Christian Steiner
23/09/2010
Décidément, vos descriptions et interprétations de la situation au Mexique (groupes violents, illégaux, illégitimes, détestables, remplissant le vide laissé par une direction centrale éloignée et délligitmée elle aussi à cause de son impuissance à maintenir les structures locales de vie et encore plus détestables par ce à quoi elle consent) me font penser à ce qui a dû se passer quand dautres groupes « mal identifiés », tantôt pillards, tantôt bandes itinérantes, tantôt simposant et sinstallant par la force, cherchant à incarner une légitimité locale : je parle des clans et groupes Burgondes, Wisigoths, Francs, Alains (nomades persephones) du IVè siècle de notre ère, passant et repassant de force sur le territoire de lEmpire romain dOccident, et par le territoire gaulois notemmant, mais se regroupant in fine pour lutter du côté du maintien des structures locales nécessaires aux populations, contre dautres bandes dont leur but à elles étaient le pillage pur et simple (je pense par exemple à la bataille « fratricides » des Champs Catalaunique en 451*), le tout dans un contexte général où le pouvoir central (Rome) était impuissant à intervenir, ne faisait plus dailleurs de ces interventions nécessaires sa priorité, occupée quelle était à des luttes de pouvoir internes à la capitale, nayant de surcroît plus les moyens dintervenir suite à son abandon des frontières, les troupes légales disponibles étant rappatriées sur le centre, mobilisées et neutralisées dans des affrontements interne aux familles sénatoriales de Rome etc.
Je ne veux pas tirer des conclusions pour aujourdhui de cette analogie que je noserai dailleurs présenter comme telle (on sait notamment que les USA ne peuvent se conduire, pour des raisons structurelles, comme lEmpire que fût Rome (là où lun régnait par certaines vertus dont on peut dire ce que lon voudra, mais qui sexerçaient concrètement sur le terrain, lautre nest quun pur « Empire de la communication ») ; que lEmpire Romain ne devait avoir ce côté « imposture » de notre actuelle civilisation, avec son Amercian dream et sa globalisation factice et nihiliste qui fait le virtualisme et lemprisonnement des psychologies actuels dailleurs on sait le côté structurant pour le reste de lhistoire européenne de « lhéritage de limperium romain » longtemps après que Rome fut tombée en ruine, là où lAmerican dream aura probablement encore moins de chance de survie après lécroulement des USA que nen a eut le « socialisme réellement existant » de lex-URSS après 1989-91).
Ce que je veux dire, cest que les analyses de dedefensa sur la situation actuelle maident à comprendre de manière « intense » ce que put être, par certaines facettes, le contexte, latmosphère, les enjeux de cette époque de la fin de lEmpire romain doccident, me rapproche de ce que purent vivre, ressentir les gens de cette époque, qui est une époque qui mintéresse pour de pures raisons personnelles mais aussi culturelles (une éducation au latin dans un temps pas si lointain où cela était encore lune des trois options principales à lécole obligatoire pour les enfants de 12 à 15 ans ; une enfance passé sur un territoire où lon trouve encore dans les champs des murs et des « trésors » de monnaie enterrées lors de ces épisodes troubés ; un intérêt plus adulte pour cette zone dintense contacts et dacculturation entre deux civilisations que fut le limes romain sur le Rhin (et plus ailleurs) ; une obsession aussi pour une certaine dialectique entre nomadisme/itinérance et sédentarisation etc.).
Inversément, le fait quil y ait quelque chose de commun entre latmosphère de ces deux périodes, la période de grands changments de la fin de lEmpire romain dOccident et notre période très actuelle, jusquà des aspects les plus quotidiens et communs, maide dune part à mappuyer sur un sentiment de proximité presque « fraternelle » avec les gens de cette lointaine époque (de quelques côtés quils furent dailleurs), dun respect pour les efforts quils firent pour affronter et traverser ces temps, dautre part à envisager les temps daujourdhui dune manière « eschatologique », pour faire court et reprendre le terme et le sens quen donne M. Grasset (« demain ne sera pas forcément comme aujourdhui », soit par conséquent ouvert et attentif, sache ce à quoi tu dit oui, ce à quoi tu dis non, et navigue comme tu peux avec ces deux repères).
(Voilà dailleurs une réponse possible, un exemple certes modeste, subjectif et très loin dêtre exhaustif, à ce que daucun demandait, à savoir à quoi « sert » ce site « distrayant », quelle « utilité » ce site ? Il sagit bien dune question culturelle, dune question civilisationnelle, et non pas pour le « fun of it », mais pour des raisons très concrète de vérité, de survie et de vie, déquilibre et de force psychologique etc. Voyez par exemple ce que soudain des journalistes mexicains sont amenés à faire, qui me remplit de respect pour le courage quotidien, la dignité humaine de ces femmes et de ces hommes. Après ça, évidemment, chaque situation locale a ses spécificités, à chacun de prendre ses responsabilités envers lui, mais le tout sur ce fond général commun à tous que décrit si bien et de manière si précieuse (je ne parle pas de la forme) ce site).
* les lecteurs auront dailleurs corrigé une petite erreur de date que jai faite dans un de mes post précédents, parlant de 451 pour la date de la sécession de la Gaule Rhodanienne du pouvoir central de Rome (quand les Gallo-Romains ont cessé de payer leur impôts à Rome pour les rediriger vers Burgondes, en échange bien sûr du maintien des structures nécessaires à la vie sociale), alors quil fallait y lire 457. 451 est bien la date de la bataille des Champs Catalauniques, et 457 celle de la sécession.
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