jc
03/11/2018
Bien que ce commentaire prenne sa source dans la lecture du dernier e-papier de Nicolas Bonnal ("Kleist et le transhumain vers 1800…") je le poste ici parce qu'il ressort de mes lectures (et relectures) des deux premiers tomes de "La Grâce de l'Histoire" (ainsi que de mes nombreuses incursions dans la caverne d'Ali Baba que constituent les archives de Dedefensa) que s'il me fallait résumer en quelques mots ce qui distingue la vision que PhG a de l'histoire de celles plus académiques, je dirais que c'est l'introduction de dimension du sacré. C'est cette dimension sacrée qui autorise à majusculer l'histoire pour la transcender en l'Histoire, et à majusculer la bataille de Verdun en La Bataille de Verdun.
PhG: "Il y a le caractère sacré de l’Histoire retrouvée lorsqu’elle se fait histoire de la transcendance du monde, et cela vous emporte et vous élève, bien plus que cela ne vous effraie."
L'article de NB renvoie en lien bibliographique à un certain Mircea Eliade que je découvre via l'article que lui consacre Wikipédia. J'y ai trouvé ceci qui rapproche Verdun et le transhumanisme:
"D’après Eliade, « l’homme moderne non-religieux se trouve dans une situation existentielle nouvelle. Pour l’homme traditionnel, les événements historiques acquièrent du sens par ceci qu’ils imitent le sacré et les événements transcendants ; l’homme non-religieux au contraire s’est privé de modèles sacrés qui lui indiquent ce que doivent être l’histoire et le comportement humain, et devra en conséquence décider par lui-même comment l’histoire doit se dérouler — en effet, il « se considère comme seul sujet et acteur de l’histoire, et refuse tout appel à la transcendance."
citation qui rencontre plusieurs citations de Kleist rapportées par NB* sur l'opposition profane/sacré, opposition qui, selon moi, recoupe l'opposition mécanisme/vitalisme à Verdun comme à l'époque de Kleist, et en définitive, comme toujours, l'opposition culture/nature.
Qu'est-ce que le sacré? Thom, initialement mathématicien de premier ordre, expert es-définitions donc, propose:
"J'ai proposé de voir le "sacré" comme résultant de la compactification à l'infini de l'axe sémantique défini par l'opposition attractif-répulsif: devant le sacré qui le fascine, le sujet, à la fois attiré et repoussé par une force d'intensité infinie qui le fascine, se trouve immobilisé."
Thom: "Il semble que le psychisme social présente un caractère fragmentaire très semblable au psychisme animal: la société ne trouve sa conscience qu'en face d'une tâche urgente où son existence, sa stabilité sont menacées (une guerre par exemple);" (SSM p.323)
Par delà le bien et le mal, par delà le vrai et le faux, par delà la gauche et la droite, etc.: l'union sacrée?
Et Thom poursuit immédiatement: "de même, la conscience spatiale d'une société présente un caractère très local, focalisé sur certaines zones menacées: autant de caractères communs avec le psychisme animal."
Peut-être est-ce pour cette raison que les sociétés contemporaines n'arrivent pas à réagir comme il se devrait aux menaces globaliste et transhumaniste?
*: par ex. "(...) elle [la grâce] apparaît en sa plus grande pureté dans cette conformation humaine du corps qui, ou bien n’a aucune conscience, ou bien a une conscience infinie, c’est-à-dire dans le mannequin [l'automate], ou dans le dieu."
**: mannequin de formation dirait sans doute Kleist (et bien d'autres) pour qui mathématique tic-tic semble rimer avec mécanique nic-nic…
***: citation qui renvoie à Kleist (et l'éclaire?): "Toutefois, comme l’intersection de deux droites partant d’un même côté d’un point, après le passage à l’infini, se retrouve soudain de l’autre côté, ou comme l’image du miroir concave, après s’être éloignée à l’infini, revient soudain juste devant nous : de même la grâce, quand la connaissance est pour ainsi dire passée par un infini, est de nouveau là ;"
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