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Article : Protectionnisme et hypocrisie

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La mesure du protectionisme est à la merci de qui ?

Francis Lambert

  16/02/2009

Tiens j’avais déjà un point de vue disponible à ce sujet, amusant les recoupements.

Le protectionisme n’est plus binaire : tout ou rien comme un blocus Napoléonien. Actuellement tous les pays sont plus ou moins protectionistes ou libre-échangistes : la question est de décider où déplacer le curseur entre ces pôles en fonction des circonstances.

Ces mots créés lors des monarchies absolues véhiculent toujours leur force suggestive extrémiste.
Heureusement la philosophie des “Lumières” a sapé les fondements de l’absolutisme : elles ont élargi le champ du possible, les libertés. Entre l’interdit et l’autorisé selon le “bon plaisir” de monarques plus ou moins ignorants la gamme des possibles s’est étendue avec la connaissance. Promouvoir uniquement le libre-échangisme ou le protectionisme c’est se réduire à l’extrême et souvent à l’extrémisme de l’ignorance. Actuellement il faut équilibrer mondialement un nombre croissant d’intérêts légitimes et contradictoires. Ceux des Nations libérées de l’exploitation d’Empires coloniaux déchus mais réduite à un bloc dont l’arrogance monopolistique est une plaie mondiale.

Reste que certains commentateurs et acteurs réduisent encore et toujours la réalité à ces extrêmes d’une liberté opposée à la protection. Le débat devient virtuel, il est tellement commode de caricaturer l’adversaire pour convaincre. Ces manipulateurs agitent ces mots comme des concepts monolithiques d’autant plus s’ils se confondent avec la binarité d’un engagement National. L’ironie de l’histoire, et les exemples sont nombreux, c’est que ces politiques abusives se retournent contre les pays qui les pratiquent ... cela peut malheureusement prendre du temps à l’exemple du tabagisme dont les conséquences sont à long terme.

Le protectionisme c’est tout un champ de mesures entre protectiolâtrie et libertolâtrie.
Le mot suggère la sécurité face à des dangers extérieurs ... une nécéssité indiscutable mais au risque d’être aussi inadaptée qu’une “Ligne Maginot” : cette protection coûteuse n’empêchant pas une catastrophe séculaire malgré les promesses vertueuses de ses promoteurs (alliés aux lobies intéressés ?) ... Hélas l’histoire n’est pas l’expérience.
Le protectionisme actuel est en fait toute un variété de mesures négociées, graduelles, adaptables au temps et à l’espace. “Négocié, variété, graduel, temporaire, géographie” on est bien dans le relatif. On quitte l’absolu pour le consensus au prix de la complexité et de longues négociations.

Le protectionisme actuel régule déjà plus ou moins bien
- les taxes d’importation et accises : le pétrole est massivement taxé ... près de 80% (imaginez notre balance commerciale à défaut !)
- les quotas absolus limitants l’import/export : ceux établis par les USA avec le Mexique et le Canada entre autres.
- les barrières administratives contestées, souvent sanitaires : boeufs aux hormones, poulets chlorés, OGM, fromages crus.
- le dumping risquant d’éliminer des productions locales ou naissantes (pays en voie de développement, secteurs jugés cruciaux ...)
- les subsides à l’exportation: comme ceux accordés à des produits agricoles par les USA, l’UE etc. ruinant l’agriculteur africain.
- les subsides directs à certains secteurs ou producteurs via des prêts ou en capital : l’antiquité automobile actuellement.
- le FOREX ou taux de change manipulant les balances commerciales : les devises “plugées” (liées) au dollar, le Yen etc.

On voit que le protectionisme est déjà fort présent dans notre réalité quotidienne, nous y baignons et le payons : faut il plus de mesures, faut il plus de participants à ces mesures, faut il les deux ou encore autre chose ?

Aussi sans protectionisme ni libre-échange il n’y a pas de marché : le marché c’est la régulation du déséquilibre de l’offre et de la demande transaction après transaction dans une conjoncture mouvante et incertaine. Un peu comme votre mise en déséquilibre vous permet de marcher pas après pas, évidemment la perte de maîtrise entraîne votre chute. Le marché marche de même sous notre régulation constante aux circonstances sinon le crash est certain. Nous vivons d’ailleurs le crash d’une globalisation sans régulation à sa mesure. Nos Nations toujours aussi dépassées et éperdues pourront elles se réguler par consensus hors de leur atavisme d’asservissement ?

Attention aussi :
- L’excès ou le manque de consensus déclenche une logique de rétorsion et d’escalade : on affaiblit impitoyablement ses propres intérêts (au profit d’intérêts tiers qui le suggèrent malignement ?). L’URSS était un parangon de protectionisme, les USA démontrent l’inverse et surtout depuis Nixon avec la fin de Bretton-Woods II qui a déclenché une spéculation financière démesurée initiée via le flottement des devises.  Mais je quitte le sujet.
- le protectionisme c’est surtout une limitation ou un coût directement imposé au consommateur ou au contribuable.
- Bien des gens l’exigent ingénument sans comprendre son lien avec l’inflation ni le chomage au travers de l’escalade conflictuelle des mesures protectionistes.
- Les restrictions sont souvent réclamées par les lobbies au bénéfice d’entreprises privées ou d’état, de monopoles et de corporations. En remède à leurs échecs ou pour leur intérêt, rarement pour le bien des citoyens ... mais évidemment en s’abritant derrière nos craintes et en abusant notre ignorance par un déluge de publicité fantasmatique : “la Com des MBA”. (“Bush the kid” a été le premier président US avec un “Mater of Business Administration” ! ... Bravo Harvard)

Heureusement nos experts Nationaux n’arrêtent pas de démontrer leur anticipation et leur mesure.

Evolution

Christophe Cordier

  16/02/2009

Merci pour toutes vos analyses pertinentes.
Continuez à Nous éclairer. Nous en avons besoin.

Vous décrivez bien les mécanismes aujourd’hui déstructurants, qui nous ont pourtant permis de développer les outils nécessaires à notre Evolution.
Aujourd’hui , nous luttons avec nos propres démons. Vous nous aidez à percevoir les valeurs et les formes d’organisation qui feront la société de demain.

Demain, en dépassant cette Epreuve, Nous serons enfin entrés dans le 3è millénaire.