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Article : Qui est isolé, et comment?

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Situation instable

Ni ANDO

  28/08/2008

C’est sans doute pour cela que la rumeur médiatique « occidentale » semble avoir désormais choisi le registre du pur pathos, de l’émotionnel c’est-à-dire de l’irrationnel. A ce stade, il n’est plus question de pensée stratégique, d’équilibre ou de raison. C’est un état dangereux car très instable. Il se dégonfle soit par un déchainement de violence (bombardements massifs sur la Yougoslavie en 1999/2000) soit par une dépression. Pourvu que ce soit par une dépression. Dans ses rapports avec la Russie l’ouest est très profondément enferrée dans une logique de camp qui mériterait une solide psychanalyse.

Russia isolated ...

Francis Lambert

  29/08/2008

Russia was dealt a humiliating blow by its own allies today after a specially convened summit in Tajikistan withheld support for the Kremlin’s recognition of the independence of the two breakaway regions.

A statement issued by four former Soviet republics in central Asia, plus China, insisted on the need to preserve “the unity of a state and its territorial integrity.

The statement, which could mark a turning point in the diplomatic crisis raging over the Georgia conflict, went on to say that “placing the emphasis exclusively on the use of force has no prospects and hinders a comprehensive settlement of local conflicts.

Russia has been almost universally condemned for President Dmitry Medvedev’s decree on Tuesday that recognised the independence of Georgia’s breakaway territories of Abkhazia and South Ossetia.

http://www.independent.co.uk/news/world/europe/russia-isolated-as-allies-withhold-support-911871.html

C. Steiner

Christian Steiner

  29/08/2008

Sur cette affaire de déconnection de la perception entre la majorité des gens et cet « Ouest qui n’est plus le notre » mais quand même encore, et qui vont dans le sens du précédent article sur « l’énigme russe » et des commentaires associés, j’ai trouvé ceci, dans le Philosophie magazine n°21 (juillet août 2008), sous la main de Pierre Hassner (rubrique « l’actualité commentée ») :

« Pour une grande partie du monde, la référence première n’est pas la chute du mur de Berlin, les droits de l’homme, c’est d’abord et avant tout la fin de la domination occidentale. »

(Ce n’est malheureusement pas disponible en ligne sur internet, mais voici le passage fidèlement copié, aux erreurs d’orthographe prêt (les miennes, évidemment) :

« Il est sidérant de voir qu’un gouvernement [Birmanie au lendemain du cyclone Nargis] préfère laisser mourir sa population plutôt que d’ouvrir ses frontières. Mais l’intention morale et humanitaire de l’Occident ne rencontre pas seulement la résistance des tyrannies. Elle passe de plus en plus mal auprès des nations du sud en général. Moi qui suis un militant de l’intervention humanitaire et même de l’ingérence militaire face aux génocides, je crois qu’il faut aujourd’hui contourner deux obstacles. D’abord éviter que le libérateur et le porteur d’aide n’apparaissent comme un occupant potentiel. Ensuite, avoir la conscience qu’on est dans un monde où l’impulsion anti-occidentale est de plus en plus grande. Même face au cas birman, les gouvernements avoisinants pensent : ce n’est pas à eux de nous dire ce qu’il faut faire, l’initiative doit venir de nous. Il aurait donc été plus habile d’associer les pays frontaliers à cette opération. Car la suspicion anti-occidentale est omniprésente. Voyez l’indépendance du Kosovo, qui n’est pas reconnue par aucun pays musulman parce qu’elle apparaît comme une création occidentale. Voyez l’Union pour la Méditerranée de Sarkozy, accueillie avec suspicion par les pays arabe qui refusent de cohabiter avec Israël dans un ensemble défini par les Européens. Même Kadhafi avec qui Sarkozy s’est humilié en le recevant en grande pompe, la rejette. Et même les Turcs, à qui le président français croyait offrir une compensation pour leur exclusion de l’Union Européenne, la refusent. Pour une grande partie du monde, la référence première n’est pas la chute du mur de Berlin, les droits de l’homme, c’est d’abord et avant tout la fin de la domination occidentale. »

C. Steiner

Christian Steiner

  29/08/2008

Quand à ce que dit Ni ANDO (« la rumeur médiatique « occidentale » semble avoir désormais choisi le registre du pur pathos, de l’émotionnel c’est-à-dire de l’irrationnel »), là aussi je renvoie au Philosophie magazine hors-série août septembre 2008, « le XXè siècle, les philosophes face à l’actualité » (Ce n’est pas que je sois spécialement fan de cet revue, mais je pensais me divertir après les événements de ce mois ; mais finalement non, on y reste…).

On y retrouve les extraits saillants des écrits et des débats ayant parcouru le XXè siècle (européen). Et il est très frappant de retrouver la « rupture » des nouveaux philosophes à la fin des années 70, et la pertinence de la critique qui en avait été faite dès le départ (« Les droits de l’homme ne sont pas une politique », Bourdieu, 1980 ; ou de Deleuze, 1977 : « ils ont une nouveauté réelle, ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique », « ils procèdent par gros concepts, aussi gros que des dents creuses (...) ils peuvent faire ainsi des mélanges grotesques, des dualismes sommaires, la loi et le rebelle, le pouvoir et l’ange. En même temps, plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d’importance, plus le sujet d’énonciation se donne de l’importance (« moi, en tant que lucide et courageux, je vous dis…, moi, en tant que soldat du Christ…, moi de la génération perdue…, nous, en tant que nous avons fait Mai 68…, en tant que nous ne nous laissons plus prendre aux faux semblants… »). » ; « ce qui me dégoûte est très simple : les nouveaux philosophes font une martyrologie, le goulag et les victimes de l’histoire. Ils vivent de cadavres. Ils ont découvert la fonction-témoin, qui ne fait qu’un avec celle d’auteur ou de penseur (...) Ceux qui risquent leur vie pensent généralement en terme de vie, et pas de mort, d’amertume et de vanité morbide. Les résistants sont plutôt de grands vivants. Jamais on n’a mis quelqu’un en prison pour son impuissance et son pessimissme » ; enfin : « leur entreprise (...) représente la soumission de toute pensée aux médias »).

Et tout ça pour voir 50 ans plus tard ( !) Kouchner et BHL être ministre des affaires étrangère et commentateur officiel de l’intelligentsia de la capitale respectivement. Mais s’ils occupent ainsi le devant de la scène médiatique et ce qu’il reste de la scène politique, ne nous leurrons pas, c’est à cause du vide qui y règne, à cause du manque de toute alternative un tant soit peu sérieuse et consistante. Nous avons laissés des gens passés du reniemement (bienvenu) du marxisme à l’adoption (malvenue) d’une nouvelle idéologie tout aussi doctrinaire, dogmatique, absolutiste et intransigeante, nous avons laissé ces gens-là occuper le devant de la scène médiatique et se faire les conseillers du roi…

Heureusement, il reste la pensée vivante et humaine d’un Camus pour nous remettre debout…