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Article : Tentative d’évasion

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On a gagné! Peut-on encore le dire?

PEB

  24/08/2009

La G4G est, nous l’avons vu, un conflit d’intensité moyenne où l’ennemi se terre, n’est jamais identifié sinon à une abstraction.

On voit des vallées reprises aussitôt que perdues et inversement. Les élections sont peu crédibles et les institutions pourries jusqu’à la moelle.

Dans ces conditions, comment proclamer la victoire?

l’analyse anthropologique dit que l’on ne peut pas et on ne le pourra sans doute jamais véritablement. A la haute époque, la guerre était un jeu, un tournoi. Dans une compétition sportive, on joue les hymnes, on prête serment, il y a du spectacle et on chante la victoire ou on pleure la défaite. Le foot est ainsi un substitut à la guerre. Car la guerre ordinaire est ludique en ce que:
1. Elle est déclaré selon une forme solennelle. Le motif en est publiquement communiqué à l’adversaire.
2. Elle est résolue par une bataille décisive.
3. Le vaincu se rend dans les formes aux vainqueurs.
4. La paix signée, un nouvel ordre national est proclamé sous les réjouissances (ou lamentations) populaires.

Sous ces conditions, la guerre ordinaire pouvait se terminer. On pouvait dire: “On a gagné!” ou “On a perdu!” et se retirer honorablement sinon dignement du champ de Mars.

Or, en 2001, on a déclaré la guerre non à l’Afghanistan en tant que tel mais à une abstraction, la Terreur. (Quel mépris pour les Afghans, réduits au rang de spectateurs et non d’acteurs de leur propre destin!) Nos vaines gesticulations sont demeurées poste restante à Kaboul. On a envoyé une invincible Armada. En face, nulle armée grandiose mais une bande de clochards farouches et déterminés. Pas de face à face possible donc pas de bataille décisive donc pas de paix.

Nos unités sont rentrés dans ces vallées perdues comme le toro rentre dans l’arène. On nous envoie des banderilles pour nous exciter, on nous fait charger et alors le torero se dérobe tel un danseur de ballet. A la fin, tous savent ce qu’il en est et du bovidé et de l’homme de lumière.

Olé!

Pour être plus explicite, la seule solution possible est de quitter l’arène. Mais dans ce cas, nos armées seront comme mortes. La puissance extrême sera réduite à son propre néant.

QUE FAIT L’OCCIDENT EN AFGHANISTAN ?

Philippe Le Baleur

  24/08/2009

Il y a dans l’occupation de l’Afghanistan depuis huit ans par des troupes occidentales quelque chose d’infiniment triste, voire pathétique. Encore est-il que cette nostalgie de la colonisation ne doit pas nous leurrer : le pouvoir n’appartient pas à la force brutale, mais à chaque personne humaine.

Au cours des derniers siècles, la civilisation occidentale a exercé une domination sans partage sur le reste du monde. Lorsqu’on se demande pourquoi, on suppose d’abord que c’est dû à la supériorité technologique, et c’est partiellement vrai. Par exemple, lorsque les Espagnols se sont attaqués à l’immense empire indien d’Amérique du Sud, la simple possession d’armes à feu, et leur meilleure organisation militaire ont prévalu. Il est vrai qu’ils avaient affaire à des civilisations décadentes. Des Mayas aux Incas, les Indiens avaient déjà commencé depuis longtemps à quitter les villes pour aller vivre dans la forêt à l’arrivée des premiers Espagnols. La population indienne avait perdu confiance en ses propres dirigeants.
Ceci dit, la puissance militaire n’est pas tout. Que ce soit au niveau de la technologie ou au niveau des valeurs, il y faut une chose plus importante encore : une adhésion totale de chaque individu à la philosophie, aux buts de la société qui entreprend l’action. Si l’Occident a pu vaincre, envahir, assujettir, coloniser d’autres pays dans le monde entier, c’est avant tout parce qu’il croyait à la supériorité de ses propres valeurs.
Or -et c’est là le drame de notre civilisation-, nos valeurs sont celles de la chrétienté. Le Christ a fondé la civilisation occidentale en déclarant en substance : «  Aimez-vous les uns les autres comme Dieu vous aime ». Les valeurs de la chrétienté reposent sur la foi dans la paternité du dieu unique, et par conséquent dans la fraternité de tous les hommes.
Donc, à partir du moment où nous portons nos valeurs à l’étranger par la force, de ce fait même nous contredisons nos propres valeurs. De ce fait, nous perdons en même temps notre supériorité morale et philosophique. Dans un sens, il était plus facile aux Romains d’établir un empire, dans la mesure où leur philosophie reposait sur un stoïcisme personnel, une dureté individuelle face aux événements de la vie, une certaine indifférence face à la mort. Leur supériorité par rapport aux autres nations était maintenue à chaque instant par chaque Romain, du fait même de sa condition de Romain. Aujourd’hui, on appellerait cela un consensus.
Quand à l’empire occidental, il était destiné à la mort à partir du moment où, prônant des valeurs de fraternité, il refusa aux habitants de ses colonies la pleine citoyenneté de l’empire. On peut argumenter autant que l’on voudra, personne ne sortira avec raison de ce dilemme. Si les hommes sont tous frères en théorie, alors les hommes doivent être tous frères dans la pratique.
Le reste coule de source. La faille entre la théorie et la pratique s’est peu à peu élargie au fil des décennies, engloutissant le pouvoir de l’Espagne, puis de la France, puis de l’Angleterre, puis de l’Allemagne et de l’Italie, et à présent le pouvoir des Etats-Unis. La messe est dite ; d’autant plus qu’on ne voit pas comment notre système sclérosé pourrait maintenant générer un renouveau de nos valeurs.
Il ne nous reste à présent que le pouvoir de la quincaillerie, cette puissance de coopération sociale qui nous permet de construire des appareils très ingénieux, surtout lorsqu’il s’agit de tuer des gens. Et même dans ce domaine, nous avons délibérément limité notre propre évolution technique, par manque de vision, par égoïsme. Dans notre cas, par exemple, il était suicidaire de ne pas rechercher une alternative à l’énergie tirée du pétrole… Mais baste, nous avons voulu le pétrole et nous l’aurons. D’autres pays, d’autres civilisations vont maintenant prendre le pas sur nous, avec des technologies plus avancées, plus propres.
Adonc, il est triste de contempler l’orgueil de l’Occident se perdre dans les montagnes afghanes, contre des guerriers frustes et peu civilisés, mais courageux. Au moins, eux, ils n’ont pas de grandes valeurs humanistes, mais ils savent ce qu’ils font, et pourquoi. Mais nous, les pays apporteurs de démocratie, savons-nous ce que nous faisons ?
Ne sommes-nous pas en train de faire la guerre avec des moyens écrasants contre des ennemis plus faibles que nous, juste parce que nous avons des usines d’armement qui tournent bien ?
Ne laissons-nous pas les dirigeants occidentaux nous mentir de façon insultante, juste pour préserver les intérêts de quelques milliardaires ?
Ne payons-nous pas des impôts pour envoyer nos jeunes gens risquer leur vie à massacrer les Talibans-entre-guillemets, c’est à dire la population civile d’Afghanistan ?
Nous souhaiterions nous tromper, que l’on nous dise, par exemple : « Plus de secrets. Il y a dans les montagnes d’Afghanistan des cités souterraines qui abritent des armées de monstres assoiffés de sang, dotés d’armements supérieurs aux nôtres. Si on ne remporte pas la victoire, ils réduiront nos villes en cendres, ils tueront nos femmes et nos enfants, ils nous massacreront jusqu’au dernier ! »
Alors, nous serions les premiers à nous engager contre cette menace existentielle… Malheureusement, tout ce que nous voyons, c’est une poignée de barbus armés de fusils, qui luttent avec leurs corps contre nos missiles téléguidés de loin, de très loin; des résistants qui luttent pour la liberté.
Cela rappellerait-il quelque chose aux Résistants français ? Non, probablement pas. Ils sont vieux, et de toute façon ils auraient refusé de faire ce sale boulot. La réponse à la question est: “l’Occident est venu en Afghanistan pour mourir.”