Luc Meystre
11/10/2021
Quand j'étais étudiant en philo il y a quarante ans, les profs d'épistémologie ironisaient volontiers sur les scientifiques (souvent américains) qui proclament à chaque nouvelle découverte, ou même d'ailleurs en l'absence de toute découverte, que ça y est c'est prouvé, démontré, sûr et certain et le doute n'est plus permis : Dieux existe !
Chacun a ses doutes et chacun a aussi ses points de repère, alors je suis ici très fier de proclamer au monde (qui s'en fout, certes), via dedefensa, une des idées que je crois avoir comprise une fois pour toutes et dont l'apréciation pour ce qui me concerne ne variera plus : aucune découverte, aucun nouveau paradigme, ne prouvera jamais l'existence de Dieu car il s'agit de domaines et niveaux de réalités fondamentalement différents. Les scientifiques qui publient des bouquins laissant entendre le contraire sont pénibles, oiseux, ressassent à l'infini les mêmes thèmes rebattus et sont eux-mêmes dans la confusion. On peut aussi préciser qu'ils débouchent très vite sur la politique et / ou sur le spectacle à vocation commerciale, ce qui n'est pas sans rapport.
Notons qu'il s'agit souvent dans ces discours de retrouver un thème à la mode - et réellement important, certes. Exemple : la communication a pris aujourd'hui une importance décisive. Alors, on va supposer (en dehors de toute démarche proprement scientifique, bien entendu), que, avant que le monde existe, il y avait déjà virtuellement comme sa signification, son programme en quelque sorte, voire, sa finalité. Mais, ne s'agirait-il pas en l'occurrence de réinventer et reformuler quelque chose du genre : "Et le Verbe se fit chair" ? Tiens tiens, ça nous rappelle des souvenirs. Le scientifique qui s'engage sur cette voie n'a nullement prouvé que ses théories mènent à Dieu, mais bien plutôt qu'il avait déjà ce schéma chétien en tête, bien avant de poser la moindre équation. Il a juste fait un détour pour revenir à ses vieilles leçons de catéchisme. Evidemment sondiscours trouvera un immense écho auprès d'un public issu du même background culturel que lui.
Perso, comme on dit aujourd'hui, je préfère me référer aux temps où l'on considérait le spectacle de la nature, observable à l'oeil nu sans instrument et surtout sans équations, comme une "preuve" tout aussi valable de l'existence de Dieu, ou des Dieux. Ca convient tout à fait à mon tempérament mi animiste, mi druidique : je prône l'esprit des sources, des sous bois et du lard fumé, toutes choses dont la provenance et la nature divines ne sauraient absolument pas être remises en cause, par personne.
Sebastien Antoine
10/10/2021
Louis-Philippe d'Orléans a financé les agitateurs de la Révolution (Marat, Desmoulins…) pourtant il a fini lui même sur l'échafaud en 1793. En période révolutionnaire, comme l'a rappelé récement l'auteur de cet article, les évènements se jouent des hommes…C'est un bel exemple de meta-Histoire.
jc
10/10/2021
Pour moi un nombre idéal principal est fermé et le bord -la frontière- de ce nombre est le nombre véritable qui l'engendre, il en est le principe. Ainsi 1 est le principe qui engendre N, car il est le PGCD de tous les éléments de N.
Dans Esquisse d'une sémiophysique Thom tend la main aux philosophes avec ses deux axiomes: l'Acte est le Bord de la Puissance (ABP) et La Forme est le Bord de la Matière (FBM). Ainsi 1 est ici le nombre véritable qui donne forme au nombre idéal des multiples de 1, comme le bord de la statue d'airain donne forme à l'airain qu'il contient. De ce point de vue le libéralisme, qui n'a de cesse que d'abolir les frontières est absolument catastrophique (au sens usuel du terme).
Il m'a été difficile d'accepter l'idée que la singularité 1 soit un khaos. Il faut, je crois, le voir comme le nombre véritable, comme le centre organisateur qui organise en les reliant tous à lui le nombre idéal constitué de tous les éléments de N*, comme le logos qui donne consistance au topos constitué de ces éléments, topos qui serait sans cela un chaos au sens usuel, alors que, grâce à ce logos, ce topos devient un cosmos. Ce qui est à mes yeux essentiel est que le lien qui relie à 1 tous les éléments de N* assure une continuité entre les éléments de N (cette continuité de N est en fait beaucoup plus riche, comme on le voit en structurant N en reliant par une flèche l'entier p à l'entier q dès que p divise q (tous les entiers sont reliés à 1 puisque 1 divise chacun d'entre eux).
Pour transposer à des situations biologiques et théologiques, ce logos est pour Thom l'œuf totipotent (SSM, 2ème ed. p.32), l'Être en soi -Dieu tout puissant- (ES, p.216). Et, pour moi, c'est aussi ce logos tout puissant qui informe les individus qui constituent le peuple-topos, le peuple-société, c'est ce logos tout puissant qui donne forme au peuple-société pour en faire un peuple-communauté en acte, un peuple-cosmos.
jc
10/10/2021
Ce commentaire ne concerne que la deuxième phrase de l'article :
"La méthode quantitative et grossière malgré ses finesses de maniement et d’une méthodologie prétentieuse qu’est la “science” de la statistique, largement et lumineusement mise en question par un philosophe comme Olivier Rey, donne paradoxalement en certaines occurrences des indications d’une prodigieuse importance, voire d’une vérité certaine.",
plus précisément la conférence à laquelle renvoie l'évocation d'Olivier Rey dans cette phrase.
Le θεό de théorie et le θεό de théologie ont-ils même racine?
Thom : "Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu". Quid si on remplace géomètre par arithméticien?
Dans ce qui suit il ne sera pas question de statistique mais de la différence -pour moi d'une prodigieuse importance- entre communauté et société que OR résume par la jolie formule :
"Dans la communauté "je" est le singulier de "nous" alors que dans la société "nous" est le pluriel de "je".".
En ce sens (que j'adopte) la communauté typique est pour moi la famille (ascendants, descendants) et la notion de patrie sous-entend une certaine forme de communauté, alors que la notion de nation renvoie à l'idée de société. La célèbre citation de Margaret Thatcher: "Il n'y a pas se société, il n'y a que des hommes, des femmes et des familles" se lit ainsi dans les catégories de OR: dans la société libérale telle que MT la conçoit les seules communautés sont les familles.
Dans sa vidéo "Combattre l'oligarchie (avec Natacha Polony) OR reprend une différenciation faite par Marcel Gauchet (4'40): "Dans l'état hétéronome lois et coutumes sont censées être reçues de Dieu, de la Nature ou de la Tradition, alors que dans l'état autonome ce sont les hommes qui prétendent se les donner au présent à eux-mêmes.": pour lui la patrie est un état hétéronome alors qu'une nation est un état autonome.
Mais l'autonomie et la souveraineté renvoient à l'immanence alors que l'hétéronomie n'y renvoie pas. Pour moi l'individu -du latin individuum traduction du grec atomos- autonome -individu au sens commun du terme, par exemple l'ermite autarcique- n'existe pas car il dépend de ses parents qui lui ont donné la vie et de son environnement indispensable à sa survie. Pour moi les concepts de Dieu, de Nature et de Tradition sont faits pour rendre autonome une société qui ne l'est pas afin d'en faire une communauté qui contient en elle-même son propre principe, c'est-à-dire une communauté immanente. Pour moi, au contraire de OR, c'est la communauté et la patrie qui sont autonomes, alors que la société et la nation sont hétéronomes. Pour utiliser un langage utilisé par les mathématiciens topologues, communauté et patrie renvoient à "fermé", alors que société et nation renvoient à "ouvert": avec la définition de OR la société ouverte de Popper et Soros est un pléonasme.
Dans le tome II de "La Grâce…" PhG cite un certain Daniel Vouga à propos de Baudelaire et Maistre : "Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l'Unité perdue". Comment progresser dans cette direction? En incorporant des entités imaginaires qui renforcent cette cohésion, typiquement Dieu. Cela nécessite "audace de la pensée" (pour reprendre une expression chère à PhG). Les mathématiques, technologie de l'imaginaire par excellence, ont progressé en incorporant de telles entités imaginaires dont la découverte du zéro puis des nombres négatifs (par les comptables) est peut-être la plus emblématique. Je tente ci-après d'illustrer mathématiquement les propos politico-métaphysiques ci-dessus.
Soient N l'ensemble des nombres entiers naturels strictement positifs {1,2,3,4,...} et N* l'ensemble de ceux strictement supérieurs à 1 {2,3,4…}, tous deux considérés multiplicativement. L'ensemble N* est une société/nation (dont les individus sont des nombres entiers) alors que N est une communauté/patrie dont le Dieu/patriarche est 1. On peut filer plus avant la métaphore en introduisant la notion de nombre idéal : un nombre idéal I est un ensemble de nombres entiers stable par multiplication (le produit de deux éléments quelconques de I est encore un élément de I). L'ensemble des multiples d'un nombre véritable (par exemple 2) est donc un nombre idéal, qualifié par les matheux de nombre idéal principal (dont le principe est un nombre véritable -ici 2-. Avec ces définitions N* est un nombre idéal non principal, un nombre idéal auquel il manque son principe. Ce principe peut-être considéré comme un dieu concentré en puissance qui engendre ce nombre idéal considéré comme dieu déployé en acte. Dans le cas de N et N* ci-dessus, 1 est ce dieu en puissance, singularité, dieu khaos, qui engendre le nombre idéal N (ensemble des multiples de 1) qui en est le déploiement en acte, multiplicité, dieu cosmos.
Compte tenu de ce qui précède N est un individu, un atome, un véritable individu étant un être en soi, un être qui contient en lui-même son propre principe. N*, obtenu en guillotinant 1 à N, n'en est plus un. Le 21 janvier 1793 la patrie est devenue nation, la communauté française est devenue société.
Tino Candela
09/10/2021
Je rejoint Auguste Vannier sur un point, Zemmour existe parce que les médias en ont décidé ainsi, lui laissant la parole et l'invitant "partout" ; D'autres que lui se voient interdits d'antenne et lourdement condamnés pour incitation à la haine après en avoir dit beaucoup moins !
Pourquoi ? Question très intéressante, avec une seule réponse possible, Zemmour est en mission, laquelle discutons-en (achever la sarl LePen, diviser pour règner…).
Là où je diffère d'Auguste Vannier c'est que je considère le reste du programme politique comme sans grande importance par rapport à la question fondamentale que pose Zemmour.
Georges Oc
09/10/2021
Partons de l'hypothèse que Zemmour devienne Président, qu'il organise son referendum et qu'une majorité de français choisissent l'option "immigration zéro". Quelques semaines plus tard, un bateau rempli d'immigrants - hommes, femmes et surtout enfants - arrive dans nos eaux territoriales. Il fait quoi le Z??: il remorque le bateau avec le "CharleDeGaulle" jusqu'au pays de départ?. Outre le fait que je vois mal un pays accepter de voir un bâtiment militaire français entrer dans ses eaux territoriales, je crains que ce "retour à l’envoyeur" se transforme en un remake du film "Exodus", avec cette fois-ci, un juif qui chasse un bateau rempli de musulmans (par exemple). Je n'ose imaginer ce que donnerait un tel "exploit" quand à l'image de notre pays et ses principes de droits de l'homme, auprès du monde arabe. De plus cet acte donnerait du "grain à moudre" à tous les recruteurs de frappadingues à barbe, et entrainerait le retour des attentats dans le pays.
Auguste Vannier
08/10/2021
La nullité du Zero est mathématiquement intéressante car le zero est aussi ce qui fait les grands nombre…
Mais rien de tel avec Z, et je suis étonné que Ph.Grasset si prompt à voir à juste titre le virtualisme de la "Communication", ne semble pas y prêter attention dans ce phénomène Français complétement fabriqué par l'oligarchie propriétaire des media qui le font exister.
Certes, diversion, stratégie macronienne éculée, mais surtout une aberration à peine politique, intellectuellement délirante. Une bulle qui crèvera dès que le candidat virtuel énoncera les propositions concrètes du candidat réel (si jamais il se déclare).
Comment peut-on imaginer que les Français laisseront faire ça, eux qui jusqu'ici ont toujours empêché le Le Pen d'aller au bout…malgré la "sagacité" des sondeurs (propriétés de l'oligarchie aussi).
Alexis Toulet
08/10/2021
Le texte du colonel Lang n'est pas très clair il faut le reconnaître, mais il a bien valeur ironique. Lang ne s'est pas transformé en Dr Folamour.
Il le clarifie plus loin dans les ccommentaires
A un interlocuteur qui lui dit vouloir que les États-Unis défendent la liberté de Taiwan, il répond "C'est votre position, mais ses conséquences sont effroyables", précisant ensuite "Vous ne comprenez pas à quel point"
A un autre qui propose de laisser Chine et Taiwan résoudre leurs différents seuls, il répond "C'est exactement ce que je dis, il ne faut pas intervenir sinon ça nous explosera au visage, et les Chinois ont des armes nucléaires"
Il poursuit l'ironie devant un autre, mimant le personnage du général fou Buck Turgidson du film Dr Folamour : "Si nous les atomisons les premiers, je ne dis pas que nous ne serons pas ébouriffés. Mais dix millions, vingt millions de morts au maximum. Si tout va bien"
C'est son véritable objectif : mimer la folie guerrière de Turgidson, pour provoquer un effet de recul.
Reconnaissons qu'il a manqué son coup. La plupart des lecteurs l'ont compris au premier degré.
jc
08/10/2021
Tentative d'explication du wokenisme dans le cadre thomien précédemment esquissé.
Thom explique dans son article la fascination de l'oiseau par le serpent "par le fait que le serpent évoque la forme archétype du ver, donc de la proie. Mais la taille du serpent en fait un prédateur, d'où la paralysie du jugement de l'oiseau". Qu'est-ce qui pourrait expliquer chez les woke/woken une paralysie de jugement?
J'avance l'idée d'une catastrophe de conflit* dans laquelle le bloc BAO va éventuellement passer de dominant-prédateur à dominé-proie, catastrophe précédée de crises -catastrophes virtuelles selon Thom- qu'on peut interpréter comme des ébauches de solutions pour atténuer ou prévenir cette catastrophe, les woke/woken choisissant la créolisation et la repentance pour atténuer une catastrophe pour eux consciemment (woke) ou inconsciemment (woken) inéluctable (typiquement Mélenchon) d'autres croyant à la possibilité d'éteindre ces crises en évitant la catastrophe de l'effondrement de la civilisation judéo-chrétienne et gréco-romaine (typiquement Zemmour).
*: D'une façon générale Thom distingue les catastrophes de bifurcation (catastrophes locales, "bêtes") et les catastrophes de conflit (catastrophes globales, "intelligentes"). Cf. AL p.160.
jc
08/10/2021
Dans l'article éponyme Thom qualifie une crise de catastrophe virtuelle qui se manifeste pour prévenir de la possibilité de catastrophe réelle de plus en plus imminente à mesure que les crises se multiplient. Il note que la crise peut se résorber sans laisser aucune trace, qu'elle n'est pas inéluctablement suivie d'une catastrophe. Il me semble que les bandes sonores (une bande, puis deux, etc. ,puis cinq) placées sur les routes, qui sont des signes qui signalent un danger incitant à ralentir, illustrent bien d'une part la différence entre crise et catastrophe et d'autre part le fait que la crise n'est pas nécessairement annonciatrice d'une catastrophe réelle (efficacité des panneaux routiers). Apprendre à reconnaître les signes de crise est codifié dans le code de la route et cet apprentissage est jugé par la société indispensable pour obtenir le permis de conduire. Thom mentionne Lénine qui disait du véritable homme d'état qu'il devait "entendre pousser l'herbe": je ne suis pas convaincu que E. Macron soit un véritable homme d'état.
À mon avis Guénon insiste plus sur cet aspect de la crise dans "Le règne de la quantité..." que dans "La crise du monde moderne", les crises étant dans "Le règne…" les signes des temps. "Le catastrophique monde moderne" plutôt que "La crise du monde moderne"?
Il m'apparaît de plus en plus nettement que Thom considère que l'être vivant a la capacité d'éviter les catastrophes maléfiques parce qu'il a la capacité de les anticiper. Cette capacité conduit à une théorie de l'évolution des espèces qui diffère de l'approche darwinienne où, essentiellement, seuls sont sélectionnés ceux qui survivent aux catastrophes :
"Un darwinien orthodoxe dira que seuls survivent les systèmes pour lesquels cette adaptation [par apprentissage] est suffisamment réalisée… Mais chez les animaux supérieurs nous savons parfaitement qu'il y a apprentissage par l'affectivité: les choix malheureux conduisent à la douleur, les choix heureux au bien-être. À la sélection par la mort a succédé la sélection par l'affectivité." (AL p.159)
Mais il existe des catastrophes bénéfiques. C'est pourquoi, à la suite de PhG, je me réjouis des crises qui affectent le Système. Car c'est ainsi que j'applique à la sociologie la dernière phrase de "Crise et catastrophe": "Ainsi la crise apparaît comme le facteur essentiel du progès biologique et peut-être, en fait, de tout progrès."
jc
07/10/2021
Je commençais à rédiger un commentaire en partant de l'idée de fascination (une douzaine d'apparition du terme dans l'article) en partant de l'idée de la bêtise des wokenistes comme une paralysie de jugement analogue à celle de l'oiseau fasciné par le serpent quand, cherchant sur la toile des raisons expliquant ce comportement de l'oiseau, je suis (re)tombé sur un article de Thom de 1976 intitulé "Crise et catastrophe" qui fournit un cadre explicatif général des crises qui naissent, se développent, s'éteignent actuellement un peu partout dans le monde. Extraits:
"Des états à morphologie locale fluctuante, que j'ai qualifiés de "catastrophes virtuelles", se présentent aussi dans les sociétés avant les grands changements sociaux. La formation de groupuscules contestataires instables, sitôt dissous, sitôt reformés, est un symptôme d'instabilité profonde auquel tout homme politique doit prendre garde.";
"On posera en principe que la crise comporte toujours un élément subjectif, elle ne peut apparaître que chez un être pourvu de conscience.";
"... définition: est en crise tout sujet dont l'état, manifesté par un affaiblissement apparemment sans cause de ses mécanismes de régulation, est perçu par le sujet lui-même comme une menace à sa propre existence.";
"Finalement la crise chez l'être vivant doit toujours être rapportée à une défaillance dans ses mécanismes de régulation.";
"Ainsi la crise apparaît comme le facteur essentiel du progrès biologique et peut-être, en fait, de tout progrès." (dernière phrase de l'article).
https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1976_num_25_1_1379
jc
07/10/2021
[Complément à Vérité et réalité.
1. En maths le passage de la géométrie 2D ou 3D à l'algèbre est une stylisation (on s'exprime par signes -sonores ou visuels- en prononçant ou écrivant des mots les uns après les autres), donc un allègement qui tente d'exprimer en 1D l'essentiel d'un paysage plus complexe puisque multidimensionnel. Exprimer n'allant pas sans comprimer, sauver l'essentiel exige de la finesse. Esprit de finesse: chevau-léger, logocrate(?), esprit de géométrie: cuirassier, topocrate (?).
2. Pour moi le "supérieur" du franciscain "la réalité est supérieure à l'idée" doit être lu comme "antérieur" : la réalité précède ontologiquement la vérité, elle est première par rapport à la vérité (qui passe au second plan).]
Je remue ici les idées qui suivent depuis longtemps. L'idée de ce commentaire et de son titre m'est venue de l'audio-vision de la conférence du philosophe-mathématicien Olivier Rey intitulée " Quand le monde s'est fait nombre" dans laquelle il dit (à 37'25):
"Maintenant je suis très gêné par cette utilisation tous azimuts du mot société, en particulier en anthropologie et en ethnologie, où on va parler des sociétés primitives et où finalement, par le seul usage de ce mot, on projette sur ces mondes-là des catégories qui n'y ont absolument pas cours [ici la communauté] et on gomme complètement, justement, la grande différence qu'il y a entre la forme communautaire et la forme sociale des groupements humains.".
Un changement de catégories implique un changement de vision du monde, un changement de paradigme (typiquement, dans le cas considéré par Rey, un passage du communautarisme à l'individualisme -il précise que le latin individuum est la traduction du grec atomos).
Guénon s'appuie sur les catégories d'Aristote pour qui la catégorie première, antérieure à toutes les autres, est la substance (ulè) (traduite en français par matière, traduction malheureuse selon RG). Dans "Le règne de la quantité..." RG distingue la quantité continue -l'étendue cartésienne- et la quantité discrète, qu'il assimile au nombre (chap. II): "la quantité se présente à nous sous des modes divers, et, notamment, il y a la quantité discontinue, qui est proprement le nombre, et la quantité continue, qui est représentée principalement par les grandeurs d’ordre spatial et temporel . (...) Descartes, qui se trouve au point de départ d’une bonne partie des conceptions philosophiques et scientifiques spécifiquement modernes, a voulu définir la matière par l’étendue.".
Ce que Descartes a voulu faire, Thom l'a fait :
"Pour moi, l’aporie fondamentale de la mathématique est bien dans l’opposition discret-continu. Et cette aporie domine en même temps toute
la pensée." ;
"Il est curieux de voir comment Aristote a ostracisé le concept d’espace, en lui substituant, pour les besoins de sa métaphysique substantialiste, un « lieu » attaché à chaque entité. Cette exclusion de l’étendue — qui a eu, il faut le reconnaître, sur les origines de la Mécanique des effets assez désastreux — n’en a pas moins eu des conséquences heureuses. Car en dévalorisant l’étendue spatiale, Aristote a, par compensation, pensé tous les problèmes des entités mentales sous la catégorie du continu. Il est sans doute permis d’interpréter l’aristotélisme comme une lente reconquête — une réappropriation — de l’espace qu’on s’était par force empêché de voir
au départ."
"Il me semble qu’il y a au cœur de l’aristotélisme un conflit latent (et permanent) entre un Aristote logicien, rhéteur (voire même sophiste, quand il critique Platon et les Anciens) et un Aristote intuitif, phénoménologue, et topologue quasiment malgré lui. C’est avec ce second Aristote (passablement méconnu) que je travaille, et j’ai tendance à oublier le premier. Il a espéré faire la jonction à l’aide du concept de séparation, fondamental dans sa Métaphysique."
"(...) reste l’opposition Platon-Aristote. En dépit de mon admiration pour ce dernier, je reste platonicien en ce que je crois à l’existence séparée (« autonome ») des entités mathématiques, étant entendu qu’il s’agit là d’une région ontologique différente de la « réalité usuelle » (matérielle) du monde perçu. (C’est le rôle du continu — de l’étendue — que d’assurer la
transition entre les deux régions.)".
(Il est très clair pour Thom que le continu est l'être premier, être qui précède ontologiquement le discret. Seul un penseur du continu peut penser le mouvement et résoudre les paradoxes de Zénon, et, a fortiori, seul il peut penser le changement. (Il faudrait relire attentivement ce que dit RG à ce sujet dans "Principes du calcul infinitésimal"). Pour Thom ce qu'on perçoit visuellement (en 2D ou 3D) ou auditivement ce sont avant tout les singularités. Pour lui les mots sont des singularités logologiques (néologisme maison) qui reflètent ces singularités topologiques.)
Serge Laurent
05/10/2021
C'est vrai que le wokenisme sombrera vite dans le ridicule. Mais l'antiracisme restera, et le féminisme aussi. Par contre, je ne suis pas certain que le retour des Maurras, Bainville et de Mestre soient fait pour durer. Maurras faisait un pietre catholique. Mais avec le couple Éric Zemmour/ Stéphane Bern on a une fine équipe pour sauver la France, le roi, et la foi catholique. Ces pitres ont tout pour nous convaincre de ramener Charles X ou de recoller Louis XVI, et notamment, Bolloré. Les monarchistes zombies sont en marche.
jc
05/10/2021
Je poste ici à la suite d'une interview parue dans Front populaire de Michel Onfray et Stéphane Simon intitulée "Alain de Benoist: "C'est la notion même de vérité qui s'efface". Je poste ici après une recherche de l'occurence vérité et réalité via le moteur de recherche du site, et m'arrête à cet article parce que le "situation" de "vérité de situation" renvoie pour moi à "situs" puis à "analysis situs" qui anciennement désignait en mathématiques ce qu'on désigne maintenant par topologie. Car ce qui m'intéresse ici c'est le rapport de la vérité à la réalité.
Depuis plus de cinq ans que je fréquente ce site (sans me lasser) je crois que le nombre de fois où PhG débusque la réalité -la vérité de situation- derrière la narrative -la vérité selon une logique humaine pervertie- est presque innombrable tellement il est grand.
Dans ce qui suit mon propos est d'argumenter la modification du titre en "Dorénavant la notion de vérité s'efface -sans disparaître- au second plan, laissant apparaître au premier plan la réalité". Sans être certain d'avoir bien compris la métaphore des chevaux (léger et cuirassiers), j'associe spontanément le topos de topologie à cuirassier et le logos à léger. C'est comme ça, au flair, que j'interprète le dernier paragraphe :
"Le chevau-léger s’en tire toujours par une pirouette tandis que le cuirassier poursuit sa course effrénée. Le chevau-léger tourne, le cuirassier charge. Sans doute sont-ils tous les deux nécessaires, et un peu fous bien entendu. (C’est la pirouette dont je parlais.)"
C'est pour moi un bouleversement considérable dans la façon de penser occidentale depuis Aristote car la rationalité "logique" des Lumières s'efface devant une nouvelle rationalité topo-logique. Les philosophes belges Dominique Lambert et Bertrand Hespel ont annoncé depuis quelques temps déjà ce bouleversement dans un article paru en 2012 intitulé "De la logique de la contradiction à la topologie de la conciliation" (*), dont l'introduction et la conclusion sont lisibles par les non scientifiques. Ils montrent comment surmonter l'abandon du principe de non contradiction, principe qui semble devoir être abandonné si on veut, parmi bien d'autres, comprendre le comportement du chat de Schrödinger et du chat de Thom. (DL et BH ne parlent pas de Thom. Thom qui, lui va encore plus loin que la topo-logique, à savoir la morpho-logique et l'embryo-logique, et ce depuis beaucoup plus longtemps que DL et BH, puisque ça remonte au milieu des années 1960.)
J'ai rappelé plus haut que le pape François a édicté pour l'Église catholique le nouveau principe "La réalité est supérieure à l'idée" qui, selon moi, s'oppose presque frontalement à "Et le Verbe s'est fait chair" (**), nouveau principe que, dans le cadre ci-dessus je reformule: "La réalité topo-logique (voire embryo-logique) est supérieure à la vérité logique". Pour moi, de quoi lire ou relire l'encyclique "Laudato si" avec ça en tête, ou plancher sur une encyclique Fides et ratio.1.
En reparcourant les commentaires de cet article je constate que ce principe franciscain me taraude depuis un certain temps. En fait tout ce que j'ai écrit ci-dessus je le ressasse depuis longtemps et ai fait ici de nombreux commentaires souvent décousus à ce sujet. Celui-ci me paraît moins décousu, plus achevé et, le dernier mais pas le moindre, dans le droit fil du sujet qui intéresse ici Alain de Benoist.
(*) https://www.qwant.com/?q=laLambert+hespel+topologie+conciliation+logique+contradiction&t=w/
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ENTRETIEN paru dans le e-journal de Front Populaire.
L’essayiste Alain de Benoist fait le pari du temps long, de la mise en perspective, du contexte et du recul critique. Autant de rouages salutaires pour espérer gripper la grande lessiveuse de l’information instantanée. Nous l’avons interrogé pour son livre d’entretiens avec Nicolas Gauthier, Survivre à la désinformation (éd. La Nouvelle librairie).
Alain de Benoist : "C’est la notion même de vérité qui s’efface"
Front populaire : La constatation de fond qui préside à votre livre est que « trop d’information tue l’information ». Pouvez-vous nous expliquer ce paradoxe ?
Alain de Benoist : Cela n’a rien de paradoxal. Trop d’images banalise l’image, trop d’informations tue l’information. On est là devant un exemple typique de contre-productivité telle qu’Ivan Illich a pu la décrire : la voiture est censée permettre de nous déplacer plus vite, mais quand il y a trop de voitures personne n’avance plus dans les embouteillages. Dans une optique voisine, rappelez-vous de ce qu’Alexandre Soljénitsyne disait à sa sortie d’Union soviétique dans son célèbre discours de Harvard : « Je viens d’un pays où on ne pouvait rien dire, et j’arrive dans un pays où on peut tout dire – mais où ça ne sert à rien ».
La profusion d’informations nuit à la compréhension. On en a un exemple frappant avec l’actuelle crise sanitaire : nous avons entendu depuis deux ans des milliers d’informations et d’opinions, généralement contradictoires (y compris entre spécialistes), et en fin de compte personne n’y comprend plus rien. Au trop plein s’ajoute encore l’impossibilité de hiérarchiser les informations selon leur importance. Dans la presse écrite, on peut encore présumer qu’un événement rapporté en première page est plus important qu’un événement signalé en page 23 (mais même là il y a des exceptions). La télévision, elle, hiérarchise selon les critères qui lui sont propres : elle préfère toujours mettre en vedette des informations à fort contenu émotionnel, lacrymal ou spectaculaire, même si leur importance réelle est à peu près nulle. Enfin, sur Internet et sur les réseaux sociaux, c’est le brouillage total.
FP : Vous expliquez que le métier de journaliste demande l’humilité alors qu’il y règne plutôt un surcroît de prétention. Comment définiriez-vous le rôle d’un journaliste ?
ADB : J’ai bien conscience que répondre à cette question relèverait avant tout du wishful thinking. La plupart des journalistes sont des gens qui ont entendu parler de tout, mais qui ne connaissent rien. Ils forment une caste tournée vers elle-même, à qui l’esprit critique fait défaut parce qu’ils sont sous l’influence de l’idéologie dominante (qui est toujours l’idéologie de la classe dominante). De surcroît, ils vivent dans l’immédiateté : la nécessité d’« informer » au plus vite leur interdit le recul nécessaire à la réflexion. C’est pour cela que les esprits libres sont extrêmement rares parmi eux et qu’ils pratiquent abondamment l’autocensure.
La grande nouveauté en matière de censure est que celle-ci ne provient plus fondamentalement de l’Etat, traditionnellement chargé de veiller à l’ordre public et aux « bonnes mœurs », mais des médias eux-mêmes, qui forment la principale caisse de résonance du politiquement correct et sont les premiers à organiser les chasses aux sorcières contre ceux de leurs confrères qui tentent d’aller à contre-courant. Les médias jouaient autrefois un rôle de contre-pouvoir. Ils sont aujourd’hui le relais sinon le moteur des nouvelles censures. C’est un changement radical, dont beaucoup n’ont pas encore pris conscience.
FP : La révolution numérique a permis de faire sauter la chape de plomb du journalisme institutionnel, et vous y voyez plutôt un progrès. La « réinfosphère » et « l’info dissidente » doivent-elles pour autant être prises pour argent comptant ?
ADB : Je me félicite de voir fleurir des sources d’« info alternative ». Le problème est qu’il ne suffit pas d’aller à l’encontre du « discours officiel » pour être de ce seul fait plus crédible. La « réinformation » se pose en contraire de la désinformation, mais elle peut être aussi bien être une désinformation en sens contraire. Bien des sites « conspirationnistes » en témoignent.
FP : Le double phénomène de surabondance de l’information et de multiplication des canaux de transmissions n’entraîne-t-il pas une horizontalité des points de vue et un relativisme généralisé ? Est-ce qu’on appelle désormais la « post-vérité » ?
ADB : Oui bien sûr, mais le problème est en réalité plus grave. C’est la notion même de vérité qui s’efface, d’abord parce que dans les débats actuels, on ne s’intéresse plus à ce qui est vrai et à ce qui est faux, mais à ce qui est ou non conforme au « bien » tel que le définit l’idéologie dominante (c’est l’« empire du Bien » dont parlait Philippe Murray), ensuite parce que le réel disparaît de plus en plus par rapport au virtuel et au simulacre. Je renvoie ici aux travaux de Jean Baudrillard, mais aussi à ce que disait Guy Debord : « Dans le monde actuel, le vrai n’est plus qu’un moment du faux ». C’est cet écart au réel que les gens constatent lorsqu’ils confrontent ce qu’ils voient autour d’eux tous les jours et ce qu’en disent les médias. On ne peut donc pas s’étonner que la défiance dont font l’objet les hommes politiques, les partis, les institutions, et les « experts » en tous genres, se double désormais d’une défiance gravissime à l’égard des médias.
FP : Chacun reconnaît qu’un citoyen éclairé doit pouvoir s’informer convenablement pour penser le monde qui l’entoure. Or, est-ce encore possible lorsque faire le tri et prendre du recul devient un parcours du combattant méthodologique ?
ADB : Le « citoyen éclairé » censé pouvoir s’informer convenablement et rationnellement fait partie de la mythologie issue de la philosophie des Lumières, au même titre que les « choix éclairés » du consommateur, les vertus supposées de la « concurrence pure et parfaite », la « vérité du marché » et autres calembredaines. L’homme n’est pas pure raison. Il y a toujours en lui une part d’irrationnel, qui tend à faire primer la réaction immédiate sur la réflexion. Raison de plus pour l’aider à y voir plus clair, y compris en lui-même !
Didier Favre
04/10/2021
Stéphanie Roza assimile les identités wokénistes aux identités traditionnelles. Elle considère les deux comme un retour au passé et un rejet de l’universalisme des Lumières.
Bock-Côté pose des questions relevant du bon sens et de l’observation. Roza avoue implicitement ne rien comprendre à la situation quand elle déclare « … c’est compliqué… », « … c’est la gauche qu’ils détruisent…. Être féministe, c’est déconstruire un discours, déconstruire une idéologie, ce n’est pas déconstruire les gens. » Fascinantes réponses de Roza. Elle fait du wokénisme (déconstruire une idéologie) en le niant (déconstruire les gens). Le résultat est « c’est compliqué. »
Roza associe la French Theory à Heidegger et Nietzsche, considérés conservateurs à des penseurs conservateurs passés chez Deleuze, Derrida, Foucault (elle les considère également comme des conservateurs ?) L’ultralibéralisme de Marcuse et Adornau reste à démontrer. Pourquoi ne pas considérer Hegel et Marx comme des conservateurs dans ce cas ? Elle va jusqu’à associer les wokénistes aux conservateurs et ultra-conservateurs.
Je suspect que toute personne respectant les faits et la réalité est un facho pour tout woke qui se respecte. Ils sont dans la réalité subjective (le mensonge et l’erreur d’interprétation y sont impossibles). Tout rappel du réel s’y oppose et l’opprime si mon soupçon est correct. Tout porteur d’une intrusion du réel devient, dans ce cadre et par son action, une personne à supprimer à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen car introduisant une oppression intolérable dans la réalité subjective. Dans cette même veine de ma pensée, un facho désigne tout oppresseur au sens woke du terme et totalement indépendamment des opinions politiques de la personne concernée.
C’est ennuyeux voire dangereux de se faire traiter de facho car cela est faux à priori mais il est impossible de se défendre contre ce type d’accusation.
Le résultat pour un wokéniste est qu’il a efficacement rejeté une attaque contre sa réalité subjective, il l’a implantée dans l’esprit d’un autre et l’a désorienté quelque peu. Le rejet de l’objet de son fantasme a progressé et cela représente tout ce qu’il vise. Il a déconstruit un adversaire et démontré la supériorité de la réalité subjective (fantasmée) sur le réel.
Personnellement, je dépose aux pieds de Descartes (Je pense donc je suis) la responsabilité de ce désastre. Il est totalement dans ce « Cogito ergo sum ».
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