jc
10/03/2020
Je venais à peine de poster mon commentaire de l'article "Notes sur une patience enfuie" dans lequel je m'interrogeais sur l'autorité spirituelle de l'église orthodoxe sur l'actuel pouvoir temporel russe quand est paru cet article au titre guénonien "Quand la quantité devient qualité" (qui m'a aussitôt inspiré pavloviennement le titre ci-dessus), article qui montre le décalage, au Monténégro, entre le pouvoir temporel du gouvernement et l'autorité spirituelle de l'église orthodoxe, pouvoir et autorité s'exerçant sur le peuple monténégrin.
Serait-on en train de voir réapparaître -comme un signe des temps?- un affrontement entre la tradition et la modernité? Au Monténégro comme ailleurs?
Thom a consacré un article¹ pour tenter "d'établir qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiologique", autrement dit qu'un pouvoir temporel ne peut durer s'il ne repose sur une autorité spirituelle. Quelle est l'autorité spirituelle sur laquelle reposent les pouvoirs temporels de nos sociétés modernes? Je n'en vois pas d'autre que la science. Mais la science moderne -le scientisme?- peut-elle être une autorité spirituelle? J'en doute fortement parce qu'elle s'impose le carcan du pragmatisme, du positivisme et de quelques "ismes" de ce calibre. Pour moi une autorité spirituelle digne de ce nom doit aller au delà de la Physique moderne, elle doit nécessairement être métaphysique.
Je terminai mon précédent commentaire par la citation attribuée par Frossart à Malraux: "Le XXIème siècle sera mystique ou ne sera pas". Peut-être Thom aurait-il accepté un "Le XXIème siècle sera métaphysique ou ne sera pas", lui qui a terminé "Esquisse d'une sémiophysique", son dernier ouvrage majeur, par la phrase suivante: "Seule une métaphysique réaliste² peut redonner du sens au monde."?
¹: "Révolutions, catastrophes sociales?" (AL, pp.434 à 451)
²: Thom précise dans l'introduction de ES qu'il considère la métaphysique réaliste qu'il propose comme étant minimale (p.13).
jc
11/03/2020
PhG: "A partir d’où et comment s’arrête la quantité et commence la qualité, d’où et comment la qualité supplante la quantité sur un même objet ?"
Guénon:
- "la quantité se présente à nous sous des modes divers, et, notamment, il y a la quantité discontinue, qui est proprement le
nombre, et la quantité continue, qui est représentée principalement par les grandeurs d’ordre spatial et temporel;"
- "les physiciens modernes, dans leur effort pour réduire la qualité à la quantité, en sont arrivés, par une sorte de « logique de l’erreur », à confondre l’une et l’autre, et par suite à attribuer la qualité elle-même à leur « matière » comme telle, en laquelle ils finissent
ainsi par placer toute la réalité, ou du moins tout ce qu’ils sont capables de reconnaître comme réalité, ce qui constitue le « matérialisme » proprement dit." (Le règne de la quantité... , chap. II)
Grâce à René Thom, j'ai maintenant une idée assez précise de la façon dont on peut qualifier la quantité continue: grâce à la notion de position non régulière -de singularité et de non généricité en jargon mathématique-. Le lecteur curieux pourra consulter l'article "Morphologie et esthétique structurale: de Goethe à Lévi-Strauss"¹ -que je viens de découvrir- de Jean Petitot (en particulier l'analyse "structurale" du "Ézéchiel et Rebecca" de Poussin) qui écrit: "Dans le domaine conceptuel c'est la catégorisation qui résout le problème du passage du continu au discret: on catégorise les continua sémantiques en introduisant des discontinuités qualitatives et l'on prend des valeurs typiques centrales des domaines (catégories) ainsi délimités par ces frontières."
Je n'ai pas d'idée sur la façon de passer directement de la quantité discrète à la qualité (je ne suis pas logocrate…), je dois d'abord assimiler la quantité discrète à une quantité continue, ce qui suppose que la quantité doit être grande². Dans le cas de la société³ monténégrine, il y a ainsi les croyants et les laîques, avec pour "valeurs typiques centrales" leurs "chefs" respectifs.
¹: http://jeanpetitot.com/ArticlesPDF/Petitot_LeviStrauss_FR.pdf
²: L'interprétation des syllogismes par diagrammes "ensemblistes" de Venn n'est, selon-moi-mais-pas-que, possible qu'à ce prix.
³: Il est nécessaire qu'il y en ait une, ce que niait Margaret Thatcher: "There is no such thing as society…"
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