier par lequel ils ont été formatés.)

(Dans sa sévère critique du darwinisme Thom fait remarquer:
- que "le darwinisme offre (...) l'exemple d'une théorie que chacun peut comprendre, raison évidente de son succès³";
- qu'invoquer un principe de sélection darwinienne est un "argument paresseux et parfaitement incontrôlable [qui] est actuellement le seul dont on dispose pour rendre compte de la finalité biologique⁴".)

Les "élites" n'ont pas tardé à comprendre l'avantage qu'il y avait pour elles à faire accepter par les peuples une loi "naturelle" au-dessus des lois dont les hommes tentent de se doter démocratiquement, loi "naturelle" qui leur semblait si bien servir leurs propres intérêts. Je suis profondément convaincu que les solutions de la crise de la raison humaine et de la crise de civilisation que nous vivons passent -entre autres- par l'abandon de l'idéologie darwinienne.

Je suis également convaincu que la Nature résout naturellement les conflits à deux actants, qu'elle possède naturellement l'art de cette négociation première qu'est la solution de ce conflit fondamental que l'on retrouve dans un nombre incalculable de situations. Le mathématicien René Thom et le physicien thermodynamicien Ilya Prigogine⁵ ont indépendamment proposé des modèles de résolution de ce conflit à la fois beaucoup plus satisfaisants pour l'esprit et beaucoup plus réalistes que le paresseux "modèle" darwinien.


¹: Thom: "L'intelligence est la faculté de s'identifier à autre chose, à autrui."  

²: La théorie des catastrophes élémentaires de Thom montre l'accroissement considérable de complexité dans les conflits à trois ou quatre actants par rapport aux conflits à deux actants.

³: AL p.605

⁴: SSM 2ème ed, p.276

⁵: Cf. le blog de François Roddier

Et si ce plan perdu n'était autre qu'un complot métaphysique !

Article lié : A la recherche du Plan perdu...

patrice sanchez

  12/06/2019

Et si ce complot du bien contre le mal pour nous déprendre enfin de ce monde dualiste qui faisait de l'homme un être héminégligent autodestructeur 
ne consistait pas à terme à nous pousser à élaborer des plans, des pensées avec nos coeurs et nos esprits ; ce que j'ai nommé le cap retrouvé de la reliance et de la guidance quantiques, la seule solution pour nous faire prendre conscience que nous sommes tous inter-reliés et donc interdépendants par les particules élémentaires créatrices de réalité !
Un changement de paradigme ou la haine se verrait remplacée par l'amour et l'entropie par la néguentropie…

Être de raison et raison d'être

Article lié : Opérationnalité de la Nostalgie

jc

  11/06/2019

Pour moi un être véritable a sa raison d'être. Il suit que la véritable rationalité, la véritable raison, doit être telle que tout être de raison ait sa raison d'être, sa finalité.

Dans un monde où chaque être a sa raison d'être règne nécessairement -presque par définition- un ordre, une harmonie et un équilibre (trilogie chère à PhG). Aussi l'introduction dans un tel monde d'êtres de raison qui n'ont pas nécessairement de bonnes raisons d'être (les engins automobiles, les ordinateurs, les robots ...) ne peut que perturber cet ordre, cette harmonie et cet équilibre (métaphoriquement un peu comme une construction neuve faite sans étude d'impact sur les constructions déjà existantes): on aura reconnu là le progrès à coups de soit-disant destructions créatrices de notre contre-civilisation triomphante).

Il y a eu il y a près d'une dizaine d'années sur ce site une série de dialogues entre Jean-Paul Baquiast¹ et Philippe Grasset qui concerne, selon moi, directement la nuance ci-dessus entre êtres ayant leur raison d'être (que défend PhG) et êtres de seule raison (que défend JPB). Dialogues passionnants dans lesquels est clairement posée la question du progrès; question à laquelle les deux protagonistes donnent une réponse diamétralement opposée: une réponse quasi-darwinienne -déjà évoquée plus haut- dans le cadre conceptuel imposé par le Système pour JPB², une réponse résolument antiSystème et nostalgique pour PhG: "Le seul progrès qui vaille consiste à vouloir retrouver l'Unité perdue³".

(Chacun peut mesurer le mur d'incompréhension qui sépare JPB de PhG en lisant le "Le grain de sable divin" par PhG et sa réponse "L'individu dans l'Histoire" par JPB. Il me semble que l'indistinction faite par JPB entre les tours de Doubaï et les cathédrales "du temps des cathédrales" illustre assez parfaitement l'indistinction qu'il fait entre être de raison et être qui a sa raison d'être.)

L'intérêt(?) que je vois à ce commentaire est que ces deux façons diamétralement opposées de concevoir le progrès renvoient à deux façons -pour moi inattendues- également diamétralement opposées de transgresser les deux principes logiques du tiers exclu et de non-contradiction édictés par Aristote dans son Organon.

(En Occident il faut peut-être remonter à Aristote et son Organon pour que l'intuition des présocratiques commence à s'effacer devant la technique de la preuve, effacement qui parvient à son comble avec "The laws of the thoughts" de Boole et les écoles formalistes qui ont suivi (philosophie analytique, etc.). C'est seulement dans un passé récent que l'on commence à oser braver les principes aristotéliciens du tiers exclu (logique intuitionniste) et de non contradiction (logique paraconsistante).)

L'intuitionnisme mathématique⁴ ouvre la voie à de nouveaux êtres de raison dont les plus connus sont les topoï de Grothendieck, voie qui est en cours d'exploration depuis maintenant un demi-siècle. Une version "duale" de ce concept de topos a été proposée par les philosophes belges Lambert et Hespel dans un article "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction"⁵; article dont je ne comprends pas pourquoi les mathématiciens ne s'en sont pas emparés car l'approche topologique montre que la dualité entre principe du tiers exclu et principe de non contradiction renvoie à la dualité ouvert/fermé dans un espace topologique, à la dualité  faisceau/conciliation, dualité mathématisée que l'on peut, je crois, traduire pour les non-matheux par la dualité construire/fonder (cf. p.319).

Extrait (p.320) qui va clairement, selon moi, dans le sens du progrès tel que le conçoit PhG (et tel que je le conçois): "Le seul progrès qui vaille consiste à vouloir retrouver l'Unité perdue":

"Car -et c'est là le point crucial- tout ce qui est doit résulter d'une conciliation. Tout se qui est se trouve, en effet, doué d'unité. il n'est rien qui ne soit un tout. Pour le dire autrement l'unité est une condition nécessaire de tout être, même multiple⁶. Ou, comme l'énonçait cet autre métaphysicien [autre que Spinoza -précité dans l'article] qu'était Leibniz: "Ce qui n'est pas véritablement "un" être n'est pas non plus véritablement un "être"."

On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pour autant un être, mais tout au plus un "être de raison". Rendre compte de quoi que ce soit exige donc de rendre compte de son unité. Or (...) c'est justement ce à quoi parvient une conciliation."

Pour moi la rationalité, la raison, s'est progressivement subvertie: d'une part en éliminant l'intuition présocratique au profit de la formalisation, et d'autre part en éliminant le recours à l'analogie (pour les "modernes" comparaison n'est pas raison ...). Avec le désastreux résultat que l'on connaît.

Selon moi Grothendieck a choisi la voie de la logique intuitionnisme et le constructivisme qui va avec alors que Thom a choisi la voie de l'intuition et la logique paraconsistante -et donc la topologie de la conciliation-: "Dans cette confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure de la limite des procédés formels, il pourra oublier les problèmes de la non-contradiction. Car le monde des Idées excède infiniment nos possibilités opératoires, et c'est dans l'intuition que réside l'ultima ratio de notre foi en la vérité d'un théorème -un théorème étant avant tout, selon une étymologie aujourd'hui bien oubliée, l'objet d'une vision.".

Voici pour terminer une citation de J.V. Uexhüll extraite de sa "Théorie de la signification", citation qui illustre, selon moi, les problèmes soulevés par les propos ci-dessus entre être de raison (humaine) et être ayant sa propre raison d'être:

"Le mécanisme de n'importe quelle machine, telle une montre, est toujours construit de manière centripète, c'est-à-dire que toutes les parties de la montre -aiguilles, ressorts, roues- doivent d'abord être achevées pour être ensuite montées sur un support commun.
Tout au contraire, la croissance d'un animal, comme le Triton, est toujours organisée de manière centrifuge, à partir de son germe; d'abord gastrula, il s'enrichit ensuite de nouveaux bourgeons qui évoluent en organes différenciés.
Dans les deux cas, il existe un plan de construction: dans la montre, il régit un processus centripète, chez le Triton, un processus centrifuge. Selon le plan les parties s'assemblent en vertu de principes entièrement opposés."

(Thom: "La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute (à mes yeux) que c'est là l'unique manière de théoriser ce qu'est la Logique naturelle.")
.

¹: https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Baquiast

²: Cf. son "Le paradoxe du sapiens : êtres technologiques et catastrophes annoncées".

³: Cf. "La Grâce de l'Histoire", tome II, p.342.

⁴: Rien à voir avec l'intuitionnisme de Bergson (critiqué par Guénon).

⁵: Pdf disponible actuellement sur la toile.

⁶: Cf. éventuellement "Individuation et finalité", Thom, Apologie du logos.

Inconnaissance au carré

Article lié : Étreintes exceptionnelles et inquiètes

Marc Gébelin

  11/06/2019

Je vais être bref car le sujet est démesuré. Monsieur Cayla complète bien l'analyse de monsieur Grasset. Dire pourquoi demanderait un analyse dont ni eux ni moi ne possédons la clé. Il y a en effet un "mystère" dans le comportement de Xi. Est-il joué-surjoué (les Chinois sont de jaunes hypocrites). La chose me rappelle cet article dont j'ai oublié le nom et l'origine. Un géopolitologue russe qui expliquait comment la Chine avait "vaincu" l'Amérique en se montrant ennemi résolu de Moscou à l'époque où ça bardait sur L'Oussouri. Les Yankees ont mordu et ont "lancé" la Chine, espérant ainsi faire plier Moscou. Ce qui est arrivé pour un tas d'autres raisons. Quand la croissance chinoise met les Yankees au tapis, ces derniers se rebiffent (peut-être un peu tard). Xi se fait copain avec Poutine pour retourner le fer contre les Yankees après avoir été très durs avec les Russes de Brejnev. C'est la tactique du 3 moins 1 (Chine + Us contre Russie), puis du 2 contre 1, (Chine + Russie contre US). C'est un moment dialectique comme dirait feu notre bien aimé président.
Qui va gagner? Plus la Chine que la Russie, au plan économique et politique. Quand la Chine sera parvenu à limer les griffes de Trump, elle reviendra à sa globalisation, à ses "routes" plus ou moins soyeuses. Profiteront-elles à la Russie par exemple par le réchauffement de l'Artique et la Route du Nord? Que va devenir la Sibérie? Chinoise? Russo-japonaise? Ou rester la Sibérie où vivent des gens qui emmerdent personne et qui ont pas forcément envie que ça change? On sait pas, ça va prendre du temps sauf si une petite catastrophe bousculait les cartes.

Le pb Joseph de Maistre .

Article lié : A la recherche du Plan perdu...

Christian Feugnet

  10/06/2019

Trés datée fin 18e siécle , debut 19 . Synthese magistrale de Maistre sur l 'Esprit , aprés Montesquiet /Helvetius  etc ...avant Hegel . Mais patatras ; le travail , l énergetique , l ici bas qui touche le ciel et la grace avec la négentropie .
çà n 'est plus méta ou supra , c'est immanent .