Christian Steiner
25/12/2010
Le fond de mon billet était consacré au geste et à ce que racontait Eric Hoesli de celui de Poutine, et cest ce qui mintéressait. Et donc jy ai fait une erreur, de taille ! (Nest effectivement pas journaliste qui veut (un point pour les huit journalistes en colère), et je nai pas cette prétention du tout, mais en commentant lactualité, jy ai commis une erreur qui, je lespère, ne change rien au propos, même sil peut sembler atténuer sa force.)
Voici lerreur : quand Eric Hoesli raconte que Poutine, sur les lieux du crash, relève le premier ministre polonais, il ne spécifie pas le nom du premier ministre polonais, et cest moi qui est assumé, sur la base de mauvais souvenirs, quil sagissait de Jaroslaw Kaczyński (et lai ainsi rajouté entre crochet). Or il sagissait de Donald Tusk, premier ministre en fonction, et non plus Jaroslaw Kaczyński, qui avait perdu cette fonction quelque temps auparavant (Jaroslaw fut premier ministre de juillet 2006 à novembre 2007, Donald Tusk est premier ministre depuis septembre 2007).
Pour me faire pardonner (et faire ce minimum de travail de vérification que jaurais dû faire auparavant), voici le lien vers une vidéo de lAFP montrant Poutine et Donald Tusk sur les lieux du crash, le soir du 10 avril 2010 (sans avoir la prétention ni les compétences pour dire si cest celle qui a, comme le raconte M. Hoesli, tourné en boucle sur la télévision polonaise) :
http://videos.leparisien.fr/video/iLyROoafv1Zc.html
Sur Euronews, on apprend que Jaroslaw Kaczyński était également bel et bien présent à ce moment décrit par Eric Hoesli, accompagnant Donald Tusk et Vladimir Poutine :
http://fr.euronews.net/2010/04/11/recueillement-et-enquete-a-smolensk/
Sur le site du Courrier international :
http://www.courrierinternational.com/article/2010/04/12/la-reconciliation-par-le-drame
(Vidéo de la cérémonie de commémoration officielle de Katyn, avec les deux premiers ministres, polonais et russe, le 7 avril 2010 (Gazeta.pl) :
http://de-la-vie-a-la-vie.over-blog.com/article-katyn-smolensk-7-avril-2010-10-avril-2010-48404014.html
La même cérémonie couverte par Libération
http://www.liberation.fr/monde/0101629021-poutine-et-tusk-a-katyn-70-ans-apres-le-massacre-des-officiers
Ilker de Paris
26/12/2010
@ Christian Steiner, bonjour
Concernant la presse ou plus généralement les médias d’information français (et occidentaux si on peut généraliser ?), je ne connais pas leur histoire, étaient-ils, comme aujourd’hui, aussi alignés sur les pouvoirs (économiques, politiques) dominants, en faisaient-ils la propagande ?
En tout cas, aujourd’hui c’est ce qui se passe et leur perte de crédit, de légitimité vient du fait que cet alignement passe de plus en plus mal dans la population, vivant des souffrances que ce système a engendrées (précarité, peur de l’avenir, sentiment de désappropriation de leur vie etc)
Des exemples parmi d’autres, de cette perte de légitimité, lu dans le “monde diplomatique” à propos d’une gaffe de Bernard-Henri Lévy :
“Bernard-Henri Lévy préside le conseil de surveillance dArte, il est membre du conseil de surveillance du Monde, il est actionnaire de Libération, il dispose dune chronique hebdomadaire dans Le Point. Et la célébration du vingtième anniversaire de sa revue, La Règle du Jeu, que presque personne ne lit, a néanmoins donné lieu à une réception extravagante à laquelle ont accouru la plupart des responsables des grands médias. La dégradation du crédit de la presse est-elle tout à fait étrangère à la surface médiatique quoccupe, quoi quil advienne, quoi quelle fasse, une personnalité au crédit à ce point frelaté ?”
Sur le blog de Bernard Maris, à propos de Wikileaks :
“Comme ça les agace, tous ces puissants, ces Védrine, ces Volfowitz et tous ces « experts » ou « intellos » dont la pseudo-science est simplement faite de mystère et de magie, de ne pouvoir parfaitement manipuler linformation, quelle ne puisse passer par eux ou leurs journalistes apointés.”
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/blog/b/blog.php?id=12
Les médias généralistes souffrent de n’avoir plus le monopole de la médiatisation de l’information, la concurrence introduit par Internet où le contenu répond plus à l’attente du public, se traduit par la perte de ce même public pour les premiers, et donc par des pertes financières, d’où la contrainte de changer de cap et développer une information plus proche de la réalité du public.
Mais la “réalité du public” ne signifie pas que la vérité s’y trouve, cette réalité peut-être conjoncturelle, si bien que les médias généralistes se trompent (et trompent) encore et font dans le populisme. Ainsi, soit ils sont des valets des gens, des structures de pouvoir, soit ils jouent les populistes.
Que les médias généralistes voient en leur discrédit, un “danger pour la démocratie”, est comique. En fait, en tant que relais des positions politiques officielles, ce sont eux qui, aujourd’hui, sont des dangers pour la démocratie, car ils soutiennent ce qui la délite (système financier oppressant, écologie menacée, guerres d’intérêts illégales etc).
Ainsi, le documentaire “main basse sur l’info” (déjà le titre renvoie à une interprétation de l’information comme monopole), est contradictoire, il dénonce par-ci ce qu’il pratique par-là.
Si les médias généralistes restent des lieux de propagande pour les puissants ou deviennent des machines populistes, ils sont condamnés par leur contradiction - ce que je crois.
Christian Steiner
27/12/2010
@ Ilker
« je ne connais par leur histoire » (celle de la presse « classique »)
Moi non plus ! Ce nest pas du tout mon domaine professionnel.
Si lon peut très rapidement se mettre daccord sur la situation présente, que vous me semblez saisir et analyser mieux que moi dans ces détails (perte de crédibilité du journalisme mainstream, perte dautonomie et dindépendance, copinage déontologiquement insupportable, ingérence de plus en plus grossière (et inefficace ?) de réseaux style néocons, décalage grandissant jusquà devenir complet avec la vérité vécue par la plupart des gens etc.), comment on est on arrivé là ?
Tout ce que je peux vous proposer, cest une simple perception subjective de lévolution de la chose, telle que je lai vécue en « citoyen lambada » depuis 20 à 25 ans (et ce de lautre côté du Jura par rapport à vous)
Jaurais tendance à faire, en ce qui concerne les médias, un changement dépoque autour de 1989 (chute du mur) et 1991 (première guerre du Golfe et chute de lURSS) (javais 22 ans puis 24 ans). Autour de ces dates, on est passé dune presse marquée par une pluralité dopinion concurrentes, dont on savait pour qui elles roulaient (droite, gauche, gauche démocratique, gauche révolutionnaire, non alignés, etc.), avec des problèmes et enjeux assez clairement posés, avec un caractère et un sens de laction collective assez clair lui aussi, et une action politique qui semblait correspondre à mesure (peu importe là le fond du problème ou dans quel sens laction était dirigée, ce qui importe est lexistence dun sens et dun sentiment collectif, et de la perception dune action politique possible),
à une presse de plus en plus monolithique, sans couleur, grise, fade, incapable de poser les enjeux à leur juste mesure ou de comprendre les événements du monde aussi bien que lévolution dans nos pays, et avec le sentiment diffus et malsain de ne pas savoir où lon allait. Ce sentiment de ne pas avoir dinterlocuteur valable en face (dans la presse, quel soit danalyse politique, culturelle, économique, militante etc.) capable de parler dautre chose que du triomphe de léconomie ultralibérale est devenu de plus en plus pénible, créant un sentiment de solitude, disolement, de désarroi ou alors de cynisme (au sens vulgaire) le plus total
Je nuancerais en disant (toujours sur la base de souvenirs personnels), quil y a eut une espèce de période transitoire, entre 1990 et 1995 grosso modo, qui était une période dhébétude ou deuphorie infondée, mais où la presse (au sens large) avait encore une certaine qualité dans le sens où elle essayait encore de saisir les problèmes et de les analyser. Je me rappelle dun livre, « Jihad versus McWorld. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie » (Benjamin R. Barber, 1995, Times Book : New-York, 1996, Desclée de Brouwer), dont le sous-titre indique à lui seul que lon renvoyait dos à dos une solide critique de la globalisation clintonienne et les réactions communautaristes à cette globalisation, pour essayer une « troisième voie », et un livre pareil faisait lobjet de recensions notables dans la presse française, et le sujet était traité par la presse. Mais tout ceci a ensuite rapidement disparu des écrans radars de la presse.
(Je citerai encore deux travaux journalistiques un peu plus tardifs, qui mont marqué. Ce sont deux reportages fait pour la télévision et effectivement diffusé sur la chaîne nationale suisse, entre 2001 et 2002, sur la première guerre du Golfe, 10 ans après les faits certes, mais qui me semble presque être les derniers de leur genre à ce jour pour leur travail correct. Il sagit de « Images inconnues : Les marines dans la Guerre du Golfe » (Daniel Costelle et Isabelle Clarke, FR3/INA/Lobster films, 2000), et de « Les dessous de la guerre du Golfe » (Hidden wars of Desert Storm, de A. Brohy et G. Ungermann, Free-Will Productions, USA, 2001). Pour avoir revisionné hier une demi-heure du second de ces films, jai limpression que ce sont des films qui ne passeraient plus aujourdhui à la télévision : ces travaux objectifs et étayés, contextualités, « classiques » (on nest pas du tout dans du Michael Moore) paraissent bizarrement dater dune autre époque (ce, 8 ans seulement après )
Mais les faits que ces films résumaient en 2000 étaient déjà connus du publique un tant soit peu attentif, parce que la presse classique en rendaient encore compte dans le milieu des années 90. Ainsi, sur ce sujet, on savait que les Etats-Unis avaient utilisé assez massivement, en Irak en 91, des munitions à luranium appauvri (manière de recycler les déchets nucléaires et le matériel issu du désarmement partiel des arsenaux nucléaire), on savait les dégâts immense à la population irakienne lors de lembargo qui a suivit la guerre, lhypocrisie insoutenable de cet embargo (dans un pays dont on avait ruiné toute linfrastructure civile, une infrastructure qui était à la hauteur de celle de nos pays, dans un pays quon avait pollué à luranium avec toutes les conséquences là à nouveau sur la population civile etc.), on savait les maladies et séquelles des vétérans de guerre américains dus aux conséquences de ces mêmes destructions et usages de munitions DU (depleted uranium). Et voilà quau Kosovo, en 1998, on avait remis ça avec les munitions à luranium appauvri. Dans ma profession, des collègues travaillaient pour lONU afin de cartographier les zones polluées à luranium en ex-Yougoslavie suite aux bombardements de lOTAN.
Pourquoi mon insistance, toute personnele, sur ces munitions à luranium ? Parce que je suis dune génération qui était astreinte au service militaire, que je lai effectué avant la chute du mur de Berlin, alors que la guerre Iran Irak (1980-1988) et celle dAfghanistan première du nom (1979-1989) était encore en cours, qu’on venait d’installer les Pershing II atomique en RFA, et surtout que nous-même étions drillé à résister à lavancée des « hordes » de chars du Pacte de Varsovie qui devaient débouler dans les plaines de lEurope de lOuest (tel était le scénario en vigueur), avec toutes les probabilités de bombardement chimique et dusage possible darmes nucléaires tactiques et stratégiques, et nous qui devions faire office de « chair à canon » Cela peut sembler maintenant exagéré, mais cest ce que nous vivions.
Alors quand, une fois l’URSS neutralisée puis disparue, les USA, en 1991 puis en 1998 (et je ne parle même pas daprès), firent un usage aussi « léger » et inconséquent dune chose que nous avions appris à connaître comme la plus redoutable et que nous nenvisagions que dans le cas dune guerre totale avec lURSS (la chose atomique), quand nous apprenions que la guerre du Golfe avait largué un tonnage de bombe, en moyenne mensuelle, supérieure à celle de la seconde guerre mondiale (qui restait pour nous LA référence), contre un pays qui ne semblait pas représenter de danger particulier comparé à lURSS ou lAllemagne nazie et pour être suivi par un embargo de dix ans sur une population souffrante nous ne comprenions plus grand-chose. Et la presse ne répondait pas à la question.
Cest ça que les journaux, la presse, les intellectuels ne parvenaient pas à expliquer : cette différence entre la réputation/limage des USA (le modèle), et leur comportement sur le terrain (incompréhensible de brutalité inutile). Si les coups tordus semblaient « excusables » dans le cadre de la confrontation avec lURSS, pourquoi ces coups tordus, manipulations, mensonges, tricheries, « raisons détat » etc. continuaient-ils alors que lURSS avait disparu ? Contre qui les USA se battaient-ils donc ?
(Quand on rajoute la crise asiatique de 1997-1998, déclenchée par une attaque spéculative de la part des meilleurs représentants de Wall Street contre les devises des Tigres asiatiques, on rajoute à cette interrogation une autre interrogation sur le comportement économique des USA, ce comportement économique qui était à lépoque triomphant et censé être le meilleure de la civilisation et lexemple à suivre Pourquoi donc ruiner ces pays qui étaient les exemples mêmes des pays (des seuls pays !) qui avaient réussi un développement économique qui les avait hissé au rang des pays occidentaux (exemple repris dans toutes les hautes écoles commerciales pour justifier du bien fondé du système) ?
Le monde marchait littéralement sur la tête, et peu de journalistes savaient quoi en faire Par quelle grille de lecture remplacer celle de la guerre froide, de la géopolitique classique et du développement du tiers monde ?
Il fallait pour cela prendre beaucoup plus de recul, et entamer une critique radicale de notre civilisation entière (façon dedefensa, entre autres). Cela ne sest pas fait dans la presse classique, cela été fait, parce que cétait une exigence de sens, là où cela était possible, en loccurrence sur Internet.
Tout ceci nest quun exemple, lexemple de ce qui ma touché personnellement, et chacun peut y aller de son histoire. Et quand ce genre de hiatus, de grand écart entre la réalité vécue des gens et lincapacité à la dire et à en faire sens de la part des médias saccumule, ces derniers (médias, intellectuels, politiques) finissent immanquablement par perdre leur crédibilité.
Ceci dit, jai aussi la furieuse impression que la presse « classique » a été attaquée et déstructurée par le néolibéralisme et la globalisation des années 90 (une des dynamique du « moderne »), les professionnels dévalorisés et précarisés, au même titre que le reste de la société, la paysannerie, léducation supérieure, la « culture » (devenue « industrie » culturelle comme linvestissement est devenu « industrie financière » bonne à spéculer uniquement), les services publiques etc. etc. En même tant quelle devait se reconstruire une grille de lecture propre à rendre compte de lévolution incompréhensible des années 90 et 2000 (à moins de gober la légende dorée de laméricanisme et du capitalisme), les journalistes se sont donc trouvé fragilisé par le changement de modèle de financement des journaux, les convergence entre groupe de presse, larrivée des « journaux » gratuit, la rationalisation, la libéralisation, les opérations monopolistiques, larrivée des nouvelles technologies de linformation, les convergence technologiques (les journalistes shiva), la domination des images et leur influence émotionnelles, la rapidité de diffusion de « linformation » etc. etc.
(Il est encore un facteur dont je me rappelle, qui est symptomatique de lévolution depuis les années 90, qui est celle de la disparition des correspondants étrangers. Cétait étrange : en pleine mondialisation (donc augmentation des échanges de toute sorte à travers le globe), au moment où lon était censé avoir le plus de contact avec des gens dautre villes, dautres pays, dautres cultures, on a économisé sur les postes des journalistes qui connaissaient le mieux ces autres pays (lineptie avancée pour « rationnaliser » ces postes étant que dans ce grand village mondial en paix et serein, tout le monde allait finir par se ressembler). En Suisse, le dernier des grands correspondants étrangers des chaînes nationales, Georges Baumgartner (qui est resté à son poste au Japon en se finançant lui-même, confinant parfois au bénévolat), est devenu une star locale
Jai donc limpression que cest moins la concurrence dInternet et les éventuelles consécutives perte de financement de la presse traditionnelle, comme vous le dites, que lensemble des ces phénomènes (absence de grille de lecture adéquate suite à la fin de la guerre froide, incompréhension des dynamiques en cours, déstructuration par le néolibéralisme et consécutivement : rationalisation, resserrement des budgets et baisse de la qualité etc.) qui a causé la désaffectation de la presse traditionnelle et par suite aggravé leur situation financière Internet na pas été là le facteur déclenchant de toute cette évolution. Il a été dune part une arme de rationalisation de la presse par la logique néolibérale, dautre part un espace où a pu sexprimer ce que la presse classique ne pouvait plus exprimer.
P.S.
Vux de prompt rétablissement à dedefensa.org
Christian Steiner
28/12/2010
@ Laurent Julliard :
Quand jécrivais « la presse “classique” a été attaquée et déstructurée par le néolibéralisme et la globalisation des années 90 », je faisais bien référence au genre de choses sur lequel vous pointez (http://socio13.wordpress.com/2010/03/30/qui-possede-les-medias/ et http://www.acrimed.org/article2189.html).
Cela nempêche pas, lorsque on se demande comment et pourquoi on en est arrivé à la situation présente (caractérisée par ce que vous dites : « [qui] ne répond plus qu’a une logique financiere » « technocrate obsede par la rentabilite a court terme »), de constater que cette « attaque » néolibérale des années 90 a été simultanée (hasard des choses) avec :
1) la nécessité de retrouver une interprétation « haute » de la situation du monde (et de nous pris dans ce monde) après la fin de la guerre froide (pourquoi cette « fuite vers lavant » du système US et du système moderne, direction le gouffre ?) ; chose que la presse avait commencer à faire jusque dans le milieu des années 90, avant dêtre passée à la moulinette néolibérale (concentration, précarisation etc.), ce qui a mis un terme définitif à cette tentative de recherche de sens ou dadéquation avec ce que les gens vivent ;
2) avec larrivée dInternet, qui a servit à la fois au Système darme pour rationnaliser et dominer encore plus les médias (concentrer dans les mêmes mains du pouvoir dargent), et à la fois de lieu de refuge pour cette tentative dinterprétation de la réalité, ou de recherche de vérité ce qui est une exigence de santé
Ilker de Paris
30/12/2010
@Christian Steiner,
Oui, il n y a certainement pas préméditation ou complot (à utiliser les “droits de l’homme” comme instrument de domination) mais enchaînement mécanique (en passant d’un monde essentiellement bipolaire, à un monde multipolaire, on n’a pas abandonné les conceptions suprématistes c’est-à-dire hégémoniques des rapports avec les autres) c’est ce que je voulais dire.
Christian Steiner
03/01/2011
Il est parfois bon découter une voix, que cela soit par écrit ou par oral. Ici, cest par oral. Il sagit de Stéphane Hessel (mentionné par Ilker), qui sexprime, à 93 ans, sur les ondes de la Radio Suisse Romande, le 4 juillet 2010 (LIEN : http://www.rsr.ch/#/la-1ere/programmes/haute-definition/?date=04-07-2010).
(Stéphane Hessel (http://fr.wikipedia.org/wiki/St%C3%A9phane_Hessel) : Né allemand en 1917, il choisira de Gaulle et la Résistance (formé comme navigateur sur bombardier, il sera agent de liaison dès 1942), sera déporté (juillet 44), participera à la rédaction de la Déclaration universelles des Droits de lHomme (ONU, 1948), fera une carrière de diplomate pour la France de 1945 à 1985 (essentiellement lAsie, au moments les plus cruciaux), puis nommé ambassadeur par François Mitterrand (1981). Il rédigera encore un rapport commandé par Michel Rocard : « Les Relations de la France avec les pays en développement » (1990) ; membre cofondateur du « Collegium international éthique, politique et scientifique » (2002), qui proposera à la prochaine session de lONU une Déclaration universelle dinterdépendance [http://www.collegium-international.net/?p=12&lang=fr] etc. etc., et, last but non least, grand amateur de poésie « devant lEternel » comme lon dit. Il est aussi auteur, entre autres, de « Ô ma mémoire: la poésie, ma nécessité » (Seuil, 2006), une “autobiographie” par le biais de ses poèmes préférés ; « Danse avec le siècle », (Seuil 1997), « Dix pas dans le nouveau siècle » (Seuil, 2002), « Citoyen sans frontières », conversations avec Jean-Michel Helvig (Fayard 2010).
Linterview dure 15 minutes. Ca commence très fort, et tout est dit en deux minutes :
Stéphane Hessel : « Il y a de bonnes raisons de continuer à résister à tout ce qui nous indigne dans la situation actuelle du monde » (100)
Journaliste (Manuela Salvi) : « comment jugez-vous notre société aujourdhui ? »
Stéphane Hessel : « je suis très très exaspéré par le fait que nous disposons de moyens considérables, et nous avons probablement des moyens scientifiques, des moyens économiques plus forts quaucune génération qui nous a précédé. Au lieu de les utiliser pour faire face à des défis que nous allons définir ensemble, au lieu des les utiliser pour rendre la société plus conforme aux valeurs fondamentales qui sont les notre, nous gaspillons les ressources, nous utilisons la violence pour résoudre des problèmes que la violence ne peut pas résoudre. Bref, cette société marche mal, elle marche cul par-dessus tête, et il faut véritablement essayer dobserver tout ce qui ne va pas pour voir ce quon peut faire pour que ça aille mieux. » (122)
Puis sur la résistance (et pas celle de 40-45) : « Rien nest plus grave que lindifférence : “Oui, les choses vont mal, mais quest-ce que jy peut ? Laissons faire, je me débrouillerais toujours”. Ça, cest lattitude de gens qui ne vivent pas leur humanité profonde. Cette humanité profonde nexiste pour chacun dentre nous que lorsque nous nous engageons pour que les défis qui sont là devant nous puissent être confrontés » (230-300)
Il reste quelque chose à dire, sur la poésie (1214-1330) :
« Je pense que la poésie est lune des fonctions de lesprit qui dépasse le commandement. La parole est faite pour commander, pour organiser, pour diriger, et nous en avons besoin. Mais nous devons pouvoir nous évader un peu de ce qui apparaît comme un carcan étroit. Cest lappel à cet imaginaire qui peut être une stimulation pour ne pas sen tenir à ce qui paraît irréfutable, indépassable et aller vers quelque chose de plus élevé dans lesprit. Je me réfère par exemple à quelque vers dApollinaire qui a dit :
“Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait.
Il y a aussi le temps, quon peut chasser ou faire revenir.
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières de lillimité et de lavenir”.
Voilà des vers qui me touchent beaucoup, que jessaye de retenir dans ma mémoire. »
P.S. Allez voir lintégralité du poème dApollinaire, intitulé « La jolie rousse » (in : Calligramme, 1918). On y trouve aussi la voix de Jacques Duby qui le récite :
http://wheatoncollege.edu/academic/academicdept/French/ViveVoix/Resources/jolierousse.html
Francis Lambert
05/01/2011
Lindignation en est le leitmotiv. Quand on pense que ceux qui lachètent par dizaines pour loffrir autour deux y voient un programme daction, une philosophie morale, un bréviaire, on est consterné tant le contenu manque de contenu. Mais la démonstration est si faible et la plume si incertaine que lappel na pas la puissance dun pamphlet.
Le Monde a récemment publié deux pleines pages dans lesquelles des personnalités sindignaient toutes de quelque chose, à lexception du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, et comme sa lumineuse réaction ouvrait le bal, elle eut pour effet danéantir toutes celles qui suivaient :
« Jai beaucoup de tendresse, dadmiration, pour Stéphane Hessel avec qui jai beaucoup de concordances de vue mais je mindigne quon nous demande de nous indigner parce que lindignation est le premier temps de lengagement aveugle. Il faut nous demander de raisonner et non de nous indigner. »
On ne saurait mieux dire quil est bizarre de pousser ses contemporains à sengager sous lempire de lémotion et non sous celui de la réflexion.
Extraits du blog de Pierre Assouline
http://passouline.blog.lemonde.fr/2011/01/04/a-t-on-le-droit-de-ne-pas-sindigner-avec-stephane-hessel/
Donc très bien mais surtout, ensuite ?
geo
06/01/2011
Cioran, en bon moraliste, frappait plus court et plus sec:
“Quand le ressens un mouvement d’indignation, je vais voir un psychiatre.”
Position qui fait problème, certes , mais dont le souvenir fait du bien.
georges dubuis
12/01/2011
Non, l’argent n’est pas un outil d’échange. C’est l’entremetteur de choses pré-échangés: les besoins, les signes.
Non, l’argent n’a pas n’a pas d’existence sociale, elle est la communication entre des choses. L’humanisme est ce qui reste quand on a fait les comptes, un conte à usage très privée accouplée, justifié par des religions qui se positionnent étique ment dans leurs relations à l’argent et ses intérêts qui sont doubles comment circuler et s’accroître par elle même.
Comme le dit justement Attali, pour mieux cacher le reste comme d’hab, les juifs sont les seuls à avoir assumer l’argent et son 2eme intérêt, l’usure, à laquelle les chrétiens hypocrites et conquérants les ont condamnés par défaut. Être maître de l’usure ce n’est pas rien c’est tout simplement être maître du temps et des spéculations sur les besoins et leurs créations relayés par un état qui emprunte pour ses guerres d’expansions où de défense des autres, acheté LE politique. Quand JP Morgan à la création de la FED déclare “quand j’écris un chèque, j’écris la loi” et que récemment le CEO de G.Sachs déclare “sa mission divine” bcp de gens dont Jorion prétendent qu’ils plaisantent, que voulez vous c’est bien l’esprit de Munich qui règne, un monde chosifié, réifié, stupéfait et stupéfiant.
Mais nous ne sommes plus dans les années 30, le seul “ennemi” aujourd’hui n’est pas un état totalitaire et expan sioniste (je ne peux résister à la césure du mot) mais un état qui se défend de NOS histoires de souffrances délirantes: l’Iran et ses ressources d’énergie dont nous avons grand BESOIN grâce a nos productions infinis de choses mortifères où quand l’inutile devient indis..pensable.Le spectacle de la société.
“Il n’y a de bonne monnaies que pensées”
“Les spéculateurs sont plus forts que le diable car ils vendent une chose qu’ils ne possèdent pas”
“Le capitalisme est à la propriété ce que Caïn est à Abel” ACHTUNG ! ! c’est du Drumont comme dirait le puritain Jorion.
Je vous invite à apprécier Attila sur le site AKADEM, site de la pensée numérique juive, sic, dans la conférence “comment moraliser le capitalisme” au temps 51.24mn, tout est dit “la double ingratitude du monde envers les juifs qui ont inventé dieu et l’argent” plus haut tu meurs comme dirait Dieudonné qui LUI est un véritable comique.
Francis Lambert
13/01/2011
Votre haine du peuple juif est très claire.
Pourtant, ils sont sémites comme les arabes.
Pour le reste c’est moins clair, mais il y a des jeux de mots assez poétiques.
Il me semble qu’il n’y ait pas que Dieudonné qui soit un “vrai comique”.
laurent juillard
21/01/2011
@ Morbihan.
Il y a effectivement un complexe de superiorite occidental qui nous pousse a nous sentir le droit de choisir pour les autres, sous pretexte que ” les pauvres malheureux ont besoin de notre aide”. Derriere s’y ajoute, pour beaucoup de “traditionnalistes occidentaux” un peur panique de l’islam qui les fait reagir de maniere irrationnel face aux musulmans.
Si, par exemple, les femmes tunisiennes ne veulent pas rentrer au bercail, c’est a elles seules de le dire et de lutter pour leur choix de vie. Mais surement pas aux hommes occidentaux de le faire a leur place.
Que ceux qui choisissent la tradition y aillent et que ceux qui choisissent la modernite y aillent, en respectant le choix du voisin.
Si les islamistes s’installent dans un pays, ce n’est pas aux occidentaux de les en chasser. Si Le Pen est elu en France, accepterions nous que des arabes viennent le chasser jusqu’en France ?
Pour ma part je choisirais la voie mediane d’une integration, a pas compte, de la modernite sur une base solide de tradition culturelle.
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