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Article : Une crise trop loin?

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Guerre de l'Etat juif contre les palestiniens

FHR

  28/07/2006

LE site “christicity” reproduit une analyse lucide de l’évêque du Puy -un des plus importants diocèse de France, en raison du sanctuaire marial qui s’y trouve,- sur le conflit moyen-oriental. (A noter : le site du diocèse est inaccessible techniquement. Mais la cause n’en est-elle que technique ?)

Dans la presse, parlée ou écrite, on parle beaucoup du conflit israélo-palestinien. Le nombre de victimes a ému. Père, quelle est votre analyse ?

Je pense que c’est une énorme tragédie assombrissant singulièrement le début du 3ème millénaire. Elle en rappelle d’autres qui, à plusieurs reprises, hélas !, ont marqué le long cours des siècles. L’Eglise catholique ne peut demeurer silencieuse. Quoiqu’il lui en coûte, elle doit proclamer, à temps et à contretemps, que la paix est fruit de la justice et que la violence ne peut faire naître que plus de violence.

Dans ce contexte de violence, que peuvent faire les chrétiens ?
Pour celui qui croit au Christ, la paix est aussi un don de Dieu qu’il faut demander avec un cœur contrit, humble et confiant.
· Un cœur contrit : ” Seigneur, je te demande pardon d’être un fauteur de violence et de haine “.
· Un cœur humble : ” Seigneur, la paix est plénitude d’amour et de vie entre les hommes ; une plénitude reçue de toi “.
· Un cœur confiant : ” Seigneur, je sais que tu entends ma prière pour la paix et, avec ton aide, je veux être artisan de paix “.

Quand on regarde les évènements sur le terrain, il y a de quoi désespérer !

Pour garder l’espérance, il nous faut les regarder dans la lumière de la foi et agir avec l’aide de la prière. Le conflit israélo-palestinien est, je le répète, une tragédie mais nous nous souvenons également qu’il y en a d’autres dans le monde, celle du Soudan par exemple. Mais la Palestine est une terre où, depuis trop longtemps s’entre-déchirent deux peuples, une terre dont le destin unique ne peut laisser personne indifférent…
Est-ce une guerre raciste ?
Non pas à proprement parler, car les deux peuples ont de nombreuses affinités linguistiques et ethniques et, pour une part, on peut dire qu’ils sont nés sur la même terre.
Ces attentats ont-ils une incidence sur l’ opinion publique ?
Oui,
bien entendu. Comment peut-il en être autrement ? Ces attentats sont effroyables parce que leurs victimes sont des innocents, pris en otage dans le conflit. De telles actions doivent être condamnées sans appel. Cependant on ne lutte pas contre le terrorisme en le pratiquant à son tour. A la suite de tant d’autres, c’est une erreur fatale que, me semble-t-il, commet en ce moment l’Etat d’Israël. Oubliant qu’il est un Etat de droit, il réplique aux massacres par le massacre, à la torture par la torture. Il lui arrive aussi de céder à la tentation de répondre à l’arbitraire par l’arbitraire. C’est dire que la guerre actuelle risque fort de faire d’Israël un Etat de non-droit. Ce serait un des pires malheurs qui puisse arriver… Comment ne pas craindre qu’un tel malheur soit aux portes lorsqu’on constate avec désolation que l’armée israélienne n’a cure des conventions internationales concernant le traitement des prisonniers ou des blessés et que, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le statut de certains lieux saints, particulièrement chers aux chrétiens, est ouvertement malmené ? De telles folies n’ouvrent pas la voie à une paix solide. Ainsi que la voix trop solitaire de Jean-Paul II ne cesse de le rappeler, dans les relations entre les peuples, seul le rétablissement de la justice et la pratique d’une certaine magnanimité peuvent mettre fin aux violences qui coûtent la vie à tant d’innocents.
Quelle est l’origine de ce conflit ?
Les causes sont multiples. Elles ne sont pas toutes, loin de là, des excuses. A ce propos, évoquons le point suivant : la création de l’Etat d’Israël s’est faite au terme d’implantations successives de colonies juives pendant les premières décennies du XX° siècle. La naissance de cet Etat en 1948, a été voulue par certains juifs comme un moyen efficace de protéger leur peuple contre les effroyables exactions dont il avait été la victime. Après la Seconde Guerre Mondiale, après cette horreur qui s’appelle ” la Shoah “, la création d’un Etat est donc apparu comme une nécessité. Les pays occidentaux ont soutenu ce projet sans prendre suffisamment conscience de leurs responsabilités, ni mesurer les conséquences de leurs décisions, inspirées bien souvent, il faut le reconnaître, par l’opportunisme, l’esprit de compromission ou la lâcheté.

Et la violence commence-t-elle dès la création de l’Etat d’Israël

En effet, cette création s’est accompagnée de ruses, de violences et de provocations dont les palestiniens et les juifs ont été les premières victimes. Il faut aussi rappeler que de nombreux palestiniens ont été chassés de leurs terres par des méthodes d’intimidation. Ils ont été obligés de mener une existence de parias au sein de camps de réfugiés, camps dont l’Occident semble avoir oublié pendant de longues années l’existence. Ces camps, dont certains existent toujours, ont nourri et nourrissent le désespoir d’un peuple bafoué jusque dans ses droits fondamentaux.
Les violences ne sont pas d’un seul côté…

C’est vrai. Les violences d’aujourd’hui ont été précédées par d’autres où chaque camp, les israéliens d’un côté, les palestiniens de l’autre, ont cherché à l’emporter par la menace et par la force. Jusqu’à présent, une guerre impitoyable, tantôt ouverte, tantôt feutrée, n’a connu ni vainqueurs, ni vaincus.
Que dire de l’action de la communauté internationale ?
L’Etat d’Israël, fort du soutien américain, a cru remporter la victoire grâce à la puissance de ses armées. Des résolutions internationales ont été votées pour amener les belligérants autour d’une table de négociation. Il est déplorable qu’elles aient été, le plus souvent, bafouées. En ce domaine, Israël a sa part de responsabilité. A l’heure actuelle, le gouvernement de ce pays entretient - même en son sein, des courants favorables à la violence. La brutalité de son armée et de ses forces spéciales ne sont
plus un mystère pour personne
Pouvez-vous en donner un exemple ?
Lorsqu’un premier ministre d’Israël, soutenu dans son pays par les forces de la paix, a voulu réparer certaines injustices, tout en obtenant des garanties solides pour la sécurité de son pays, il a été assassiné. Nous pensons ici à cette très belle figure qu’a été Rabin. Homme d’un grand idéal, il fût, après quelque temps, remplacé par l’actuel premier ministre, Ariel Sharon. Ce personnage qui prône la violence et ne paraît guère s’embarrasser de scrupules, jouit d’une réputation à jamais entachée par des actes inqualifiables commis contre les palestiniens, actes qui ont commencé lorsqu’il exerçait des fonctions militaires au Liban sud. Comment ne pas songer aussi à ses innombrables provocations, l’une des plus célèbres, sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, étant, en partie, à l’origine des affrontements actuels.

Soulignons également que l’actuel premier ministre a favorisé l’implantation abusive de colonies juives dans les territoires occupés, bafouant de la sorte les résolutions de l’O.N.U.. Il n’a tenu aucun compte des protestations internationales. Le même premier ministre a encouragé des représailles aveugles contre les palestiniens, faisant tirer sans état d’âme sur des femmes et des enfants ; il a enfermé le peuple palestinien dans des enclaves, par exemple celle de Gaza, pratiquant ainsi à son égard une nouvelle forme ” d’apartheid “. Par sa manière d’agir, Ariel Sharon et les courants extrémistes qu’il encourage, accumule chez les palestiniens des haines et des rancœurs, qui, tôt ou tard, coûteront très cher. C’est tout simplement indigne.

A ce propos, il est important de dire sans ambages que critiquer certains comportements d’Israël à l’égard des palestiniens ou déplorer l’attitude du gouvernement de ce pays à l’égard de minorités religieuses ou culturelles, n’est certes pas céder aux démons de l’antisémitisme.
Faire croire le contraire, c’est refuser le débat démocratique, verser dans un amalgame odieux, favoriser enfin des fanatismes qu’il faut justement combattre. J’ajoute qu’une juste admiration et un grand respect pour le peuple juif dont l’existence est le signe d’un message qui interroge particulièrement le cœur du croyant chrétien, poussent le véritable ami d’Israël à s’inquiéter tant de la montée en puissance de certains extrémismes religieux que de l’extension dangereuse de confusions recevant parfois un aval officiel. De telles confusions, en effet, aboutissent à un messianisme temporel, source d’oppression et d’intolérance
Est-ce l’origine des violences actuelles ?
De tels procédés ont accéléré le cours de la violence. A leur tour, les palestiniens recourent à un terrorisme de plus en plus meurtrier qui ne saurait, lui non plus, avoir la moindre justification même s’il est parfois l’expression d’un peuple réduit au désespoir. Ajoutons aussi que Yasser Arafat n’a pas voulu, en son temps, saisir des conjonctures favorables pour ouvrir la voie à un règlement pacifique. De surcroît, il a couvert de son autorité des actes inadmissibles. Nous en arrivons, à l’heure actuelle, à une situation explosive. Au milieu de la quasi indifférence internationale, israéliens et palestiniens s’entre-tuent, se livrant, avec des méthodes barbares, une guerre qui pourrait déboucher non seulement sur un bain de sang aux répercussions incalculables mais aussi, et je tiens à le souligner, sur une tragédie mondiale. Il est plus que temps de convaincre Ariel Sharon et Yasser Arafat de conclure une paix. C’est le devoir des grandes puissances. Mais sont-elles encore animées d’un idéal capable de discerner les justes revendications de chaque partie et d’amener les belligérants à signer enfin un accord durable ?
Et nous, y pouvons-nous quelque chose ?
Pour le chrétien, c’est aussi l’heure de la prière ; c’est l’heure également pour lui de se souvenir que tant du côté israélien que du côté palestinien, il a des frères qui partagent sa foi. En ces moments si graves pour l’avenir du monde, unir nos forces spirituelles au service d’une juste paix est une cause que Dieu bénit.

Je voudrais enfin souligner que Jean-Paul II, avec sa lucidité coutumière et son extraordinaire courage, a adressé aux croyants et à tous les hommes de bonne volonté un message qui sonne comme un avertissement : ce qui se passe en ce moment, dit-il en substance, est ” une guerre contre la paix “. Le 4 avril dernier, dans une lettre écrite au Secrétaire d’Etat, le Cardinal Sodano, pour inviter à une journée de prière pour la paix, il a lancé cet appel : ” Face à la détermination farouche avec laquelle de part et d’autre, on continue d’avancer sur la voie des représailles et de la vengeance, apparaît dans l’âme emplie d’angoisse des croyants la perspective du recours à la prière instante à Dieu, qui, lui seul, peut changer le cœur des hommes, même des plus obstinés”.