Olivier le verseau
04/08/2021
Impossible donc de ne pas réagir comme suggéré…
Vous me permettrez de reprendre votre propos au fil de l’onde.
Je crois que je ne surprendrai personne, vous comme la plupart de vos lecteurs , en annonçant que nous partageons certaines « sensibilités » comme celle que vous rapportez en citant Michel Onfray : le panache (cette pointe « aiguë » de l’art d’être français).
Ah le panache de Cyrano de Bergerac ! Je l’avais redécouvert en visionnant le film du même nom et interprété de façon géniale par notre Depardieu national ( enfin franco russe à présent).
Je ne suis pas issu de l’aristocratie, pour autant , je revendique la valeur de cette qualité.
Ce panache se rapproche à mes yeux d’un certain code de l’Honneur avec un H majuscule. (de ces valeurs aspirées par « le vide engendrée, principalement par la totale disparition du sens résultant de la complète disparition du sacré ») .
Un honneur à défendre , coûte que coûte, comme les poilus de Verdun quand ils hissaient le drapeau sur la colline… et quelle tragique beauté devaient-ils contempler de là-haut ! Juste avant de mourir ...
« Ni rire ni pleurer mais comprendre ».
Résister ou se suicider.
Pour résister, il est indispensable de « croire », et se suicider est toujours un acte de défaite.
Résistons donc ! La tête haute.
Et faire appel à une puissance supérieure (j’ose le singulier comme les alcooliques anonymes) est bien l’ultime secours en ces temps d’effondrement.
Merci encore Monsieur Grasset pour vos écrits revigorants et salvateurs !
jc
05/08/2021
Sur le site de Front Populaire dont Michel Onfray est co-fondateur vient de paraître une critique bienveillante de "La place de l’homme dans la nature" par Alain de Benoist, livre que j'ai commandé parce que Thom y est cité et que je suis curieux de voir comment AdB utilise Thom pour appuyer sa position spéciste (le cas si j'en crois la "critique bienveillante") (https://frontpopulaire.fr/o/Content/co594255/la-place-de-l-homme-dans-la-nature).
En parcourant le Wikipédia de AdB, je note :
1. "Selon le site Buzzfeed, il [AdB] apporte son suffrage à Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle française de 2017, en raison de son virage « populiste » lors de la campagne présidentielle. Il change d'avis lorsque ce dernier se détourne de sa stratégie politique ;" ;
2. "Répondant à Michel Onfray, qui estime qu'Alain de Benoist a évolué, Renaud Dely [qui sévit dans le 28' d'Arte dont le président du conseil de surveillance est BHL] conclut: « Alain de Benoist a évolué : il n’a sans doute jamais été aussi proche du discours du Front national » " .
Je note d'autre part, sous la plume de Dominique Jamet : "Il est de fait qu’Alain de Benoist, Philippe de Villiers et quelques autres, venus de loin, ont manifesté leur intérêt et leur sympathie à la création de Front populaire" (https://frontpopulaire.fr/o/Content/co79586/le-coup-de-pied-de-kahn).
J'ai du mal à voir pourquoi AdB et Éléments s'intéressent à l'auteur de "Cosmos : une ontologie matérialiste" (PhG : "Ces singulières conditions nous conduisent irrésistiblement, volens nolens, à solliciter, consciemment ou plus souvent inconsciemment, l’explication de forces supérieures, ce qui se déduit du jugement conclusif d’Onfray (« Ni rire ni pleurer, mais comprendre comme on dit en citant Spinoza… », et pour “comprendre” se tourner vers l’explication hypothétique des “forces supérieures”), mais selon une piste bien paradoxale pour lui qui ne cesse d’écarter cette sorte d’“explication”.). Essai de formation d'un TSM (Tout Sauf Macron) ?
jc
05/08/2021
PhG : "lequel [effondrement] s’effectue néanmoins, à mon avis inexorablement, par le vide qu’elle [cette civilisation] a engendrée, principalement par la totale disparition du sens résultant de la complète disparition du sacré comme conséquence directe de la monstrueuse puissance de sa technique (d’où l’équivalence surpuissance-autodestruction).".
PhG : "La « conception jubilatoire de la fin d’un monde », l’« apocalypse joyeuse” » comme « produit d’une transfiguration festive du ‘tædium vitae’ », qui sont les expressions employées (par Taguieff) pour notre événement ne rendent pas vraiment compte du sentiment que je cherche à définir.".
Ces expressions employées par Taguieff et leur contexte ne me laisse guère de doute : pour moi Taguieff associe l'apocalypse à une fin de monde, à un baisser de rideau. Quid de PhG (après avoir souligné que pour moi, depuis que j'ai fait l'effort de remonter à l'étymologie du mot, l'apocalypse est indissolublement lié à un dévoilement, un lever de rideau)?
PhG :"J’y vois plutôt, pour le sentiment que j’en éprouve dans les moments les plus forts, une sorte de “bonheur fou”, le sentiment d’une transfiguration, d’une transmutation, le sentiment d’une splendide victoire sur quelque chose de profondément mauvais, sentiment d’autant plus élevé qu’est grande la résistance de la puissance maléfique qui fait tenir encore cette civilisation, bien que d’une façon dystopique, comme un cul-de-jatte marchant sur sa tête, comme une poule décapitée continuant à courir.".
L'impression que me laisse cette dernière citation ? Que pour PhG, le rideau finit de se baisser (une sorte de "bonheur fou") et qu'il [PhG] est dans un entre-temps (kairos?) où le temps suspend son vol, entre-temps pendant lequel le décor change avant le lever de rideau sur l'acte suivant de la pièce dont nous sommes en même temps acteurs et spectateurs (PhG : "le fait de se voir spectateur de l’élément [évènement?], directement et instantanément").
Ivan-Ivan Chasseneuil
05/08/2021
L'épreuve des faits est cruelle.
Onfray se croit grand - mais quand le monde qui s'effondre ne peut être tenu à distance, quand on ne peut pas contempler le sublime et qu'on subit soi-même la catastrophe, il faut peut-être basculer de la position de spectateur dédaigneux qui ne risque rien au stoïque - enfin, si on ne peut être stoïcien.
Cyrano est toujours resté grand.
Onfray est terrorisé quand le Covid l'attrape. Sa peur extrême le conduit à une trahison de tous ses idéaux passés : désormais il faut la police pour réformer les moeurs, imposer par la loi la vaccination à tous - en dépit des données scientifiques qui indiquent que cela ne fonctionne pas. Cet homme qui écrit plus vite que son ombre, parce qu'il a lu beaucoup, croit comme Start Up Ducon, qu'il peut se faire lui-même virologue, épidémiologue, vaccinologue, spécialiste de santé publique simplement parce qu'il a vu BFM TV. Que ne s'est-il pas reclus pendant un lustre au fin fond de son cabinet pour étudier la matière ? Il serait sorti de sa caverne autrement moins ignare, en pouvant conserver sa mesure au lieu d'être conduit par ses passions.
Cette crise fait tomber toutes les idoles. Rien ne résiste : les partis politiques, le système de contre-pouvoirs, tous les organismes publics, les médias, les hauts et petits fonctionnaires, les médecins qui ont trahi leur serment d'Hippocrate et refusé de soigner, les penseurs, les philosophes, les profs qui ont activement fait du mal à leurs élèves au lieu de les défendre, les syndicats, les petits et grands patrons tous achetés et leurs employés mis au chômage partiel achetés aussi, les associations, les artistes qui n'ont rien créé durant cette période fabuleuse pour la création mais ont touché sans rechigné les aides, les citoyens de base qui se jettent sur les boucs émissaires livrés en pâture par les puissants, tout ce petit monde grisé par le "miracle" (sic) de la vaccination, les solutions simples, une vision simpliste de la science et de l'existence. Rien n'a résisté. C'est un paysage dévasté que l'on contemple.
Et l'on se dit : quoi ! La France, c'était donc cela ?
C'est beau à voir, quand même : des gens résistent. Des individus sont nés, des gens qui ne croient plus en rien s'ils ne l'ont pas vu de leurs propres yeux, des gens qui doutent, en s'appuyant sur des sachants enfin sortis de leur tour d'ivoire. Une exigence de vérité dans cet univers factice. Des gens qui veulent voir et comprendre malgré toutes les narratives. Des gens qui doivent prendre des décisions qui les engagent pleinement, loin des mots.
C'est une période intéressante. Je n'aurais jamais cru vivre un truc comme ça de ma vie : la déraison déréglée qui déferle et emporte tout sur son passage, sans que rien ne puisse lui faire obstacle. Ce mécanisme dévoilé et désormais au grand jour.
Sebastian Haffner dans son Journal d'une jeune Allemand a dit quelque chose comme ceci à propos de la fameuse année 29 : ce fut une année où les Allemands ont perdu toute mesure et se sont livrés avec enthousiasme à la folie en oubliant toutes leurs traditions, toute leur culture, tout ce qui faisait socle pour eux, les vieilles valeurs qu'ils vénéraient hier.
laodan
05/08/2021
Cher Monsieur Grasset,
J'observe depuis longtemps, et de loin le brouhaha enveloppant les sociétés occidentales atomisées, et j'entends maintenant leur rugissement woke qui ne contient plus aucune trace de sens. Cela m'amène à mediter vos paroles « jamais il n'a été plus nécessaire de croire pour trouver du sens ».
Croire… Mais diable; croire en quoi ?
Ce rugissement woke incinère en effet le sens de notre humanité !
Est-ce l'esthétisation du déclin ou de la décadence, ou bien est-ce votre intuition que la quête du savoir est notre dernière bouée de sauvetage avant de sombrer dans la folie sociétale, qui vous suggère de "solliciter, consciemment ou plus souvent inconsciemment, l’explication de forces supérieures" ?
Cette idée d'une dernière bouée de sauvetage nous ramène en effet aux questions existentielles qui taraudent l'humanité depuis que le néo-cortex des individus leur a donné accès au pouvoir mental d'abstraction. Et nous utilisons depuis lors ce pouvoir d'abstraction pour concevoir "des visions du monde" que nous partageons avec les autres dans nos sociétés.
Il fut en effet observé dans la région tricontinentale à la fin de la longue transition, des sociétés tribales aux sociétés de pouvoir, que ce qui assure la reproduction des institutions sociétales sur le long terme de nombreuses générations, est en effet cette vision du monde partagée par tous les membres d'une société. Et ainsi est né l'âge sociétal des forces religieuses supérieures qui lient (religare) ou unissent les individus dans leurs sociétés. Par contre dans le domaine géographique de la civilisation chinoise les sociétés de pouvoir n'ont jamais ressenti le besoin de se convertir aux abstractions religieuses quoiqu'elles souscrivaient également à l'idée de forces supérieures. Elles acceptèrent l'héritage de la base de connaissance animiste qui regroupait la somme des moyens pragmatiques qui avaient été observés faciliter l'existence matérielle des individus tout en allégeant leurs souffrances.
La Modernité, et plus particulièrement le dernier avatar woke de la postmodernité, a définitivement éteint la flamme de toutes les grandes « visions du monde » que partageaient les citoyens occidentaux. Je pense plus particulièrement ici au christianisme et au marxisme. Cela signifie que plus rien ne lie (religare) ni n'unit les individus dans leurs sociétés qui étaient déjà profondément fragmentées depuis des décennies. Pire même les individus finirent séparés et parqués dans la solitude ce qu'ils tentèrent de contourner en compensant leur solitude dans la virtualité des réseaux sociaux. Mais, lorsque le virus a soudainement approfondi leur solitude, les plombs de leurs compteurs mentaux se mirent a péter les uns après les autres, laissant place à la folie sociétale.
C'est à ce stade de la réflexion qu'il m'apparait que « jamais il n'a été plus nécessaire de croire pour trouver du sens ». Croire ici, il me semble, est au sens de partager "une vision du monde" avec les autres. Ce qui, dans l'état actuel de folie au sein des sociétés occidentales, semble impliquer ce qui suit :
1. une recherche individuelle d'une "vision du monde" adaptée au contexte actuel
2. le partage, d'une "vision du monde" adaptée au contexte actuel, sera ensuite nécessairement limité à des sous-groupes
3. pendant ce temps le reste du monde, qui fut seulement converti a la Modernity récemment, va replonger en toute urgence dans ses traditions sans plus aucune attention pour ce qui se passe dans les sociétés occidentales…
laodan
Claude Huart
06/08/2021
"Ces singulières conditions nous conduisent irrésistiblement, volens nolens, à solliciter, consciemment ou plus souvent inconsciemment, l’explication de forces supérieures, ce qui se déduit du jugement conclusif d’Onfray (« Ni rire ni pleurer, mais comprendre comme on dit en citant Spinoza... », et pour “comprendre” se tourner vers l’explication hypothétique des “forces supérieures”), mais selon une piste bien paradoxale pour lui qui ne cesse d’écarter cette sorte d’“explication”."
L’explication de forces supérieures (ie : extérieures) se déduit de la tentative de comprendre qui se déploie sur le déni du rire et du pleurer. Frappés par le déni, le rire et le pleurer continuent à exercer leur influence inconsciente prégnante sur le comprendre qui ne peut qu’accoucher d’une « explication » qui ne comprend rien. Comprendre passe par la psychanalyse préalable du rire et du pleurer. Faute de cette phase interprétative, l’explication résulte d’une projection sur les forces extérieures.
Le panache « aristocratique » relève d’une posture de supériorité narcissique qui pourrait culminer jusqu’à la mégalomanie paranoïaque. L’apocalypse joyeuse relève d’une défense maniaque contre la hantise de l’effondrement. La position du surhomme retranché sur la colline qui contemple le défilement du troupeau des hommes menés par la dynamique groupale et l’illusion collective, oscille entre ces deux postures maniaque et mégalomaniaque.
L’autoanalyse permet de reconnaitre en soi ces composantes psychopathologiques maniaque et mégalomaniaque qui sont à l’œuvre dans la psychopathologie collective qui gangrène la société bourgeoise occidentale dite libérale-démocratique. Comprendre le monde contemporain consiste à se comprendre soi comme le reflet du monde : comprendre les forces intérieures.
Au cœur du noyau dépressif de la société bourgeoise occidentale se situe l’impossible résolution de la contradiction entre l’altruisme et l’égoïsme, entre la société bonne pour tous et l’aspiration au profit illimité de ses élites. Il s’agit d’une double contradiction : opposition bon/mauvais mais surtout opposition limité/illimité. La première requiert la fonction de deuil, tandis que la seconde génère la menace de la perte de toute signification, puisque celle-ci est consubstantielle de la limite. Ainsi la folie du monde ne résulte d’aucune force extérieure, mais de la psychopathologie propre à la société qui vit cette folie.
laodan
06/08/2021
@ Claude Huart; concerning "psychopathologie".
Ce dont vous parler correspond au dualisme qui est au coeur de l'axiomatique civilizationalle Occidentale qui est une des matières de mon dernier texte
The Continuum of the Cultural Field. En peu de mots ma thèse est que chaque civilization forge dans le subconscient des citoyens de chaque société faisant partie de son aire territoriale un pacquet d'axiomes qui agissent comme les axiomes en mathématique. Ce qui signifie que tout futur théorème dans notre vision sociétale du monde doit s'inscrire dans la continuity de ses axiomes civilizationels et ainsi de suite pour tout developement plus approfondi de notre vision sociétale.
Donc comme nos axiomes occidentaux sont centrés sur le dualisme nous nous positionons à tous les coups du coté du bon, du juste, du beau et ainsi de suite de sorte que nous percevons automatiquement "l'autre" qui est différent de nous comme étant du coté du mauvais, de l'injuste, du laid et ainsi de suite. Et comme nous nous croyons aussi les representants terrestres de la bonté divine nous nous sentons investi de la mission d'éliminer de "l'autre" le mauvais, l'injuste et ou le laid. Ce qui conduit a vouloir imposer notre propre vision du monde au reste de l'humanité.
Et ainsi l'esprit Occidental est-il incapable d'accepter la difference de "l'autre" et du coup est-il à chaque fois entrainé dans un conflit jusqu'a la mort de l'un ou de l'autre coté du dualisme. Par bonheur pour le reste du monde aujourd'hui les sociétés occidentales sont atomizées et les individus se considèrent-ils donc comme les détenteurs de la vérité en tous domaines. Evidemment cette atomization rend inopérationel le montage sociétal. Une parfaite illustration du comment l'incapacité sociétale actuelle conduit automatiquement a la folie sociétale est donné par la lutte contre le virus ce que vous decrivez dans votre propre modele analytique par les mots suivants :
"Au cœur du noyau dépressif de la société bourgeoise occidentale se situe l’impossible résolution de la contradiction entre l’altruisme et l’égoïsme, entre la société bonne pour tous et l’aspiration au profit illimité de ses élites. Il s’agit d’une double contradiction : opposition bon/mauvais mais surtout opposition limité/illimité. La première requiert la fonction de deuil, tandis que la seconde génère la menace de la perte de toute signification, puisque celle-ci est consubstantielle de la limite. Ainsi la folie du monde ne résulte d’aucune force extérieure, mais de la psychopathologie propre à la société qui vit cette folie."
Dans ma thèse "l’impossible résolution de la contradiction" ne réside pas "au cœur du noyau dépressif de la société bourgeoise occidentale" mais bien au coeur du système axiomatique de la civilization Occidentale elle-même.
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