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Article : Poutine civilisateur ?

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La fin et les moyens

jc

  18/05/2020

PhG: "Les hautes technologies sont un moyen, l’affirmation civilisationnelle qui tend à rompre avec l’esprit du Système, sinon avec le Système (ce sera fait lorsqu’il aura achevé son effondrement) est bien entendu une fin."

Il faut, selon moi, que ce moyen reste dissuasif, potentiel, il ne faut pas qu'il bascule en une fin en soi, alors que c'est la vocation naturelle d'un moyen (passer à l'acte, c'est abandonner la fin pour se consacrer au moyen d'y parvenir). L'équipe dirigeante russe actuelle semble en avoir nettement conscience. Qu'en sera-t-il des suivantes?

Époque, hélas révolue, où l'art et la technique étaient confondues (l'art se disait τέχνη en grec ancien), époque où la démarcation était floue entre l'activité instinctive animale et l'activité technique de l'homme, époque qui nous a laissé des chefs-d'oeuvre dont les plus récents témoins sont peut-être "nos" cathédrales. Avec l'essor des sciences expérimentales à partir du XIXème siècle la technique est devenue technologie¹ (et l'art traditionnel a fait place à l'art contemporain), l'artificiel a pris le pas sur le naturel: "Les Lumières, c'est désormais l'industrie", a dit un certain Gouhier à un Stendhal horrifié. Pour moi plus une technologie -au sens ci-dessus- est "haute", plus elle est artificielle…

(Une partie du tome II de "La Grâce de l'Histoire" est consacrée à cette distinction entre l'antique idéal de perfection et le contemporain idéal de puissance.)


¹: René Thom a proposé une classification "embryologique" des techniques, des sciences et des technologies (AL, pp.515 à 543)

Aussi vieux que l'histoire de l'Europe.

Ni Ando

  21/05/2020

Les pays tassés à l'extrémité de la péninsule européenne, regroupés dans un club (l'"Occident"), qui comprend également entre autres le Japon, les Etats-Unis, l'Australie, ... ont développé une perception très autocentrée de l'Histoire, quand ils n'ont pas même quelques rudiments de ce que fut leur propre histoire.  On peut leur rappeler qu'historiquement le terme "Occident" ne regroupait qu'une  poignée de pays (Angleterre, France, Italie, Espagne, Allemagne rhénane…) unis par l'empreinte civilisationnelle de l'empire romain.

L'histoire "occidentale" en Europe est loin de recouvrir toute l'histoire de cette partie du monde. Wikipedia: "Les Slaves apparaissent dans les chroniques aux Ve et VIe siècles lors des grandes migrations, lorsqu’ils pénètrent dans des territoires abandonnés par les tribus germaniques fuyant les Huns et leurs successeurs". Les peuples slaves existaient en Europe bien avant les chroniques du V ième siècle alors que César n'avait pas encore vaincu en Gaule. Les Slaves sont d'ailleurs, encore aujourd'hui, et malgré la saignée de la Seconde Guerre Mondiale, le plus grand groupe ethnolinguistique d'Europe.

C'est donc un trés ancien peuple qui remonte sous des formes diverses à l'aube de l'histoire europeenne telle qu'on la connait aujourd'hui. Ce n'est pas le fait du hasard que la Russie de 2020  ait une culture historique qui imprègne ses choix stratégiques et géopolitiques, ainsi que le type de relation qu'elle crée avec les autres Etats.  Poutine, comme d'autres,  est bien sûr le rejeton de cette histoire.

On trouve dans Wikipédia, en s'intéressant à l'étymologie du mot "slave", quelques précisions qui font penser que l'on peut retrouver dans l'enfance d'un peuple des caractéristiques qui peuvent perdurer des milliers d'années.

Trois hypothèses sont généralement retenues pour expliquer le mot slave, bien qu'il en existe d'autres :
 
1. La plus évidente et la plus simple consiste à rattacher le nom au vieux-slave "slava", avec le sens de "renommée", "gloire". Autrement dit, les Slaves se seraient eux-mêmes qualifiés de glorieux (comme les Celtes, le mot "kelt" ayant le sens de noble);
 2. Une autre hypothèse part du vieux-slave slovo (= mot, parole), les Slaves se définissant entre eux comme ceux qui savent parler, dont le langage est compréhensible : cette hypothèse s’appuie notamment sur le fait que dans les langues slaves le terme désignant un Allemand est dérivé d’un adjectif signifiant non-parlant : en ukrainien, en polonais, en bosniaque, en bulgare, en croate, en serbe et en tchèque, les mots nijem, niemy, němý, nemtsi signifient muet, et Nijemci, Niemiec, Němec signifient « Allemand ».
 3. L’hypothèse protochroniste prétend que Slava serait le nom originel du fleuve Dniepr autour duquel les premières traces des Slaves en Europe sont accréditées.
 
Le nom de « slaves » apparaît dans les chroniques au Ve siècle lorsque les Byzantins, et plus tard les peuples de l'ouest de l'Europe, commencèrent à entrer en relations directes avec eux. Lorsque pour la première fois au Ier siècle de notre ère, Pline l'Ancien et Tacite parlent des Veneti (Vénètes), voisins orientaux des Germains, il est très probable qu'ils se réfèrent aux Slaves. On suppose que le nom de « Vénètes » est une forme latine du nom de « Wendes » que leur donnaient les Germains. Au IIe siècle, Claude Ptolémée, énumérant les peuples d’Europe centrale et orientale, cite le nom de suovenoi proche du grec sklavenoi plus tardif, il s'agit très probablement de la première mention de la racine du mot « slave ».
 
Selon l’historien byzantin Procope de Césarée, chaque année à partir du début du règne de l’empereur Justinien, les Slaves attaquèrent l’Empire romain d'Orient, prenant de nombreux captifs et transformant les plaines des Balkans en « désert scythe ».

Les chroniqueurs grecs présentent les Slaves comme ceux « qui ne peuvent pas être réduits en esclavage ni subjugués dans leur propre pays ». Dans l’Empire byzantin, les Grecs du Moyen Âge désignaient les Slaves par le mot « sklavènes » (σϰλαϐένοι) et les esclaves par le terme « ergastes » (εργάστοι). Le mot grec médiéval « skylevô » (σκυλεύω) signifiait « piller » ou « prendre du butin ».

Ce n’est que trois siècles plus tard que le mot « slaves » sera, en Europe occidentale et non dans le monde byzantin, à l’origine du mot « esclaves », lorsque les armées franques en capturèrent beaucoup pour les vendre, entre-autres, aux Arabes d'Espagne qui les appelèrent « Saqāliba ».
 
Toujours est-il que le mot slave est à l’origine de la Slavonie, de la Yougoslavie, de la Slovaquie et de la Slovénie. C’est également lui qui a donné le français esclave (latin médiéval slavus, sclavus), de nombreux Slaves des pays actuellement est-allemands, tchèques et polonais ayant été réduits en esclavage durant le haut Moyen Âge (et notamment dans l’Empire carolingien), tant qu'ils étaient encore polythéistes. Une fois christianisés, le processus cessa.
 
Les Slaves, sous le nom d'Antes et de Sklavènes, commencent à être mentionnés par les historiographes byzantins sous Justinien Ier (527–565). Au début des guerres gothiques, Procope de Césarée signale la présence de mercenaires antes parmi les troupes du général byzantin Bélisaire chargé de reconquérir l'Italie sur les Ostrogoths. Procope écrit en 545 que « Les Antes et les Sklavènes ont eu un seul nom dans un passé lointain, car ils étaient tous appelés Spori dans les temps anciens ». Il décrit leur structure sociale et leurs croyances : « ils ne sont pas dirigés par un homme, mais vivent depuis les temps anciens dans une démocratie où tout ce qui concerne leur vie, que ce soit en bien ou en mal, est décidé par le peuple assemblé. Ces deux peuples barbares conservent depuis les temps anciens les mêmes institutions et les mêmes coutumes, car ils estiment que seul Péroun, le créateur de la foudre, est maître de tout, et on lui sacrifie des bovins et toutes sortes d'autres victimes ».
 
Procope mentionne aussi qu'ils étaient grands et robustes : « Ils vivent dans de misérables hameaux qu'ils mettent en place de loin en loin, mais, généralement, ils sont nomades. Quand ils entrent dans la bataille, la majorité d'entre eux va à pied contre leurs ennemis, portant peu des boucliers et des javelots dans leurs mains, et jamais de cuirasse. Certains d'entre eux ne portent pas même une chemise ou un manteau, mais juste des braies (comme nos Gaulois…). [... ]  En outre, ils ne diffèrent pas du tout les uns des autres en apparence : ce sont tous des gens exceptionnellement grands et vigoureux, aux cheveux clairs ou blonds, à la peau rose, mais assombrie de crasse. Pauvres, ils vivent une vie difficile, ne prêtent aucune attention au confort, ni même aux lésions corporelles… ». Les études archéologiques et palynologiques confirment ces dires : une péjoration climatique de l'hémisphère nord semble en effet être à l'origine des grandes invasions aux IIIe et VIIe siècles depuis les confins de l’Asie (où sévit durant des dizaines de décennies une terrible sécheresse avec des gels prolongés, attestés par les pollens fossiles) et depuis le Nord de l’Europe (où l’absence d’été provoqua des famines détectables par l’état des personnes alors inhumées).
 
 Etc..
https://fr.wikipedia.org/wiki/Slaves#%C3%89tymologie