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34442 mars 2021 – Nous avons, vous peut-être et moi sans aucun doute, par instants qui ne sont pas si éloignés cette impression par moment de vide. Pour moi, c’est ‘rien à écrire’, rien qui soit d’un réel intérêt, ou bien qui découvre quelque interrogation, qui retienne l’intérêt d’une façon un peu différente des sottises dormitives et robotiquement mensongère de la presse Système ; alors qu’autour de vous, partout règne “la crise”, même si vous la percevez en plusieurs “crises”, ce qui est déjà la preuve d’une bonne lucidité. C’est un sentiment que j’ai plus d’une fois ressenti, ces derniers temps, depuis que “règne ‘la crise’”. Bien sûr, il y a les obsédantes comptabilité de confinement, les épisodes grotesques et fous de la crise de l’américanisme, mais tout cela se répète, de plus en plus indescriptible à force d’être répétitif. Et pourtant, se dit-on, quelle crise !
Dans une époque où triomphe absolument la communication, la perception subjective (la psychologie) joue absolument un rôle fondamental pour l’appréciation, sinon la compréhension de la démence crisique caractérisant absolument notre époque. Tant d’‘absolument’ dans cette phrase, – comme un signe des Temps n’est-il pas vrai ?...
Notre principal problème à cet égard est justement l’appréciation, sinon la compréhension du phénomène crisique. Il s’agit bien d’abord d’un exercice de définition, nécessaire pour aider notre perception et parvenir à une identité : nous ne vivons pas une crise, ou une succession de crises selon la définition classique du phénomène-“crise”.
(Je mets à part le concept de la Grande Crise d’Effondrement du Système, ou GCES, qui est certes un concept opérationnel mais qui ne définit pas ce qu’il est lui-même. On en vient ici, pour justifier ce malaise brièvement mentionné, à s’intéresser à la ‘substance même de la crise’ : qu’est-ce que c’est qu’une “crise” ? Ou plutôt, qu’est devenu ce “qu’est-ce que c’est qu’une ‘crise’ ?” à la lumière de l’hypothèse d’une évolution transmutante du concept de “crise” ? En effet, c’est la base même de cette réflexion comme c’est la base de cette “science” étrange qu’est la crisologie, fondée sur l’axiome fondateur que le concept de “crise” a changé de nature, sans aucun doute depuis l’attaque du 11 septembre 2001.)
Pour mieux me faire comprendre et nous comprendre, je dirais qu’il existe désormais un “phénomène crisique” qui a remplacé la crise, ou la succession de crises au sens classique. Nous sommes dans une “époque crisique”, où le “phénomène crisique” remplace, avec des caractères spécifiques nouveaux, “la crise, ou la succession de crises au sens classique”.
Cette question a pris toute sa consistance dans mon esprit à la suite d’une relecture récente du ‘chapô’ de présentation du site, en tête de la page d’accueil ; je dirais de la relecture, “par le plus grand des hasards” selon un constant courant de curiosité justement hasardeuse (“humain, trop humain” ?), mais peut-être bien moi-même orienté vers cela par une intuition, ‘haute’ bien entendu, ou/et quelque force extérieure (on me connait, je me connais à cet égard). Si l’on relit le dernier paragraphe du ‘chapô’ par exemple, – ci-dessous, – on sent qu’il y a des orientations nouvelles pour la perception de la dynamique des événements mais on ne voit aucune précision dans le sens de leur définition ; un constat, rien d’autre, aucune exploration du contenu du constat.
(Notez bien que ce ‘chapô’ de présentation date de la mise en place de la nouvelle formule graphique et structurelle du site, en septembre 2015. J’accepterais volontiers l’idée qu’il soit prémonitoire, – mais inconsciemment, sans conscience de sa signification)
« Pour ce qui concerne la situation présente du site, en fonction des plus récents évènements et de la façon dont ils sont appréhendés par nous, ce qui était en gestation depuis plusieurs années et s’est imposé par la pratique elle-même devient une évidence : dedefensa.org, ou dd&e (dedefensa & eurostratégie) est devenu un site dont la mission est clairement : “La crisologie de notre temps”.
» • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique.
» • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition.
» • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom. »
Lorsque j’écris “on ne voit aucune précision dans le sens de leur définition ; un constat, rien d’autre, aucune exploration du contenu du constat”, – je découvre que je veux dire qu’il n’y a aucune “exploration” sérieuse, audacieuse, aventurière, ouverte à tous les possibles et même au-delà, et surtout au-delà de “tous les possibles”, – aucune exploration du concept “crise”, ce qu’est une “crise”, et surtout cette hypothèse qui vous fait de l’œil :
• ce qu’est devenu le concept opérationnel de “crise” dans une époque si torrentielle, qui en fait si grand usage que la crise est désormais au-delà d’elle-même en même temps qu’elle est devenue l’être même de cette “époque si torrentielle” ;
• ... ainsi, “la crise” devenue le Temps lui-même, bien au-delà et au-dessus de ce qu’on pourrait nommer (je suis sûr que cela a été fait dans l’une ou l’autre des chroniques du site), – un “temps crisique”.
Elle ne fait usage que de cela, de la crise, notre “époque si torrentielle”, puisque devenue “époque crisique”, qui n’est que crise. Dans une telle expansion de son domaine au-delà de toutes les frontières du temps et jusqu’à transmuter le temps lui-même en un Temps qui n’est fait que de crises, la “crise” classiquement conçue doit nécessairement avoir changé de nature ; je dirais même qu’elle a effectivement changé de nature et tiendrais cette hypothèse comme une évidence. C’est cette évidence-là qu’il faut étudier.
A cette lumière, je donne cette définition de la “crisologie” : la science intuitive du phénomène de la crise, c’est-à-dire l’acquisition d’une connaissance par l’intuition appuyée sur l’expérience pour le domaine de l’humain ; soutenue par un savoir d’origine ancestrale sinon éternel, extrahumain et au-dessus de l’humain, qui nous est donnée sans reconnaissance ni autorisation de notre conscience (“à l’insu de mon plein gré” comme dit l’autre), sans aucun savoir ni connaissance, – au-delà, dans l’inconnaissance pure.
Cette citation souvent faite, dont j’ai souvent dit le mystère qu’on ressent comme divin et le stupéfiant hermétisme qui suggèrent les plus hautes audaces dont la pensée pourrait être capable sans en rien savoir de rationnel bien sûr, cette sorte de sensation donné à l’esprit que notre non-compréhension est déjà, en soi, comme l’esquisse d’un au-delà de la compréhension, là où se trouvent l’inconnaissance nécessaire à toute tentative vers l’au-delà, – « ayant renoncé à tout savoir positif », et cela dit par qui l’on sait...
« C’est alors seulement que, dépassant le monde où l’on est vu et où l’on voit, Moïse pénètre dans la Ténèbre véritablement mystique de l’inconnaissance : c’est là qu’il fait taire tout savoir positif, qu’il échappe entièrement à toute saisie et à toute vision, car il appartient tout entier à Celui qui est au-delà de tout, car il ne s’appartient plus lui-même ni n’appartient à rien d’étranger, uni par le meilleur de lui-même à Celui qui échappe à toute inconnaissance, ayant renoncé à tout savoir positif, et grâce à cette inconnaissance même connaissant par-delà toute intelligence. » (Pseudo-Denys l’Aéropage)
Entretemps et dans le droit fil de cette réflexion qui s’étend sur le temps crisique, une expression s’est peu à peu imposée à moi ces derniers mois, ces dernières semaines, imposée par les caractères étranges et extraordinaires des Temps, avant de trouver enfin une représentation écrite : “structure crisique”. Cette expression, déjà vaguement réalisée par l’esprit, a trouvé son emploi pour la première fois dans un texte ce 19 février 2021, puis dans un texte de ce 1er mars 2021 où, en plus, sont proposés le rappel de l’origine maistrienne de cette sorte de concepts, ainsi que des étapes intermédiaires et formatives telles que le ‘tourbillon crisique’ et la contraction du Temps :
• « A cet égard, la crise-Covid est absolument sans précédent ni équivalent d’aucune sorte dans la mesure où elle impose ce que nous nommerions une ‘structure crisique’... »
• « Ce fait en dit long : qu’un texte allemand, intéressant par rapport aux événements courants et concernant la situation européenne dans la structure crisique de la Covid... »
• « C’est bien dans cette combinaison d’événements que l’on trouve les signes de ce que nous décrivons très vaguement et en l’absence de références plus précises, comme une dynamique événementielle d’une dimension et d’une orientation qui dépasse les actes et les volontés humaines, et toutes les tentatives d’organisation (y compris, ô combien, les tentatives complotistes). Nous sommes dans un temps maistrien (de Maistre), où le Temps se contracte au gré du ‘tourbillon crisique’ qui acquiert désormais, depuis Trump-2016 pour commencer et depuis la Covid-2020 pour s’installer d’une façon absolument structurelle, jusqu’à former une structure crisique où nous évoluons. »
Nous avons déjà rencontré le problème, nous l’avons effleuré, nous avons tenté de l’identifier, tenté de le fixer, tenté de le définir, etc., toujours avec des expressions approchantes. Nous pensions deviner intuitivement sa composition, sa importance, son ontologie même ; tout cela, rappelant des tentatives structurelles, au moins à trois reprises entre 2011 et 2014 (mais plus rien après et jusqu’à nous...), ces effleurements accouchant des observations citées dans notre ‘chapô’ de présentation dont on a rappelé qu’il date de septembre 2015, c’est-à-dire d’après ces tentatives...
(Ce que nous voulons dire est que le concept était dans notre esprit, mais nous n’en mesurions ni l’importance, ni la profondeur dans sa haute fonction. Il nous manquait l’intuition qui vient de dehors de nous. L’emploi du passé dans ces remarques signifie que nous jugeons qu’avec les constats faits aujourd’hui, c’est “l’intuition venu du dehors” qui parle, – ou l’“intuition haute“, comme nous la nommons également. C’est une affirmation qui n’engage que nous, notre “pari pascalien” continué si l’on veut, – car nous sommes dans une époque sans-réalité, sans-vérité, sans-rien à cet égard, où c’est à chacun de mener une bataille pour ce que nous nommons la vérité-de-situation, – nous expliquant à ce propos dans notre Glossaire.dde qui constitue notre arsenal dialectique [*].)
On cite ici un passage du dernier texte de cette séquence (du 3 novembre 2014), qui cite lui-même les deux précédentes occurrences et l’expression vient sous notre plume (soit “infrastructure”, soit “structure” d’ailleurs) sans que nous nous y arrêtions plus que cela.
« Ce que nous voulons observer ici, c’est le rapport de ce phénomène structurellement nouveau d’un “bloc antiSystème” en cours d’institutionnalisation et d’affirmation en tant que tel avec ce que nous nommons l’“infrastructure crisique”, qui ne cesse de se renforcer. Pour ce dernier point, il s’agissait du constat que l’activisme constamment paroxystique du Système ne cesse de susciter des crises successives dont aucune ne s’apaise, ayant ainsi créé depuis plusieurs années (depuis 2008-2009 d’une façon systématique et paroxystique) que cette orientation est en marche, une “infrastructure crisique” qui finit par former non plus l’essentiel mais la seule caractérisation possible, conjoncturellement et surtout structurellement, des relations internationales.
» Nous identifiions ce phénomène dès le 14 juin 2011, en notant la modification radicale du concept de crise à cette occasion : “Notre époque a changé la définition de l’événement qu’est une “crise”, en allongeant indéfiniment un phénomène caractérisé initialement par sa brièveté, en l’“institutionnalisant” par la durée, en le structurant en une “structure crisique” qui caractérise la situation du monde.” Quant au concept d’“infrastructure crisique”, la première définition que nous en donnions date du 27 mars 2013 : “[...N]ous dirions que nous assistons à une sorte de “solidification” des crises, d’éléments instables et de courte durée qu’elles étaient en éléments stables et de très longue durée, finissant ainsi par devenir la substance même d’une base fondamentale de la situation générale. [...] Il n’y a donc plus addition de crises, enchaînement de crises, temps [nouveau] caractérisé par la crise, – il y a autre chose, il y a une substance absolument nouvelle, d’une très grande force d’influence qui fait que tout ce qui se passe ne peut être que crisique. Tout ce qui naît, tout ce qui s’installe, tout ce qui se développe dans cette infrastructure devient instantanément “crise”.»
Ce à quoi nous voulons aboutir pour cette esquisse de réflexion, qui trouvera sans aucun doute des prolongements et des approfondissement, c’est à une sorte de constat opérationnel. J’ai complètement conscience qu’il s’agit d’une tentative de conceptualiser une sensation sourde, indéfinie, insaisissable, mais par contre sensation très pressante et ressentie comme d’une très grande puissance. Cela fait croire à sa pérennité et non plus, non pas à un avatar de passage. Cette pérennisation me fait penser qu’il s’agit là d’une nouvelle formule de structuration du temps et des événements mêlés, qui permet de mieux appréhender et comprendre le phénomène général où nous évoluons, et qui évolue lui-même selon ses propres lois.
C’est dans ce cadre que je présente cette hypothèse d’une structure crisique, qui est à la fois la structure du temps et la structure des événements, les deux étant intimement mêlés jusqu’à être transmutés en une seule entité. De ce fait, la structure crisique modifie complètement la forme et l’opérationnalité de ce qu’on nomme “crise”, cela permettant de comprendre l’évolution présente. Bien entendu, la forme des crises en cours (Covid, système de l’américanisme notamment) ont nécessairement facilité et accélère cette transmutation, – sinon, pourquoi serait-elle là, sous la forme qu’elles prennent, – par leurs caractères très diversifiés, très imprévisibles, très longs, complètement insaisissable et hors de tout contrôle, affectant des domaines complètement inattendus. La disparition complète de toute référence pour établir la réalité, encore plus la vérité, avec le développement antagoniste et exponentiel de la communication offrant de multiples versions possibles de la réalité/de la vérité, avec narrative, simulacres, etc., complète ce dispositif en dissimulant la structure crisique pour ce qu’elle est, sa progression se faisant alors en mode dissimulé, derrière un mur opaque de bavardages échevelés, théories extraordinairement complexes et vaines, idéologies folles et vides, etc..
Dans ce cadre, la structure crisique prive “la crise” de tous ses caractères habituels, de développement très rapides et identifiables, de paroxysmes explosifs, d’apaisements libératoires qui suivent ces paroxysmes. Les crises sont, dans la structure crisique, désormais comme un habillage permanent, une intégration constante jusqu’à l’air que nous respirons, qui ne nous heurte pas avec brutalité et sur un sujet donné par instants explosifs mais exerce une constante pression sur nous.
Littéralement et pour reprendre cette analogique, la structure crisique nous oblige constamment, et produit cette conséquence que le fait de la ‘crise’ est devenu une fonction crisique que nous est aussi nécessaire que l’air que nous respirons, et que nous absorbons exactement comme nous absorbons l’air pour notre respiration. Nous ne respirons pas en répétant constamment la formule chimique de l’air ; nous n’absorbons pas la crise en répétant constamment sur quoi elle porte et comment elle se manifeste. En un mot, nous vivons de l’air du temps et de la structure crisique du Temps.
A côté de cela, bien entendu et comme déjà signalé plus haut, nous ne cessons de discuter des apparences disparates et futiles de cette structure crisique, d’en démêler les fils en les emmêlant, d’en désigner triomphalement les instigateurs là où il n’y a rien à instiguer. Comme on l’a dit, tout cela est vain pour ce qui est du but affiché. Ce n’est pas “comprendre ‘la crise’”, tout cela, mais c’est assurer la fonction essentielle d’exhaler, presque d’exsuder la tension extraordinaire à laquelle est silencieusement soumise notre psychologie, qui suit effectivement le rythme de cette structure crisique, et s’inscrit dans le cadre de ce que nous nommons la GCES, structure crisique ultime qui contient tout le reste.
Je l’avoue aisément et on le comprend sans doute, je suis moi-même soumis à ces diverses pressions, expressions et impressions, et donc me posant implicitement comme ‘sachant’ et bien entendu ne sachant rien du tout. Je ne sais même pas, non seulement si “je me suis bien fait comprendre” (certainement pas), mais si je comprends moi-même ce que je veux dire.
Je trouve simplement que l’époque que nous vivons mérite bien, au jour le jour, de telles tentatives. Alors, je vous livre celle-là.
[*] Nous nous réjouissons grandement, et moi-même encore plus, de constater que les textes de cette rubrique Glossaire.dde, certainement les plus longs et les plus compliqués parce que les plus ambitieux sur ce site, sont certainement les plus consultés de toutes les rubriques. Notamment, le texte sur la “vérité-de situation” est sans doute l’un des plus “textes vus/lus”, avec 9395 “visions/lectures” à l’instant où sont écrits ces mots ; résultat d’autant plus remarquable que le texte est du 18 octobre 2015, donc n’ayant bénéficié d’aucun “effet d’annonce”, ni d’un emplacement de nouveauté en première page, puisque la comptabilité des visions n’est effective que depuis fin-2017.
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