jc
04/08/2023
Zhan Weiwei oppose l'ordre vertical unipolaire impérial imposé au monde par les USA selon le principe "Diviser pour régner", ordre yang, et l'ordre horizontal multipolaire proposé au monde par la Chine selon le principe opposé "Unir pour prospérer", ordre yin.
Il est pour moi très clair que le principe "Unir pour prospérer" s'oppose frontalement à l'édification d'un monde multipolaire.
Car il est pour moi très clair que ce principe ne peut aboutir qu'à un nouveau monde unipolaire de type impérialiste, la Chine étant évidemment le meilleur candidat pour hériter de la position impériale détenue pendant un demi-siècle au moins par les USA.
Il est pour moi très clair que le principe "Unir pour prospérer" est infiniment supérieur au principe "Diviser pour régner", et que la Chine -communiste ou communautariste- aura toutes les chances de garder sa position impériale plus longtemps que les USA n'ont réussi à le faire.
Mais il est aussi pour moi très clair que ce "Unir pour prospérer" ne diffère pas fondamentalement du principe fondateur de "notre" Union Européenne.
Il n'y a pour moi pas d'ordre horizontal possible car tout ordre est vertical, tout ordre est différenciant, tout ordre est yang. Ce qui est horizontal c'est l'équivalence, toute équivalence est unifiante, toute équivalence est yin.
Toute construction sociale stable nécessite de tisser harmonieusement strates horizontales et fibres verticales. Ce qu'a nié catégoriquement Margaret Thatcher : "There's no such thing as society. There are individual men and women and there are families.", avec le résultat dont on découvre la catastrophique ampleur.
Je ne connais pas du tout les structures profondes de la société plurimillénaire chinoise. Mais je ne serais pas étonné d'apprendre qu'elles se désagrègent depuis les révolutions de 1911 et 1949. En tout cas je suis convaincu que la mise en place du contrôle des masses (traçabilité, crédit social, etc.) ne fera qu'accélérer exponentiellement cette désagrégation.
Dans "La crise de la raison-subvertie" (2014) ( https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie ), PhG écrit dans la section "TINA, ou “le silence pour toute réponse” :
" Nous avons cité l’intervention de l’officiel chinois avec une intention à l’esprit, ne doutant pas un instant de la sincérité de son propos, et de la véracité de sa propre conviction, dans l’exposé qu’il fit des intentions de la Chine, de l’Asie, et de l’antique sagesse de cette partie du monde. Nous reconnaissons d’autant plus tout cela que nous pouvons dire notre conviction que l’intervenant se trompait, qu’il se trompe en croyant qu’un modèle de civilisation asiatique rénové s’imposera rapidement, à côté du modèle occidentaliste, éventuellement pour le concurrencer et le remplacer.
Ce n’est nullement que ses arguments de fond ne soient pas justifiés et excellents; ils le sont, ceci et cela, et plus qu’à leur tour. Mais l’intervenant ignore deux choses: combien le modèle occidentaliste est, à la fois, plus puissant qu’il ne croit et plus proche de l’effondrement catastrophique qu’il ne croit. ".
En 2023. Plus proche de l'effondrement qu'il ne croit : certes. Plus puissant qu'il ne croit ? Je pense qu'il est actuellement permis à 80% de l'humanité d'en douter.
Pour moi l'inéluctable prise de pouvoir impérialiste de la Chine ne résoudra en rien la crise moderne de la raison humaine qui continuera ses ravages -crise dont je date le début à la coupure galiléenne (*)-, qu'on soit du côté de 20% ou du côté des 80%, elle ne fera que l'accélérer. On en arrive alors inéluctablement -toujours selon moi- à la dernière section de l'article : "La question du sacré", dont voici la fin :
"Nous nous trouvons devant un vide vertigineux pour alimenter une pensée qui plonge dans la panique et le désarroi devant des événements et des circonstances qui la dépassent. La seule issue, pour ce qui concerne l’espèce, se trouve dans une tentative de libération de la pensée, qui ne passe ni par la sacristie, ni par quelque dévotion quelconque, mais par la prise en compte loyale, ouverte, éventuellement humble, de facteurs nouveaux essentiels dans la manufacture de cette pensée. La puissance de la crise hurle elle-même cette obligation où nous nous trouvons. Nous pouvons certes continuer à rester sourd à ces hurlements, ce qui ne changera pas grand’chose à notre destin qui est de voir cette crise emporter notre “contre-civilisation”. Seule nous importe ici une hypothèse pour une pensée libérée, disponible pour une réflexion parvenue à une maturité qui retrouve l’antique sagesse, pour après la crise.".
* : Thom : "La science moderne, au point où elle en est, est un torrent d'insignifiance proprement dit" (Paraboles et catastrophes, p.127).
jc
06/08/2023
PhG : "La seule issue, pour ce qui concerne l’espèce, se trouve dans une tentative de libération de la pensée, qui ne passe ni par la sacristie, ni par quelque dévotion quelconque, mais par la prise en compte loyale, ouverte, éventuellement humble, de facteurs nouveaux essentiels dans la manufacture de cette pensée.". ( "La crise de la raison-subvertie", 2014 : https://www.dedefensa.org/article/glossairedde-crisis-la-crise-de-la-raison-subvertie )
Pour moi la libération de la pensée se précise, et elle le sera par le biais des mathématiques, j'en suis de plus en plus convaincu (Thom : "(...) la mathématique est la fille de la liberté humaine. Elle en est peut-être le plus splendide rejeton."), avec deux courants antagonistes : l'un top-down, celui de Thom, qui va de l'unité vers la diversité par différenciations biologiques et différentiations mathématiques successives, l'autre bottom-up, celui de Grothendieck (repris par Olivia Caramello), qui va de la diversité vers l'unité par une marée montante de théories unificatrices.
Il m'apparaît de plus en plus nettement que Thom s'intéresse plus aux strates, stabilité structurelle oblige, qu'aux fibres, approche yin. Et je découvre (je commence…) que c'est peut-être l'inverse pour Grothendieck, qui a -il me semble- une approche plus yang. L'antagonisme apparaît nettement dans le citation thomienne suivante : "La physique s'est fascinée sur le problème de l'unification des causes, c'est-à-dire la théorie du champ unitaire. C'est le problème inverse de la scission qu'il importerait au contraire d'élucider.".
Il est pour moi clair que Thom s'est d'abord intéressé au problème des scissions à travers l'analogie entre différenciation biologique et différentiation mathématique (analogie pour moi génialissime) : "Expliquons de manière assez élémentaire le mécanisme formel qui, à mes yeux, commande toute morphogénèse par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part et une série de Taylor à coefficients indéterminés d'autre part…" (Stabilité Structurelle et Morphogénèse", 2ème ed., p.32), avant de s'intéresser à l'autre sens : "De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogénèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur." (Esquisse d'une sémiophysique, p.216).
Pour Grothendieck comme pour Thom l'opposition centrale des mathématiques n'est pas entre "cadres" (théorie des ensembles vs théorie des catégories) -comme de nombreux philosophes des sciences le croient- mais entre algèbre et géométrie et plus généralement entre discret et continu. Il est très clair pour moi que Thom est un géomètre, un penseur du continu, un topocrate pour qui la mathématique est une conquête du continu par le discret (d'où sa préférence pour la théorie ds scissions) alors que je découvre un peu plus tous les jours que Grothendieck est un algébriste, un penseur du discret, un logocrate pour qui c'est la recherche du continu unificateur qui est le Graal à atteindre. (Pour moi l'approche grothendieckienne est vouée à l'échec : quoiqu'on dise et quoiqu'on fasse la contiguïté -aussi dense soit-elle- ne sera jamais qu'une continuité fantasmée, la topologie algébrique ne sera jamais la topologie différentielle.)
Je n'ai pas l'impression que les idées thomiennes sur le langage -le logos- aient convaincu les linguistes ("(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes).". Peut-être en sera-t-il autrement avec les idées grothendieckiennes et les psychanalystes (Jacques Lacan: "L'inconscient est structuré comme un langage"; Alain Connes (grothendieckien) : "L'inconscient est structuré comme un topos") ? Mais, pour moi, si la réponse s'avère positive, alors c'est qu'il s'agira d'un topos nécessairement fantasmé.
C'est pour moi une question importante dont la réponse pourrait renverser un paradigme bien établi par notre civilisation judéo-chrétienne dans laquelle c'est le verbe qui se fait chair.
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Quoi qu'il en soit, encore Thom pour finir :
- "En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur ainsi que la structure même de l'esprit-, l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution. C'est le jeu signifiant par excellence par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleurs chances de survie pour l'humanité.".
jc
08/08/2023
Fin de mon .1 : "C'est pour moi une question importante dont la réponse pourrait renverser un paradigme bien établi par notre civilisation judéo-chrétienne dans laquelle c'est le verbe qui se fait chair.".
Ci-après un extrait -commenté par moi- de la fin de la conclusion de "De la topologie de la conciliation à la logique de la contradiction" des philosophes des sciences Dominique Lambert et Bertrand Hespel.
Cet extrait montre la supériorité de l'approche "fermée" des conciliations de Lambert et Hespel par rapport à l'approche "ouverte" des faisceaux de Grothendieck (donc de la théorie des co-topos -néologisme maison- par rapport à la théorie des topos) :
"Enfin, on notera — et ce n’est pas la moindre des constatations que l’on peut faire — que le concept de conciliation a un portée ontologique. Dès lors qu’on place ce concept en regard de celui de faisceau, s’adjoint en effet à l’hypothèse de cet enrichissement de l’épistémologie celle d’un éclaircissement du projet de la métaphysique. Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder. Nous l’avons en effet suffisamment répété: lorsqu’on suppose l’existence d’un faisceau, on espère se donner le moyen de reconstruire un objet global à partir d’objets locaux consistants, alors que, quand on suppose l’existence d’une conciliation, on espère au contraire se donner le moyen de trouver au moins un objet local sur lequel repose un objet global consistant. Et ce qu’il importe cette fois de remarquer, ce n’est pas tant que, d’un cas à l’autre, le global et le local soient inversés, mais que les sens de ces deux démarches le soient aussi. Dans un cas, on commence en effet par acter que cet objet est, pour postuler ensuite qu’il doit donc pouvoir être tel qu’il est; tandis que, dans l’autre, on commence par postuler que l’objet est, pour acter ensuite qu’il doit donc être tel qu’il puisse être. Ce qui est très différent: d’un côté, l’être de l’objet n’est absolument pas interrogé, tandis qu’il l’est explicitement de l’autre.".
La phrase suivante de la longue citation précédente résume pour moi la situation : "Car poser l’existence d’un faisceau se fait dans l’espoir de former, tandis que poser celle d’une conciliation se fait avec celui de fonder."
Cet extrait me fait penser à la citation suivante, trouvée en épigraphe d'un chapitre de "Stabilité Structurelle et Morphogénèse" :
« Le mécanisme de n’importe quelle machine, une montre par exemple, est toujours construit de manière centripète, c’est à dire que toutes les parties de la montre, aiguilles, ressorts, roues, doivent d’abord être achevées pour être ensuite montées sur un support commun. Tout au contraire la croissance d’un animal, tel le triton, est toujours organisée de manière centrifuge à partir de son germe; d’abord gastrula il s’enrichit ensuite de nouveaux bourgeons qui évoluent en organes différenciés. Dans les deux cas, il existe un plan de construction; dans la montre, il régit un processus centripète, chez le triton, un processus centrifuge. Selon le plan les parties s’assemblent en vertu de principes opposés. » (J.V. Uexküll, Théorie de la signification)
Il ne fait guère de doute pour moi que la logique intuitionniste est masculine alors que la logique co-intuitionniste est féminine (c'est l'opposé de la position d'Alain Connes, pour qui la logique intuitionniste est féminie). Lambert et Hespel l'écrivent en filigrane quelques lignes plus loin :
" On peut bien rassembler différents objets, on ne formera pas pour autant un être, mais tout au plus un « être de raison ».", logique masculine ;
" Rendre compte de quoi que ce soit qui est exige donc de rendre compte de son unité. ", logique féminine.
jc
08/08/2023
Oppositions yang/yin, logos/topos, forme/matière.
Dans le a crise du monde moderne", chapitre intitulé "Science sacrée, science profane", Guénon oppose la science moderne occidentale à la science traditionnelle orientale. Je date cette bifurcation de la coupure galiléenne, où la physique science de la nature (φυσική,) est devenue la physique science de la matière. où la matière animée est devenue matière inanimée.
Pour Guénon la matière inanimée, la Matière c'est le MaL PhG est plus nuancé dans la conclusion du tome II de "La Grâce de l'Histoire" :
"De là que la matière c'est dans tous les cas et entre autres choses essentielles le Mal puisqu'elle est tout ce que nous rencontrons dans le monde u cours de notre périple, -premier principe qui semble poser un absolu, mais qui ne fait que "sembler" ; et que ce que nous nommons Matière avec une majuscule pour désigner le Mal dans l'évènement du déchaînement de la Matière, c'est quelque chose qui doit être défini dans notre époque terrible, qui est à la fois bien plus que la matière et qui n'est certainement pas toute la matière (sans majuscule) elle-même puisque la matière elle-même n'est pas ou n'est plus tout le Mal lorsque le Mal s'est opérationnalisé sous le terme de "Matière", et qu'elle n'est certainement pas que le Mal, -comme Rodin justement nous le démontre, et les cathédrales avec lui,- deuxième principe qui relativise aussitôt ce que le premier peut avoir d'absolu et justifier l'emploi du verbe "sembler" ("qui semble poser un absolu").".
Pour Thom, mon gourou, le logos prend ses racines dans le topos, le verbe prend ses racines dans la chair. la forme prend ses racines dans la matière, c'est du moins ainsi que j'interprète :
"(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes).".
jc
09/08/2023
Conférence de Michel Maffesoli devant le MEDEF en 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=LefpCAhEaXM
Je pourrais citer plusieurs passages de cette conférence -pour moi remarquable-, mais, en rapport avec la position exprimée par Zhang Weiwei, je retiens ici ce qu'il dit à 38'25 :
"Ce n'est plus la verticalité qui va prévaloir mais la topique, le lieu à partir duquel va se penser la société ; c'est une horizontalité. Non plus la loi du Père mais la loi des frères, le partage de diverses manières.qui va prévaloir.".
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