jc
12/04/2022
En parcourant l'entrée "Intuition" de Wikipédia je suis tombé sur une référence à "Symboles de la science sacrée" de René Guénon, "pavé" de 75 chapitres que je n'avais jamais consulté. Dans le chapitre 70 RG oppose métaphoriquement le cœur, siège de l'intelligence intuitive, et le cerveau, siège de l'intelligence rationnelle, opposition à rapprocher, clairement pour moi, de l'opposition IN/IA:
"les philosophes modernes se trompent étrangement en parlant comme ils le font de « principes rationnels », comme si ces principes appartenaient en propre à la raison, comme s’ils étaient en quelque sorte son œuvre, alors que, pour la gouverner, il faut au contraire nécessairement qu’ils s’imposent à elle, donc qu’ils viennent de plus haut ; c’est là un exemple de l’erreur rationaliste, et l’on peut se rendre compte par là de la différence essentielle qui existe entre le rationalisme et le véritable intellectualisme. Il suffit de réfléchir un instant pour comprendre qu’un principe, au vrai sens de ce mot, par là même qu’il ne peut se tirer ou se déduire d’autre chose, ne peut être saisi qu’immédiatement, donc intuitivement, et ne saurait être l’objet d’une connaissance discursive comme celle qui caractérise la raison.".
Il est clair que lorsqu'il y a opposition entre intuition et raison la science contemporaine donne le dernier mot à la raison (si souvent invoquée, si rarement définie…) et impose aux intuitions soit de s'effacer devant elle, soit d'avoir une certaine plasticité pour devenir compatible avec elle (1). Thom encore : "La rationalité n'est guère qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire"; autrement dit, pour lui, devant l'intuition (haute ou profonde) c'est à la raison de s'adapter…
Remarque: Dans une vidéo (que, hélas, je ne retrouve plus), Stanislas Dehaene (actuel conseiller pédagogique de Jean-Michel Blanquer) s'adressant à des instituteurs a dit à peu près -je cite de mémoire- qu'il fallait corriger l'intuition des jeunes enfants qui faisaient une plus grande différence entre 2 et 3 qu'entre 8 et 9 (2). Avec ce genre d'attitude "pédagogique" je ne suis pas étonné du rang européen actuel de l'éducation française: vive l'IA, à bas l'IN !
1: Dans un récent commentaire j'ai parlé du bouquin "Mathematica" d'un certain David Bessis -qui vient de quitter les maths académiques pour une start-up en IA-, qui fait l'éloge de l'intuition en mathématiques (c'est pour ça que je l'ai lu): mais il écrit à plusieurs reprises que c'est à l'intuition de se conformer à la raison (DB vient de quitter les maths académiques pour une start-up en IA…). Je rappelle que ce n'est pas du tout le point de vue de Thom, déjà en mathématiques (et, bien entendu a fortiori hors d'elles): "Dans sa confiance en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction. Car le monde des Idées excède infiniment nos possibilités opératoires, et c'est dans l'intuition que réside l'ultima ratio de notre foi en la vérité d'un théorème.". (AL, p.561).
2: Ayant l'âge (76 ans dans quelques jours) où il est temps de tenter de s'affranchir des pesanteurs de son éducation, j'en suis revenu au point de ces enfants: il y a des langues -bien entendu primitives aux yeux des modernes…- où l'on ne compte guère plus loin que 8 ou 9. À partir de là un seul vocable: beaucoup…
jc
10/04/2022
Dans les quelques vidéos que j'ai regardées Michel Maffesoli martèle les points qui lui semblent importants. Pour lui nous quittons une époque (étymologiquement une parenthèse, souligne-t-il) de désenchantement du monde régie par l'individualisme, le rationalisme et le progressisme (temps chronos, énergie agissante ἐνέργεια (1)) dans un mouvement de séparation (déracinant (1)), pour une autre époque de réenchantement du monde où l'on verra le retour du tribalisme/communautarisme, de l'émotionnel, du festif et du ludique, dans un mouvement de réunion (réenracinant (2), temps aïon, énergie potentielle δύναμις (1)). Entre les deux, à savoir maintenant, une période de transition où les deux époques se côtoient, assurant ainsi la continuité de la transition (malgré sa rapidité "catastrophique" -au plus quelques décennies selon MM-).
L'actuel politiquement et scientifiquement correct est pour moi clair: le hasard a droit de cité, alors que le déterminisme n'y a pas droit, les chiens de garde du Système aboyant au créationnisme dès qu'il est fait mine de remettre en question les dogmes du sacro-saint néo-darwinisme (3).
Pour moi l'élite a fait une erreur fondamentale en liant liberté et hasard pour gouverner la cité et je situe cette erreur au moment du choix du feu, c'est-à-dire au moment de l'acceptation des principes de le thermodynamique (en particulier le deuxième dans sa version statistique): nous -peuples- sommes là par hasard et donc nous -élite mondialisée- pouvons faire du monde ce que nous voulons.
MM: "L'anthropocentrisme c'est au fond cette grande idée que l'on trouve dans le discours de la méthode chez Descartes: l'homme comme maître et possesseur de la nature" (Idée que l'on retrouve chez Kant…).
Il y a pour moi incontestablement une volonté de notre époque moderne d'avoir en ligne de mire le rêve prométhéen de dominer le monde : idéal de puissance, et donc abandon de l'antique idéal de perfection (au sens que PhG, il me semble, donne à ces expressions).
Un Grand Orient de France qui s'est détaché de l'originel idéal de perfection des Francs-Maçons "canal historique", un Grand Orient de France (et d'ailleurs) devenu Grand Occident -et proche de sa chute finale-?
Thom :
1. "En quoi l'appel au hasard pour expliquer l'évolution serait-il plus scientifique que l'appel à la volonté du Créateur ? ;
2. "Que gagne-t-on à enrober le squelette du déterminisme dans une couche de graisse statistique ?";
3. "Le déterminisme en Science n'est pas une donnée, c'est une conquête. En cela les zélateurs du hasard sont des apôtres de la désertion.".
Liberté ou déterminisme. Le moment est venu, j'en suis convaincu, de choisir son camp (4).
1: la parenthèse est de moi.
2: MM parle de réenracinement dynamique.
3: dont le dogme central, rappelé ici en passant, est l'existence d'une barrière, dite de Weismann, qui interdit toute action du soma sur le germen (et que je transpose immédiatement aux sociétés: interdiction de toute action du peuple sur l'élite, autrement dit interdiction de toute démocratie) : "The Weismann barrier, proposed by August Weismann, is the strict distinction between the "immortal" germ cell lineages producing gametes and "disposable" somatic cells, in contrast to Charles Darwin's proposed pangenesis mechanism for inheritance. ( https://en.wikipedia.org/wiki/Weismann_barrier )
4: https://www.youtube.com/watch?v=BXxKQVQFnRo
jc
08/04/2022
En reparcourant les sites qui s'intéressent à la chose sur la toile, on trouve les deux interprétations suivantes:
1: celle qui provient de "ab" traduit par "depuis", "à partir de";
2: celle qui provient de "ab" traduit par "par".
Pour moi c'est la première interprétation qui est la bonne (celle des francs-maçons "canal historique"? (1)).
Mais je pense que c'est la deuxième interprétation qui a cours (et qui est en cour) chez l'élite mondialiste (ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, dit Michel Maffesoli). J'ai beaucoup de mal à me faire à cette idée tellement je la trouve creuse, mais c'est peut-être au fond "ça" qui mène "notre" élite: instiller du chaos permet à l'ordre de surgir par sélection naturelle (hasard des mutations suivi de pression sélective). En faisant l'hypothèse -assez réaliste, je crois- que "notre" immense Jacques Attali est au niveau de ceux qui inspirent ultimement cette élite, on trouve dans son article "L'ordre par le bruit" (2) le théorème fondamental sur lequel repose tout ce fatras idéologique (selon moi) :
"Le théorème de l'ordre par le bruit énonce que lorsqu'une structure d'énergie organisée par de l'information est agressée par un bruit, non lisible par le code structurant, le bruit peut finir par structurer l'organisation en une nouvelle hiérarchie, fondée sur un nouveau niveau organisationnel, lui-même définissant un ensemble de nouveaux codes par rapport auquel tout autre niveau informationnel est bruit.".
Voilà. C'est tout ce que j'ai trouvé pour justifier ce qu'écrit Michael Brenner :
"Les imbéciles ont tendance à avoir un comportement erratique, des pensées décousues, une grande tolérance à l'incohérence, incapables de soutenir un projet et sujets aux accidents. Ils prospèrent dans des sociétés nihilistes et narcissiques comme la nôtre où la gêne n'existe pas. L’imbécile (ou connard) a une préférence naturelle pour un processus de décision fluide et une politique ambiguë. Cela lui épargne le besoin de discipliner ses propres pensées, de peser systématiquement ses choix et de s'engager à poursuivre une ligne d'action définie.".
1: https://www.jakin-et-boaz.com/blogs/blog-franc-maconnerie/ordo-ab-chao
2: https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1976_num_25_1_1382
Jean-Claude Cousin
08/04/2022
Pour réagir aujourd'hui, nul besoin de se torturer les méninges, il suffisait de se rappeler des lectures de jeunesse : la bibliothèque de mon petit village natal, très fournie, pouvait s'enorgueillir entre autres des œuvres complètes de Victor Hugo, édition reliée cuir ne varietur en 44 volumes de chez Hetzel. La perle, en somme !
On s'aperçoit, bien des années plus tard, que les "humains" se voulant importants ne varient guère, et que pour les railler les "noms d'oiseaux" volent. Il ne s'agit pas en somme du grand Victor Hugo, mais d'un cri du cœur attentif à chercher, sans parfois les trouver, les mots les plus vils pour qualifier les Grands du temps. On notera que bien peu de ceux-ci, et c'est tant mieux, sont passés à la postérité ; et que sans ces quelques vers ils seraient complètement oubliés.
J'avoue que, dans la porcherie actuelle, il est facile de retrouver les patronymes qui prendraient bien la relève. C'est dans cet esprit que j'ai exhumé ce passage des Châtiments, dont l'auteur malgré tout a eu le courage de le mettre en vers. Osons !
Rois qu’on montre aux enfants dans tous les syllabaires,
Papes, ducs, empereurs, princes, tas de Tibères !
Bourreaux toujours sanglants, toujours divinisés,
Tyrans ! enseignez-moi, si vous le connaissez,
Enseignez-moi le lieu, le point, la borne où cesse
La lâcheté publique et l’humaine bassesse !
Et l’archet frémissant fait bondir tout cela !
Bal à l’hôtel de ville, au Luxembourg gala.
Allons, juges, dansez la danse de l’épée !
Gambade, ô Dombidau, pour l’onomatopée !
Polkez, Fould et Maupas, avec votre écriteau,
Toi, Persil-Guillotine, au profil de couteau !
Ours que Boustrapa montre et qu’il tient par la sangle,
Valsez, Billault, Parieu, Drouyn, Lebœuf, Delangle !
Danse, Dupin ! dansez, l’horrible et le bouffon !
Hyènes, loups, chacals, non prévus par Buffon,
Leroy, Forey, tueurs au fer rongé de rouilles,
Dansez ! dansez, Berger, d’Hautpoul, Murat, citrouilles !
jc
05/04/2022
Je terminer (?) ces commentaires sur la guerre IA/IN par quelques mots sur l'IA. J'ai insisté sur le fait que, selon Thom -et moi à sa suite- l'IN était indissociable de l'affectivité naturelle (AN). La question se pose donc de savoir si les recherches en IA incluent ou non des recherches en AA. En fouillant sur la toile, je suis tombé sur le darwinisme neural de GM Eldeman, dont JPB, bien connu ici par ses dialogues avec PhG au début des années 2000, a fait un compte-rendu des travaux à ce sujet sur le site http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2007/81/secondnature.htm . Eldeman -> Changeux -> Dehaene -> Blanquer : un rapport avec le classement de plus en plus catastrophique du niveau de l'enseignement français?
Je rappelle qu'en ce qui concerne les mathématiques Thom a écrit au tout début des années 1970 -et figurant dans AL- un article intitulé "Les mathématiques modernes: une erreur pédagogique et philosophique?", article paraît-il le plus lu de sa production, et article dont la portée dépasse largement le cadre des seules mathématiques…
jc
05/04/2022
PhG: "Vous comprenez que je ne tiens pas en mauvaise part le mot “catastrophe”, selon l’enseignement de certain lecteur." ; "... notre décadence comme une chute, à nous d’Occident.".
À la fin de ce que j'appelle sa vidéo-testament (1) Thom remarque: "Encore tout récemment un confrère de l'académie m'a dit :"Avec le nom qu'elle avait [la théorie des catastrophes], c'est bien naturel qu'elle ait fait naufrage." ".
Avec le nom qu'il a (2), c'est également bien naturel que l'Occident finisse par chuter.
1: https://www.youtube.com/watch?v=fUpT1nal744 (à 36'30)
2: https://fr.wiktionary.org/wiki/occident
jc
05/04/2022
Je reviens sur la citation de MM dans (1) faite par PhG en (2):
« Quand quelque chose s’achève, ce qui est en train de s’achever devient très violent. En polémologie, on nous a appris que les combats d’arrière-garde étaient les plus sanglants. On pressent qu’on a perdu la bataille, donc on tue ».
MM prolonge (à 24'):
"Les sociétés équilibrées sont celles qui ont, non pas dénié, mais ritualisé la violence.".
Il y a là, à mon avis, un point de contact à approfondir entre cette position de Maffesoli et celle de sociologues "catastrophistes" comme Lucien Scubla, qui suspecte fortement qu'il y a un lien entre la formule canonique du mythe (et du rite) de Lévi-Strauss et la catastrophe thomienne "fronce" (pièce qui serait, selon moi, importante pour crédibiliser la "religion laïque" thomienne).
1: https://www.youtube.com/watch?v=AzbRBFMersI
2: https://www.dedefensa.org/article/rapsit-usa2022-carlson-gabbard-couple-maudit
jc
05/04/2022
J'aime décidément beaucoup ce que dit et écrit MM, sur le fond comme sur la forme, peut-être -en fait- un peu plus sur la forme (MM démagogue -bien entendu au sens étymologique-) que sur le fond (MM démo-aristocrate).
En tout cas MM c'est pour moi "demos" d'abord: "Je crois à la sagesse populaire" (1, 2'45), et cite à ce propos Saint Thomas (2, 5'55): "Toute autorité vient du peuple: Omnis autoritas a populo ",
- que je complète par Machiavel: « Ce n’est pas sans raison qu’on dit que la voix du peuple est la voix de Dieu. On voit l’opinion publique pronostiquer les événements d’une manière si merveilleuse, qu’on dirait que le peuple est doué de la faculté occulte de prévoir et les biens et les maux»,
- de Gaulle: ""La révolution n'a pas appelé au pouvoir le peuple français, mais cette classe artificielle qu'est la bourgeoisie. En réalité il y a deux bourgeoisies. La bourgeoisie d'argent, à droite, et la bourgeoisie intellectuelle, à gauche. Mais les deux font la paire, elles s'entendent comme larrons en foire pour se partager le pouvoir, même si c'est contraire aux intérêts de la France. Tandis que le populo ne partage pas du tout ces sentiments, le populo est patriote, le populo a des réflexes sains, ... , le populo sent où est l'intérêt du pays , le populo ne s'y trompe pas souvent.",
-et Bertold Brecht: « J'apprends que le gouvernement estime que le peuple a “trahi la confiance du régime” et “devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités”. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre?».
MM (1, 3'): "Ce qui restera de toute mon œuvre c'est le rapport qui existe entre le pouvoir et la puissance. Le pouvoir c'est ce qui est institué, ce sont nos diverses institutions, la puissance c'est ce qui vient du bas, la sagesse populaire -de mon point de vue-; quand ça marche il y a un accord entre le pouvoir et la puissance de base. Il est des moments, et je considère que nous sommes dans l'un de ces moments où il y a une déconnexion (...) L'élite actuellement a tellement peur du peuple qu'elle parle de populisme.".
Le rouge est traditionnellement la couleur du pouvoir temporel et le blanc celle de l'autorité spirituelle, ai-je lu dans le livre éponyme de Guénon. Il reste donc le bleu pour le démos, le peuple et sa puissance (bleu qui est justement la couleur démocrate US). Bleu-Blanc-Rouge. Pour moi le compte n'y sera vraiment que le jour où aura été restaurée en France une autorité spirituelle avec ce qui me semble être son attribut naturel: la mainmise sur l'éducation. C'est ainsi que j'envisage la démo-aristocratie: avec un roseau pensant pascalien pour embellir le blanc.
Lors de l'effondrement de l'URSS le pouvoir temporel s'est effondré, mais il restait un fond de pouvoir spirituel qui, sans guère de doute en ce qui me concerne, a permis à la Russie de refaire surface en moins de trente ans.
Lors de l'effondrement occidental en cours, le pouvoir temporel va être balayé. Mais , à la différence du cas russe, il n'y a pas selon moi d'autorité spirituelle pour prendre le relais (car il n'y en a plus une digne de ce nom, because: In Gold we trust)...
1: https://www.youtube.com/watch?v=BZfGzwGP_cg
2: https://www.dailymotion.com/video/x7oya27
jc
05/04/2022
Dans le 1.3 j'ai opposé la rationalité telle que je pensais que la concevait MM et telle que la conçoit Thom, et je parlais alors de point de désaccord capital. Après nouvelle audition de (1) à ce propos (48'30) je tempère mon propos (avec plaisir, toujours en rapport avec cette idée de rapprochement Thom-Maffesoli) car MM dit (49'10) qu'il a écrit un livre intitulé "Éloge de la raison sensible", distinguant ainsi entre raison et rationalisme, et allant -je présume et j'espère- dans le même sens que Thom sur ce point.
1: https://www.youtube.com/watch?v=BZfGzwGP_cg
Auguste Vannier
04/04/2022
Sachant que les S 500 Russes sont en alerte maxi, tester un vieil ICBM, hypersonique poussif, ce serait prendre le risque qu'il soit instantanément "neutralisé" ...
La signification stratégique de la réalisation d'une telle hypothèse (plausible vu l'avance technologique des armes russes), serait catastrophique pour les USA…
Même pas peur, sauf du ridicule.
jc
04/04/2022
En reparcourant l'article "Classification des sciences et des techniques" (AL), cité au .2, je remarque que Thom s'appuie également sur les travaux de Gilbert Durand (l'un des maîtres de Michel Maffesoli), et précisément sur son ouvrage "Les structures anthropologiques de l'imaginaire" (1963) dot MM dit en (1,18'15):
"J'ai eu pour maître Gilbert Durand, le grand anthropologue de l'imaginaire, qui a publié un livre qui lui a donné pas mal d'ennuis: "Les structures anthropologiques de l'imaginaire".
Maffesoli, Durand, Thom: des gens qui véhiculent des idées que le Système feint de ne pas voir? En tout cas ça me conforte dans l'idée qu'il y a là un point de contact entre Thom et Maffesoli.
1: https://www.youtube.com/watch?v=C8hW7cULkX4
jc
04/04/2022
Après ce détour maffesolien, je reviens à la guerre sainte IN/IA. Pour moi:
1. Il s'agit d'une guerre entre l'homme traditionnel et l'homme nouveau;
2. Malgré ses millénaires d'existence je ne pense pas que l'empire du milieu soit le pôle IN de cette guerre sainte, la Chine étant actuellement trop préoccupée à retrouver la face perdue dès le XIXème face aux Occidentaux, et ayant pour objectif affiché de finir de les avoir battus sur leur propre terrain avec leurs propres armes (l'IA! et le totalitarisme qui va avec) lors du centenaire de la révolution de Mao (1934) (1).
3. Je ne suis pas non plus convaincu que le pôle IN vienne de la restauration de l'empire russe orthodoxe (même si l'église d'Orient de Constantinople me semble en meilleur état que celle de Rome -ce n'est pas difficile-); c'est la conclusion que je tire d'un récent article de Douguine (2).
4. Faut-il suivre Michel Maffesoli lorsqu'il dit : "Je considère que la technologie est en train de réenchanter le monde", phrase qui m'a fait tiquer quand je l'ai entendue, phrase dont j'imagine qu'elle fera sursauter PhG s'il l'entend, même si MM l'adoucit aussitôt en précisant : "Synergie de l'archaïque et du développement technologique : arkhè -ce qui est premier-, c'est les tribus, la religiosité et Internet."?
5. Je ne pense pas un instant que le développement de la quincaillerie électronique puisse en quoi que ce soit aider à réenchanter le monde (mais il faut faire avec…, et Internet n'est peut-être pas un mal car il permet de relier "techniquement" entre eux des gens qui ne l'auraient pas pu se relier autrement). Mais je pense aussi que la tradition évolue, un retour en arrière pur et simple ne pouvant que nous faire retomber dans les mêmes ornières. Pour réenchanter le monde il faut une religion universelle -le terme de religion étant pris au sens de ce qui relie-: René Thom nous en propose une : "Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde." (dernière phrase de ES, Thom signalant dans l'introduction qu'il qualifie celle qu'il propose de minimale).
1: C'est ainsi que j'interprète ce qu'écrivait jadis PhG: "C’est dire que, de ce point de vue, – et sans préjuger, surtout pas, de l’avenir, – c’est dire que notre Chinois sera emporté comme les autres et qu’il devra subir d’abord cette chute eschatologique avant de songer à se mettre à l’ouvrage." ( extrait de https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie )
2: https://leblogalupus.com/2022/04/01/alexandre-douguine-ce-nest-pas-une-guerre-contre-lukraine-mais-contre-bhl-et-le-globalisme/
jc
04/04/2022
J'ai annoncé dans des précédents commentaires que le point de contact le plus intéressant -selon moi- entre Maffesoli et Thom est leur foi commune en l'importance de l'imaginaire.
MM (1): (17'50): "Dans la tradition cartésienne, l'imagination c'est la folle du logis, c'est ce qui ne permet pas le bon fonctionnement du cerveau; (18'40): "Je pense que l'imaginaire décrit ce qui est et non pas ce qui devrait être. J'aime bien citer mes sources: ce n'est pas de moi, mais de Max Weber et de Nietzsche: ce qui est de fait -de facto- et pas ce qui est de jure -de droit-. Et de fait notre mentalité, depuis le cartésianisme, il y a toujours cette tendance -et c'est frappant dans le milieu que j'ai fréquenté en sociologie-, il y a toujours cette logique du devoir être, de ce que devrait être le monde, de ce qu'on aimerait qu'il soit.".
Il ressort de ce qui précède que ce que MM veut -selon moi- dire c'est qu'il faut plus se fier à son intuition qu'à sa raison (qui n'est bien souvent que la raison imposée par la doxa).
Thom :
1. "La théorie des catastrophes m'a réellement donné la clé d'un mode de pensée qui m'a permis de voir les choses sous un angle qui échappe, apparemment, à la manière standard de voir les choses. Essentiellement parce qu'on fait un saut dans l'imaginaire – mais un saut contrôlé : le saut doit être controlé. (...) Le contrôle de l'imaginaire c'est, je crois, l'essence de la rationalité."
2. "Je pense – de manière tout à fait essentielle – que l'extension des pouvoirs de l'homme sur la nature est liée à l'extension de son imaginaire."
3. "L'imaginaire a cette caractéristique d'abhorrer les frontières nettes, les objets bien délimités dans leur apparence. Quoi de plus concret qu'une pierre, forme saillante permanente s'il en fut ? C'est pourquoi la pensée rationnelle (la logique en est une forme extrême) s'efforce de ramener la propagation des prégnances à des constructions combinatoires de formes saillantes : réduire l'imaginaire au symbolique, tel est son idéal, réduire
toute propagation à une construction de solides, comme l'enfant avec un jeu de cubes (et le démiurge du Timée n'en était pas si loin)."
4. "On peut dire que les mathématiques sont imaginaires par essence…"
Thom a proposé une classification des technologies -apparemment neuve, écrit-il- "qui généralise et prolonge, dans une certaine mesure, la classification positiviste des sciences d'Auguste Comte." (AL). Sa classification s'appuie sur le trépied lacanien Réel-Symbolique-Imaginaire. On trouve dans l'article ceci:
5. "Langage, mythologie, institutions sociales sont des techniques de l'imaginaire. C'est seulement avec la mathématique qu'on voit apparaître la technologie de l'imaginaire.". (On notera que Thom ne considère les mathématiques ni comme une science ni comme une technique, mais comme une technologie : il faut lire l'article de AL pour en savoir plus sur les différences que Thom fait entre ces trois notions.)
Langage, mythologie et institutions sociales étant du domaine de la sociologie (au sens large), il y a là, selon moi, un point de contact précis à explorer entre les points de vue de Thom et de Maffesoli.
1: https://www.youtube.com/watch?v=BZfGzwGP_cg
jc
04/04/2022
Dans le .2 j'ai écrit que je voyais en MM un penseur du continu. Il y a cependant un point, pour moi de taille, où il fait une coupure nette entre sciences dures (math, physique, chimie, etc.) et sciences molles (sciences humaines, philosophie, sociologie, psychologie, etc.), avalisant sans doute ainsi la distinction faite par les modernes: l'objectivité aux sciences dures, la subjectivité aux sciences molles. Thom ne voit pas les choses ainsi, lui qui est résolument non démarcationniste (1).
L'idée qu'on se fait de la science est évidemment étroitement corrélée à l'idée que l'on se fait de la rationalité, qu'il est d'usage d'opposer à la sensibilité. Dans l'une de ses conférences, MM donne comme exemple d'acte typiquement rationnel celui d'un homme qui utilise un bâton pour attraper un fruit (2, 48'30) et il considère que cette rationalité est spécifique de notre espèce. Thom considère au contraire que cet acte n'est pas spécifique à l'humain et est d'origine affective : c'est pour lui le désir d'attraper un fruit qui déforme la structure de régulation de l'organisme en la compliquant et il consacre deux pages de ES (pp. 73 et 74) à argumenter en ce sens, la déformation consistant à sauter de la catastrophe "pli" à la catastrophe "queue d'aronde" qui la complique. Ce point de désaccord est pour moi capital: pour Thom -et dorénavant pour moi- la rationalité est subordonnée à l'intuition : entre la rationalité que nous propose avec insistance la doxa et l'intuition, c'est fondamentalement l'intuition qu'il faut suivre: (pour ceux qui ont le don d'en avoir…) c'est ce que n'a cessé de faire Thom tout au long de sa vie (3), alors que ceux qui n'en ont pas -moi…- ont tendance à suivre la doxa sans trop se poser de questions. Cette façon de repousser la raison en position ancillaire par rapport à l'intuition ne devrait pas déplaire à PhG (et, selon moi, il a bien fait de différencier affectivité et affectivisme, ce dernier étant source de bien des maux). La lecture de la fiche Wikipédia concernant la rationalité (3) est, à ce sujet, édifiante: pour moi c'est du blablabla…
On a là, à mon avis, un point de bifurcation essentiel entre l'IN et l'IA. Thom:
"S'il est aisé de s'imaginer qu'une machine – un ordinateur, par exemple – puisse calculer et même raisonner, par contre, il est beaucoup plus difficile de concevoir une machine capable de souffrir et de jouir. C'est dire qu'en un certain sens, le problème de comprendre « objectivement » l'affectivité semble infiniment plus difficile que de se représenter l'intelligence. Il est d'ailleurs typique – à cet égard – qu'on parle beaucoup d'intelligence artificielle, alors qu'on ne se préoccupe guère, chez les spécialistes, d'« affectivité artificielle ».".
L'un des dadas de MM (c'est lui qui utilise cette expression à ce propos) est de considérer que nous vivons une période transitoire entre deux époques, l'une finissante, gouvernée par l'individualisation, la rationalisation et le progrès (chronos), et l'autre commençante, gouvernée par la tribalisation, l'affectivité et l'éternel présent (aïon). Il m'apparaît maintenant que le rationalisme des Lumières aura été à la rationalité naturelle ce que l'affectivisme selon PhG a été à l'affectivité naturelle (4). Je rappelle que, pour Thom, la rationalité ne tombe pas du ciel, mais n'est qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire: pour lui -et dorénavant pour moi-, lorsqu'il y a conflit entre l'intuition et la raison (c'est-à-dire l'idée que l'on s'en fait), c'est à la raison de s'adapter (en changeant de déontologie) et non à l'intuition: toujours cette opposition fondamentale IN/IA (5).
1: "Le « philosophe de la nature » que j'envisage aura un point de vue résolument anti-démarcationniste. On peut imaginer un spectre quasi-continu joignant les assertions les plus solidement établies (par exemple un
théorème de mathématique) aux affirmations les plus délirantes. La pratique de notre épistémologue peut être ainsi décrite. Partant des points de contact obligés entre science et philosophie, il s'efforcera d'épaissir
l’interface entre science et philosophie ; il sera donc philosophe en sciences, et scientifique en philosophie.".
2: https://www.youtube.com/watch?v=BZfGzwGP_cg
3: Thom, mathématicien de formation, est allé jusqu'à rejeter les principes fondateurs de la rationalité occidentale (identité, non contradiction) pour lui préférer une autre déontologie -plus embryologique- dans l'usage de l'imaginaire.
4: https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-laffectivisme-postmoderne
5. C'est pour moi un point de désaccord fondamental avec ce qu'écrit David Bessis dans son tout récent bouquin "Mathematica" (DB quitte les maths académiques pour se lancer -start-up en avant- dans l'IA -deep-learning-).
Abdel Barek
03/04/2022
Pour ce commentaire, laissons la parole au PDG de BASF, grande compagnie chimique allemande :
Il a averti plus loin dans l’interview que de nombreux Allemands sous-estiment actuellement fortement les conséquences de ce que la fermeture des robinets par la Russie signifierait… rien de moins qu’une crise historique :
« Beaucoup ont des idées fausses. Je le remarque dans de nombreuses conversations que j’ai. Les gens ne font souvent aucun lien entre un boycott et leur propre emploi. Comme si notre économie et notre prospérité étaient gravées dans le marbre. »
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