Forum

Article : USA-2011 comme URSS-1989? Il leur manque Gorbatchev

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

De la géopolitique-1970 à la psychopolitique-2011, la longue chute…

Christian

  08/02/2011

Si les USA ont perdu l’Iran (époque Shah), l’Irak (époque Saddam Husein), l’Egypte (époque Moubarak), le Pakistan (époque Musharraf)… que leur reste-t-il des lambeaux de ce « far abroad » de leur époque géopolitique pétro-eurasiatique ?

Plus rien…

La bataille “to win the hearts and the minds” a définitivement échoué dans tous ces endroits… De la même manière par ailleurs que les intégristes ont tenté de s’imposer dans tous ces pays dans les années 1990, avec les horreurs qu’on sait et le sang que l’on a encore sur les mains, et ont échoués et ne seront plus acceptés par les populations, de la même manière ces populations n’accepteront plus le rêve américain (encore moins la “reealpolitik américaniste”, si tant est qu’une chose pareille eût jamais existé, même à l’époque de l’apogée de l’emprise américaniste), ni le Système, puisque c’est de cela qu’il s’agit ultimement…

Nous avons atteint le statut quasi-idéal de "brave new world" !

Francis Lambert

  08/02/2011

“Quelle ne fut pas notre surprise d’entendre lundi en tout début d’après-midi un stratège d’une des cinq premières banques d’investissement de Wall Street affirmer, avec un large sourire de vainqueur, que l’économie mondiale avait atteint—sans que la majorité des habitants de la planète ne s’en rendent compte—un statut quasi-idéal de “brave new world” (en référence au best-seller d’Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes).

Et nous n’en avions pas fini avec les révélations abasourdissantes. En effet, selon lui, seul “le marché” (c’est-à-dire ce concept recouvrant une pure fiction dont lui et quelques influents collègues tirent sans scrupules les ficelles) était le seul à s’être rendu compte, depuis plus de six mois, que tout allait beaucoup mieux qu’avant la crise de l’automne 2008.

La preuve : les profits des entreprises sont plus élevés qu’à la fin du premier semestre 2008. En 2010, ils ont progressé à un rythme de 28%, le plus élevé observé depuis le début du 21ème siècle. (...)

▪ Nous assistons effectivement à l’avènement du “Meilleur des Mondes” pour les privilégiés de Wall Street qui gèrent les actifs des 1% d’habitants les plus riches du pays. Il y a 10 ans, ils engrangeaient à eux seuls 15% des revenus distribués et captaient 25% de la richesse créée.

Aujourd’hui, ils confisquent un quart des revenus, dont un tiers du total rien que pour Wall Street, et la moitié du surplus généré par la hausse du PIB. Laquelle est en réalité financée depuis trois ans à 100% par un endettement illimité... dont les contribuables lambda sont les principaux garants. (...)

C’est cela, le “Meilleur des Mondes”. Les mauvaises nouvelles deviennent les bonnes ; la consolidation, c’est la hausse ; la pauvreté, c’est l’opulence ; l’inflation, c’est la richesse ; la liberté c’est l’esclavage.

Mais attendez ! Ne sommes nous pas en train de glisser vers le 1984 d’Orwell ? Un 1984 où Big Brother Bernanke déclarerait chaque soir que les actions doivent monter, le ministère de la Vérité étant chargé d’inventer chaque jour une nouvelle fable pour justifier ce prodige.

Il y a 10 ans, la hausse perpétuelle des actions saluait la “Nouvelle économie”.
Le rally de 2004 à 2007 saluait la “Grande modération” (ou Goldilocks).
Quant au doublement des cours de mars 2009 à février 2011, il salue le “Meilleur des Mondes”... celui où les banquiers de Wall Street parlent le Novlangue, où le grand public assume les risques pris par le secteur privé et où l’argent public sert à engraisser les spéculateurs du secteur privé !”

Par Philippe Béchade http://www.la-chronique-agora.com/articles/20110208-3390.html

Suivre de très près la réaction israélienne

michel BESCOND

  08/02/2011

Je pense qu’il convient,  dans ce contexte, de suivre de très près les réactions israéliennes à l’ effondrement de l’Empire:
- parce que la survie d’Israël en dépend largement (et donc la sensibilité  à toute évolution même infime y est très forte)
-mais aussi parce que cet État, comme il l’a déjà montré, est capable de réagir, et très fort, en toute autonomie, pour se préserver, sans forcement tenir compte de l’intérêt du Protecteur: il a donc une capacité réelle à aggraver et accélérer le processus

Chez Jorion aussi

ANNE

  11/02/2011

Et sur le blog de Jorion, vous avez aussi des admirateurs , ci-dessous un article très inspiré de votre vision :

http://www.pauljorion.com/blog/?p=21190#comment-148335

UNE HISTOIRE DE DOMINOS (EGYPTIENS), par Zébu
11 février 2011 par Julien Alexandre | 
Billet invité
Mianne a récemment évoqué dans un post la possibilité d’un parallèle entre la situation actuelle de l’Egypte pour les USA et celle de la Pologne en 1989 pour l’URSS : une situation vitale. Car pour ces deux puissances militaires, « l’extérieur », qu’il soit proche ou lointain, a toujours eu de forts liens d’interdépendance avec l’ensemble du système.

Ce dont on oublie aussi de parler sur ce sujet, si l’on parle « d’extérieur », c’est l’analogie possible avec l’URSS sur un autre front : celui de l’Afghanistan, un des fronts de « l’extérieur lointain » (pour peu que l’on suive la thèse de De Defensa) pour les USA. On pourra arguer que l’Afghanistan était un « extérieur proche » de par sa situation limitrophe, mais cela ne constituait néanmoins pas le cœur du système soviétique, à l’inverse de la Pologne dans les années 80, de la Hongrie dans les années 50 ou de la Tchécoslovaquie dans les années 60.

Si la Pologne a fortement contribué à son effondrement en 1989, l’URSS est déjà en guerre en Afghanistan depuis plus d’un an quand le syndicat Solidarnosc naît en 1980. Et quand le 15 février 1989 les dernières troupes soviétiques sont évacuées du pays, il ne reste plus que quelque mois avant la chute du mur de Berlin qui verra deux mois plus tard, la légalisation du syndicat Solidarnosc et sa participation aux élections. L’empire soviétique aura été saigné à blanc par cette guerre : plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés au combat, des centaines de milliers de malades, 900 000 soldats ayant servis, pour un coût au final de 2 milliards de dollars par an (soit environ 6 milliards en dollars constants).

Si on prend, au regard du nombre de soldats ayant servi, le nombre de morts pendant les neuf années de conflit (14 000 morts pour 900 000 soldats), on obtient un pourcentage de tombés au combat faible (1,56 % du total), a fortiori si l’on prend le nombre total de soldats dans l’armée de l’URSS. Pour autant, l’impact fut très important psychologiquement, avec les dizaines de milliers de soldats blessés au combat revenant au pays et surtout la première défaite de l’armée rouge sur le terrain depuis la seconde guerre mondiale.

La guerre en Afghanistan menée par la coalition dirigée par les Etats-Unis d’octobre 2001 à octobre 2010 (soit neuf ans environ) a fait moins de morts (2 200) parmi les soldats de la coalition, et bien moins en proportion sur un effectif de 400 000 hommes que les armées soviétiques sur une durée équivalente. A la différence près que l’avantage technologique fut et reste écrasant en faveur de la coalition pendant cette guerre alors que les soviétiques durent faire face vers la fin du conflit à des rebelles afghans armés de missiles Stinger, financés largement par les USA et l’Arabie Saoudite, contrebalançant la suprématie soviétique, notamment aérienne. De sorte que l’on peut dire que l’impact psychologique est lui aussi très important, étant donné cette supériorité technologique, qui n’est pas remise en cause mais qui ne permet pas non plus à la coalition de sortir vainqueur de cette guerre.

Surtout, le coût de cette guerre sur neuf ans est évalué à 377 milliards de dollars, soit environ 42 milliards de dollars par an. Tout comme Gorbatchev en 1988, Obama, devant la nécessité d’un retrait militaire, envisagea en 2010 un retrait qui commencerait l’année suivante, en 2011, pour être définitif en 2014. On peut là aussi faire un parallèle avec la façon dont les Russes « transférèrent » la sécurité au régime pro-soviétique de Nadjibullah en 1989 en le finançant, jusqu’à sa chute en avril 1992, quelques mois après la fin officielle de l’URSS (21 décembre 1991). On imagine ainsi fort bien le devenir du régime de Karzaï après 2014 : pas plus de 3 ans. Si en termes « d’extérieur lointain » on ajoute la guerre d’Irak, avec 4 750 morts et 36 000 blessés en 8 ans et un coût de 773 milliards de dollars, on obtient un nombre de morts et de blessés au combat certes inférieur à la guerre soviétique en Afghanistan mais restant comparable en termes militaire, stratégique et psychologique. D’un point de vue financier, le coût évalué pour ces guerres « extérieures lointaines » en moins de 10 ans est de plus de 1 150 milliards de dollars… soit presque 10% de la dette US.

De fait, le pouvoir soviétique était déjà exsangue militairement et financièrement quand le syndicat Solidarnosc émergea et était dans l’incapacité totale de réprimer comme il avait pu le faire auparavant son « extérieur proche » : il fut obliger de lâcher du lest. Ce fut le coup de grâce. Surtout, l’économie interne était alors complètement délabrée : « Comme l’a décrit J.Kornaï, l’économie soviétique est contrainte par l’offre : c’est une économie de pénurie. Le seul bien qui ne soit pas contraint par l’offre est la monnaie : l’économie soviétique est caractérisée et affaiblie par un très grand laxisme monétaire. »

En caractérisant l’économie US, on est frappé de rencontrer les mêmes définitions : le seul bien qui ne soit pas contraint est le dollar, un laxisme monétaire évident – on pense à la politique de quantiative easing de la Fed, mais aussi l’obsolescence du capital productif, la stagnation ou la chute de la productivité… La différence est qu’en lieu et place d’une économie de pénurie, les USA sont actuellement plutôt définis, en système capitaliste (l’inverse du système soviétique), par une pénurie de la demande (chômage, soupes populaires et bons alimentaires, saisies immobilières, chute du crédit à la consommation, etc.).

Mais il s’agit néanmoins bel et bien d’une économie de pénurie.

Enfin, un dernier élément, et non des moindres. Le cours du pétrole joua un rôle important dans l’évolution du conflit en Afghanistan dans les années 80. En effet, l’URSS était un des principaux producteurs de pétrole et les cours connurent de fortes augmentations suite aux deux chocs pétroliers de 1973 et surtout 1979, ce qui permit d’ailleurs de financer en grande partie la guerre en Afghanistan. Jusqu’au moment où les cours du pétrole se retournèrent, en 1983, l’Arabie Saoudite ayant « décidé » d’inonder le marché, faisant ainsi chuter le cours de 34 dollars le baril à 29 dollars : suffisant pour mettre en difficulté financière l’URSS, dont une bonne partie des rentrées de devises dépendaient de la vente à l’exportation du pétrole. De là à penser que l’Arabie Saoudite a agi en « service commandé », afin de lutter contre les « mécréants communistes » et précipiter la chute du régime communiste affaibli, il n’y a qu’un pas que le grand reporter Eric Laurent a largement franchi dans « La face cachée du pétrole »…

En inversant les choses cette fois, on ne peut que constater l’augmentation importante des cours actuels du pétrole, que la crise au Moyen-Orient ne fait que renforcer (spéculation, inquiétude quant au canal de Suez), cours dont l’augmentation pèse énormément sur la balance commerciale des USA, importateur net de pétrole. Même si ce dernier est toujours payé en dollars, il contribue à creuser ce déficit commercial qui tend à dévaloriser le dollar en tant que monnaie. Les USA se retrouvent donc dans une position inverse de celle de l’URSS (mais tout aussi inconfortable), et l’héritière russe de jubiler en voyant son ancienne rivale en si mauvaise posture, elle qui a la main sur le robinet puisque la Russie est désormais le premier exportateur au monde en 2009, devant l’Arabie Saoudite.

De sorte que le parallèle semble fonctionner entre la situation de l’URSS en 1989 et celle des USA actuellement, tant militairement et géostratégiquement (en particulier avec le parallèle afghan) que financièrement, économiquement, monétairement et structurellement (usure du système politique, idéologique et symbolique).

Dans ce cadre d’analyse, on peut dès lors légitimement penser que l’Egypte pourrait être aux USA ce que la Pologne fut à l’URSS : « l’extérieur proche » d’un système en voie de décomposition. Mais à l’inverse d’une puissance militaire soviétique terrestre, la puissance militaire américaine est essentiellement aérienne et maritime, ce qui amène à considérer un « extérieur proche projeté » ou « extérieur proche non limitrophe ». De fait, « l’extérieur proche »  pour les USA est lié au contrôle des zones de productions d’énergie (pétrole, gaz) et des zones de transit de ces productions. Si l’Arabie Saoudite est une partie du système (depuis l’accord sur le Quincy en 45), l’Egypte est « l’extérieur proche »  par excellence.

Dans une autre région du monde, elle aussi essentielle pour les USA (où là encore elle a subi de très sérieux revers ces dernières années : Vénézuela, Equateur, Bolivie, mais aussi MERCOSUR), la Colombie et le Mexique sont « l’extérieur proche ». Que l’un des deux tombe (la Colombie permet de contrôler indirectement le canal de Panama et le Mexique est un des trois pays membres de l’ALENA) et « l’extérieur proche » est irrémédiablement atteint, impactant nécessairement le système américain, tout comme le fut l’URSS avec la chute de la Pologne en avril 1989.

Sur cette base de comparaison, l’Egypte d’aujourd’hui ressemble fortement à la Pologne (et plus largement l’Europe de l’Est) de 1988, lorsque Gorbatchev déclara à l’ONU le 7 décembre qu’il réduirait les troupes soviétiques présentes sur ces territoires de 500 000 soldats, perestroïka oblige mais aussi très certainement crise financière interne aidant. Le discours actuel d’Hillary Clinton que retransmet Mianne suit une logique similaire. Pour mémoire, la Hongrie, sévèrement réprimée par les troupes soviétiques dans les années 50, fit un pas avant la Pologne vers une forme d’autonomie vis-à-vis du pouvoir soviétique, en faisant valoir dès le début de l’année 1989 le droit de grève, de manifester et le multipartisme. Etrangement, la Tunisie, « petite pièce » dans le puzzle américain (tout comme le fut la Hongrie pour l’URSS) a rendu « possible » la situation actuelle en Egypte. La comparaison n’a pas dû être oubliée à Washington. Gorbatchev (et à travers lui l’URSS) y gagna son prix Nobel de la paix en 1990. Mais il y perdit le pouvoir. Obama (et à travers lui les USA) a déjà, lui, le prix Nobel de la paix. Que peut-il perdre en Egypte, qu’il n’ait pas déjà gagné ?