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Le don de Semper Phi

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  01/01/2022

PhG (1): "Qu’importe, l’âme poétique s’était ouverte, dans toute sa sublime splendeur, dans sa grandeur extrême, dans la douceur de son infinie nostalgie, et je réalise, à en parler comme je le fais, que j’ai mis bien du temps à la reconnaître et à l’honorer pour ce qu’elle est. Je ne crois pas une seconde que cette âme poétique, de même que les mots et les phrases qui naissent de-ci de-là, de ma plume, je ne crois pas que tout cela soit de moi ; cela m’est un don, c’est-à-dire quelque chose que l’on voulut bien me donner pour que j’en fasse le message, que j’en sois le recéleur puis le porteur et rien d’autre, rien de plus…".

Le don, la donnée, le fait ont-ils un caractère sacré ou profane: that is the question. Il est clair que, pour "nos" modernes, données  -data- et faits sont des "concepts" profanes ; Thom ironise sur cette vision des choses :

"Lorsqu'on a compris – à la suite de T. S. Kuhn – le caractère « automatique » du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde – et cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du « hard fact », se sont-ils jamais demandé ce qu'est un fait ? Faut-il croire – ce qu'insinue l'étymologie – que derrière tout fait, il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait ? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un « sujet » résistant sur lequel le fait nous apprend quelque chose ? Telles sont les questions que notre philosophe devra constamment reposer, insufflant ainsi quelque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. Bien sûr la Science n'a nul besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit.".

 Quid des formes premières d'intelligibilité? Pour moi il ne fait guère de doute que ce sont les formes génétiques dont parle Thom (2)

Voici comment, chaussé de mes lunettes thomiennes, je vois le don de PhG. Pour faire court je vois PhG comme un nourrisson, et ses paroles comme des babils. Ce n'est pas du tout péjoratif de mon fait, tout au contraire. Ne dit-on pas en effet que la vérité sort de la bouche des petits enfants (le babil comme émission/expression/expulsion des premières formes d'intelligibilité)?

Thom :

1. "A la naissance le nourrisson est équipé d'un stock de schémas sensori-moteurs, de formes génétiques, qui se manifestent par les réflexes dits archaïques. plus tard, vers l'âge de six mois, ces schémas subissent une sorte de fonte, de catastrophe généralisée qui coïncide avec le début du babil enfantin. On peut voir dans ce babillage la volonté d'expulser, par voie articulatoire, un certain nombre de formes génétiques aliénantes, manifestation ludique d'émission, non de capture. (...) Si on ne parle pas à l'enfant entre un et trois ans, la catastrophe d'émission articulatoire (le babil) dégénère rapidement en l'émission d'un petit nombre de sons grossiers (vocalisation des "enfants-loups")." (SSM, 2ème ed., pp. 309 et 310)

2. "On sait que vers l'âge de dix-huit mois, le nouveau-né commence son babillage, il prend conscience de ses possibilités articulatoires, et -disent les spécialistes- forme à cette époque les phonèmes de toutes les langues du monde. Les parents lui répondent dans leur propre langue et, peu de temps après, le bébé n'émet plus que les phonèmes de cette langue, dont quelques mois plus tard, il maîtrisera le vocabulaire et la syntaxe. Je verrais volontiers dans le mathématicien un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront un jour à ouvrir le dialogue avec elle, et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo." ("De l'icône au symbole", conclusion, MMM).

Mon flair me dit que tout ça s'accorde avec ce que j'imagine être PhG: il suffit de remplaçer ci-dessus mathématicien par théoréticien et Mère Nature par Dieu. Le don "qu'on voulut bien me donner" est alors celui de traduire en français la parole de Dieu "pour que j'en fasse le message".

Logocrate un jour, logocrate toujours dirait sans (aucun?) doute Semper Phi que je verrais bien adhérer à ce que dit Thom, convaincu, lui, que "le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être.".

Au seuil de cette nouvelle année (qui s'annonce chaotique) je souhaite à Semper Phi une bonne éternité.


1: La Grâce de l'Histoire" tome III.1 , https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu
2. Cf. mon commentaire "Conceptualisation".
 

Conceptualisation

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  01/01/2022

Les concepts qui sortent de la fertile imagination de PhG ne sont pas figés, ils évoluent au contraire constamment (majuscule ici, gras là, trait d'union, etc) comme s'ils vivaient vraiment dans l'esprit de leur concepteur. Et c'est peut-être le concept de crise qui, pour moi, montre le plus nettement la façon que PhG a de conceptualiser.

Thom : "Il faut au contraire concevoir que tout concept est comme un être vivant qui défend son organisme (l'espace qu'il occupe) contre les agressions de l'environnement, c'est-à-dire, en fait, l'expansionnisme des concepts voisins qui le limitent dans l'espace substrat : il faut regarder tout concept comme un être amiboïde, qui réagit aux stimuli extérieurs en émettant des pseudopodes et en phagocytant ses ennemis.".

Qu'est-ce que conceptualiser, qu'est-ce que penser par concept? Thom propose la réponse suivante : "L'homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son existence à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire : aussi, va-t-il « penser » c'est-à-dire saisir des êtres intermédiaires entre les objets extérieurs et les formes génétiques : les concepts."(1).

Avoir un accès conscient aux formes génétiques : une spécificité de PhG par rapport à l'individu lambda qui n'y a accès qu'inconsciemment, guère plus qu'un animal? Un rapport avec sa mystérieuse et légendaire intuition haute?

Thom : "(...) l'homme est pourvu d'un dispositif universel qui, sur un champ de dynamique neuronique, peut en reconstituer le centre organisateur. Véritable gonade mentale, ce dispositif condense les champs en mots, vraies semences d'idées ; placé dans un contexte approprié, le mot germe et éclate dans l'esprit de l'auditeur, et la forme globale ainsi reproduite est l'idée. Ainsi, la pensée conceptuelle est une Embryologie permanente.

Thom : "L'émission verbale est un véritable orgasme."

PhG (2) : « Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou. »  

La théorétique est, je viens de le vérifier (3), a trait "à la connaissance conceptuelle, au savoir et non à l'action" et . Pour moi PhG est typiquement un théoréticien; et ainsi peut-être, tel Monsieur Jourdain, un petit peu mathématicien sans le savoir (4).


(1) Thom parle des formes génétiques pp. 303 et 304 de SSM. En gros ce sont les formes archétypes, les formes fondamentales, comme la forme d'un œuf pour la poule qui doit le couver, d'un téton de la mère pour les lèvres du nourrisson ou d'un bec pour l'oiseau (l'oisillon) qui doit donner (recevoir) la becquée. Parmi les singularités thomiennes figurent le "bec à bec", et la "lèvre" (SSM, pp. 66 et 67). Il revient à ce propos à l'embryologie p. 304 : "on aurait tort de se représenter ces formes comme des sortes d'engrammes fixés définitivement, comme une empreinte sur une plaque photographique. En réalité ces formes sont définies dynamiquement, par une sorte d'embryologie permanente, qui se prolonge en la chréode motrice focalisée sur la forme. ".

(2) "La Grâce…", tome III.1 , https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu

(3) https://fr.wiktionary.org/wiki/th%C3%A9or%C3%A9tique

(4) Allusion à mon commentaire "L'aveugle et le paralytique".


 

Mieux que survivre, suite

Article lié : Survivre en 2022

Jean-Claude Cousin

  01/01/2022


Réponse DEUX (suite)
Il y a quelques jours un universitaire a fait le voyage au Kivu, pour constater là-bas l'application de cet esclavage, y compris des enfants. Gageons que son compte-rendu, s'il n'est pas volontairement mis sous le boisseau par ceux qu'il gênerait, pourrait être un coup de tonnerre. Ajoutons que ce qui est extrait au Kivu sert aussi, coup double, à maintenir dans une sorte d'esclavage de la pensée entretenu par des téléphones omniprésents : certains y passent des heures chaque jour, des heures où ils passent à côte de la vraie vie, des heures sous la coupe faussement bienveillante des GAFA.
Est-ce par pressentiment ? Il y a dix ans j'avais pris la peine d'écrire quelques pages, qui pourraient bien être la trame d'une autre donne.
https://ti1ca.com/t8oqg46m-Anarchie-A5-2018-08-Anarchie-A5-2018-08.pdf.html
Depuis, quelques mots ont été corrigés, sur la forme, mais le fond est resté intact. Bien entendu cette proposition d'aller dans une tout autre direction suppose que TOUT, oui, absolument tout ce qui fait le tissu administratif actuel n'existe plus. Là-dessus, on repart à zéro, avec pour postulat que NUL n'est au-dessus de quelque façon que ce soit, mais aussi NUL n'est en-dessous. Une façon de garder l'optimisme auquel, malheureusement pour lui, Michel Houellebecq ne paraît pas abonné.
 

Mieux que survivre

Article lié : Survivre en 2022

Jean-Claude Cousin

  01/01/2022


Réponse UN
Eugène Pottier avait eu cette phrase pessimiste « Du passé faisons table rase », je ne pense pas que ce soit judicieux. Du passé lointain a découlé un passé plus proche, de grandes choses ont été bâties, de grandes erreurs ont été accomplies parfois de manière très volontaire.
Il ne faut pas, non, il ne faut pas dire « rien qui ne soit matière de doute et d’inquiétude » : en fait ce sont des penseurs rétribués qui le profèrent sur tous les tons, afin d'affaiblir le tissu solide de la France. Elle seule a eu le courage de mettre en place la laïcité, car la loi qui aura bientôt cent ans a été le fruit de dizaines, voire de centaines d'années de réflexions. Diderot fut l'auteur de certaines de ces réflexions, d'Olbach également, mais ils s'étaient hissés sur les épaules de géants comme Giordano Bruno, et bien plus tôt encore, Abélard.
Aujourd'hui cette laïcité, qui est le fondement même de la façon de penser en France, face au communautarisme si prisé ailleurs, cette laïcité est avilie par des “philosophes” qui la travestissent parce qu'ils en ont peur. Sereine, elle considère tous les humains comme égaux en droits et en devoirs, ce que ne peuvent supporter des psychopathes qui se veulent supérieurs. La laïcité rejette l'esclavage et ses variantes, qui sont devenus pourtant le fondement de la société actuelle.
 

Une religion universelle?

Article lié : Guerre de religion(s)

jc

  31/12/2021

Partant du principe que "les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés" (ma citation thomienne favorite) il est naturel de considérer qu'un corps social puisse lui aussi être malade. Or "Très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer." (extrait de ma citation onto-thélogique thomienne unique et néanmoins favorite).

Je viens de réaliser ce que veut peut-être dire Thom lorsqu'il parle ici de vocation fonctionnelle et de fonction. Il veut dire, je crois, qu'un être -même l'Être suprême, l'Être en soi- se définit par sa structure mais aussi par sa fonction, c'est-à-dire que la structure de l'être est inséparable de sa fonction (comme la puissance est inséparable de l'acte et la forme inséparable de la forme). Thom écrit à ce propos :

"La célèbre controverse académique de 1830 entre Georges Cuvier et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire présente un intérêt théorique considérable. C'est grâce à elle en effet que s'est posé le problème des rapports entre structure et fonction.(...) Cuvier, créationniste, ne reculait pas devant la finalité. (...) Geoffroy, lui, se targuait de matérialisme et refusait les causes finales.".

Je ne serais pas étonné d'apprendre que dans toutes les théogonies Dieu est considéré comme un Être vivant. Et un être vivant a toujours au moins une cause finale : celle de persévérer dans son être, ce qui exige ou est en rapport étroit, à mon avis, avec la stabilité structurelle. Je n'imagine pas non plus qu'il y ait des théogonies où Dieu finisse par mourir. Par contre c'est le cas pour les êtres inférieurs, que ce soient des individus, des espèces ou des civilisations. Thom : "(...) il y a une certaine incompatibilité entre l'immortalité de l'individu et les possibilités évolutives ultérieures de l'espèce. La mort serait alors le prix à payer pour préserver toutes les possibilités de perfectionnement futur de l'espèce." ; "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel.".

L'apoptose est un fait biologique. Si les dynamiques sont les mêmes dans tous les cas (cf. ma citation thomienne favorite) alors on peut imaginer que les civilisations puissent recevoir un ordre venu de plus haut de se suicider pour laisser la place à la civilisation suivante. Une explication (très spéculative!) à la curieuse situation actuelle dans le bloc BAO (cancel culture, wokenisme, etc.)?

La religion d'un genre nouveau esquissée dans mes commentaires de "Structure crisique" me semble visiblement universelle, c-à-d valide dans tout l'univers donc en particulier sur notre Terre. À-t-elle des chances d'être acceptée? Cause finale, dessein intelligent, créationnisme…Thom dit que c'est une (la?) métaphysique minimale permettant de redonner du sens au monde. Métaphysique, cause finale, dessein intelligent, créationnisme : j'entends déjà hurler les chiens de garde du Système. Hurler à la mort?

 

La GCES : une catastrophe généralisée?

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  30/12/2021

Avec mes considérations sur la Crise-Dieu qui m'ont emmené en métaphysique extrême (je ne suis pas déçu de mon voyage) je redescend en métaphysique normale.

À la fin de SSM Thom évoque la décomposition de l'empire d'Alexandre :

"Il serait tentant d'envisager l'histoire des nations comme une suite de catastrophes entre formes métaboliques ; quel exemple de catastrophe généralisée que la décomposition d'un grand empire, comme celui d'Alexandre. Mais il faut de toute évidence se borner ; dans un sujet comme l'Homme, on ne saurait pénétrer qu'à la surface des choses.".

Je me demande si envisager l'histoire "comme une suite de catastrophes entre formes métaboliques" n'est pas très exactement envisager l'histoire comme l'Histoire majusculée, c'est-à-dire comme la métahistoire au sens de PhG. Pour qu'il en soit ainsi il faudrait que la chaîne crisique (c-à-d la suite de catastrophes entre formes métaboliques) soit une chréode (1). PhG se retrouverait alors face à l'histoire exactement dans la même position que Thom face à la Biologie : saut métaphysique est incontournable, raison à mon avis fondamentale pour laquelle la théorisation thomienne de la Biologie est refusée par les scientifiques actuels. Grasset et Thom même combat?

Les catastrophes anaboliques et cataboliques (évoquées en Structure et fonction.1) sont des catastrophes généralisées. Il y en a d'autres. Ces catastrophes ont toutes en commun de ne pouvoir être rationnellement formalisées (2), ce qui est déjà un indice qui renforce l'intuition de PhG selon laquelle on est nécessairement dans le domaine de la métaphysique.


1: Notion introduite par l'embryologiste anglais Waddington, généralisée par Thom.

2: Thom : "Une catastrophe généralisée n'est pas un processus formalisable car la déduction logique vérifie l'analogue formel du principe de Curie [toute symétrie des causes se retrouve dans les effets] : dans un système formel, tout automorphisme d'un système de prémisses s'étend en un automorphisme de l'ensemble des conclusions." (SSM, 2ème ed., pp.104 et 105)
 

Structure et fonction.1

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  30/12/2021

En fouillant sur le site ce que PhG dit à propos des crises en général j'ai parcouru l'article "Notes sur notre “kosmos crisique” avec plus d'attention avec des concepts soigneusement nommés et définis: structure crisique, chaîne crisique, infrastructure crisique (qui appellera sans doute celle de superstructure crisique ou de métastructure crisique quand cette fameuse crise qui monte actuellement en puissance va réellement s'emballer).

Ce qui m'a attiré dans ces Notes c'est l'inversion du sens. Le sens naturel est, selon moi, lorsque la fonction crée l'organe, c'est-à-dire lorsque la fonction s'impose à la structure. Lorsqu'il y a inversion du sens, c'est-à-dire quand c'est la structure qui s'impose à la fonction, c'est pour moi un signe de vieillissement du système considéré (ici, bien entendu, du Système). C'est un mauvais signe pour le Système car il est le signe un manque d'adaptabilité (typiquement La Redoute, la Poste, face au tout nouveau e-commerçants pour qui le principe lamarckien joue à fond). Mais le fait que la catastrophe soit furtive ("PhG parle de déferlement furtif", "de trou noir silencieux") m'incite à penser à une autre cause d'inversion catastrophique.

Dans sa classification des catastrophes (plus de entrées 30 à ce mot dans l'index de SSM!) figurent justement les catastrophes silencieuses, catastrophes qui se caractérisent par l'augmentation de la dimension de l'attracteur, soit par bifurcation (dédoublement) soit par couplage avec un autre attracteur. Thom écrit à son propos : "En embryologie, la catastrophe silencieuse signifie en principe un gain de compétence mais, comme il s'agit d'une transformation continue, elle ne donne, en principe, naissance à aucune morphogenèse.". Peut-être l'intuition qu'a PhG de la situation est-elle mieux décrite par une catastrophe anabolique (formation d'attracteurs de dimension plus grande) ou catabolique (désagrégation de l'attracteur au profit d'attracteurs de dimension plus petite)? Le rôle de la catastrophe silencieuse en morphogenèse est indiqué dans l'article fondateur "Une théorie dynamique de la morphogenèse" (MMM), paragraphe "La finalité en Biologie".


(1) https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-notre-kosmos-crisique

À propos du chapö

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  30/12/2021

PhG : "Pour nous, cette révolution structurelle décisive, préparée par divers événements (diverses crises) s’est faite avec l’ensemble Covid-wokenisme apparu en 2020, – dont il est évidemment complètement inutile de chercher une explication historique et rationnelle, – ni du Covid, ni du wokenisme, ni du reste.".

PhG insiste ici -et aussi ailleurs- sur le fait qu'il est inutile de chercher une explication rationnelle à la crise qui nous secoue. Je ne suis pas d'accord avec ça, je l'ai déjà souvent dit en commentaire et je le redis ici. La rationalité n'étant rien d'autre qu'une déontologie dans l'usage de l'imaginaire, rien ne dit qu'en changeant de déontologie on ne va pas tomber sur une autre rationalité qui nous permettra de voir les choses autrement et plus nettement. Il apparaît de plus en plus clairement que les principes qui fondent notre rationalité occidentale (identité, non-contradiction) sont mis à mal depuis l'apparition de la Physique quantique (le chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant).

Le langage naturel a pour Thom une origine embryologique qui calque l'origine embryologique du monde comme esquissé dans mon commentaire "ontologie". Autrement dit, à condition d'utiliser le langage en logocrate (comme PhG s'attache scrupuleusement à le faire) et sans le saccager (comme "on" est en train de le faire), ce langage naturel est une base solide pour fonder une nouvelle rationalité. Le problème est que c'est seulement une base, base qui ne permet pour l'instant pas d'aller au-delà. Thom:

1: "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne. quel est l'intérêt des la mathématisation en physique? C'est qu'on peut, par le calcul sur les nombres, faire des opérations que ne permet pas le raisonnement sur des concepts en langage ordinaire. Une modélisation géométrique de la pensée verbale ordinaire n'aura d'intérêt que si l'on peut, grâce à elle, aboutir à des assertions que ne permet pas de fournir la logique usuelle du langage naturel. Cela suppose qu'on puisee: 1) modéliser géométriquement toutes les déductions (rigoureuses) de la pensée ordinaire. Autrement dit : réaliser le rêve leibnizien de la "caractéristique universelle" ; 2) aller au-delà.
La partie 1 de ce programme "énorme" n'étant pas réalisée (et de loin), il est sans doute prématuré de considérer la partie 2. J'ai cependant déjà rencontré des propositions à caractère "translogique" fournies par le modèle géométrique et que rejetait le bon sens ordinaire. Ainsi de l'assertion : "le prédateur affamé est sa propre proie" qui, selon moi, est à la base de l'embryologie animale." (AL, p.409) ;

2: "Je suis convaincu que le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être." ;

3. "La pensée conceptuelle est une embryologie permanente." ;

4. "La classe engendre ses prédicats comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute, à mes yeux, que c'est là l'unique façon de définir la Logique naturelle" ;

5. Ce que dit Thom dans le dernier chapitre de la deuxième édition de SSM (mais pas la première) intitulé "De l'animal à l'homme : pensée et langage" ouvre des perspectives selon moi assez vertigineuses.

 

L'aveugle et le paralytique

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jc

  30/12/2021

[ Dans "Ontologie" lire x->x⁴ + ax² + bx pour le déploiement de x->x⁴ ]

Le lecteur ayant parcouru et l'article du glossaire et mes commentaires aura peut-être été frappé par le net décalage entre l'approche hautement intuitive et quasi-mystique de PhG et celle beaucoup plus nette de Thom.

Thom écrit à ce sujet:

1. "(...) il y a une certaine opposition entre géométrie et algèbre. Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite
clarté."

2. "Si l'on veut comprendre l'auteur, il faut jouer le jeu et rentrer dans son monde. Sans doute y a-t-il beaucoup de cas, récents, où le jeu n'en vaut pas la chandelle. dans ma propre écriture, je mêle de manière quasi indissoluble la pensée verbale et l'idéalité mathématique. Cela ne va pas sans inconvénient. Ce style mixte irrite le mathématicien professionnel, habitué à traiter mathématiquement l'être mathématique; et déconcerte le non-géomètre (αγεωμέτρητος) à qui la face mathématique de ma pensée échappe irrémédiablement. Mais je vis de ce contact, et si ma pensée a quelque valeur, c'est de cette symbiose qu'elle la tire. la pensée purement mathématique, quand elle est formalisée, est aveugle, mais capable de marcher, et même fort loin. La pensée intuitive, au contact du réel, est le paralytique de la parabole, qui voit, mais ne peut pas progresser sûrement." (AL, p.503)

Temps crisique

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jc

  30/12/2021

On trouve dans "Structures et fonction en biologie aristotélicienne" (AL), le passage suivant qui me semble en rapport avec ce que dit PhG du Temps crisique :

"On peut métaphoriquement représenter le concept de fonction par une fronce d'hystérésis associée à l'opposition de deux temps : un temps "atemporel", une éternité vide d'évènements, ce que les anciens Grecs appelaient aiôn, et un temps qualitativement spécifié, chronos, celui qui est porteur d'évènements catastrophiques, et où se déroule l'exécution d'actes. (...) Toute fonction apparaît alors comme un pli des temps sur l'espace-temps." (p.257).

On voit que, dans ce cas, il y a une respiration : phase de tension suivie d'une phase de relâchement, que l'on retrouve un peu partout (par exemple systole/diastole, inspiration/expiration,voire guerre/paix). Cela suggère l'idée d'un monde perpétuellement en crises pendant lesquelles est consommée de l'énergie active (ἐνέργεια) entrecoupées de périodes de repos pendant lesquelles le monde emmagasinant de l'énergie potentielle (δυναμικός) destinée à être transformée en énergie active pour de futurs travaux. On retrouve là, il me semble, une idée développée jadis par PhG (1).

En fait, si l'on regarde la Crise-Dieu du point de vue esquissé dans mes précédents commentaires, cette crise est embryologique et il est clair que le développement de l'embryon à partir de l'œuf fécondé est une succession de crises. Le choix de Crise-Dieu est, àmon avis, fort bien venu parce que cette crise est embryologique (2).


(1) https://www.dedefensa.org/article/le-rythme-contraction-extension-de-la-crise

(2) dont il découle que le Dieu Kosmos doit être pensé comme vivant.

Structure et fonction

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jc

  29/12/2021

Pour Thom il ne fait aucun doute que, dans les sociétés, c'est la fonction qui crée l'organe. Il me semble en effet clair que tout logisticien qui se respecte est lamarckien lorsqu'il s'agit d'organiser son job et que d'une façon générale, on s'organise pour que ça fonctionne (ce ne seront pas les logisticiens qui me contradiront). Ainsi le Dieu Khaos (en puissance) n'est pas entièrement libre, car il est contraint de se débrouiller pour que le Dieu Kosmos (en acte) fonctionne. Thom : "(...) j'accepte, en biologie, le principe lamarckien : la fonction crée l'organe. C'est un principe que les biologistes actuels refusent absolument. Ils pensent, par exemple, que si nous voyons c'est parce que nous avons des yeux et pas du tout parce que d'une certaine manière la vie a décidé de fabriquer des yeux pour voir !"(1).

Remarque finale : On retrouve le problème avec les homéomères et les anhoméomères d'Aristote : "L'opposition homéomère-anhoméomère recoupe donc -en un certain sens- l'opposition centrale de la physique aristotélicienne, celle de la puissance et de l'acte. (...) Ainsi donc, si les homéomères définissent la structure, les anhoméomères sont étroitement liés à la fonction." ("Structure et fonction en biologie aristotélicienne", AL p.255).


(1) Cf. le film fait par JL Godard sur Thom, à 40', dispo sur la toile.

Ontologie

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jc

  29/12/2021

Identifiant (à tort ou à raison…) la Crise-Dieu à l̈́'Être en soi, on est amené, par l'analogie thomienne génialissime considérée précédemment, à l'associer à la fonction indéfiniment différentiable inspécifiée et indifférentiée, -l'œuf cosmique-, fonction qu'on peut voir comme l'âme du développement en série de Taylor de cette fonction -l'arbre cosmique-. La Crise-Dieu est alors assimilée au Dieu Khaos, crise-Dieu en puissance, âme du Dieu Kosmos, crise-Dieu en acte.

L'intérêt de la théorie des catastrophes est qu'on a alors une petite idée de la structure du Dieu Khaos et du Dieu Kosmos -et donc de la crise-Dieu-, car on peut découvrir progressivement leur ontologie. À la base on a l'être le plus simple qui soit, représenté par la fonction x->x² qui est son propre déploiement, c'est-à-dire qu'à la base Khaos et Kosmos sont identiques : c'est l'être d'une stabilité structurelle absolue, persévérant imperturbablement dans son être (Spinoza) quand on tente de le perturber. Au stade suivant on a un être un peu plus élaboré représenté par la fonction x->x³ pour Khaos, âme de Kosmos représenté par le déploiement "corps-et-âme" de cette âme, à savoir la fonction x->x³ + ax (a paramètre dit "de déploiement"), âme cette fois structurellement instable qui est stabilisée par son déploiement: on a ainsi un renseignement sur Khaos: si on veut dialoguer avec lui il faut le faire dans le plus grand recueillement, extrême sensibilité -due à l'instabilité structurelle- oblige! (1). À l'étape suivante on a x->x⁴ pour Khaos et x->x⁴ pour Kosmos et ainsi de suite, les "véritables" Khaos et Kosmos trônant "évidemment" au sommet infiniment haut d'un "arbre de Jacob" dont les trois branches les plus basses sont celles ci-dessus.

Dans une interprétation linguistique de cet "arbre de Jacob", Khaos est le Verbe et Kosmos est la phrase élémentaire qui donne sens à ce verbe en saturant ls valence  par des substantifs -typiquement "Le chat mange la souris." pour un phrase SVO- (et ainsi le Verbe se fait Chair). Linguistiquement Thom associe à l'âme x->x² le verbe être (on ne peut rien dire de cet être qu'une seule chose : il est), puis commencer ou finir à x->x³ et diviser et unir à x->x⁴ qui sont les évènements crisiques les plus courants.

Remarque finale : On voit donc qu'il est plus difficile de remonter l'arbre de Porphyre que le redescendre puisqu'il s'agit d'isoler l'âme du corps-âme. L'âme est au corps ce que la vue est à l'œil, disait Aristote…


(1) Ce que Grothendieck dit faire dans "La clef des songes" lorsqu'il dialogue avec Dieu.

Crisologie

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jc

  29/12/2021

En actionnant mon moteur de recherche général je constate que c'est Edgar Morin qui occupe le terrain de la crisologie : a priori très peu pour moi, car classé -peut-être à tort- "du camp d'en face".

PhG en donne ici la définition suivante :

« La science intuitive du phénomène de la crise, c’est-à-dire l’acquisition d’une connaissance par l’intuition appuyée sur l’expérience pour le domaine de l’humain ; soutenue par un savoir d’origine ancestrale sinon éternel, extrahumain et au-dessus de l’humain, qui nous est donnée sans reconnaissance ni autorisation de notre conscience (“à l’insu de mon plein gré” comme dit l’autre), sans aucun savoir ni connaissance, – au-delà, [c’est-à-dire décisivement] dans l’inconnaissance pure. ».

Pour moi cette définition a tout à voir avec la notion d'ange gardien, dont il était question au catéchisme de ma jeunesse, ange qui, à l'insu de notre plein gré, nous prévient de la façon dont nous devons réagir à un évènement -un changement donc- qu'il pressent (pré-sent) pour nous; et la définition s'éclaire si on identifie crise et évènement (pensé comme une rupture phénoménologique dans le déroulement du Temps) c'est-à-dire comme une catastrophe thomienne), identification qui ne me semble pas déraisonnable (1). Bien entendu il le dit différemment, mais je pense que pour lui cette idée lui est absolument fondamentale pour échafauder une théorie de l'évolution du vivant (évolution des espèces si l'on veut…) différente de celle de Darwin :

"Comment s'expliquer ce processus d'apprentissage [qui permet l'adaptation adéquate]? Un darwinien orthodoxe dira que seuls survivent les systèmes (les individus] pour lesquels cette adaptation est suffisamment réalisée… mais chez les animaux supérieurs nous savons parfaitement qu'il y a apprentissage par l'affectivité: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. À la sélection par la mort a succédé la sélection par l'affectivité. L'affectivité peut donc être vue comme une rétroaction du flux final ramifié sur la dynamique de commande des pré-programmes. Et je n'ai jamais compris pourquoi ces effets de rétroaction ne pourraient être transmis héréditairement [Thom lamarckien…] (au niveau des modes de stimulation du génome, sinon sur la composition de l'ADN lui-même), ce que nie la biologie moléculaire classique." (AL, p.159).

(1) Pour être plus précis le concept de crise relève du biologique au sens que Thom donne à cette expression dans son article "Crise et catastrophe" : "On posera donc en  principe que la crise comporte toujours un élément subjectif, elle ne peut apparaître que chez un être pourvu de conscience. (...) Si, à cause de sa composante subjective, le concept de crise déborde le cadre de la Dynamique, il n'est pas non plus du domaine de l'humain, du psychologique. En fait, ce concept relève proprement du biologique.". Il faut lire l'article pour en savoir plus.

Erreur de chiffre

Article lié : Le Petit O

Denis Monod-Broca

  29/12/2021

Bon billet.
Le vaccin n'est pas la panacée qu'on veut nous faire croire qu'il est.
Et puis il n'est pas une lesurdd et d'urgence.
Le vaccin n'est cependant pas non plus la cause de 32.500 morts ! D'où sortez-vous cela ? Il a des effets secondaires, sans doute a-t-il provoqué quelques morts ici ou là, mais pas autant que cela. Même si 32.500 fait un très faible pourcentage sur des milliards de doses injectées, cela est beaucoup en valeur absolue. Dnaprew ce qu'elle j'ai lu, il y a en France quelques morts suspectes après vaccination mais aucun cas avéré de mort directement et irréfutablement causée par elle.

Le profane et le sacré, travail de l'homme, travail de Dieu

Article lié : Glossaire.dde : Structure Crisique

jc

  29/12/2021

En utilisant le vocable de Crise-Dieu PhG place résolument la barre au niveau métaphysique comme le montre la citation suivante, par lui souvent faite, que je reproduis ici pour la mettre en regard d'une autre, cette fois par moi souvent faite :

« C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui qui échappe à toute inconnaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence. » (Pseudo-Denys l’Aéropage) ;

"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogenèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur. Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer."
"Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"." (René Thom).

Pour différencier le chaos tel que je le conçois (1) du chaos-désordre des profanes, je l'ai renommé khaos. Il me semble assez clair que c'est ce genre d'intention qui a fait PhG utiliser le vocable de kosmos (3) pour le différencier du cosmos des profanes (4) (et que je m'empresse de déifier en Kosmos, ainsi que mon khaos en Khaos). Khaos, Dieu omnipotent (Dieu tout en puissance, Dieu tout puissant), Kosmos Dieu omniscient (Dieu en acte); il m'apparaît assez clairement que c'est Khaos qui est le Dieu de Denys l'Aréopagite (et donc de PhG); et ce serait, à mon avis, aussi celui de Thom dont l'une des citations favorites est héraclitéenne : "Le Maître dont l'oracle est à Delphes, ne dit ni ne cache: il signifie.".

PhG se place en homme modeste face à un Dieu qui le transcende, alors que RT dit que le rôle du métaphysicien -son rôle?- consiste à se mettre à la place du Démiurge ("son travail, fort immodeste,..."), ce qu'il précise dans un article en écrivant : "Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu.". Pour moi la modestie et l'immodestie n'ont rien à voir avec l'affaire, car il s'agit de dégager une vision cohérente du monde ayant la plus grande envergure possible, afin de tenter de restaurer dans le monde des humains une autorité spirituelle qui fait cruellement défaut aux actuels pouvoirs temporels (qu'ils soient militaires, politiques, économiques, scientifiques…). Dans "Révolutions : catastrophes sociales?" (AL) Thom précise qu'il importe d'établir -ce qu'il tente de faire- "qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique", autrement dit sans une certaine forme d'autorité spirituelle.

L'exemple le plus flagrant sur ce site du saut conceptuel abyssal qu'il y a entre des humains faisant un travail humain avec leur raison humaine et ceux tentant de faire le travail de Dieu (autrement que Lloyd Blankfein…) en tentant de percer le mystère de la raison divine, cet exemple est pour moi donné par les dialogues qu'il y a eu jadis ici entre Jean-Paul Baquiast (7) et PhG (il suffit de parcourir les premiers dialogues pour s'en rendre compte) : selon moi il est clair que JPB raisonne en profane (le chaos et le cosmos ont pour lui leur sens moderne, c'est-à-dire profane, ainsi que la technique qui, pour lui, a manifestement perdu son caractère sacré -teknè est l'art en grec ancien-: dialogues (de sourds?) entre un JPB anthropo-technicien et un PhG anthropo-artiste…

Remarque finale. Puisque PhG d'une part et Thom (avec moi évidemment dans son sillage) d'autre part sont pro-Khaos  il me semble logique de parler de micro-khaos et de macro-khaos plutôt que de micro-cosmos et de macro-cosmos. Je pense qu'il y a alors une divergence de vues entre un PhG plutôt pro-macro-khaos (PhG puise son intuition au-dessus de lui en un Dieu extérieur à lui qui le transcende) et un Thom plutôt pro-micro-khaos qui puise son intuition en un Dieu immanent sis au plus profond de lui (8), comme le montre , à mon avis, la citation "prophétique" suivante que je fais souvent :

"... en écrivant ces pages j'ai acquis une conviction; au cœur même du patrimoine génétique de notre espèce, au fond insaisissable du logos héraclitéen de notre âme, des structures simulatrices de toutes les forces extérieures agissent, ou en attente, sont prêtes à se déployer quand ce deviendra nécessaire. La vieille image de l'Homme microcosme reflet du macrocosme garde toute sa valeur: qui connaît l'Homme connaîtra l'univers. Dans cet essai d'une Théorie générale des modèles [sous-titre de SSM], qu'ai-je fait d'autre, sinon de dégager et d'offrir à la conscience les prémisses d'une méthode que la vie semble avoir pratiquée dès son origine?".



(1) Cf. mon commentaire précédent

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Chaos_(cosmogonie)

(3) PhG : "au sens que lui donnaient les Grecs d’univers clos en soi, d’entité"  ( https://www.dedefensa.org/article/notes-sur-notre-kosmos-crisique )

(4) Il est pour moi piquant de noter que l'un des principaux artisans de la profanation de Khaos en chaos est un serviteur de Dieu, l'abbé Lemaire.

(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9miurge

(6) https://www.dedefensa.org/article/mark-matrix-est-lavenir-de-sapiense

(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Baquiast

(8) Il suffit de parcourir les premières pages de "La clef des songes" (sous-titré "Dialogue avec le bon Dieu") pour voir que Grothendieck dialogue avec un Dieu enfoui au plus profond de lui-même.