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Je me permets de vous suggérer une idée

La guerre contre la Terreur est assurément destinée, dans son essence principielle, à avoir un effet absolument structurant; à créer de l’ordre, et non point du désordre, de l’harmonie, et non point du chaos. Il est hors de doute qu’elle a été conçue, de la part des dirigeants-système, et d’un point de vue opérationnel, uniquement dans ce but.

Simplement, l’ordre qui s’en engendre se manifeste dans un compartiment de la réalité qui est différent de ceux qui ont été jusqu’ici abordés (lieux de crises avec effet entropique à mesure style Moyen-Orient, Ukraine, etc.)

Ce compartiment de la réalité, c’est l’âme de l’Américain moyen, où doit s’instaurer cet ordre, et dont l’existence est, au reste, incontestable, et qui a des effets très dignes d’être examinés.

Sur le fond, ce qui importe, c’est de savoir dans quelle mesure le public américain admet (je veux dire avec sincérité, c’est-à-dire sans aucune idée critique opposée à la chose) et comme une vérité intangible, que “les Etats-unis sont en guerre contre la Terreur.” Car alors, en toute logique, une fois cette idée adoptée, les Etats-Unis deviennent comme la substantification du contraire de cette terreur dans l’âme de chacun, ils en deviennent l’opposé en quelque sorte, ils sont alors l’inverse de cet ennemi-concept, de cette Terreur. Ils en deviennent l’antonymie.

Dans le dictionnaire, les antonymes de terreur sont: Assurance - Béatitude - Calme - Confiance - Quiétude.

Disons que s’il fallait faire une campagne publicitaire (colossale…) pour convaincre les Américains, qui vivent dans une situation d’effondrement économique, de difficultés sans fin et de troubles intérieurs, que les Etats-Unis sont le havre où chacun peut vivre dans l’Assurance, la Béatitude, le Calme, la Confiance et la Quiétude, on n’y parviendrait sans doute pas. En revanche, si chaque américain accepte l’idée que “les Etats-Unis sont en guerre contre la Terreur”, on y parvient d’une autre manière, car ils doivent aussi s’infliger à eux-mêmes ces fausses vérités sans le savoir - l’un ne va pas sans l’autre - (car sinon, les Etats-Unis ne pourraient pas être en guerre contre la Terreur, on ne fait pas la guerre à ce qui ne nous est pas opposé...). 

Et si de plus, j’ajoute que la terreur peut aussi s’entendre comme “l’ensemble des mesures arbitraires et violentes qui visent à imposer un pouvoir sur une population”, chacun doit admettre aussi, parmi les citoyens américains qui se sont persuadés que “les Etats-unis sont en guerre contre la Terreur”, inconsciemment que les Etats-Unis sont de ce fait le contraire d’un Etat où régneraient les dites mesures violentes et arbitraires pour imposer un pouvoir, etc.

Bref, on a affaire à une manipulation mentale (juste un peu) subtile, opérationnalisée par les médias (qui représentent le premier moyen du pouvoir politique), et dont le résultat est de faire percevoir aux citoyens américains une image de leur nation à peu près inverse à celle que la réalité doit leur infliger. En un mot, il s’agit de créer un ordre, sous l’influence massive des médias, qui effectivement se manifeste, qui produit incontestablement une harmonie entre le psychisme du peuple et la situation intérieure, aux Etats-Unis, pour permettre aux conditions qui y règnent, de perdurer.

L’effet donc, est incontestablement structurant; et parce que le même processus s’abrite dans des millions d’âmes, il engendre un ordre et une harmonie, (et non pas du désordre et du chaos, dans ce compartiment de la réalité) même si paradoxalement, il s’agit assurément d’un effet à proprement parler pathologique qui s’y instaure, c’est à dire, dans les âmes, d’un véritable trouble du rapport au réel.

La politique américaine n’est donc pas nécessairement dénuée de sens; elle semble donner la priorité à la fraction de la réalité qui a le plus d’importance; simplement, il apparaît que les dirigeants américains ont dû se fonder entièrement sur un principe politique qui consisterait à dire: acceptons d’endurer du désordre à l’extérieur, pourvu que nous ayons de l’ordre à l’intérieur. 

Le virtualisme est donc l’instrument principal sur lequel ils comptent pour se maintenir. Toute la question est de savoir quelle est la dynamique qui va en résulter pour le système, soumis à ces forces de structuration et de destructuration.