jc
07/03/2025
Je trouve que la métaphore de l'iceberg qui se retourne très rapidement pour se stabiliser en présentant à l'air une nouvelle face précédemment immergée illustre très bien la notion de catastrophe au sens de Thom : il y a morphogenèse -au sens de changement de forme- (dans ce cas également catastrophique au sens usuel car une petite cause -une modification infime des positions relatives des centres de gravité et de poussée d'Archimède- engendre très rapidement un gigantesque effet, à savoir le retournement de l'iceberg).
Dans sa note [1] Blairon écrit "qu’il existe des primordialistes chrétiens, païens, spiritualistes, indouistes…". Pour moi Thom est clairement un primordialiste mathématicien (et, bien entendu, métaphysicien) :
"Expliquons de manière assez élémentaire le mécanisme qui, à mes yeux, commande toute morphogénèse, par l'analogie suivante entre le développement d'un embryon d'une part et le développement en série de Taylor d'une fonction d'autre part." ("Stabilité Structurelle et Morphogénèse", 2ème ed. 1977, p.32)
Par analogie entre œuf totipotent (SSM, p.32) et Dieu tout puissant on retrouve ce primordialisme "platonicien" à la fin de "Esquisse d'une Sémiophysique"(1988, période "aristotélicienne" de Thom) dans une citation souvent faite ici :
"L'image de l'arbre de Porphyre me suggère une échappée en "Métaphysique extrême" que le lecteur me pardonnera peut-être. Il ressort de tous les exemples considérés dans ce livre qu'aux étages inférieurs, proches des individus, le graphe de Porphyre est susceptible -au moins partiellement- d'être déterminé par l'expérience. En revanche, lorsqu'on veut atteindre les étages supérieurs, on est conduit à la notion d' "hypergenre", dont on a vu qu'elle n'était guère susceptible d'une définition opératoire (hormis les considérations tirées de la régulation biologique). Plus haut on aboutit, au voisinage du sommet, à l'Être en soi. Le métaphysicien est précisément l'esprit capable de remonter cet arbre de Porphyre jusqu'au contact avec l'Être. De même que les cellules sexuées peuvent reconstituer le centre organisateur de l'espèce, le point germinal α (pour en redescendre ensuite les bifurcations somatiques au cours de l'ontogenèse), de même le métaphysicien doit en principe parvenir à ce point originel de l'ontologie, d'où il pourra redescendre par paliers jusqu'à nous, individus d'en bas. Son programme, fort immodeste, est de réitérer le geste du Créateur). Mais très fréquemment, épuisé par l'effort de son ascension dans ces régions arides de l'Être, le métaphysicien s'arrête à mi-hauteur à un centre organisateur partiel, à vocation fonctionnelle. Il produira alors une "idéologie", prégnance efficace, laquelle, en déployant cette fonction, va se multiplier dans les esprits. Dans notre métaphore biologique ce sera précisément cette prolifération incontrôlée qu'est le cancer.
Aristote a dit du germe, à la naissance, qu'il est inachevé. On peut dès lors se demander si tout en haut du graphe on n'a pas quelque chose comme un fluide homogène indistinct, ce premier mouvant indifférencié décrit dans sa Métaphysique; que serait la rencontre de l'esprit avec ce matériau informe dont sortira le monde? Une nuit mystique, une parfaite plénitude, le pur néant? Mais la formule d'Aristote suggère une autre réponse, théologiquement étrange: peut-être Dieu n'existera-t-il pleinement qu'une fois sa création achevée: "Premier selon l'être, dernier selon la génération"."
jc
09/03/2025
Le momoèdre du physicien et métaphysicien Jean-Pierre Petit pourra peut-être les intéresser, voire les inspirer :
https://unilater.com/fr/
jc
11/03/2025
(suite)
Pour Blairon la principale qualité des primordialistes reste la capacité de voir plus haut et plus loin.
Et :
» Un changement de paradigme – modification profonde de la façon de penser et d’agir - est souvent associé à une connaissance scientifique qui, vue sous un autre prisme, peut se révéler être de nature purement spirituelle même si les acteurs et spectateurs de ce bouleversement n’ont, en règle générale, pas conscience de son caractère révolutionnaire car les uns et les autres agissent et réagissent en fonction d’une logique qui, en apparence, reste contenue dans des normes ordinaires."
L'interprétation du monoèdre par JP. Petit rentre dans ce cadre, le changement de prisme consistant à diffracter le réel en un réel positif, un imaginaire positif, un réel négatif et un imaginaire négatif. En partant d'un côté d'une section carrée du monoèdre prise pour origine des temps, on parcourt l'unique face du monoèdre en suivant "la" face issue de ce côté +t, en recoupant trois fois cette section origine selon les trois autres côtés +it, -t, -it du carré pour finir par la recouper une quatrième fois suivant le côté initial, ce qui achève le cycle qui peut se répéter indéfiniment.
Si on attribue un genre aux paires de concepts, on a alors un réel et un imaginaire masculins et un réel et un imaginaire féminins. On généralise alors une situation envisagée par Lacan*:
C'est ainsi que les organes sexuels masculin et féminin viennent à symboliser la place de la jouissance, non pas en tant qu'eux-mêmes, mais en tant que parties manquantes à l'image désirée.
* : "C’est ainsi que l’organe érectile vient à symboliser la place de la jouissance, non pas en tant que lui-même, ni même en tant qu’image, mais en tant que partie manquante à l’image désirée : c’est pourquoi il est égalable au √- 1 de la signification plus haut produite, de la jouissance qu’il restitue par le coefficient de son énoncé à la fonction de manque de signifiant : -1"
jc
12/03/2025
[ Pour Blairon la principale qualité des primordialistes reste la capacité de voir plus haut et plus loin.
Et :
» Un changement de paradigme – modification profonde de la façon de penser et d’agir - est souvent associé à une connaissance scientifique qui, vue sous un autre prisme, peut se révéler être de nature purement spirituelle même si les acteurs et spectateurs de ce bouleversement n’ont, en règle générale, pas conscience de son caractère révolutionnaire car les uns et les autres agissent et réagissent en fonction d’une logique qui, en apparence, reste contenue dans des normes ordinaires." ]
Pour moi tout changement de paradigme s'effectue catastrophiquement à cause de l'inertie historique -qu'elle soit sociale ou scientifique-, le terme adéquat me semblant être celui d'hystérésis.
Max Planck, l'un des pères de la physique quantique l'a appris à ses dépends : "Une idée nouvelle ne triomphe jamais, ce sont ses adversaires qui finissent par mourir ...".
Peut-être en sera-t-il ainsi de l'œuvre de Thom, qui termine "Prédire n'est pas expliquer" (son dernier bouquin de "vulgarisation") par cette citation de Nietzsche : "Ce sont les pensées qui viennent comme portées sur des pattes de colombes qui dirigent le monde." ?
D'audace de pensée Thom n'en manque pas : "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés," -citation maintes fois faite ici- dont la portée ne peut se comprendre sans rappeler que la théorie thomienne est une théorie de l'analogie, mais citation tronquée, la phrase devant être complétée par "ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en Physique est foncièrement justifié."
Thom ne cache pas que son œuvre non mathématique est essentiellement métaphysique (et c'est très certainement pour cela que tant de mathématiciens contemporains lui ont tourné le dos). Aussi je suis convaincu de ne pas déformer sa pensée en paraphrasant ainsi le complément de citation : "ainsi l'usage de vocables anthropomorphes en métaphysique est foncièrement justifié."
PhG a écrit jadis que "la sagesse est aujourd'hui l'audace de la pensée", citation qui renvoie évidemment à la principale qualité des primordialistes, qui est pour Blairon la capacité de voir plus haut et plus loin.
Dans "À propos du "grain de sable divin""*, il oppose un système anthropomystique** au système anthropotechnique de JP Baquiast. Peut-être accepterait-il la paraphrase suivante du complément de citation : "ainsi l'usage de vocables anthropomystiques en métaphysique est foncièrement justifié." ?
(*) https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-a-propos-du-grain-de-sable-divin
(**) Thom : "Le matériau fondamental de la géométrie, de la topologie, c'est le continu géométrique ; étendue pure, instructurée, c'est une notion « mystique » par excellence. L'algèbre, au contraire, témoigne d'une attitude opératoire fondamentalement « diaïrétique ». Les topologues sont les enfants de la nuit ; les algébristes, eux, manient le couteau de la rigueur dans une parfaite clarté.".
[ Pour moi qui essaye de systématiquement attribuer un genre aux paires de concepts, j'attribue sans hésiter le genre féminin au continu géométrique (et le masculin au discret algébrique). Je rappelle à ce propos que pour Thom le continu précède ontologiquement le discret et que cette opposition domine toute la pensée. Ce n'est pas ainsi que la Bible, en sa genèse, voit les choses… ]
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