jc
17/12/2020
À ma connaissance Thom n'utilise que deux fois l'expression "Et le verbe s'est fait chair". C'est dans SSM, une fois au tout début du dernier chapitre "Pensée et langage" de la deuxième édition (entièrement remaniée par rapport à la première), et une autre fois en épigraphe du chapitre "Modèles locaux en embryologie" où l'on "voit" effectivement le verbe se faire chair, en particulier dans la section "Chréodes génitales" (2ème ed., pp.190 à 193). C'est tellement frappant sur les figures que Thom se sent obligé de préciser (1): "... on a la configuration typique en champignon ... (il est inutile de rappeler à ce propos, qu'un champignon bien connu s'appelle Phallus impudicus)".
En linguistique ce "Et le verbe s'est fait chair" devient "Et le verbe s'est substantivé". Et Thom de remarquer qu'il est effectivement très courant de substantiver un verbe, mais qu'il est très rare de verbaliser un substantif : "Boycott, Lynch en anglais, Limoges en français ne font pas le poids." (ES, p.196). (Personnellement je remarque qu'il est très facile de verbaliser un substantif qui a été substantivé : c'est le retour à la case départ. Ainsi entre fin et finir, entre but et débuter, j'ai l'impression qu'on est dans le cas de l'œuf et de la poule : on ne sait pas qui a commencé. 21) ).
(1) Les figures dont parle Thom proviennent de la théorie des singularités structurellement stables. Ce ne sont pas les classiques équations "bitte-couilles" qui circulent chez les potaches.
(2) Thom consacre quelques lignes à ce problème (SSM, 2ème ed. p.226) : "la poule et l'œuf ne sont que des sections temporelles d'une configuration globale dont le centre organisateur n'apparaît jamais, autour duquel l'onde de croissance tourne indéfiniment.
jc
17/12/2020
Acte fondateur : séparation ou réunion ? Si le Créateur est un séparateur, il semble assez naturel que ses créatures le soient également…, et que sa Création achevée soit pure séparation, pure division, pure entropisation.
Dans le monde des humains il me semble qu'on se réunit d'abord autour d'un projet, et que la réalisation du projet se mesure à l'énergie potentielle du groupe rassemblé autour de ce projet, énergie destinée à s'actualiser et à prendre forme au cours de sa réalisation : puissance -> acte et matière -> forme. De ce point de vue les limites (frontières fermées) sont faites pour éviter que l'énergie initiale se dissolve à l'infini : limites adaptées à la taille du projet. Les frontières sont faites pour permettre de se sédentariser, seule(?) façon de réaliser un projet, que celui-ci soit réel ou virtuel : la réalisation d'un projet se fait toujours "intra muros", même si parfois, les murs sont grands.
Je trouve intéressant de rapprocher cette façon de mûrir un projet puis de le réaliser avec la façon dont Thom construit la mathématique à ses yeux essentielle : "Nous allons nous efforcer ici de construire la mathématique essentielle à la manière d'une cosmogonie. Au commencement était le temps." (AL, p.316)
Et donc ensuite sera l'espace (1). Thom fait "fort spéculativement" une analogie entre le temps et les bosons d'une part et l'espace et les fermions d'autre part. (AL, p.325). Un Dieu-Déesse Janus, Dieu diviseur, Déesse rassembleuse ? Ça me plaît bien.
Thom : "(...) à beaucoup d'égards, l'ontologie, c'est l'obstacle.". Mais pas à tous ?
Le pape François a édicté quatre principes (2). Le premier d'entre eux est : "Le temps est supérieur à l'espace".
(1) Car il faut de l'espace pour réaliser un projet. Il m'apparaît nettement (hic et nunc, demain étant un autre jour) que Caïn est Kane (féminin) et Abel est ... Abel (masculin). Kane aurait-elle tué Abel ? Cf. le best seller Kane and Abel, by Jeffrey Archer.
(2) https://www.cath.ch/blogsf/les-quatre-principes-de-francois/
jc
17/12/2020
Les positions d'Aristote et de Thom me semblent être conformes à celle de la Bible (début de la Genèse) : "Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres." Le Dieu de la Bible fondamentalement diviseur ?
Pourquoi pas un Dieu rassembleur, un Dieu pour qui l'acte fondateur serait une réunion ?
Thom : "Ici l'entéléchie sépare ... mais si le mouvement avait lieu en sens inverse ... l'entéléchie réunirait." (ES, p.186)
jc
17/12/2020
Le globalisme et la société ouverte de Popper-Soros est sur la défensive, le retour des frontières étant dans l'air du temps. Tout récemment les chiens de garde du Système se sont déchaînés sur François Ruffin (1) parce qu'il avait osé parlé de frontières, et parce que, consciemment ou non, ils assimilent pavloviennement (ô que c'est adverbe est ici bien choisi, et le verbe pas mal aussi) frontière à fermeture.
Il y a deux ans j'ai acheté "L'éloge des mathématiques" d'Alain Badiou et en même temps (expression à la mode) "Éloge des frontières" de Régis Debray; pour la même raison : savoir si Thom y était cité, et, si oui, en quels termes (la réponse a été doublement négative). Pourtant les frontières ont constitué la préoccupation fondamentale de Thom, qu'elle soit mathématique ou philosophique :
"En vérité, il existe une réelle unité dans ma réflexion. Je ne la perçois qu'aujourd'hui, après y avoir beaucoup réfléchi, sur le plan philosophique. Et cette unité, je la trouve dans cette notion de bord. Celle de cobordisme (2) lui était liée." ,
et il a même énoncé deux axiomes reliant topologie et philosophie aristotéliciennes (Aristote topologue) (3) : l'axiome ABP "l'Acte est le Bord de la Puissance" et l'axiome FBM "la Forme est le Bord de la Matière", deux axiomes visiblement destinés à être portés à l'attention des philosophes.
Pour en revenir aux chiens de garde, la réponse de RD est limpidement contenue dans le titre du chapitre II : "Au début était la peau", qui suggère avec insistance d'une part que si nous n'avions pas de peau, alors nous n'aurions pas de pot (ça se discute), c'est-à-dire que nous ne serions pas, ou si peu, car dilués dans le grand Tout, et d'autre part que la peau est une frontière qui dispose d'orifices -dont certains sont pourvus de sphincters- qui permettent d'échanger avec l'extérieur sur le mode potentialisation/actualisation (5), ce qui renvoie aux axiomes thomiens.
Et le titre du dernier chapitre "La loi de séparation", semble rejoindre "L'acte fondateur sépare" de Thom et "L'entéléchie sépare" d'Aristote.
Il faudra que je m'y replonge.
(1) https://www.liberation.fr/france/2020/12/02/frontieres-ruffin-accuse-de-jouer-la-carte-rn-par-la-macronie_1807462
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Cobordisme
(3) Dans ES Thom essaie de débusquer un Aristote topologue "passablement méconnu" (p.245)
(4) Il faudrait que je m'y plonge, mais, autant je me suis facilement plongé dans "L'éloge des maths" par le philosophe Badiou (parce qu'il s'exprime comme un matheux), autant j'ai du mal avec le philosophe Debray et son "Éloge des frontières (parce qu'il s'exprime plutôt comme un poète).
(5) C'est le cheval de bataille de Stéphane Lupasco (parmi d'autres) http://tiersinclus.fr/
jc
17/12/2020
PhG : "Aucune des forces en présence ne semble avoir, ni la capacité, ni même le projet, de tenter d’y rétablir un semblant de stabilité, sans parler de l’ordre et de l’harmonie (...) Reste une seule idée saine, qui se devine et se nomme ‘sécession’."
Que j'interprète : L'empire globalisé se décompose, et l'air du temps est à l'exit (Br,T, Fr, etc.), à la sécession, à la relocalisation, à la refondation, au ré-enracinement, au retour des frontières. Pour Thom, à la suite d'Aristote, l'acte fondateur est une séparation (1). Éloge des frontières ? Le mot pour moi le plus important est celui de projet ("ni même le projet"). Quel a été le projet des globalistes (je parle au passé décomposé) ? Quel est celui des localistes ?
Thom : "Le "rejet" devient "projet"." (2)
(1) Aristote: "L'entéléchie sépare"; Thom: "L'acte fondateur sépare". Cf. ES. chap.7.
(2) "De l'icône au symbole", MMM.
jc
16/12/2020
[Je me suis souvent demandé pourquoi la traduction française était "Au commencement", car, si la cause est finale, le principe peut être à la fin. C'est, je crois, ce que suggère Thom à la conclusion de son incursion en "métaphysique extrême"]
PhG : " "Au commencement était le Verbe", murmura un évêque qui avait mené la charge de la modernité au Concile Vatican II et en avait oublié comment l’on se signe."
Que la substance puisse précéder l'essence peut choquer. Je comprends que ma position Matérialiste (M majusculé, j'y tiens) puisse heurter ici. Pour moi, un socialiste est quelqu'un qui fait passer l'intérêt collectif avant son intérêt individuel. C'est ainsi que je conçois un militaire dans une armée de métier : quelqu'un qui fait passer l'intérêt de la patrie avant son intérêt propre, et ce jusqu'au sacrifice suprême. Je pense que les femmes sont naturellement socialistes en ce sens qu'elle sont génétiquement programmées pour faire passer l'intérêt collectif (leur progéniture) avant leur intérêt individuel. Mais, pour moi, si l'on veut réunir les nationalistes, les patriotres, les matriotes, et autres pour chasser la bête immonde, il faut que la "gauche" complètement paumée actuellement, puisse retrouver une place.
Pour utiliser un vocabulaire que PhG affectionne, ma position Matérialiste est tactique, voire stratégique, mais certainement pas ontologique. Je m'explique.
Pour Aristote la substance est ce qui se tient au-dessous. Elle tient pour cette raison un rôle particulier dans sa liste des catégories; c'est le substrat dont les autres catégories , dont l'étendue, ne peuvent être que des attributs; c'est pour cela, je crois, qu'on a taxé Aristote de matérialiste (et qu'on aurait dû taxer de Matérialiste, ce qu'il est, à mon avis). Topologue et penseur du continu comme, selon lui, Aristote, Thom refuse le choix de ce dernier et met en-dessous l'étendue, refusant ainsi qu'elle soit un prédicat de la substance. Mais l'étendue -le continu- n'est pas de ce monde; c'est une donnée mystique, hors substrat, du ressort de la métaphysique extrême, de la théologie. cela permet à Thom d'y développer "hors substrat" ses Idées platoniciennes, c'est-à-dire sa théorie des catastrophes, ce que ne peut pas faire Aristote, coincé par son choix (et qui refuse les idées de son maître Platon). Thom développe tout ça dans ES (j'espère ne pas avoir fait de contresens…).
Guénon est aristotélicien. Pour lui l'étendue -le continu- est un prédicat de la substance. Il s'ensuit que pour lui le continu est une quantité (chap II de "Le règne…"), au même titre que le discontinu qu'il assimile au nombre. Ce n'est pas le cas de Thom qui, malgré son admiration pour Aristote, n'est pas aristotélicien. (Je rappelle que pour Thom c'est l'opposition continu/discontinu qui domine toute la pensée.)
C'est maintenant le continu (qui doit être vu comme élastique indéfiniment déformable sans jamais se rompre) qui joue le rôle de la substance et le discret qui joue le rôle du verbe, le discret étant une marque qui émerge du continu par invagination. Ainsi en se mangeant elle-même la droite, continu 1D, s'invagine sur elle-même pour faire apparaître en fin de phase d'invagination -en un retour au centre organisateur qui est le verbe-, la singularité pli. C'est ce que dit poétiquement Paul Valéry dans le cimetière marin : "Hydre absolue, ivre de ta chair bleue, Qui te remords l’étincelante queue". Jean-Pierre Petit est peut-être le meilleur connaisseur in the world de 'invagination en 2D : https://www.jp-petit.org/nouv_f/lacan_jpp.pdf
jc
16/12/2020
PhG : “la seule chose dont on est assuré désormais dans le flux dynamique des connaissances scientifiques, c’est qu’au plus ces connaissances progressent dans une mesure exponentielle gigantesque comme elles font, au moins on est assuré de la véracité de cette dynamique et de la vérité de ce qui en est produit” ; "
Thom :
1. "(...) si la science progresse, c'est en quelque sorte par définition. Alors que l'art et la philosophie ne progressent pas nécessairement, une discipline qui ne peut que progresser est dite scientifique. De là on conclura que le progrès scientifique, s'il est inévitable, ne peut être le plus souvent qu'illusoire."
2. "J'appelle « progrès essentiel » en Science toute modification de la nomologie qui permet une résorption considérable de l'accident qui lui est
expérimentalement attaché."
3. "Lorsqu'on a compris – à la suite de T. S. Kuhn – le caractère « automatique » du progrès scientifique, on se rend compte que les seuls progrès qui vaillent sont ceux qui modifient notre vision du monde – et cela par l'élaboration de nouvelles formes d'intelligibilité. Et pour cela il faut revenir à une conception plus philosophique (voire mathématique) des formes premières d'intelligibilité. Nos expérimentateurs, sempiternels laudateurs du « hard fact », se sont-ils jamais demandé ce qu'est un fait ? Faut-il croire – ce qu'insinue l'étymologie – que derrière tout fait, il y a quelqu'un ou quelque chose qui fait ? Et que ce quelqu'un n'est pas réduit à l'expérimentateur lui-même, mais qu'il y a un « sujet » résistant sur lequel le fait nous apprend quelque chose ? Telles sont les questions que notre philosophe devra constamment reposer, insufflant ainsi quelque inquiétude devant le discours volontiers triomphaliste de la communauté scientifique. Bien sûr la Science n'a nul besoin de ce discours pour continuer. Mais il restera peut-être quelques esprits éclairés pour l'entendre, et en tirer profit."
4. "Ainsi la fonction originelle d'une philosophie de la nature sera-t-elle de rappeler constamment le caractère éphémère de tout progrès scientifique
qui n'affecte pas de manière essentielle la théorie de l'analogie."
5. "La science, actuellement, est une gigantesque industrie, dont le seul principe directeur est l'expérimentalisme ; la maxime directrice est : « Tout ce qui peut se faire doit être fait ». Il ne s'agit là – en fait – que de la poursuite du besoin exploratoire déjà présent chez l'animal."
Je rappelle à ce propos que l'œuvre majeure de Newton est intitulée : Principes mathématiques de la philosophie naturelle, et que ces Principia ont eu une influence considérable sur la science moderne, quantitative, prédictive et expérimentale (toute intuition, toute spéculation est systématiquement rejetée si elle n'est pas confrontée aux fameux "faits" (cf. 3)
(...) le but ultime de la science n'est pas d'amasser indistinctement les données empiriques, mais d'organiser ces données en structures plus ou moins formalisées qui les subsument et les expliquent. Dans ce but, il faut avoir des idées « a priori » sur la manière dont se passent les choses, il faut avoir des modèles. Jusqu'à présent, la construction des modèles en Science a été avant tout une question de chance, de « lucky guess ». Mais le moment viendra où la construction des modèles elle-même deviendra, sinon une science, du moins un art ; ma tentative, qui consiste à essayer de décrire les modèles dynamiques compatibles avec une morphologie empiriquement donnée, est un premier pas dans l'édification de cette « Théorie générale des Modèles » qu'il faudra bien construire un jour." (Je rappelle que SSM est sous-titré : "Essai d'une théorie générale des modèles".
PhG : “La seule chose dont je suis assuré pour mon compte est que les sciences ont totalement perdu leur prétention à l’objectivité vertueuse, que je ne veux plus par conséquent envisager la véracité et la vérité des sciences ;"
La coupure galiléenne a eu pour effet de faire de l'objectivité une chasse gardée de la science (bien entendu moderne) et de repousser les philosophes dans la forteresse de la subjectivité*. La physique quantique sème actuellement -et heureusement- le trouble dans la science "dure" moderne, car elle pose la question du lien -peut-être très fort, voire infiniment fort- en sujet et objet, entre observateur et observé. Sans doute la science dite "molle", qui sait ça depuis toujours, se dit-elle enfin : "enfin !".
*: Thom : "(...) Les Philosophes ont abandonné aux savants la Phusis et se sont repliésdans la forteresse de la subjectivité. Il leur faut réapprendre la leçon des
Présocratiques, rouvrir les yeux grands sur le monde, et ne pas se laisser impressionner par l'expertise souvent dérisoire d'insignifiance de l'expérimentateur. Inversement la science doit réapprendre à penser."
jc
16/12/2020
1. C'est ce qui semble ressortir et de la conclusion et de mon commentaire "Qu'est-ce que la toute puissance de Dieu ?" (écrit avant d'avoir lu cet article).
2. La science actuelle me fait peur, en particulier la biologie, qui étudie le vivant avec des concepts matérialistes du XIXème siècle qui postulent l'inertie de la matière, c'est-à-dire que la matière n'est pas vivante (la matière n'est pas la Matière). Je n'arrive pas, ces jours-ci, à me sortir de la tête que les vaccins de nouvelle génération, les vaccins ARN, sont des vaccins qui ne sont pas naturels comme ceux où on injecte une forme affaiblie du virus, où on reste entre soi, dans l'auto-immunité, dans l'immanence. Ce sont des vaccins artificiels, transcendants à la nature humaine, qui forcent la nature à obéir à la raison humaine; c'est une situation qui me renvoie d'une part au forcing de Cohen utilisé par Badiou, d'autre part au début de la préface à la deuxième édition de la kantienne "Critique de la raison pure" :
"Ils [les savants de l'époque] comprirent que la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après son propre plan, qu’elle éprouve le besoin de prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements d’après des lois constantes et de contraindre la nature à répondre à ses questions, mais qu’elle ne doit pas se laisser conduire seulement par elle, comme en lisière ; (...) La raison (...) doit s’approcher de la nature, certes pour être instruite par elle, mais non toutefois comme un élève, prêt à entendre tout ce que le maître veut,mais en la qualité d’un juge en exercice, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu’il leur soumet."
jc
15/12/2020
L'avantage essentiel que je vois à la "religion" thomienne (c-à-d au Matérialisme laïque?) c'est qu'en plus d'une idée de Dieu (comme dans les trois religions abrahamiques), elle fournit les 7 premières marches de l'échelle de Jacob qui permet d'y accéder (à une infinité de marches, bien sûr), ces sept premières marches étant liées aux 7 catastrophes élémentaires. Car l'Être en soi de Thom est stratifié en couches d'êtres :
"En ce qui me concerne, je préfère croire à un réel – non globalement accessible parce que de structure stratifiée – dont l'herméneutique de la TC
permettrait de dévoiler progressivement les « fibres » et les « strates ». Mais tout progrès dans la détermination d'une telle ontologie stratifiée en
« couches » d'être exigera :
i) L'emploi de mathématiques pures spécifiques – parfois bien difficiles – dans les théories jusqu'ici purement conceptuelles des sciences de la signification ;
ii) La reprise d'une réflexion philosophique sur la nature de l'être que les divers positivismes et pragmatismes ont depuis bien longtemps occultée."
Examinons la zéro-ième strate. C'est la catastrophe de potentiel V(x)=x², très rapidement considérée par Thom, car triviale, à laquelle Thom associe le verbe être et le substantif être. La théorie générale (thomienne) du déploiement universel (1) dit que cette catastrophe ne se déploie pas, autrement dit que l'être existentiel (l'être substantif) ne se différencie pas de l'être essentiel (le verbe), encore autrement dit que le verbe est la chair et la chair est le verbe, que le bonbon ne se décolle pas du papier et que le papier ne se décolle pas du bonbon. En termes de Spinoza (tout être persévère en son être, alias tout être substantif, tout être qui a de la substance, est structurellement stable) cela signifie que cette catastrophe reste égale à elle-même si on la perturbe; c'est la définition du roc, et c'est la pierre sur laquelle Thom bâtit son église. Pour ceux qui n'ont rien compris, ce qui précède est un mixte de jargon de matheux et de métaphysiciens qui se résume à : si on essaye de perturber cette zéro-iéme catastrophe par ex. par un coup de pied, il ne se passe rien pour cette catastrophe (mais pas nécessairement pour celui qui a donné le coup de pied) : elle persévère dans son être.
Examinons la première strate, qui est la catastrophe de potentiel V(x)=x³. Si on la perturbe, alors elle se déploie en W(x)=x³+ax, a paramètre réel. Il faut la comprendre comme un être vivant -un chat par ex. qui réagit quand on le perturbe en agitant sa queue (2) ax, qu'elle agite en faisant bouger son paramètre a (dit paramètre de contrôle) avec son joystick interne (Thom ne le dit évidemment pas en ces termes). C'est l'être vivant le plus frustre qui soit (1), qui ne peut réagir que de deux façons : disparaître ou apparaître (je suppose que sa réaction naturelle est de se cacher si on cherche à le perturber). Thom appelle cette catastrophe la catastrophe pli. Quand elle se déploie, le verbe se fait chair, elle s'actualise. Quand elle se replie, la chair se fait verbe, elle se potentialise et se met à l'affût, en stand-by, en puissance, prête à re-bondir ultérieurement pour attaquer ou se défendre. On fait donc sur cette première catastrophe de la métaphysique extrême, de la théologie à taille humaine.
La deuxième strate est la catastrophe de potentiel V(x)=x³. Je ne l'ai pas encore vraiment comprise mais je ne désespère pas d'y arriver. C'est la catastrophe fronce, catastrophe que Thom lie à la prédation, à la base de l'embryologie animale.
Les autres catastrophes sont et resteront intellectuellement hors de ma portée mathématique. Les trois catastrophes les plus compliquées sont les catastrophes ombilic, que Thom qualifie de sexuelles, la dernière étant la catastrophe ombilic parabolique -sur la 7ème marche de l'échelle de Jacob-, appelée aussi catastrophe champignon, voire (par Thom lui-même) catastrophe phallus impudicus. Il est clair pour moi que dans cette religion l'harmonie masculin:féminin est essentielle, ce n'est pas une religion machiste, Dieu n'est ni masculin, ni féminin, Dieu Janus androgyne, peut-être.
Remarque; On a donc au bas de l'échelle de Jacob une hiérarchie de petits dieux -des petits curés bien vivants, par opposition aux grands cardinaux zombies de Badiou-. hiérarchie qui constitue les basses couches de la stratification en couches d'êtres du Dieu de Thom.
(1) Niveau médaille Fields, très au-dessus du mien.
(2) Métaphore due à l'anglais Christopher Zeeman, adepte enthousiaste de la théorie de Thom dès la première heure.
(3) Je pense qu'il n'est pas stupide de conjecturer que la difficulté qu'il y a à pieger la "matière" quantique réside en ce qu'elle est élémentairement vivante (je pense aux expériences d'Alain Aspect).
Disciple égaré
15/12/2020
Bonsoir, moi même feuilletant aujourd'hui un enième rapport de think tank, avec longues listes d'intervenants en annexe, me suis-je dit que le nombre de personnes jugeant avoir quelque chose à dire ces temps ci était simplement gigantesque, et que cela posait question. La parole est dévaluée, mais pourquoi? Qui écrit doit aujourd'hui se demander s'il est bon qu'il écrive, aux vues du volume d'inanité disponible. Et donc comment être utile, audible, en écrivant. Comment être sûr que l'on a des choses 'à dire'? Comment retrouver une parole rare? Ma réponse, ce soir: en fonction des responsabilités que l'on exerce. Mais pas seulement. Être responsable ne veut pas dire avoir un beau titre, ou de grandes responsabilités. Parler valablement, pour moi, doit exiger de parler de manière responsable, et donc en s'acquittant honorablement 'de ses responsabilités', d'où que l'on prenne 'la parole'. Chacun étant unique, nous avons tous, en fait, quelque chose à dire de valable, d'utile, d'essentiel. Et c'est donc toute la tragédie de ce bavardage insupportable de nombreux experts répétant tous la même chose, déplorant qui la Chine, qui la Russie, qui, qui, qui… Etre responsable en prenant la parole, c'est dire la vérité, à temps et à contre-temps. A cette condition, toute parole est audible. Toute communication est attendue et contribue au bien commun.
Geo
15/12/2020
Pourquoi ne pas intégrer ce cerveau universel à 15 milliards d'autres? Reste qu'il vous sera beaucoup pardonné pour avoir imaginé cet écrin au panache de Cyrano.
jc
15/12/2020
Je crois bien que la bonne réponse est celle de Francis Blanche dans son fameux sketch avec Pierre Dac en ce qui concerne les trois grandes religions monothétistes. Même le Christ en croix aurait dit : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Tant qu'on n'agit pas, on peut dire tout ce qu'on veut (et donc le contraire de tout).
L'Être en soi de Thom est lié à sa théorie de l'analogie, théorie selon lui immanente (1). Il écrit : "Si l'on veut faire une théorie de l'analogie, il faut faire une théorie fine des actions." La religion de Thom ferait-elle mieux que les trois religions monothéistes ?
(1) Thom : "Le monde de l'analogie est un monde qui porte son ontologie en quelque sorte avec soi."
Remarque sur l'opposition immanence/transcendance.
Quand on dit d'une idée qu'elle est très haute, on pense, je crois, à une idée qui nous transcende, et j'imagine bien les philosophes penser ainsi les Idées platoniciennes vues de leur caverne de Platon. Les matheux -qui sont, je crois, très majoritairement platoniciens- parlent, eux, d'idées très profondes, comme sorties de la profondeur d'eux-mêmes. Je crois que ça saute aux yeux dès le début quand on commence à lire "La clef des songes" d'Alexandre Grothendieck, sous-titré "Dialogue avec le Bon Dieu".
jc
15/12/2020
Symboliquement : de omicron à Oméga.
L'être en soi de Badiou c'est o (omicron) en puissance et O (omacron) en Acte : de o à O, du rien en puissance (l'ensemble vide) on obtient le Tout en acte (l'Univers de la théorie des ensembles) qui est fondé sur le rien rt qui n'est par conséquent pas grand chose).
L'être en soi de Thom c'est A (α majuscule) en puissance et Ω en acte (1).
Le théo de théologie s'écrit θεο en grec (ancien?) alors que celui de théorème s'écrit θεώ. Un rapport ?
(1) 1. Dans son adolescence Thom était favorable à l'éternel retour : cf; la fin de son interview par Nimier (http://denise.vella.chemla.free.fr/extraits-Thom.pdf).
2. Dans la citation suivante il semble laisser le problème ouvert :
"Une forme ne peut apparaître en tant que phénomène que par les perturbations qu'elle cause dans la propagation spatiale d'un flux. Toute forme peut ainsi être conçue comme une figure due à l'arrêt momentané (autour d'un obstacle) d'un flux, partant d'un point-amont a et s'écoulant vers un point-but v. Qu'on doive identifier a à v, c'est là un point que je laisse à mes auditeurs de décider…"
Rapport entre cette citation et l'ontologie ? Thom écrit ailleurs : "(...) à beaucoup d'égards, l'ontologie, c'est l'obstacle."
3. La fin de son "échappée en Métaphysique extrême" de ES (1988) (cf. la fin de Badiou.3) suggère qu'il est arrivé à la conclusion que Ω était différent de A. La citation suivante me conforte dans cette idée : "(...) il m'est difficile de voir pourquoi un être pleinement différencié ne pourrait être immortel." (1968, SSM)
Francois Desbordes
15/12/2020
Il s'agit en fait d'une micro-nouvelle de Fredric Brown, intitulée "Réponse" ("Answer" en VO) datant de 1950, figurant dans pas mal d'anthologies.
http://devernay.free.fr/reponse.html
https://www.bustle.com/p/this-one-page-fredric-brown-story-from-1950-is-basically-a-way-more-disturbing-version-of-black-mirror-7928810
jc
15/12/2020
Je pense que MO n'est pas un laîque profane (ce n'est pas un bouffeur de curé) car il y a clairement pour moi chez lui un respect du sacré (Épicure?). Si le nihilisme de Nietzsche est ce qu'on en dit alors il n'y a quelque chose qui ne colle pas. (Je n'ai pas lu une ligne de Nietzsche. Pour moi, instinctivement, je le mets dans le même sac que Cantor, Gödel et Boltzmann (illustres crètins qui ont finis fous).
Les adhérents de FP ont la possibilité de proposer des articles pour publication dans la revue. J'ai proposé celui-ci il y a quelques mois (je ne l'écrirais pas comme ça aujourd'hui). Je rappelle que MO a toujours énergiquement refusé de se présenter à la présidence de la République, lui préférant sans hésiter son "petit Liré" de girondin.
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jcm (abonné), retraité, commentateur sur FP.
Coordonnées (pour le bureau de FP seulement) : ???????
Présentation: Quarante ans d'enseignement/recherche en mathématiques. Passionné (et fasciné) par l'œuvre philosophique de René Thom.
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Titre: VIème république: une monarchie populaire ?
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En parcourant, il y a plus de dix ans, " L'homme sans gravité " du lacanien Charles Melman, j'ai été frappé et marqué par la phrase suivante: " La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel ". Il ne fait guère de doute pour moi que le pouvoir laïc qui a cours en France depuis la révolution française a laissé au fil du temps une place de moins en moins importante au pouvoir symbolique, pouvoir réduit, selon moi, à sa plus simple expression sous les législatures des pragmatiques Sarkozy et Macron (au fond, la seule période de la Vème république où j'ai senti la présence d'un pouvoir symbolique a été celle de Charles de Gaulle - qui a eu le temps de méditer sur le sujet entre le 18 juin 1940 et le 8 janvier 1959 -).
L'intérêt d'un pouvoir symbolique est qu'il permet d'éviter d'avoir recours à un pouvoir réel, pouvoir réel qui, selon moi, ne peut jamais être autre que le pouvoir de la force et de la contrainte (physique et/ou économique et/ou financière) exercé par une élite, pouvoir barbare qui, in fine, se tapit presque toujours - sinon toujours - derrière la soumission/servitude volontaire à la loi. Un avantage (le seul ?) des pouvoirs traditionnels tirant leur légitimité d'une autorité transcendante - le pouvoir royal en France par exemple - est peut-être là : aider à maintenir l'ordre social par un pouvoir symbolique qui prédit dans l'au-delà le ciel à ceux qui respectent la loi divine et l'enfer à ceux qui ne la respectent pas (la présence des églises permet d'économiser celle des postes de police, des gendarmeries et des casernes…).
Restaurer un pouvoir symbolique nécessite de restaurer le sacré et la foi en ce sacré. Est-ce possible sans faire appel à une autorité transcendante, autrement dit est-ce possible dans un cadre immanent - laïcité oblige - où le peuple va puiser au fond de lui-même sa propre autorité symbolique ? C'est avec cette question à l'esprit que je propose que la VIème république soit une monarchie populaire.
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Versailles, galerie des glaces, le 14 Juillet 20??, coucher du soleil. Chaque commune a déjà élu son baron et sa baronne, chaque canton son vicomte et sa vicomtesse, chaque département son comte et sa comtesse, chaque région son duc et sa duchesse. Il reste à élire le couple royal. Un jeune enfant plonge la main dans une corbeille contenant les noms des quatorze couples ducaux (les cinq régions ultramarines étant, pour l'occasion, réunies en une seule), en ressort un papier qu'il déplie et lit : un nouveau couple royal est élu pour un an. Les conditions d'éligibilité étaient : être de nationalité française, être élève de CP (1) dans une école de la république et être inscrit au tableau d'honneur de sa classe.
Suit alors immédiatement la cérémonie d'allégeance. Le président de la VIème république (2) met un genou au sol devant le couple royal qui pose la question: Michel, est-ce que nous pouvons avoir confiance en toi ? Si ta réponse est oui alors dis-le, relève-toi, étends tes mains au dessus de nos têtes et dis: Je le jure".
Le nouveau couple royal ouvre alors le bal du 14 juillet.
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À moindre frais (un drapeau tricolore orné en son centre d'une fleur de lis naturelle, une modification de la devise - je propose Unité-Harmonie-Diversité -) on rétablirait ainsi solennellement en France une cause finale sacrée - celle de la France travaillant pour ses enfants et ayant foi en eux - et le peuple français pourrait alors commencer à se détourner de l'idéal de puissance par la technique sacralisée (3) qui a actuellement cours dans le monde pour se tourner vers un idéal d'harmonie (4), le jeune couple royal rappelant en permanence aux françaises et aux français qu'ils ont non seulement une raison (cartésienne) mais aussi et surtout un cœur (pascalien) (5).
(1) De sexe masculin pour le roi et de sexe féminin pour la reine…
(2) Je vois le président, premier personnage de l'État, comme un président du conseil constitutionnel aux compétences élargies, porte-voix et porte-plume du peuple, en constant dialogue avec lui, seul habilité à déclencher des référendums - certains imposés par la constitution - , dominant les trois présidents des pouvoirs (indépendants) législatif, judiciaire et exécutif (et présidant périodiquement le conseil des présidents).
(3) Toutes les civilisations ont, d'une manière ou d'une autre, sacralisé la nature. Toutes sauf notre civilisation judéo-chrétienne finissante qui a choisi de sacraliser ce qui la désacralise, à savoir la technique. (Jacques Ellul, cité de mémoire)
(4) En commençant par les harmonies homme/femme et masculin/féminin…
(5) Antonio Damasio (L'erreur de Descartes, Spinoza avait raison) - et d'autres - m'ont convaincu que ce qui nous meut, ce n'est pas la raison, ce sont les émotions (c'est une évidence étymologique), la raison n'étant pour moi, au fond, qu'une déontologie dans l'usage des émotions.
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Épilogue ???
"Le Couesnon dans sa folie mit le Mont [Saint Michel…] en Normandie." ??? (Hervé Billy)
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